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Notre religion est efficace !

Prédication prononcée le 16 juin 2024, au temple de l'Étoile à Paris,
par le pasteur  Louis Pernot

 
 

Efficacité magique ou rationnelle

Quelle est l'efficacité de notre religion ? À quoi sert-il de croire en Jésus Christ ? Pourquoi offrir du catéchisme à nos enfants ? Ces questions sont d'importance, parce que lors d'une précédente prédication, nous avions fait état de cette thèse que l'un des critères de succès possible d'une religion dans l'histoire de l'humanité, c'était que cette religion soit efficace. Si elle ne sert à rien, elle n'intéresse personne. Alors est-ce que le christianisme est une religion efficace pour nous ?

A l’origine du christianisme, on trouve bien cela : il y avait des miracles et des guérisons, beaucoup de choses extraordinaires était promises à ceux qui croyaient en Dieu ou en Jésus Christ, et donc la foi chrétienne était plutôt attractive, il faut le dire. Au XIXe siècle et jusqu'à la guerre de 40, notre France était extrêmement croyante et chrétienne, mais on peut avoir quelques doutes sur la pureté de la motivation de nos prédécesseurs. Dans les campagnes, les gens étaient très religieux, mais en fait surtout pour des raisons superstitieuses. Les paysans vivaient dans la terreur quotidienne, ils avaient peur de la sécheresse, des maladies, des incendies, de la famine, des mortalités infantiles, peur de la nature en général... ils avaient peur de tout, et de toutes ces choses qu'ils ne maîtrisaient absolument pas et devant lesquelles ils se sentaient impuissants. Leur seul recours était de s’en remettre à Dieu, et ils abondaient alors en pratiques, dévotions, processions et adorations en pensant que cela pourrait les préserver de tous ces dangers.

Le problème, c'est qu'aujourd'hui, on n'y croit plus. Les paysans ont toujours peur du climat, mais ils regardent la météo sur leur téléphone plutôt que d'aller prier dans une église, et si la récolte est mauvaise ils se tournent vers l’Europe plus que vers Dieu. Et aujourd'hui, si un couple a du mal à avoir un enfant, il s’adressera plus naturellement à des services médicaux, voire à un psychologue, qu'à un pasteur ou un prêtre.

Cela dit, certaines Eglises aujourd'hui continuent dans ce créneau de la superstition. Elles font miroiter à leurs fidèles des guérisons miraculeuses, et toute sorte de bienfaits concrets dans la vie de celui qui se convertit. A l’extrême se trouve, aux États-Unis ou en Amérique du Sud, ce que l'on appelle la théologie de la prospérité. Si ces megachurchs, au Brésil par exemple, ont tant d'adeptes, c'est qu'on leur fait miroiter que s’ils adorent Dieu, ils seront moins pauvres, ou ils deviendront riches. C'était aussi le créneau de la théologie de la libération il y a quelques années en Amérique du Sud. Le pape s’y est opposé, et il a eu raison, car ce n’est pas ainsi que fonctionne la foi chrétienne.

Certains donc croient encore à ces efficacités surnaturelles, mais cela ne concerne que sur ceux qui sont adeptes de la pensée magique. Et il y a beaucoup de gens non rationnels dans notre société, mais ce n'est pas notre créneau, Ce que nous voulons, c’est de prêcher l'Evangile pour des gens raisonnables, rationnels même, pour des gens qui, comme moi, croient que globalement, le monde est plutôt bien décrit par les lois de la science et de la physique.

Cela n’est pas sans poser de problème. En effet, depuis un peu plus de 100 ans, le progrès de la science a progressivement repoussé le religieux de plus en plus loin. Autrefois, on croyait que la foi pouvait gérer le climat, la fécondité des épouses, les récoltes et un peu tout. Et petit-à-petit, la religion a été évacuée de ces questions. Alors que lui reste-t-il ? A quoi peut-elle encore bien servir ? Si son champ est de plus en plus réduit jusqu’à devenir une sorte de développement personnel, de luxe existentiel, de fidélité aux grands-parents qui avaient la foi pour défendre quelques valeurs, elle risquerait de perdre toute pertinence.

Soutien aux éprouvés

Mais je crois qu’elle n’est pas que cela, et que son champ d’action est d’un autre ordre. Et on peut le démontrer !

