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Pourquoi le culte?

Prédication prononcée le 27 septembre août 2020, au temple de l'Étoile à Paris, lors des confirmations
par les pasteurs Louis Pernot et Florence Blondon

« Rendez un culte à l’Eternel ! ». On trouve cet ordre souvent dans l’Ancien Testament, et nous célébrons des cultes dans nos temples. Mais, en fait, pourquoi ?
Rendons-nous un culte à Dieu pour lui faire plaisir ? Dieu a-t-il vraiment besoin qu’on se rassemble dans des églises pour chanter des cantiques ? Dieu a-t-il besoin de nos prières ? Dieu a-t-il besoin qu’on le loue, qu’on dise qu’il est formidable et merveilleux ? Non certainement pas !

Célébrer Dieu, ce n’est pas pour lui apporter quelque chose, mais c’est se mettre à son écoute, se mettre sous sa bienfaisante présence.

Louer Dieu, ce n’est donc pas pour le flatter mais c’est par un mouvement de reconnaissance. De même, on ne va pas dans un magasin pour faire plaisir au marchand. On ne va pas au concert dans le seul but d’applaudir un musicien, mais on l’applaudit parce qu’on a tant apprécié d’être au concert... Ainsi, louer Dieu, c’est reconnaître tout le bien qu’il peut nous faire, c’est dire combien il est grand et formidable, c’est exprimer une reconnaissance !

Et faire ainsi, c’est bien, d’abord parce que c’est positif, et il est bon de se tourner vers le positif, de reconnaître ce qu’on a pu recevoir. Et puis il est toujours bien de dire « merci ». C’est bien élevé... et au-delà, dire « merci », c’est se mettre en position de pouvoir recevoir encore et encore.

Alors, va-t-on au culte, ou prie-t-on Dieu pour obtenir des choses de sa part ? Normalement non. Mais moi je vous dis que si vous entrez en relation avec Dieu, vous aurez beaucoup. Et c’est là l’un des paradoxes de l’Évangile : Jésus passe son temps à dire que si on cherche Dieu, si on est fidèle, alors on a énormément de bonnes et belles choses : le bonheur, la paix, la joie et l’éternité. Mais en même temps il invite à tout faire gratuitement sans rien attendre, et il enseigne que quand on fait les choses pour obtenir ces récompenses, on ne les a jamais : « qui veut sauver sa vie la perdra... ». Il faut donc tout faire gratuitement, sans rien attendre, mais en sachant quand même que c’est le chemin de beaucoup de bonnes choses pour nous. Ainsi, notre relation à Dieu, notre piété, notre prière, notre culte peuvent nous apporter beaucoup, mais seulement si on ne cherche pas la récompense et si on ne le fait pas pour les obtenir.

Louer Dieu, ce doit être gratuit ! Sans rien attendre. Juste mouvement de joie d’être au bon endroit au bon moment. De faire ce qui est bien et juste.

Cependant quand même, il peut y avoir quelque utilité à aller au culte, à lire la Bible, ou à prier : cela permet simplement de se nourrir intérieurement et spirituellement. Si on ne nourrit pas sa foi, elle s’étiole et s’affaiblit. Et le plus souvent, cela se fait sur le long terme. Il n’y a donc rien à attendre de très précis ou de particulier en venant une fois au culte, il n’y a pas à attendre à pouvoir désigner précisément ce que cela aurait pu apporter, c’est comme avoir une bonne hygiène de vie spirituelle, bien se nourrir, mettre du positif dans sa vie. Et c’est aussi se rappeler ce qu’est le sens du bien, et ce qui est attendu de nous : aimer, pardonner, servir, donner... on a tant tendance à l’oublier ! Et se rappeler que l’essentiel n’est pas dans le visible, pas dans les possessions ou les diplômes, mais dans ce que nous sommes au fond de nous-mêmes, et dans l’amour et la gratuité de la relation à l’autre. C’est essentiel d’avoir ce pôle de rechargement positif, notre vie quotidienne, le monde ambiant, l’univers du travail, les nouvelles sur les media font tout pour toujours nous replonger dans la peur, l’individualisme, le matérialisme... Il faut absolument un contrepoids !

