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N'ayez pas peur

Prédication prononcée le 2 juin 2024, au temple de l'Étoile à Paris,
culte des confirmations, par le pasteur  Louis Pernot

 
 

L’injonction « N'ayez pas peur » est un message magnifique et inspirant, on dit que cela se trouve, dit-on, 365 fois dans l'Ecriture, une fois par jour. Je ne sais pas si c'est vrai, mais l’idée est belle pour dire qu’il y a là quelque chose qui doit être une bonne nouvelle pour tous les jours de l'année. Alors, oui, pour aujourd’hui, pour tous les jours de l’année pour toutes les années encore de votre vie, soyez heureux, soyez sereins et ne vous inquiétez pas inutilement. Jésus lui-même nous y invite d’après Matthieu quand il nous dit : « ne vous préoccupez pas du lendemain car à chaque jour suffit sa peine » (Matt. 6:34).

Mais ce n'est pas si simple, ce « N’ayez pas peur », posez un certain nombre de problèmes.

D’abord parce que la question, c’est : n’ayons pas peur... de quoi ? Si on ne le dit pas, cela fait encore plus peur ! Il peut y avoir une peur sans objet. Quand on me dit « surtout n’aie pas peur », j'ai peur parce je me dit que je ne sais pas de quoi je devrais avoir peur, mais si on me dit « n’ayez pas peur » c'est qu'il y aurait des raisons d'avoir peur. Et alors j'ai peur, mais je ne sais pas de quoi. Il faut donc regarder les choses en face, alors, de quoi pouvons-nous ne pas avoir peur ?

La crainte de l’Eternel

D’abord il peut s’agir de la peur de Dieu ! Parce que la peur ou la crainte de l'Eternel, est présentée dans l'Ancien testament comme une qualité essentielle, « heureux celui qui craint l'Eternel » (Ps 112:1) lit-on à divers endroits. Et même dans le Nouveau testament, à maintes reprises quand les disciples voient Jésus faire quelque chose d'extraordinaire, il est dit qu'ils sont « saisis de crainte ». Voilà qui est curieux, on nous répète qu’il ne faut pas avoir peur, mais la Bible ne nous montre que des exemples de gens qui sont dans la peur ou la crainte dès qu’ils s’approchent de Dieu ou qu’ils reconnaissent Jésus sur leur chemin. Alors la crainte, est-elle bonne ou mauvaise ?

Sur ce point j'ai une réponse. Bonne ou mauvaise, je ne sais pas. C'est que cette crainte des disciples était en fait injustifiée et que le signe de leur manque de foi. Jésus ne cesse de leur dire « n’ayez pas de crainte », « n'ayez pas peur c'est moi ». Donc Jésus vient lui-même lutter contre cette peur. Je ne vois pas que dans le Nouveau testament la crainte de Dieu soit montrée comme une qualité. Dans l’Ancien testament, oui, mais pas dans le Nouveau. Il y aurait de ce côté-là une sorte de changement radical de théologie. Dans l'ancien testament, Dieu est un Dieu redoutable et terrible, et Jésus présente justement un Dieu tout différent qui n'est pas un Dieu redoutable mais qui est un Dieu d'amour et de tendresse.

C'est en ce sens qu'il y a cette affirmation si forte dans l'épître de Jean. « L'amour parfait bannit la crainte et donc Dieu est un Dieu d'amour car Dieu est amour » (1 Jean 4:18). Et si Dieu est amour, il n'y a pas de crainte pour Dieu. On passe ainsi de l'idée d'un Dieu sévère, un Dieu qui juge, un Dieu arbitraire même, un Dieu qui domine tout, qui nous écrase de sa-majesté, à un Dieu d'amour, de tendresse et de proximité. Donc il n'y a pas à avoir peur de Dieu. Au contraire, il est votre meilleur ami, il est votre plus proche, il est votre soutien inconditionnel toujours à votre côté, et lui, il est celui qui vous défendra toujours devant tout ce qui peut vous faire peur.

Cela dit, ce n'est pas entièrement vrai que cela ne soit qu’une découverte du Nouveau testament, parce qu'il y a ce « n'ayez pas peur » déjà présent dans l'Ancien testament, surtout dans les prophètes où Dieu, quand il s'adresse au prophète, lui dit régulièrement « al tira », « ne crains point ». Évidemment que ce n'est pas Jésus qui a inventé l'idée de ce Dieu de proximité. Cette idée se trouve déjà dans les prophètes qui sont pour les juifs d'aujourd'hui une Ecriture de moindre importance que la Torah. Mais pour nous, ces prophètes sont plus importants que tous les passages qui présentent Dieu comme étant un Dieu terrifiant et exigeant.

