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56, avenue de la Grande-Armée, 75017 Paris

Grâce et vérité : comment Dieu se rend-il présent dans nos vies ?

Dimanche 5 janvier 2025
Louis Pernot
Église protestante unie de l'Étoile à Paris

Comment faire en sorte que l'Évangile ne reste pas qu'une belle idée, mais devienne une réalité incarnée dans nos vies ? Dans cette prédication, le pasteur Louis Pernot médite sur le verset de l'incarnation en Jean 1,14, "la Parole a été faite chair", pour explorer les dimensions complémentaires de la foi chrétienne : la vérité comme adhésion à un message et la grâce comme expérience libératrice de l'amour inconditionnel. Développant la riche métaphore de la tente comme demeure de Dieu — fragile et mobile par nature — il nous invite à penser notre relation à Dieu non comme un devoir ou une dette, mais comme une dynamique vivante de reconnaissance et de joie. Une réflexion profonde qui nous aide à sortir des oppositions faciles entre foi intellectuelle et foi mystique, entre rigueur et générosité, pour habiter pleinement cette tension créatrice au cœur de notre vie spirituelle.

La formule d'incarnation qui se trouve Jean 1:14 « La parole a été faite chair et elle a habité parmi nous pleine de grâce et de vérité afin que nous contemplions sa gloire, une gloire comme celle du fils unique venu du père » est essentielle en théologie, elle explique par ailleurs la suite logique qu'il faut donner à Noël. À Noël nous disons que le Christ est venu dans le monde, qu’il est présent, c’est un fait et nous en parlons tous les dimanches. Jean 1:14 nous explique la manière avec laquelle cette présence du Christ peut être effective dans le monde et comment elle peut être effective dans nos vies.

1. Une parole incarnée

La première chose est cette affirmation que « la parole a été faite chair » cela parle du Christ, bien sûr mais on peut le lilre aussi comme nous disant que l’Evangile ne doit pas être simplement une tournure intellectuelle, ou un message absrait, des valeurs morales, mais cet Evangile doit avoir quelque chose d'incarné. Aussi la foi n'est-elle pas seulement un idéal moral, un questionnement philosophique ou intellectuel, mais elle est une réalité qui doit se vivre dans la chair, qui s'incarne, l'Evangile est une réalité qui se vit. Dieu n'est pas seulement la puissance de l'être dont parlent les philosophes, mais Dieu est cette puissance de vie que je peux trouver au fond de moi-même et qui me fait vivre.

Il y a donc dans la foi en Christ une dimension existentielle que chacun doit découvrir, pour la vivre selon son tempérament, son talent et ses expériences passées. Mais chacun doit trouver que cette parole de l'Evangile doit s'incarner dans sa vie. L'Evangile est une bonne nouvelle qui est à vivre. Pour moi, le Christ est le Fils de Dieu et ne reste qu’un personnage du passé s’il ne vit en moi. Le Royaume de Dieu n’est pas une réalité lointaine, mais il est, « au dedans de vous » comme l’enseigne le Christ (Luc 17:21). Dieu n'est pas un idéal philosophique, moral, ni une réalité lointaine, il est une réalité au fond de nous-mêmes, le coeur atomique de tout ce que nous pouvons être, la source de notre équilibre, de notre être, de notre volonté de vivre ou d’être dans le monde.

Il est vrai que cela n’est pas nécessairement facile, nous n’y parvenons certainement jamais parfaitement, mais, Jean va nous en dire un peu plus et nous expliquer comment cela peut se faire.

2. Grâce et vérité

Jean dit que cette parole, elle prend chair « pleine de grâce et de vérité ». Peut-être y a-t-il justement dans ces deux mots l’essentiel du message du Christ en tant qu’il peut être pour nous source de vie. Il est grâce et vérité. A priori, ces deux mots représentent deux réalités fondamentalement différentes. La grâce s’offre et se reçoit, la vérité s’impose, mais chacun de ces termes est important.

Cette parole de l’Evangile d’abord est vérité. On peut, en effet voir dans l’enseignement du Christ un message, quelque chose d’intellectuel. L’évangile est un message, il a un contenu auquel on peut adhérer ou non. C’est un bon point de départ. Et la foi peut commencer par là : Jésus enseigne un certain nombre de choses concernant l’homme, ce que nous pouvons faire, Dieu, nos relations, et on peut dire qu’être chrétien c’est croire qu’il a raison et que son programme est vrai. Et comme nous l’avons vu, c’est aussi ne pas seulement y croire de loin ou seulement intellectuellement, mais y adhérer en profondeur, et vouloir incarner ce message, en faire sa feuille de route. Cela est bien, mais en même temps l’affirmation que cette incarnation ne peut se faire qu’avec une dimension de grâce est essentielle.

