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Jésus et la femme adultère

Prédication prononcée le 3 juillet 2022, au temple de l'Étoile à Paris,
par le pasteur  Louis Pernot

Une parabole de la grâce

Le récit de la femme adultère relevée par Jésus est particulièrement connu et important. La femme est libérée par Jésus de ceux qui voulaient la lapider avec cette formule célèbre « que celui qui est sans péché jette le premier la pierre » est, au-delà de sa célébrité, ce texte nous donne l’expression la plus extrême de la grâce.

On enseigne souvent que Dieu pardonne, mais seulement si on lui demande pardon, ou que Jésus guérit mais qu’il faut pour cela qu’il y ait soit une demande, soit une confession de foi. Or ici Jésus pardonne et relève la jeune femme, alors qu’elle ne demande rien, ne confesse pas sa foi et n’exprime aucune repentance. Pourtant Jésus la libère et lui dit : « je ne te condamne pas ». Ainsi voit-on que Dieu peut donner son pardon sans qu’il y ait la moindre condition de notre part. Dieu vient à nous et nous sauve juste parce qu’il nous aime et qu’il compatit à notre souffrance ou à notre sort. C’est ce même Dieu qui est présenté au début de l’Exode, quand il apparaît à Moïse sur le mont Horeb au sein du buisson ardent (Exode 3). Dieu qui sera appelé YaWeH dit à Moïse : « j’ai vu la souffrance de mon peuple... je suis venu pour le délivrer » (Exode 3:7-8). Il ne dit pas qu’il va libérer le peuple parce qu’il se serait montré particulièrement pieux ou fidèle, ou qu’il aurait crié vers lui, juste parce qu’il a compati à ses douleurs.

Ne pas jeter la pierre, certes, mais...

Ce que l’on retient habituellement de ce texte, c’est qu’il ne faut pas « jeter la pierre », c’est-à-dire qu’il ne faut pas être comme les méchants lapideurs qui condamnent les gens, parce que dans le fond, aucun de nous n’est parfait. Le message serait alors un peu le même que celui de l’histoire de la paille et de la poutre (Matt. 7:3-5) : je jugeons pas les autres, et ne nous laissons pas culpabiliser par les donneurs de leçons qui ne sont pas forcément meilleurs que nous !

Mais cela ne rend pas justice à la profondeur du texte. Il reste plein de choses curieuses dans le récit dont cette explication simple ne rend pas compte. En particulier dans le comportement compliqué de Jésus qui se baisse, se relève, se rebaisse et se relève, et surtout le fait qu’il est dit que Jésus écrit à deux reprises sur le sable. L’enseignement de Jésus était exclusivement oral, il n’a jamais rien écrit, sauf une seule fois, là. Et ainsi les théologiens se demandent depuis 2000 ans ce qu’il bien pu écrire. On peut en avoir une idée, nous allons le voir ! Mais pour cela, il faut entrer un peu plus en profondeur dans le récit. Et on peut le faire en le regardant du côté de la femme, chacun de nous doit se dire : « je suis la femme adultère », et ainsi se demander à quelle situation cela peut correspondre dans notre vie, et que nous fait alors le Christ.

La faute de la jeune fille

La première question est donc de savoir ce qu’a fait exactement cette femme, de quoi est-elle coupable ? Le texte parlant d’adultère, on pense à une femme qui aurait trompé son mari. (Disons au passage que la loi juive ne condamnait alors à mort pas seulement la femme, mais aussi l’amant !). Mais ce n’est pas ça. La tradition juive dit que dans ce genre de situation la femme (comme d’ailleurs l’amant) devait être étranglée et pas lapidée. La lapidation était réservée pour un cas bien précis qui est celui de la jeune fille fiancée qui n’aurait pas su attendre et aurait consommé l’union avant le mariage. Du temps de Jésus, les jeunes filles (entre 13 et 16 ans) devaient être fiancées et le rester pendant un an. Celles qui couchaient avant la fin de leurs fiançailles devaient être lapidées. Cela ne se passait pas, comme on le pense, avec une multitude de petites pierres, la procédure était bien réglée : on faisait tomber la jeune fille par terre pour qu’elle soit couchée, ensuite on prenait une grosse pierre, si grosse qu’il pouvait falloir plusieurs personnes pour la soulever, et le plus ancien de l’assistance devait la jeter sur la jeune fille au sol pour l’écraser !