Du coup, quand nous relisons l’Ancien testament qui parle de la « crainte de Dieu », quand on cite les Psaumes, et que l’on lit « l’Eternel est bon pour ceux qui le craignent » (Ps 103:13), je suis toujours gêné, je modifie le texte et je lis « pour ceux qui le cherchent » ou pour « ceux qui le respectent ». Parce que c'est peut-être ça le sens que nous pouvons garder. Finalement, sans rester dans l'idée d'une peur de Dieu, il peut y avoir une notion de respect pour Dieu qui est plus grand que nous. Certes, Dieu est gentil, bon doux, et tendre, mais ce n'est pas notre « pote » non plus. Il est quand même le Dieu de l'univers. Et si Dieu peut me sauver, c'est parce qu'il est puissant et respectable.

Si Dieu n'est rien, je peux avoir peur non plus de lui, mais du monde.

La peur du monde

Car voilà, l'autre raison fondamentale de ce « n’ayez pas peur », qui n’est pas que pour nous enseigner à croire dans un Dieu d’amour sans crainte de condamnation, de mal, ou de jugement. Mais ce « n’ayez pas peur » peut parler d’autre chose, c’est de ne pas avoir peur du monde. Oui, parce que si l'on a une foi qui intègre la la pensée scientifique, si l’on croit que ce n'est pas Dieu qui gère à court terme tous les phénomènes physiques, météorologiques ou matériels, du coup j'ai peur de ce monde, de cette nature, qui peut m’écraser et me tuer du jour au lendemain. Et donc j'ai peur du monde. Et si Dieu n'est plus celui que je crains, je déplace la peur vers autre chose, c'est-à-dire vers ce monde qui me fait peur.

Alors, en quoi est-ce que la bonne nouvelle de l'Evangile peut me garantir contre la peur du monde ? Et aussi contre la peur de l'avenir ? Peur qui est malheureusement quelque chose qui domine notre jeunesse. Notre jeunesse peut vivre à la fois dans une certaine insouciance et aussi dans une peur, peur de l'avenir, peur du réchauffement climatique, peur des changements sociaux, peur du chômage, peur de s'engager même pour créer une famille avec qui quoi comment... peur de tout. Et donc oui la peur est là, et cela sert-il à quelque chose de leur dire « n'ayez pas peur » ? Encore faut-il leur expliquer pourquoi ils n'ont pas à avoir peur.

La réponse se trouve dans le chapitre sur les soucis dans l'évangile de Mathieu. « À chaque jour suffit sa peine » et vous verrez bien parce que les conditions matérielles de votre vie ne sont pas les choses les plus importantes du monde. Que vous réussissez vos études ou pas, ça ne vous empêchera pas d'être quelqu'un de bien, ni d'aimer, ni de vivre pleinement ni même de pouvoir être heureux. Et où que vous viviez que ce soit ici ou ailleurs, vous pourrez toujours trouver sens à votre vie. Parce que le sens de la vie ne vient pas de ce que l'on fait, de ce que l'on réalise ou de ce que l’on subit, mais il vient du simple fait de vivre avec d'autres en relation, d'aimer et de servir. Et donc, pour moi, tant qu’il y aura, d'autres gens autour de moi à aider, d'autres personnes à aimer ou d'autres personnes pour m'aimer, je sais que ma vie pourra toujours avoir un sens. Donc n'ayez pas peur, la crainte des choses matérielles, ce sont les païens qui les craignent, vous vous savez que vous êtes beaucoup plus que tout cela. N’'ayez pas peur pour votre vie, il y aura toujours pour vous une vie belle, épanouie, profonde et enthousiasmante à vivre si vous cherchez non pas les choses terrestres, mais les choses célestes. Si vous vous êtes en quête des trésors qui sont dans le ciel et que vous vous dépréoccupez des trésors qui sont sur terre, si vous cherchez non pas ce qui nourrit le corps, mais ce qui nourrit votre âme.

L’évangéliste Jean d’ailleurs ne cherche pas à dorer la pilule en prétendant que si l’on croit en Dieu tout ira bien : il annonce même pour les croyants des difficultés supplémentaires ! Il dit : « Je vous ai parlé ainsi, pour que vous ayez la paix en moi. Vous aurez des tribulations dans le monde ; mais prenez courage, moi, j’ai vaincu le monde » (Jean 16 :33). Ce « monde » dont parle Jean, c’est le monde matériel, matérialiste, ce sont toutes les questions purement matérielles qui deviennent de seconde importance. Ou encore, comme le dit Paul dans ce si beau passage de l’épître aux Romains : « Rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu en Jésus, ni la vie, ni la mort, ni rien ! » (Rom 8:31-38). Nous possédons là un trésor que personne ne peut nous retirer.

Providence divine

Après est-ce que Dieu ne devient du coup qu’une sorte d'alternative, de contre-monde, il y aurait le monde terrestre d'un côté, le monde spirituel de l'autre, la science d'un côté, la foi de l'autre, et avec une espèce d'injonction d’apprendre à se détacher de ce monde terrestre pour chercher les choses célestes ? Peut-être, mais je laisse la porte ouverte sur le fait que je veux bien quand même, que Dieu ne soit pas totalement étranger au cours du monde, et que, même si Dieu ne gère pas en détail tout ce qui se passe dans le monde, il y a une providence globale et fondamentale en qui l’on peut avoir confiance.