Tout d’abord en revenant, comme il se doit, à l’Evangile. On y voit les disciples de Jean-Baptiste venir à Jésus en lui disant, « est-tu celui que nous devons attendre » (Matt. 11:2-6) et Jésus dit regardez « Les aveugles retrouvent la vue, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent et les pauvres sont évangélisés ». Cela peut sembler ramener aux promesses de guérisons exposées tout à l’heure, mais en fait non, tout cela est à interpréter d'un point de vue symbolique et allégorique.

La preuve, c'est la dernière des bonnes nouvelles annoncées par le Christ est que les pauvres sont évangélisés c'est-à-dire qu’ils reçoivent une bonne nouvelle. Si on était dans le domaine matériel on aurait dit que les pauvres reçoivent des pluies de billets de banque ou des montagnes d'or. Mais non ce qui est donné aux pauvres c'est une bonne nouvelle, la bonne nouvelle de l'Evangile, de l'amour de Dieu du pardon et de la grâce. Le pauvre n'est donc pas celui qui n'a pas d'argent mais celui qui se sait pauvre parce qu’il a conscience de son imperfection, de sa misère et de sa pauvreté et pour celui-là, la foi change tout parce qu'elle est pour lui une bonne nouvelle extraordinaire qui lui redonne confiance, qui le remet en marche, qui lui redonne la vue. En fait cette dernière promesse résume les trois premières dans le sens que celui à qui il manque quelque chose, le Christ lui donne en plénitude ce dont il a besoin pour vivre.

Et cela n’est pas rien ! Ce qui est de l'ordre du sens n'est pas rien, il est vrai que celui qui ne se préoccuperait que de sa santé ou du niveau de son compte en banque pourrait dire que cette religion de l'Evangile ne lui sert à rien, mais la santé physique, la richesse matérielle ne sont pas nécessairement les plus importants de notre vie. Il y a d'autres choses qui sont également importantes, voire plus, et là se trouve l'enjeu de l'efficacité de l'Evangile.

Voilà déjà ce que Dieu peut faire pour nous, parce que nous sommes tous plus ou moins pauvres. Quel que soit son niveau de richesse matérielle, le pauvre, c'est celui qui sent dans sa vie, qu'il y a un manque, qu'il y a une pauvreté, une imperfection, quelque chose qu'il n'a pas fait, qu'il n'a pas su faire, qu'il a raté. Et qu'est-ce qui vient combler ce manque ? Ce ne sera de toute façon pas l’argent lui-même, ni les pouvoirs publics. Et il y a cette bonne nouvelle qui est que quoi qu'il arrive, il y a dans l'Evangile en Jésus Christ, soit par la foi directe et personnelle, soit par l'attitude de réflexion, de recherche, de méditation, des textes, soit par la vie communautaire, il y a là quelque chose qui peut donner la vue aux aveugles, rendre l'oreille au sourd, remettre les boiteux en marche, relever les morts, et même à celui qui est pauvre en toute chose, qui lui dit une bonne nouvelle, c'est qu'il peut vivre.

Donc il faut lire tout cela allégoriquement bien sûr. Les aveugles voient... parce que je suis aveugle, que je ne vois pas clairement qui est l'autre qui est Dieu où je vais, et l'Evangile me permet d'y voir plus clair. Les sourds entendent... parce que j'ai tendance à me renfermer sur moi-même et à ne pas savoir d'écouter, mais avec l'aide de Dieu, avec la pratique de l'Evangile, j'apprends à entendre, à recevoir une parole créatrice, une parole qui me recrée, qui me transforme. Si le boiteux marche... ce n'est pas que Jésus lui recolle ses jambes cassées, mais que celui qui est arrêté bloqué dans sa vie, la foi, la prière et l'étude de l'Evangile peuvent lui permettre de se remettre en marche. Et si les morts ressuscitent... oui bien sûr, c’est parce que parfois nous sommes à terre, et dans notre religion il y a une puissance de vie qui peut nous relever.

Et donc ce passage compris au spirituel pour moi me comble ! Croire ne nécessite pas d’être naïf, on peut croire, avoir confiance en Dieu, sans croire en n'importe quoi, et pourtant savoir que cette foi peut nous donner infiniment. Je ne crois pas dans la toute-puissance de Dieu, mais je crois infiniment dans la puissance de Dieu. Je crois qu’il peut donner la vie, relever, aider à guérir intérieurement, mais je ne crois pas qu’il puisse absolument tout même en contredisant les lois de la nature. Certains disent que si Dieu n'est pas tout-puissant il n'est plus Dieu, il n'est rien. Mais non, Dieu ne fait peut-être pas n’importe quoi, mais il ne fait pas rien, et ce qu’il peut faire pour nous, aujourd’hui est infiniment important.