D’abord parce que vouloir faire de l’Evangile son idéal peut être angoissant ou culpabilisant. En effet, je n’arrive jamais à le vivre parfaitement. Et donc si l’Evangile n’était que vérité, je pourrais être condamné et jugé par cette vérité. Mais l’Evangile est avant tout grâce, c’est à dire pardon, générosité et amour. La vérité n’est vivable qu’avec une dose importante de grâce et qui fait que cette vérité, je peux essayer de l’incarner, mais elle ne me juge pas. Et cette grâce est même première, elle vient en fait avant la vérité. L’Evangile ne dit pas que la parole est d’abord vérité, puis enfin grâce pour me pardonner de ne pas arriver à la perfection. Mais elle est d’abord grâce, puis vérité. Je suis d’abord sous la grâce, d’abord et a priori accepté, aimé et pardonné, et c’est alors que je peux écouter une parole de vérité qui me mettra en mouvement. De même que Paul sur le chemin de Damas reçoit le Christ, et ce n’est qu’après qu’il peut dire « Seigneur que ferais-je ? » (Actes 22 :10).

Et donc cette grâce me libère du sentiment d’impuissance et de culpabilité que je pourrais avoir à ne pas être capable d’appliquer l’Evangile ou même à ne pas être en mesure de l’incarner parfaitement.

Par ailleurs, on peut associer grâce et vérité en ce que cela indique qu’il y a deux dimensions dans la foi incarnée. L’une qui est vérité et l’autre qui est grâce. La grâce n’a pas de contenu, elle est juste de se savoir aimé et pardonné. La grâce s’expérimente, la grâce se reçoit avec reconnaissance. Etre gracié est un sentiment de libération totale qui génère une gratitude infinie. Et le message du Christ s’il devait nous révéler une seule chose, une vérité peut-être la plus essentielle, est que nous sommes sous la grâce. Nous sommes aimés et nous sommes pardonnés. Si déjà, l’on reçoit la bonne nouvelle de l'Evangile comme ce message de libération, on fait le premier et le plus grand des pas en avant.

Bien sûr, la grâce n'est pas tout, la grâce se conjugue avec la vérité, la grâce est le premier mot mais pas le seul. Elle suppose ensuite la vérité qui ne s'entend qu'à partir de la grâce première. La vérité ne devient créatrice et positive que quand elle est entendue sous la grâce et non pas comme un jugement ou une condamnation

Entendre le message de la grâce c’est incarner la bonne nouvelle de Noël fête centrée sur la notion de cadeau, de don. or il n’est pas si simple d’accepter de recevoir, d’accepter d’être gracié. C’est pourquoi nous le demandons tous les jours dans le Notre Père où des générations de catéchistes ont voulu nous apprendre que l'on disait « pardonnons nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés », alors qu’il est été écrit textuellement : « remets-nous nos dettes comme nous remettons aussi ceux qui nous doivent ». Bien sûr, l’offense est une dette, mais la demande va beaucoup plus loin. Et c’est bien cela que nous demandons à Dieu : nous aider à sortir de la logique du devoir.

En disant cela, je me surprends moi-même. J'ai prêché déjà sur le fait que les révolutionnaires avaient eu tort de parler de droit de l'homme sans parler des devoirs de l'homme. L'homme a des devoirs, pas seulement des droits. Nous avons des devoirs. Et pourrions-nous affirmer que l’Evangile nous dit que nous n'aurions pas de devoirs et que le message du Christ serait de nous affranchir de toute dette, de tout devoir ? Si l’on prend le texte au sérieux, il faut répondre que finalement : oui. Déjà parce que ce que l'on sait par devoir n'est jamais bien fait, ce que l'on fait par amour est toujours une merveille. Bien sûr, nous avons des devoirs, mais cela ne concerne que les lois humaines. C'est un minimum, nous devons payer nos impôts, nous devons respecter les limites de vitesse. Mais le devoir ne crée rien et ne donne aucune joie. Le devoir, les devoirs ne sont que des garde-fous permettant la vie en société. Laissons la justice humaine mettre ces garde-fous de devoirs. Vis-à-vis de Dieu, nous sommes dans une autre logique qui n'est pas celle de la dette, ni du devoir, mais qui est celle du don, de l'amour et de la reconnaissance. Si je sers Dieu, ce pas par devoir, mais c'est par joie, c'est parce que je ne saurais faire autrement que parce qu'il y a en Dieu une telle source de vie, d'espérance, d'amour que je ne peux rien faire d'autre de mieux que de le servir et de l'aimer.