En quoi pouvons-nous nous identifier à cette fiancée ? C’est assez évident pour quiconque est familier de la tradition biblique. Depuis l’Ancien Testament, il nous est dit que la relation de l’homme avec Dieu est imagée par la relation de la fiancée avec l’époux. Ainsi le Cantique des cantiques explicite-t-il en 8 chapitres ce qu’est la relation entre Dieu et l’homme par un chant d’amour mutuel, et le Christ reprendra à maintes reprises cette symbolique en se présentant lui-même comme l’époux, et en prononçant plusieurs paraboles mettant en scène des noces, des vierges attendant l’époux, jusqu’à Paul qui dira explicitement : « je vous ai fiancé à un seul époux pour vous présenter au Christ comme une vierge pure » (II Cor. 11:2). Nous pouvons donc nous considérer comme les fiancées du Christ, et du coup invités à vivre pleinement ce temps des fiançailles : apprendre à mieux le connaître, nous approcher de lui, entrer progressivement de plus en plus dans son intimité. Il y a tout ce travail essentiel des fiançailles que nous devons faire avec lui pour avancer vers ce but désiré de parvenir à une union parfaite où nous vivrions pleinement dans l’amour de Dieu pour être transformés, fécondés par son amour afin de devenir une nouvelle création.

Dans ce cadre, l’erreur de la femme a été de ne pas savoir attendre, de vivre comme si elle était déjà arrivée au but, comme si elle n’avait plus rien à faire pour progresser vers son fiancé, comme si elle n’avait pas à chercher à mieux le connaître, elle a coupé court à tout travail d’approche. C’est le danger qui nous menace tous dans notre chemin de foi, dans notre quête spirituelle, de baisser les bras, et que nous fassions comme si notre foi était parfaite, ou tout au moins suffisante, comme si nous n’avions plus besoin de cheminer vers Dieu, comme si nous connaissions suffisamment l’Evangile, et que notre foi était suffisante.

C’est une erreur fondamentale. Il demeure toujours de l’imperfection en nous, nous pouvons toujours nous convertir au Seigneur plus que nous ne le sommes, nous pouvons devenir meilleurs, aimer Dieu davantage, et notre prochain aussi. Il y a toujours à faire pour travailler sa foi, peaufiner sa vie. Pour ça, il faut conserver le désir des fiançailles. C’est ainsi que Jésus dans le commencement de son enseignement, lors des Béatitudes (Matt. 5:3), ne dit pas « heureux ceux qui ont une foi suffisante, ou qui sont riches spirituellement », mais « heureux ceux qui sont pauvres spirituellement »... et qui le savent, pour pouvoir désirer encore s’approcher de Dieu. Avoir soif de lui, et être demandeur d’Esprit est essentiel pour avancer dans sa vie et avoir une foi vivante.

Le risque de se croire arrivé et de ne plus être en quête est de s’arrêter. Or la Bible dit du début à la fin que la seule manière pour l’homme de vivre heureux, c’est d’être en route, en chemin, en marche. Depuis ce peuple montré comme cheminant dans le désert jusqu’à Jésus qui « n’a pas un lieu où reposer sa tête » (Mat. 8:20), le croyant est appelé à être un pèlerin, et c’est dans la marche qu’il peut être heureux et s’épanouir. Celui qui n’a plus de désir d’avancer tombe par terre et n’a plus qu’à attendre le rocher de la mort.

Les raisons de ce désengagement peuvent être diverses, ce peut être par une sorte d’orgueil, de celui qui se croit parfait. Alors en effet, pour lui la culpabilité le menace, si on se pense ainsi, nos imperfections nous sautent au visage, le jugement objectif de la vérité crue nous devient insupportable. Mais ce peut être aussi une forme de découragement : celui qui a un idéal trop élevé risque de se dire que c’est trop dur, qu’il n’y arrivera jamais, il abandonne alors en se laissant tomber. Dans tous les cas, vivre c’est toujours attendre quelque chose. Soit le Christ, soit la mort. De toute façon, l’idée de ne plus avancer est la plus absurde qui soit : le temps, le vieillissement et la mort, eux avancent et nous rattraperont. C’est pourquoi la seule manière de vivre sans aller vers la mort est de vivre en désirant ardemment s’unir à Dieu et au Christ qui sont les seuls vivant éternellement.

Méthode de Jésus pour nous relever

Que fait alors le Christ pour relever et remettre en route cette pauvre femme immobilisée, écrasée, culpabilisée et condamnée ? C’est compliqué. Très compliqué. Il est plus facile de tomber que de se relever. Plus facile de condamner que de remettre en marche.

D’abord, il se baisse (la fille était par terre rappelons-le). Voici la première chose que Dieu fait pour nous : il s’approche, il s’abaisse jusqu’à nous, il ne nous regarde pas d’en haut pour nous juger. Il ne dit même pas une sorte de grâce générale et collective, il vient au plus près de chacun de nous, même quand nous sommes au plus bas pour nous prendre en considération personnellement.