Parce que « l'homme ne vivra pas de pain seulement » (Matthieu 4:4), la vie, la santé, toutes ces choses-là sont des choses importantes, mais pas tout. Et quand on a des enfants on doit les élever, les nourrir, veiller à leur bonne santé, et leur apprendre des tas de choses, à lire, écrire, à nager, faire du tennis... Mais l'éducation, ce n'est pas que de la nourriture, ni de l'instruction ou de l'école, si on ne donne pas à ces enfants une profondeur, des valeurs, un engagement, une relation de qualité, quelque chose qui les structure, certainement qu'on manque quelque chose.

Et donc voilà, première merveille de l'efficacité de Dieu, il donne la vie au-delà du matériel.

Renoncer pour obtenir

Mais dans ce que nous avons dit, il y a quelque chose qui ne va pas. Jésus a dit, en effet, par ailleurs, « qui veut sauver sa vie la perdra et qui perdra sa vie à cause de moi la trouvera » (Matt. 16:25). Et donc vouloir faire l’apologie du christianisme en disant, "Croyez en Dieu, venez ici dans notre église, et cette religion vous fera un bien infini", est complétement à contre-pied par rapport à l'Evangile. Ce que nous avons dit n’est pas faux, mais le paradoxe, c'est que, certes, notre foi peut transformer notre vie, mais elle ne le fera que le jour où nous cesserons de désirer qu'elle la transforme.

Nombre de personnes viennent voir le pasteur en lui disant, « je veux faire une démarche, je veux travailler ma foi, parce que je pense que ça me ferait du bien ». Ça ne marche jamais. Et cela peut s’expliquer. La raison, c’est que la foi en Jésus Christ nous sauve en ce qu'elle nous décentre de notre égoïsme. La racine de la plupart de nos souffrances, c’est l’égocentrisme, c’est de croire que nous serions importants et de tout voir par rapport à nous-mêmes.

Le salut par le don et le travail

Il y a un autre texte qui permet d'expliciter cela, une promesse, extrêmement paradoxale du Christ, quand il dit, « Venez à moi vous qui êtes fatigués et chargés et je vous donnerai du repos » (Matt. 11:28). Cela semble bien dans le sens des promesses que nous avons évoquées au commencement. La foi est tellement merveilleuse comme soutien, force, consolation. Mais ce qui est curieux, c’est que Jésus précise comment il compte nous aider : « car mon joug est aisé et mon fardeau léger ». Voilà qui est paradoxal. Il ne promet pas de porter la charge de celui qui est chargé, mais de lui en ajouter une autre... ni de laisser se reposer celui qui est fatigué, mais de lui poser un joug sur le cou. Or le joug, c’est précisément ce qu’on mettait sur les bêtes de somme pour les faire travailler. Voilà comment Dieu prétend nous donner du repos, c’est en nous mettant encore plus de charge et en nous donnant du travail supplémentaire !

L’explication peut-être justement que ce joug, cette mission et cette charge que donne le Christ, peuvent, en effet, faire du bien à celui qui peine, en le détournant de sa propre charge. Le vrai problème, c’est quand on rapporte tout à soi. Voilà l’ennemi de tout, de notre équilibre, de notre bonheur, de la qualité de nos relations, de la société, c’est l’individualisme. L'égocentrisme, détruit tout. Cela détruit sa relation à l'autre, ça détruit la société et ça détruit l'individu lui-même et le rend fondamentalement malheureux. Ce n'est pas pour rien que cet égocentrisme a un nom pour nous en théologie, c’est le péché originel évoqué en Genèse 2 et 3. Il ne s’agit pas d’un péché historique, mais du péché qui est à la base, à l’origine de tout problème de l'humain. Ce péché originel, consiste à se prendre pour Dieu, c'est-à-dire le centre du monde, la chose la plus importante, comme si tout devait tourner autour de soi et pour soi. Ainsi Eve prend le fruit et le donne à Adam en disant qu’elle « le trouve bon à manger, agréable à la vue et propre à donner du discernement » (Gen. 3:6). Voilà le péché originel : prétendre déterminer ce qu’est le bien et le mal à partir de sa propre expérience et de déclarer universellement bien ce qui nous plaît. Se mettre au centre voilà la cause de tous les maux.