C'est pourquoi je ne dirais pas que nous n'avons aucun devoir, mais que dans notre foi, dans notre relation à Dieu, nous devons apprendre à nous libérer du sentiment de dette qui nous rend esclave, de devoir qui nous rend esclave, pour être des partenaires de Dieu qui travaillons avec reconnaissance, amour et joie. Ainsi Jésus dit-il : « je ne vous appelle plus serviteurs, mais amis » (jean 15:15).

3. « Il a habité en nous ».

Et tout cela, Jean nous invite à l’intégrer totalement en nous, à le vivre. C’est ce que dit aussi la formule : « il a habité en nous ». Dieu fait sa demeure en nous ! Cette incarnation, cette habitation de Dieu, qui a été développée dans le judaïsme après la destruction du temple de Jérusalem avec la notion de shekkinah : Dieu demeure en nous, et non pas dans des temples faits de main d'homme, il habite dans notre cœur. C'est donc ça. Ne cherchez pas Dieu dans le ciel, il est au dedans de vous, ne cherchez pas Dieu comme une réalité lointaine et inatteignables dans laquelle vous avez du mal à croire. Dieu est le cœur de votre cœur de votre vie, la profondeur de votre cœur. « Vous êtes le temple de Dieu » (I Cor. 3 :16).

Et en même temps, le mot utilisé ici, pour dire « habiter », signifie littéralement « planter sa tente ». Or la tente, est une demeure fragile. Cette présence de Dieu est une présence qui n'est jamais acquise, qui est toujours fragile, toujours à reconstruire, sur laquelle il faut veiller avec la plus grande attention, il faut consolider les piquets, retendre la toile. La présence de Dieu, comme une tente est un édifice fragile, qui n'est jamais acquis. Et ce temple du Seigneur que nous formons est un temple bien imparfait, bien fragile, bien modeste aussi. Ce n'est pas un palais, ce n'est pas une cathédrale, c'est une simple tente.

Et puis, il y a dans la notion de tente une dimension nomade. Ce sont les nomades qui habitent sous des tentes, pas ceux qui sont installés et qui habitent dans des maisons en dur, en brique, en pierre. Dire que Dieu plante sa tente, signifie que Dieu est un nomade. Nomade, parce que, sa présence sa quelque chose d’insaisissable. On croit qu’il est là et il est déjà ailleurs, On croit le trouver à tel endroit, parce qu'on nous a dit qu’il y était, mais quand on arrive il a déménagé. Il n'y est plus, mais il est ailleurs. Donc Dieu est toujours en marche, toujours ailleurs que là où nous pensions qu'il était, Dieu avance toujours.

4. Entendre pour voir quoi ?

Et tout cela pour que nous puissions « contempler ». C’est intéressant : au début nous avions la Parole, et à la fin il est question de voir. Entendre et voir sont nos deux sens principaux. C’est le dernier cadeau de la grâce de Dieu : la vue ! Et pour voir quoi ? « La gloire d’un fils de Dieu venant du père ». Or la gloire, c’est le poids, l’importance, c’est ce qui vaut quelque chose et qui dure.

Et voici, si l’on vit ce beau programme, d’un Evangile que l’on prend pour l’incarner dans son existance, pour y fonder sa vie, si on parvient à y trouver le savant mélange de grâce et de vérité, de rigueur et de générosité, et si on parvient à rester ainsi toujours mobile dans sa quête et dans sa foi, alors on peut voir qu’il y a là quelque chose qui est le plus essentiel, fondamental que notre pauvre existence terrestre et passagère, quelque chose qui est de Dieu parce que c’est la seule chose qui compte pour de bon et éternellement. Alors cela peut donner du poids à notre vie qui peut prendre de la consistance au lieu de rester comme de la paille emportée par le vent. Et on peut voir qu’il y a là quelque chose qui vient de Dieu en tant que père, c’est à dire comme créateur, parce que cette démarche est fondamentalement créatrice dans notre vie, source de vie nouvelle, de résurrection, de nouvelle création, et qui fait de nous des enfants de Dieu.

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