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56, avenue de la Grande-Armée, 75017 Paris

Qui est Dieu ? Le Prologue de Jean

Dimanche 12 octobre à 10h30
Louis Pernot
Église protestante unie de l'Étoile à Paris

Qui est Dieu ? Ou plutôt : qu’est-ce que Dieu ? Voilà une question difficile, et les réponses sont multiples. Certains se représentent Dieu comme un vieillard sur un nuage, ou encore comme une présence bienveillante qui s’occupe de nous, règle nos affaires, guérit ici, intervient là, et nous aime. D’autres ont une conception plus philosophique : Dieu serait la transcendance, l’absolu, ce qui nous dépasse ultimement. D’autres encore voient en Dieu un idéal moral : l’amour, le pardon, la grâce, la justice et la paix. Et puis il y a ceux qui ne se posent pas trop la question, mais vivent avec un sentiment religieux, une relation à Dieu, et disent : « Dieu, c’est l’amour à l’état pur. »

Toutes ces approches ont leur valeur. L’idéal serait peut-être de jouer sur tous les registres. Mais aujourd’hui, je voudrais vous parler d’une manière particulière de concevoir Dieu : celle que nous propose le prologue de l’Évangile selon Jean, un texte d’une beauté exceptionnelle et que j’aime profondément, parce qu’il exprime ma propre foi.

« Au commencement était la Parole, la Parole était à Dieu, et la Parole était Dieu. Tout a été fait par elle, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle. En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes. » Ce texte nous dit deux choses essentielles : Dieu est Parole, et Dieu est Lumière. Ces deux affirmations révèlent une conception extraordinaire de Dieu.

Dieu est parole

Affirmer que Dieu est parole, c’est dire beaucoup sur la manière dont on pense qu’il peut agir dans le monde. Dieu n’intervient pas brutalement pour changer les événements, guérir ici, empêcher une guerre là. Dieu agit par la parole. Et une parole, c’est à la fois immensément puissant et extrêmement fragile. Elle ne contraint jamais. Si je vous dis : « Levez-vous », personne ne se lèvera forcément. La parole n’impose rien par la force. Et pourtant, elle peut changer une vie.

Une parole peut bénir, relever, donner confiance ; elle peut aussi blesser, briser, détruire. Elle a une puissance créatrice, mais laisse toujours libre. Dire que Dieu agit par la parole, c’est dire qu’il agit sans contrainte, mais avec une force qui n’est que persuasion, appel, information et instruction. Dieu ne peut peut-être pas empêcher un assassin d’agir, mais il peut lui dire : « Arrête, c’est ton frère que tu t’apprêtes à tuer. » Il ne peut pas empêcher la guerre, mais il peut parler au cœur des hommes : « Pardonnez-vous, aimez-vous, cessez de vous détruire. »

Ainsi, la Parole de Dieu n’est pas toute-puissante matériellement, mais elle est d’une puissance essentielle. Les plus grandes transformations du monde viennent souvent d’une parole plutôt que de la force. Jésus lui-même n’a jamais exercé de violence : il n’avait que la parole, et cette parole a changé le monde.

La parole, c’est aussi la relation. Parler, c’est entrer en communication avec l’autre. Et Dieu, en tant que parole, est un Dieu de relation. Il s’approche, il murmure à notre oreille. Dieu est un « chuchoteur d’hommes », comme on dit d’un « chuchoteur de chevaux ». Il vient parler à notre cœur. Même lorsque nous sommes fâchés avec lui, il continue de parler, de nous écouter, de nous considérer comme des égaux. Dieu n’est pas un souverain lointain : il est celui qui nous parle et nous écoute.

Mais la parole n’est pas seulement relation, elle est aussi contenu. Dieu a quelque chose à nous dire. Il y a un message. Un message qui donne sens à la vie. Et ce message, c’est celui que Jésus nous a transmis : le pardon, le service, la paix, la grâce, la gratuité, la tendresse, l’humilité. Chacun peut l’accueillir ou le refuser. Être chrétien, c’est choisir d’adhérer à cette Parole, d’en faire le fondement de sa vie.

Cette parole, l’Évangile la présente comme créatrice : « Au commencement était la Parole, et tout a été fait par elle. », avec la même expression « au commencement » qui débute la Genèse disant la création du monde. Il s’agit donc d’une nouvelle création. Lorsque nous accueillons cette Parole, elle nous recrée, elle fait de nous de nouvelle scréatures. Et l’on peut dire que cette parole est parole de Dieu parce que, chaque fois que je m’y frotte, elle me transforme, me fait vivre. C’est une source de vie véritable.