En tout cas, nous ne sommes pas abandonnés, et la solution n’est pas juste dans le devoir que nous aurions d’apprendre à nous élever au-dessus du monde pour atteindre les hauteurs où plus rien ne pourrait nous toucher. Dieu lui-même vient à nous pour nous accompagner, nous aider, et nous donner toute la force nécessaire, l’espérance dont nous pourrions avoir besoin pour avancer pleins de joie et de confiance. Et même, si vous n'êtes pas de grands mystiques, l'Écriture, notre Bible, demeure essentielle, car elle met les choses en perspective et nous enseigne ce qui a de la valeur. Elle permet d'anticiper, de mener une vie juste. Mais il y a plus que cela.

Je crois en un Dieu qui vient à nous, qui nous accompagne, qui nous donne une véritable force, un super pouvoir nous permettant d'être plus forts que tout ce qui peut nous arriver. Il nous procure toute la force nécessaire, l'espérance dont nous pourrions avoir besoin pour toujours avancer dans la joie et la confiance. Comme le dit Jésus dans ce verset de Luc que j'apprécie tout particulièrement pour sa douceur et sa tendresse : « Sois sans crainte, petit troupeau ; car votre Père a trouvé bon de vous donner le royaume » (Luc 12:32). Le royaume, c'est-à-dire la paix en Dieu, n'est donc pas quelque chose à gagner, comme s'il fallait s'élever spirituellement tel un acrobate grimpant à un mât de cocagne pour décrocher un trophée. Le royaume n'est pas à gagner, il est donné. C'est ce Dieu qui s'approche et nous offre sa force, sa consolation, sa tranquillité, son espérance et sa paix.

Tout l'enjeu est de savoir reconnaître les dons de Dieu quand ils se présentent, de discerner les sources et les voies de vie qu'il ouvre sans cesse devant nous. Notre foi consiste peut-être en cela : pouvoir affirmer que dans toute situation, une route de vie nous est ouverte par Dieu. À nous de l'identifier pour y avancer avec confiance, portés par cette force infinie de joie, de paix et de confiance qui émane de notre Père céleste.

Louis Pernot

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Matthieu 6:25-34

25C’est pourquoi je vous dis : Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous serez vêtus. La vie n’est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement ? 26Regardez les oiseaux du ciel : Ils ne sèment ni ne moissonnent, ils n’amassent rien dans des greniers, et votre Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux ? 27Qui de vous, par ses inquiétudes, peut ajouter une seule coudée à la durée de sa vie ? 28Et pourquoi vous inquiéter au sujet du vêtement ? Observez comment croissent les lis des champs : Ils ne travaillent, ni ne filent ; 29cependant je vous dis que Salomon même, dans toute sa gloire, n’a pas été vêtu comme l’un d’eux. 30Si Dieu revêt ainsi l’herbe des champs qui existe aujourd’hui et demain sera jetée au four, ne vous (vêtira-t-il) pas à plus forte raison, gens de peu de foi ? 31Ne vous inquiétez donc pas, en disant : Que mangerons-nous ? Ou : Que boirons-nous ? Ou : De quoi serons-nous vêtus ? 32Car cela, ce sont les païens qui le recherchent. Or votre Père céleste sait que vous en avez besoin. 33Cherchez premièrement son royaume et sa justice, et tout cela vous sera donné par-dessus. 34Ne vous inquiétez donc pas du lendemain car le lendemain s’inquiétera de lui-même. A chaque jour suffit sa peine.

Romains 8:31-39

31Que dirons-nous donc à ce sujet ? Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? 32Lui qui n’a pas épargné son propre Fils, mais qui l’a livré pour nous tous, comment ne nous donnera-t-il pas aussi tout avec lui, par grâce ? 33Qui accusera les élus de Dieu ? Dieu est celui qui justifie ! 34Qui les condamnera ? Le Christ-Jésus est celui qui est mort ; bien plus, il est ressuscité, il est à la droite de Dieu, et il intercède pour nous ! 35Qui nous séparera de l’amour de Christ ? La tribulation, ou l’angoisse, ou la persécution, ou la faim, ou le dénuement, ou le péril, ou l’épée ? 36Selon qu’il est écrit :
A cause de toi, l’on nous met à mort tout le jour.
On nous considère comme des brebis qu’on égorge.
37Mais dans toutes ces choses, nous sommes plus que vainqueurs par celui qui nous a aimés. 38Car je suis persuadé que ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les dominations, ni le présent, ni l’avenir, 39ni les puissances, ni les êtres d’en-haut, ni ceux d’en-bas, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu en Christ-Jésus notre Seigneur.

i Jean 4:17-19

17Voici comment l’amour est parfait en nous, afin que nous ayons de l’assurance au jour du jugement : tel il est lui, tels nous sommes aussi dans ce monde. 18Il n’y a pas de crainte dans l’amour, mais l’amour parfait bannit la crainte, car la crainte implique un châtiment, et celui qui craint n’est point parfait dans l’amour. 19Pour nous, nous aimons, parce que lui nous a aimés le premier.

 

Matt. 6:25-35