Pour notre vie matérielle, nous avons des procédures afin de progresser et d’avoir ce que nous désirons : pour les diplômes, on peut étudier, pour être en bonne santé, on peut faire du sport, pour avoir de l’argent, on peut travailler dur. Mais si tout cela n’est pas le plus important, que faisons-nous pour l’essentiel, pour notre être profond, pour notre équilibre, notre paix intérieure, notre bonheur, notre harmonie interne ? Il faut aussi consacrer du temps à notre âme, lui donner de la nourriture, l’instruire, l’accompagner, l’éduquer, c’est fondamental, et au moins aussi important que tout ce que l’on apprend aux enfants à l’école, ou ce que nous faisons toute la semaine dans un travail où nous sommes parfaitement interchangeables.

Et puis célébrer un culte à l’Éternel, c’est entrer en relation avec lui. C’est parler à Dieu, l’écouter, penser à lui, le chercher... entrer en dialogue avec lui. Quelle chance incroyable, vous avez : vous pouvez vous entretenir avec le maître du monde ! On me demande souvent d’utiliser mes relations pour permettre à l’un ou à l’autre d’entrer en contact avec quelque dirigeant ou personne puissante... Et bien là, en conduisant le culte, je peux vous permettre de venir rencontrer la plus grande au monde depuis toujours, et vous pourrez lui parler. C’est une chance incroyable, Dieu est immense, mais il vous considère, il ne vous regarde pas comme rien, mais est prêt à vous écouter, et à vous parler. Et quand Dieu nous parle, il dit des choses formidables, qui peuvent changer notre vie.


Et enfin, et ce n’est peut-être pas le moindre, au culte on n’est pas tout seul. Il y a d’autres, des frères des sœurs qui partagent un peu notre foi... notre regard sur le monde. Là aussi, quelle chance de pouvoir partager avec tant d’amis la plus belle nouvelle du monde que nous sommes aimés ! Rien que pour ça je viendrais bien tous les dimanches !!!!


Le culte, c’est comme la fenêtre du prisonnier qui ouvre sur le ciel bleu. Le prisonnier qui est dans sa cellule étroite, fermée, a de quoi déprimer, comme nous dans notre monde angoissant, notre univers étriqué, avec tant de déterminismes qui nous plombent. Or la joie du prisonnier peut être d’avoir une fenêtre qui donne sur l’extérieur. Par là il voit le ciel bleu, peut-être le soleil, un joli paysage. Il entrevoit que le monde ne se réduit pas à ce qui l’entoure, et s’il tourne son regard vers cette ouverture, un instant il s’évade joyeusement, et il sait par-là que le beau existe, que la lumière existe... Chacun de nous avons cette petite capacité à voir au-delà de nous-mêmes, à percevoir quelque chose d’une transcendance qui nous attire vers la vie. Pour certains c’est une toute petite ouverture, pour d’autres, c’est une grande baie vitrée... Tout le monde n’a pas la même foi. Mais ce qui dépend de nous, c’est de vouloir regarder par là. Aller au culte, c’est choisir d’ouvrir cette fenêtre vers le Ciel pour y plonger son regard. Et s’emplir de grâce, de paix, de pardon, de lumière et d’espérance et d’amour.


Mais en fait, ce que nous disons du culte est vrai aussi pour notre propre relation à Dieu. La liturgie du culte met en scène un dialogue entre l’homme et Dieu, et de même notre vie spirituelle est un dialogue avec Dieu : on lui parle, on pleure, on demande de l’aide, on se laisse inspirer, on lit la Bible, on se dispute même avec lui parfois... Mais toujours dans le dialogue : je parle à Dieu et Dieu me parle. Ce n’est jamais un monologue. Ni dans un sens ni dans l’autre, notre relation à Dieu n’est faite ni de demandes incessantes pour lui expliquer ce qu’il devrait faire, ni d'ordres imposés par la Bible comme une morale qui nous serait imposée, mais toujours discussion.