L’antidote au péché originel

Cette rencontre avec le péché originel dans notre réflexion conduit à un autre paradoxe : nous avons dit, en effet, que notre religion est désirable parce qu’elle fait du bien, qu’elle est agréable, et qu’elle est bonne à donner du discernement. En effet, par-delà la foi, quand on lit l'Ecriture, on discerne mieux ce qu’est le bien, ce qu’est le mal, et cela nous aide à bien nous orienter dans la vie. Mais n’est-ce pas là très précisément le discours du serpent tentateur ? C’est peut-être pour cela que Jésus, dans sa promesse, nous propose quelque chose qui n'est absolument pas vendeur. Il ne dit pas, je vais porter la charge à votre place, mais il promet une charge supplémentaire et même dans d'autres passages des persécutions en outre. Et ce précisément parce que cette mission qu'il nous confie, cette charge qu'il nous donne, nous permet de sortir de notre préoccupation égoïste et nous ouvre alors le chemin de la vie et du bonheur.

L’Evangile nous sauve en ce qu’il nous donne une préoccupation autre que la nôtre en nous ouvrant sur le prochain, sur la mission, sur Dieu, sur l'utilité que nous pouvons avoir et non pas sur l'utilité que pourrait avoir la religion pour nous. Le Christ inverse complétement le système. Et c'est ainsi que, notre religion nous sauve parce qu'elle nous repositionne complétement dans un autre sens. Elle nous libère de la tentation originelle mortifère et cause de tous les dérèglements et de toutes les souffrances en nous nous reprogrammant autrement.

Une religion « pour rien »

On peut même penser que chercher l’utilité de la foi est mal poser la question. Pour donner envie de rejoindre notre religion, on peut avoir envie de présenter quel avantage il peut y avoir à y adhérer, mais en fait, ette préoccupation même nous fait sortir de la logique de l’Evangile. On peut être tenté de croire ce que disent certains qu’une religion ne peut avoir du succès que si elle est efficace pour ceux qui y adhèrent, mais ce n’est peut-être pas juste. Et il y a même un contre-exemple absolument frappant. C’est la Réforme !

Historiquement, la Réforme protestante a eu un succès considérable. Aujourd’hui, en France, on n'est pas très nombreux, mais le protestantisme représente 37 % du christianisme mondial. Or le protestantisme a fondé toute sa foi sur l'inutilité de la foi. En effet, au Moyen-Âge, on incitait les gens à être pratiquants en leur disant qu’en étant de bons chrétiens ils sauveraient leurs âmes et gagneraient le paradis pour la vie éternelle. Il y avait là un argument fort. Mais la Réforme a tout bouleversé en proclamant la grâce première et toute-puissante. A l’extrême, la prédestination calvinienne affirmait que le salut était quoi que l’on fasse offert par décret divin, invitant à être fidèle et à faire le bien gratuitement, sans rien à avoir à gagner en plus. Il n’y avait donc plus de pratique intéressée mais une démarche gratuite sans rien attendre en retour et sans aucune promesse d'efficacité pour le croyant. La base de la foi réformée, c’est la grâce, la gratuité, et le désintéressement puisque le fondement, c’est l’amour et que l’amour véritable ne peut qu’être désintéressé, sinon ce n’est plus de l’amour, mais du calcul.

Et pourtant la Réforme a été un grand succès !

La grâce et la gratitude

Mais est-ce que cela n’apporte vraiment rien au croyant ? On peut penser le contraire. Même si l’utilité de la foi n’est donc pas la motivation. Cette assurance de la grâce première, l’annonce de cet amour infini de Dieu, cet accueil inconditionnel, et ce don infini donnent un sentiment de reconnaissance, de liberté et un enthousiasme pour s'engager et œuvrer dans le monde. Et c’est ainsi que le système réformé a fonctionné. Mais peut-on dire que la joie et la reconnaissance ne servent à rien ? Oui, à rien de matériel sans doute, mais c'est peut-être le don le plus précieux en fait. La joie et la reconnaissance sont les meilleurs carburants de la vie. Tout à l’heure, nous disions, en fonction de la réponse de Jésus aux disciples de Jean, que la foi pouvait apporter beaucoup dans tous les manques et les difficultés. Mais notre religion n’est pas seulement une aide, un soutien, une consolation, l’Evangile de la grâce apporte à tous, dans toute situation, la chose la plus précieuse de la vie qui est d’être aimé, accueilli, et de mettre dans le cœur de la joie et de la reconnaissance. Cela ne sert à rien de matériel, mais le matériel n’est pas tout. Et précisément cela montre que le plus précieux n’est pas d’ordre matériel. L’essentiel est invisible pour les yeux comme dit justement le renard du Petit prince. Et « l’homme ne vivra pas de pain seulement... » (Matt. 4:4). Pour vivre, pour bien vivre, j’ai besoin moi d’être aimé, de me sentir heureux et joyeux et d’avoir une source d’harmonie, de bien et de beau.