Ensuite il est dit que Jésus écrit sur le sable. Voici la question donc : qu’a-t-il écrit ? Pour répondre à cette énigme, un élément peut être trouvé dans la méthode d’interprétation juive des textes bibliques que l’on appelle le Rémez : tout texte biblique renvoie à un autre, il est toujours bon de chercher à quel autre texte antérieur un passage peut faire allusion. Ici on voit Jésus écrire sur le sol quelque chose avec son doigt, y a-t-il quelqu’un d’autre dans la Bible qui aurait fait pareil ? La réponse est oui ! Et c’est Dieu lui-même. En Exode 31:18, lorsque Moïse reçoit la Loi de Dieu au mont Sinaï, il est dit que Moïse a pris les tables écrites par le doigt même de Dieu sur la pierre. Ainsi voit-on dans notre texte Jésus prendre le rôle de Dieu pour donner une nouvelle Loi. On remarque d’abord que nous restons dans le même environnement que celui que nous avions évoqué au départ : on était avec le Dieu de grâce YHWH au Buisson ardent sur l’Horeb, et maintenant un peu plus loin au Sinaï avec le don de la Loi.

La Loi donnée par Dieu ne se voulait pas un code de jugement, mais un viatique pour donner le chemin de la vie au peuple. Ainsi Jésus s’approche de la femme accusée pour lui donner quelque chose à faire, il lui donne un plan pour avancer, une vocation lui montrant comment elle peut servir Dieu. Jésus donne une nouvelle Loi, qui a quelques différences par rapport à l’ancienne. D’abord elle n’est collective, mais individuelle, ensuite elle n’est plus gravée dans la pierre, mais écrite sur le sable. La parole que vient donner Jésus n’est donc plus une Loi globale, mais il vient dire à l’oreille de chacun le projet qu’il a pour lui. La vocation de Dieu n’est pas la même pour tout le monde. C’est pourquoi en fait nous ne pouvons pas savoir ce que Jésus a écrit précisément, cela ne regardait que la femme. Chacun de nous, dans notre dialogue intime avec Dieu, pouvons entendre ce qu’il attend de nous, ce que nous pouvons faire pour avancer. Tout le monde n’est pas appelé à la même chose, tout dépend des situations, des talents de chacun, et aussi des moments. C’est pourquoi aussi Jésus a écrit sur le sable : ce qui est valable à un instant dans une situation ne l’est peut-être plus à un autre moment. Nous avons ainsi une Loi nouvelle souple, adaptée, personnalisée, s’opposant à l’ancienne Loi générale et absolue, qui risque de devenir un critère de jugement sans considération de la personne, Loi qui culpabilise et qui peut aller jusqu’à écraser et tuer la personne. La nouvelle Loi de Jésus passe par une révélation personnelle, un idéal que chacun doit trouver dans sa relation à Dieu et que personne ne peut juger, parole qui remet debout et en marche.

Jésus ensuite se relève. Parce que les accusateurs sont encore là, menaçants. Le sentiment de culpabilité est fort, paralysant, et il n’est pas facile de s’en débarrasser. Jésus montre alors à la femme qu’elle n’a pas de complexe à avoir, qu’en fait, personne n’est parfait, ceux qui se permettent de juger non plus, et ils n’ont donc rien à dire. Les autres ne sont pas parfaits, ils n’ont donc pas à nous juger. L’essentiel, c’est d’avancer, de faire ce qu’on peut, et si l’on chute, on a le droit de se relever. Le seul qui pourrait juger ou condamner, c’est Dieu par Jésus Christ. Mais lui dit : « je ne te condamne pas ». Jésus donc libère la femme de tout sentiment de culpabilité stérile et inutile pour qu’elle puisse se concentrer sur ce plan que Jésus lui a écrit sur le sable (mais qui s’est déjà effacé, on oublie vite ce que Dieu veut nous dire...).

Jésus alors se rebaisse. Les autres ne sont plus là, ils ne sont plus un paramètre. C’est là, seule avec son sauveur que la femme va pouvoir se reconstruire. Et Jésus ré-écrit. Ce qu’il avait écrit avait déjà été oublié... Il n’est pas facile de se remettre en route, de guérir quand on a été mis à terre par le jugement des autres ou d’une foi perverse qu’on nous aurait instillé enfant. Il faut sans cesse se remettre à l’ouvrage pour rechercher le contact de cette parole de vie que le Christ nous donne ; Il faut lire, relire, re-relire l’Evangile, il faut prier, re prier, re-reprier pour essayer d’entendre ce que Dieu a à nous dire pour qu’enfin on puisse saisir cette parole qui nous est dite pour nous, pour que la parole globale de l’Evangile devienne un appel personnel.

Et puis enfin Jésus se relève... et il relève la femme avec lui. Le verbe « relever » est bien connu pour être celui désignant dans les évangiles la « résurrection ». Jésus d’une certaine manière ressuscite la femme, il la libère la remet debout, et lui rend la vie. Jésus ressuscite, et en ressuscitant, nous ressuscite avec lui.