C’est toujours dans la discussion, dans le dialogue, dans la réflexion, dans la parole que notre foi grandit, que Dieu grandit en nous, et qu’il peut faire tant de merveilles.
Mais certes, cela n’est pas facile, il faut entretenir cette relation avec Dieu, et Dieu ne nous dit pas tous les jours des choses essentielles, parfois il ne nous dit rien, il semble absent ou indifférent... Il faut persévérer dans la relation, et dans l’intimité que l’on crée avec Dieu, et l’on finit par le rencontrer et l’entendre...

Ainsi faut-il créer des rendez-vous avec Dieu, des moments privilégiés que l’on programme, que l’on choisit pour chercher à se mettre à son écoute ou dans sa présence. Le culte, la prière, la lecture de la Bible sont des rendez-vous amoureux avec Dieu. Et on ne peut pas toujours faire l’amour à distance ou par Internet. Il est bon autant que possible parfois de se déplacer, se donner le mal d’aller à la rencontre. C’est ça le culte.

Et cela peut faire tant de bien : un moment où l’on est face non pas à la crainte, à la haine ou la laideur du monde, pas face à l’angoisse de l’avenir, mais face à de l’amour, de la confiance, de la paix.

Louis Pernot

Louis a répondu à la question du « Pourquoi » le culte, je vais essayer de répondre à la question du « Comment ».

En effet le déroulement du culte à un sens, une dynamique. La liturgie, succession de temps entrecoupés de chants, n’est pas juste là pour que les retardataires ne manquent pas la prédication. Elle nous dit que le culte est un dialogue, un dialogue entre Dieu et les humains.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, je souhaite rappeler, que la liturgie, telle qu’elle se vit dans les églises luthéro-réformées aujourd’hui encore date de la fin du 19e siècle et qu’elle a été mise en place par le pasteur Eugène Bersier, fondateur de notre temple de l’Étoile. Eugène Bersier a introduit dans le déroulement du culte, ce que l’on nomme « spontanés » ou bien « répons », ces petits refrains repris par l’assemblée qui ponctuent les temps liturgiques, et qui ainsi font participer tous les fidèles plus activement.

Pourquoi peut-on dire que le culte est un dialogue entre l’humain et Dieu ? Certes, la plupart du temps c’est le pasteur qui parle, mais parfois à la place de Dieu et parfois pour les humains. Dans les églises luthériennes, le pasteur se place alors avec l’assemblée ce qui visuellement fait bien comprendre les différentes phases de ce dialogue.

Accueil-Invocation 

On peut également voir le culte comme une invitation que Dieu nous fait. Et lorsque nous arrivons chez lui, il nous accueille, il est notre hôte il nous dit dans son langage : bienvenu, c’est-à-dire la grâce et la paix dont avec, et pour que tout se déroule bien nous sommes accompagnés de mon esprit de bienveillance et d’amour.

Louange

Puis nous répondons en disant combien nous sommes heureux et reconnaissants d’être là. Un peu comme lorsque nous sommes invités chez un ami, et que nous le remercions et nous nous réjouissons d’être ensemble. Et comme le livre des louages dans la Bible, se nomme les Psaumes, il est bien naturel de chanter un Psaume.

Loi

Ensuite Dieu reprend la parole et nous rappelle qu’il nous offre une loi, certes pour vivre le culte, mais aussi pour que nous puissions vivre ensemble au quotidien, et pour que nous restions en relation avec Lui. Et cette loi n’est pas là pour nous contraindre, mais pour nous libérer, comme c’est exprimé dans l’ouverture des dix commandements : « Je suis l’Éternel ton, Dieu qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison de la servitude. » (Ex 20,2)

Confession du péché

Cette loi que Dieu nous offre, nous n’arrivons pas à y répondre en totalité. C’est pourquoi nous pouvons nous présenter devant Dieu, tels que nous sommes, humains et pécheurs.  Car nous sommes assurée de son amour.