Cela se rapproche de l’art. A quoi sert l’art ? Matériellement à rien. Une œuvre d’art n’a pas d’utilité. Le beau n’est pas indispensable pour survivre. A quoi sert-il d’avoir un appartement, une maison qui soient beaux plutôt que moches et sales ? Matériellement, tant qu’on a un toit et un lit ça devrait suffire. Mais voilà, en fait, ça change beaucoup, parce que nous avons besoin d’harmonie et de joie. Nous en avons besoin infiniment pour bien vivre, et même pour vivre. C’est ça que le monde matériel ne peut pas comprendre. Et c’est dans ce domaine qu’intervient précisément la religion : mettre du beau, de l’harmonie, de l’amour, de la tendresse, du pardon, de la grâce et de la gratitude dans sa vie, et ça change tout.

Ce qu’apporte la foi pour soi et pour le monde

Ainsi la foi en Jésus Christ est-elle une merveille d’efficacité pour le croyant, certes par des procédés complexes mais néanmoins réels. L’efficacité tient au fait qu’il s’agit d’une refondation complète de toute la vie, en la mettant dans le sens opposé à la logique du monde. L’Evangile permet de renverser cette logique naturelle individualiste, égoïste et utilitaire qui est celle de l'homme naturel et cela a des conséquences énormes du point de vue personnel et aussi du point de vue social.

D’abord d’un point de vue personnel, parce que croire dans un Dieu d’amour et de pardon, ça fait du bien pour soi, et aussi ça change la vie. Un psaume, parlant des idoles, dit que ceux qui mettent leur foi en elles deviennent comme elles. (Ps 115:8). C’est sans doute vrai, on finit par ressembler à ce en quoi l’on croit ! Cela, bien sûr se fait sur le long terme. Il ne suffit pas de se convertir au christianisme pour être instantanément transformé, et le chrétien n’est pas nécessairement meilleur que celui qui ne l’est pas, mais on peut penser que le croyant devient meilleur que ce qu’il serait s’il n’était pas croyant. La foi est un élément constitutif de notre construction. Cela se joue donc d’autant mieux sur le long terme. D’où l’importance d’offrir cela aux enfants pour les accompagner dans leur croissance d’être humain et de leur permettre de se construire dans une visée positive qui ne peut que leur faire du bien et les rendre ensuite aussi positifs pour leur entourage et pour le monde.

Et c’est là le second aspect, aussi d’une grande importance. La religion, en effet ne se préoccupe pas de l’individu isolé, mais le considère toujours en relation avec les autres et comme étant dans le monde. Le mot même « religion » peut être vu comme venant du latin « religere » signifiant « relier ». Et il y a là quelque chose que l’on peut mettre au crédit de l’utilité de notre religion. S’il faut renoncer à chercher une utilité pour soi, certainement, une bonne religion est infiniment utile pour le monde !

On se rend compte à quel point une religion peut changer le monde, par l’exemple opposé de religions qui dysfonctionnent, comme l’intégrisme islamiste prônant le rejet de l’autre et la violence. On observe facilement aujourd’hui qu’un certain nombre de personnes adhérant à un système pervers parviennent à avoir une influence néfaste sur le monde entier, avec des conséquences dramatiques sur des milliers d’individus, mais aussi dans les domaines social, politique et même économique. Certes, il est plus facile de faire du mal que du bien, de détruire que de construire, mais on voit à quel point une idéologie peut changer le monde. Et l’on peut croire ainsi que si nous avons des communautés militantes pour la fraternité pour la solidarité pour la paix pour le désintéressement et pour l'attention à l'autre, cela peut franchement changer le monde. Nous avons ainsi une mission importante, et la religion, là, peut faire quelque chose d’efficace.

En effet, on peut douter qu’il soit vraiment possible de changer l’homme. L’homme a-t-il progressé en 2000 ans ? C’est une question. Les philosophes des XIXe et XXe siècles pensaient qu’en tout cas, la société pouvait progresser. Et cela est visible sur bien des points, aujourd’hui, dans les sociétés civilisées, l’esclavage a été aboli, on ne se divertit plus en donnant à manger des chrétiens à des lions, la peine de mort n’est plus un spectacle réjouissant, et les sociétés civilisées sont beaucoup plus accueillantes, solidaires et attentives à chacun.