Cette parole nous est donnée de deux manières. D’abord, objectivement, dans les Écritures : non pas comme un texte dicté par Dieu, mais comme un message porteur de vie et de sens. Ensuite, subjectivement, dans le cœur de chacun, comme une voix intérieure, la « vox cordis », la voix du cœur, disait saint Augustin. C’est cette parole intime qui nous dit : « Tu es aimé, tu es pardonné, tu es accepté. » Ce n’est pas un amour vague et général, c’est un amour personnel. Dieu m’aime, moi. Dieu me pardonne, moi. Cette voix intérieure, quand on apprend à l’écouter, change une vie. Et ce n’est pasx un appel global à faire le bien, mais une vocation que je peux entendre comme personnelle, « toi, suis-moi... viens travailler dans ma vigne »

Dieu est lumière

Et maintenant, venons-en à la deuxième image : Dieu est lumière. C’est une autre manière merveilleuse de dire Dieu. La lumière évoque la joie, la fête, la vie. Elle s’oppose aux ténèbres, à la peur, au deuil, à la tristesse. Dieu est lumière, c’est dire qu’il nous éveille, qu’il nous met en mouvement, qu’il nous invite à agir. La lumière nous permet de voir clair, de comprendre le monde, de ne plus avoir peur. Comme une veilleuse apaise l’enfant dans la nuit, la lumière de Dieu apaise nos angoisses. Elle éclaire notre chemin, nous aide à comprendre ce qui est important et ce qui ne l’est pas. Elle met de l’ordre dans notre vie intérieure.

Et surtout, la lumière donne la liberté. Car celui qui voit clair peut choisir où il va. « Ta Parole est une lampe à mes pieds, une lumière sur mon sentier » (Psaume 119:105). Ce verset est plus essentiel qu’il n’y paraît : il ne dit pas que la parole de Dieu est le chemin qu’il faudrait suivre, mais qu’elle éclaire notre chemin. Chacun a sa route propre, et Dieu n’impose pas une manière unique d’être. Il éclaire pour que nous trouvions la nôtre. C’est la liberté que Dieu nous offre : une liberté éclairée. C’est aussi ce que Jésus exprime : « Je suis la lumière du monde. Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais aura la lumière de la vie. » Celui qui voit clair peut avancer sns se perdre. Les trois premiers évangiles expriment la même chose par un événement symbolique : Jésus, en guérissant l’aveugle lui donne la lumière, et le rend autonome. Or il ne lui dit pas : « Suis-moi aveuglément », mais simplement lui donne la vue pour qu’il puisse choisir lui-même. Jésus lui rend sa liberté. Il ne pose aucune condition, aucune question sur l’usage qu’il ferait ensuite de cette liberté, il lui rend la vue, tout simplement.

C’est cela que nous faisons dans le catéchisme, auprès des plus jeunes comme des plus grands : non pas imposer une vérité, mais ouvrir des portes. Offrir une lumière qui leur permettra de trouver leur propre foi, leur propre chemin. La vérité de l’Evangile ne rend pas esclave, elle rend libre, c’est bien ce que dit Jésus : « Vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres. ». Pourtant cela pourrait paraître paradoxal : la vérité humaine nous contraint. En calcul, 2+2=4, c’est une vérité devant laquelle nous n’avons pas de liberté. De même si je suis un homme, c’est la vérité et je ne peux choisir d’être un cheval ou un objet. Or la vérité de l’Evangile nous rend libres parce qu’elle indique un projet, une direction, elle nous ouvre des portes, crée des possibles et nous fait découvrir des horizons que nous ne pouvions imaginer. La vérité de l’Evangile rend libre, parce qu’elle donne une connaissance et permet le choix.

Ainsi, pour Jean, Dieu est parole et lumière. Ces deux réalités se sont rencontrées dans un homme, Jésus-Christ, qui est à la fois parole incarnée et lumière du monde. C’est le plus beau cadeau que Dieu ait fait à l’humanité, pas facile à recevoir ou à comprendre, mais essentiel : une parole qui parle au cœur, une lumière qui éclaire la vie. Et celui qui cherche la parole et la lumière les a déjà trouvées, car Dieu les lui donne pour la vie.
Amen.

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