Annonce du pardon

Dieu nous dit qu’il nous entend, il nous assure de son pardon

Confession de foi

Nous sommes pardonnés et nous déclarons combien l’amour de Dieu est puissant. Que cet amour s’est incarné en Jésus-Christ et que le souffle de son amour nous relie les uns aux autres et nous relie à Dieu. Il existe bien des confessions de foi, et nous sommes attachés à changer leurs formulations, afin que chacun puisse se retrouver dans l’une ou l’autre. C’est pour cela que semaine après semaine nous varions, et que nous disons bien rarement la confession classique dite « du symbole des apôtres »

Lectures bibliques et prédication

C’est certainement la partie centrale du culte, particulièrement dans notre communauté de l’Etoile. Est-ce Dieu qui parle ? Est-ce l’humain ? La question est pertinente et la réponse complexe, car Dieu a choisi de s’exprimer, on pourrait dire de s’incarner avec le texte biblique à travers les paroles humaines. Et le texte biblique, comme le rappelle Martin Luther ne devient « Parole de Dieu » que lorsqu’il est prêché. Cela peut sembler une lourde responsabilité, pourtant il faut de l’humilité et permettre que la prédication ne soit pas fermée, qu’elle soit une mise en route pour celles et ceux qui l’entendent. Il n’est pas question d’être en accord avec tout ce qui est dit, mais bien de continuer à dialoguer avec le texte, avec les autres et avec Dieu.

Annonces

Il s’agit de partager les nouvelles des uns et des autres et d’annoncer les temps de rencontres proposés par et pour la communauté. 

Offrande

L’église a besoin de toutes et tous pour vivre. Nous sommes donc tous invités à donner, de notre temps, de notre argent. C’est aussi une forme de reconnaissance de tout ce que nous recevons, et d’exprimer ce que nous désirons partager.

Prière d’intercession-Notre Père

Il ne s’agit pas tant d’exprimer des demandes à Dieu - il sait ce dont nous avons besoin - que de lui exprimer notre confiance notre reconnaissance et de dire nos préoccupations pour nous, les autres et pour le monde.

Envoi-Bénédiction

Dieu nous rappelle combien il nous veut du bien, il nous dit sa présence dans tous les temps et les dimensions de nos existences. C’est l’ouverture sur le monde car le culte n’est pas une fin en soi.

Le culte et après ?

C’est ce que nous dit ce petit texte biblique :

21« Je déteste vos fêtes, je ne veux plus les voir, dit le Seigneur. Je ne peux plus sentir vos assemblées solennelles, 22ni les sacrifices complets que vous venez me présenter. Je n'éprouve aucun plaisir à vos offrandes de grains. Je ne regarde même pas les veaux gras que vous m'offrez en sacrifice de paix. 23Éloignez de moi le vacarme de vos cantiques ; je ne veux plus entendre le son de vos harpes. 24Que le droit jaillisse comme une source ! Que la justice coule comme un torrent intarissable » (Amos 5)

Après avoir dit l’importance du culte,  après vous voir incités à venir, à écouter, à essayer de donner du sens à tout cela, voilà quelques versets qui semblent tout remettre en cause !  Pourtant, ce texte n’est pas vraiment une condamnation du culte, mais plutôt la condamnation  de la distorsion qu’il peut y avoir entre nos pratiques cultuelles et notre éthique quotidienne. Ils nous rappellent que le culte n’est pas une fin en soi, mais bien un envoi dans le monde. A quoi sert-il d’aller au culte si nous ne sommes pas capables de répondre à l’appel de Dieu et devenir des artisans de paix et de justice ? D’ailleurs, le mot liturgie vient du grec et signifie au départ : le service du peuple. Le culte est une mise au  service ! Donc la dynamique du culte c’est bien de nous envoyer dans le monde annoncer la bonne nouvelle en paroles et en actes. Le mot « Dabar » en hébreu est le plus souvent traduit par paroles, mais il signifie aussi actions. Ainsi le culte vient irriguer notre relation à Dieu, le dialogue n’est pas interrompu à 11h30, à la sortie au contraire ce que l’on nomme l’envoi ou exhortation et bénédiction, nous dit combien nous avons une responsabilité dans notre monde. Dieu est à nos côtés pour  que nous puissions partager et mettre en œuvre son message d’amour de justice et de paix.

Florence Blondon

 

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