Je crois donc que notre religion peut contribuer améliorer le monde, et que chaque croyant est un ferment essentiel permettant d’instiller progressivement dans le monde, par son témoignage, par une adhésion assumée et publique, des éléments de grâce, de bonté, de paix essentiels. Il y a dans l’Evangile une proposition d'un mode de vie de valeur pour le monde et pour une société et une façon de vivre en société.

Reprogrammé pour une vie durable

Et puis enfin cette foi qui est la nôtre est vraiment extraordinaire. Elle apporte tant et tant par sa dimension spirituelle, aussi bien pour celui qui a eu la chance de la découvrir que pour le monde. Pour le croyant, ce trésor peut se trouver dans le sentiment de la présence de Dieu qui est vraiment une merveille. Tout le monde n’est pas également sensible à cela, mais chacun peut découvrir, développer, entretenir ce sentiment qui est un trésor absolu pour la vie. Et cette richesse de la foi chrétienne peut aussi se trouver dans sa dimension intellectuelle parce qu'elle fait réfléchir, elle donne des bonnes propositions de valeur, de programme de vie, d'engagement. Le message de l’Evangile n’est pas juste une petite morale, il refonde, reprogramme d'une autre manière toute notre existence en lui donnant une force une dimension à toute épreuve et une positivité pour soi et pour le monde. Et c’est là certainement un beau cadeau que de l'offrir à ses enfants pour les préparer à la vie et à être de bonnes personnes dans le monde.

Et ce n’est pas seulement bon pour ceux qui auraient des difficultés. Même pour ceux qui sont chanceux ou qui sont favorisés matériellement, la foi est une colonne vertébrale essentielle sans laquelle tout risque de partir à la dérive. Le fait d’avoir des chances, ou de l’aisance, ou de l’argent dans une famille ne garantit absolument pas que les générations suivantes parviennent à maintenir cette qualité morale et même matérielle. Pour maintenir, il faut ne pas transmettre seulement des choses concrètes, mais parvenir à donner aussi une foi, un attachement à la religion structurant la vie, sans quoi la facilité ne devient qu’un piège n’amenant qu’à une sorte d’hédonisme vain. Celui qui perd son âme finit par se perdre lui-même, il risque de n’avoir plus de racine et de ressembler à une fleur coupée dans un vase. Cela peut faire illusion un certain temps, mais pas longtemps, et met en grand danger la personne qui risque de perdre toute fécondité et d’être condamné à périr desséché.

Et voilà notre foi chrétienne qui est si paradoxale, il n’est pas simple d’expliquer de quelle manière elle peut sauver l’individu et construire un monde meilleur. On peut vouloir dire combien elle sert à quelque chose, mais en même temps elle ne peut se compromettre avec le moindre utilitarisme. Elle n’est que gratuité, et si elle sert à quelque chose, c’est surtout sur le temps long de la construction, en tant qu’elle est le meilleur des fondements. Elle est une source de vie, une source d'équilibre, de force, de bonheur, de réussite profonde. Cette foi chrétienne est un vrai trésor pour vous, pour le monde pour tout ceux que nous aimons.

Veillez dessus comme sur la prunelle de vos yeux... pour vous, offrez-le à vos enfants et vous leur aurez donné la chose la plus précieuse au monde. Veillez toujours avec le plus grand soin sur cette petite flamme de l'esprit qui brille en vous et sur cette foi si extraordinaire que nous avons reçu et qui aujourd'hui peut faire vivre tant de monde et qui aujourd'hui peut nous sauver et sauver le monde.

Louis Pernot

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Matthieu 11:2-6

2Or Jean, dans sa prison, avait entendu parler des œuvres du Christ. Et il envoya dire par ses disciples : 3Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? 4Jésus leur répondit : Allez annoncer à Jean ce que vous entendez et voyez : 5Les aveugles recouvrent la vue, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent et la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres. 6Heureux celui pour qui je ne serai pas une occasion de chute !

Matthieu 11:28-30

28Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos. 29Prenez mon joug sur vous et recevez mes instructions, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez du repos pour vos âmes. 30Car mon joug est aisé, et mon fardeau léger.

 

 

Matt. 11:2-6, Matt. 11:28-30