Va et ne pèche plus

Voici donc, nous sommes cette femme adultère chaque fois que nous nous laissons aller à ne plus progresser. Soit par sûreté de soi quand on se croit arrivé ou suffisamment bon. Soit par paresse, cette paresse de l’acédie définie comme péché capital qui est de ne plus vouloir avancer spirituellement, faiblesse de l’abandon, du laisser-aller qui éloigne progressivement de Dieu, de l’Evangile et de la vie même. C’est un danger sournois de notre vie ! Soit enfin par découragement, comme celui qui a un idéal trop élevé et qui se dit, « je n’y arriverai jamais, c’est trop difficile, je ne serai jamais parfait ». Dans tous les cas, renoncer à avancer, renoncer à son idéal, renoncer à être quelqu’un qui a le droit d’être dans le monde et au milieu des autres est se condamner soi-même à la mort, ou à ne pas vivre réellement.

Heureusement, le Christ vient à notre secour, il nous relève avec lui. Et cela tout simplement parce qu’il s’intéresse à chacun de nous individuellement quel que soit notre péché ou notre imperfection, parce qu’il donne à chacun une vocation propre, une Loi particulière à sa mesure, et enfin parce qu’il délivre de la culpabilité, du sentiment de culpabilité qui paralyse, par rapport aux autres, à Dieu ou à toute loi religieuse. Mais le pardon ne suffit pas, et il n’y a pas de la part de Jésus d’indifférence par rapport au péché. Jésus relève la femme et lui dit : « va et ne pèche plus ». Il s’agit d’accepter son imperfection et se mettre en route, libéré et reconnaissant, vers l’union avec le Christ. Et nous ne sommes pas seuls ensuite sur ce chemin, nous n’avons pas à avoir peur : comme dit le psalmiste : « même quand je marcherais dans la vallée de l’ombre et de la mort, je ne crains aucun mal car tu es avec moi. » (Ps. 23). Dieu continue de marcher avec nous ! Il nous libère de toute culpabilité, il s’abaisse jusqu’à nous, il nous considère, nous prend par la main, et chaque fois que nous sommes à terre, il nous relève avec lui pour marcher joyeusement sur le chemin qui s’ouvre devant nous.

Louis Pernot

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Jean 8:1-11

3Alors les scribes et les Pharisiens amènent une femme surprise en adultère, 4la placent au milieu et disent à Jésus : Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère. 5Moïse, dans la loi, nous a prescrit de lapider de telles femmes : toi donc, que dis-tu ? 6Ils disaient cela pour le mettre à l’épreuve, afin de pouvoir l’accuser. Mais Jésus se baissa et se mit à écrire avec le doigt sur la terre. 7Comme ils persistaient à le questionner, il se redressa et leur dit : Que celui de vous qui est sans péché lui jette le premier la pierre. 8De nouveau il se baissa et se mit à écrire sur la terre. 9Quand ils entendirent cela, [accusés par leur conscience], ils se retirèrent un à un, à commencer par les plus âgés [et jusqu’aux derniers], et Jésus resta seul avec la femme qui était là au milieu. 10Alors Jésus se redressa et lui dit : Femme, où sont [tes accusateurs] ? Personne ne t’a condamnée ? 11Elle répondit : Personne, Seigneur. Et Jésus lui dit : Moi non plus je ne te condamne pas ; va, et désormais ne pèche plus.]

Philippiens 3:8-14

8Et même je considère tout comme une perte à cause de l’excellence de la connaissance du Christ-Jésus, mon Seigneur. A cause de lui, j’ai accepté de tout perdre, et je considère tout comme des ordures, afin de gagner Christ, 9et d’être trouvé en lui, non avec une justice qui serait la mienne et qui viendrait de la loi, mais avec la justice qui est (obtenue) par la foi en Christ, une justice provenant de Dieu et fondée sur la foi. 10Mon but est de le connaître, lui, ainsi que la puissance de sa résurrection et la communion de ses souffrances, en devenant conforme à lui dans sa mort, pour parvenir, 11si possible, à la résurrection d’entre les morts.

Poursuite de la perfection
12Ce n’est pas que j’aie déjà remporté le prix ou que j’aie déjà atteint la perfection ; mais je poursuis (ma course) afin de le saisir, puisque moi aussi, j’ai été saisi par le Christ-Jésus. 13Frères, pour moi-même je n’estime pas encore avoir saisi (le prix) ; mais je fais une chose : oubliant ce qui est en arrière et tendant vers ce qui est en avant, 14je cours vers le but pour obtenir le prix de la vocation céleste de Dieu en Christ-Jésus.

 

Jean 8:1-11