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Guerre ou paix ?

Prédication prononcée le 6 mars 2022, au temple de l'Étoile à Paris,
par le pasteur  Louis Pernot

Comment réagir quand on est confronté à une situation angoissante de reprise de guerre dans le monde, quand la menace devient concrète, pour nous, pour les nôtres, voire pour toute l’humanité ?

En tant que pasteur, prédicateur, je suis théologien et pas plus politologue que je n’étais virologue pour avoir un avis sur la lutte contre le COVID, je laisse donc aux géopoliticiens le soin de commenter les événements eux-mêmes, moi je n’en sais pas plus qu’un autre. Que faudrait-il faire, à qui est-ce la faute, que devons-nous craindre, ou espérer ? Je n’en sais pas grand-chose, et de toute façon, ça ne dépend pas de moi. Je dois donc laisser faire les autres, et ça tombe bien puisqu’en fait mon avis ne changera pas grand chose ! Quant aux gens qui font des prospectives, ils se trompent bien souvent, ou sont juste très forts pour dire, après coup, que l’événement qu’ils n’avaient pas prévu devait arriver pour telle ou telle raison. Alors on verra bien.

La question du théologien, c’est juste comment réagir personnellement par rapport à une situation angoissante, et des menaces diverses. Là la Bible peut nous aider à répondre. Elle a, en effet, été écrite pendant des temps de guerre. Christ venu dans pays en guerre, Israël était alors occupé par les Romains comme la France l’a été en 40. Et les premiers écrits de notre Nouveau Testament ont vu le jour pendant la guerre des Juifs, conflit effroyable, culminant par le siège de Jérusalem où les habitants affamés en sont venus à manger leurs propres enfants, et finalement à la destruction du Temple et de la ville, ne laissant que ruine et désolation.

Que dit la Bible donc de la situation de guerre ? Qu’en dit le Christ ? Finalement pas grand-chose ! Elle dit d’abord que oui, il y a des guerres, et depuis toujours et pour longtemps encore sans doute ! « Vous entendrez parler de guerres et de bruits de guerre » dit Jésus (Matt. 24:6), « et ce n’est pas la fin », ce qui signifie que l’histoire ne se définit par cela, il n’y a pas de finalité, d’ultime dans ces histoires permanentes de guerre. Le but, il est ailleurs et il ne faut pas mêler Dieu à tout cela. Jésus invite à séparer les deux règnes du matériel et du spirituel. Le monde matériel, politique n’est qu’une ombre qu’il faut laisser à elle-même : « Rendez à César ce qui est à César » (Matt. 22 :21) et il ne faut pas lui donner plus d’importance qu’il n’en fait. Ce qu’il faut surtout, c’est de ne pas oublier Dieu : « Rendez à Dieu ce qui est à Dieu ». Quant à Jésus, beaucoup attendaient de lui un engagement politique, qu’il sauve Israël matériellement, le libérant de l’envahisseur et rétablissement la royauté d’Israël. Mais il a toujours refusé ce rôle, il n’a rien fait de concret contre les Romains, et a juste dit : « mon royaume n’est pas de ce monde » (Jean 18:36), restant dans une fonction spirituelle, accordant une attention immense aux personnes, mais sans défendre une quelque situation politique.

Ce que le Christ nous donne, c’est avant tout la paix... et la liberté. Le mot « paix » se trouve près de 100 fois dans le Nouveau Testament, contre 10 fois le mot « guerre » dont seulement deux dans les évangiles. Jésus est donc fondamentalement pour la paix. On l’entend dès le début de sa prédication, dans le Sermon sur la montagne « heureux ceux qui procurent la paix, ils seront fils de Dieu » (Matt. 5:9). Et tout à la fin de l’évangile de Jean, les disciples sont enfermés terrorisés dans leur chambre haute, et Jésus parvient à aller les retrouver malgré leurs portes fermées et verrouillées, et ce qu’il leur dit par deux fois c’est : « la paix est avec vous » (Jean 20:21,26).

Pourtant on ne peut le nier, malgré ces promesses de paix, il y a tout de même des guerres politiques autour de nous. Il faut donc l’admettre, ce que peut nous donner le Christ, ce n’est pas la paix politique, mais la paix intérieure. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les juifs ne reconnaissent pas Jésus comme Messie. Il est bien dit que quand le Messie viendra, il apportera la paix parmi les dons promis par Dieu. Or, disent-ils, il y a encore des guerres, donc il ne pouvait être le Messie attendu. Mais les chrétiens disent que si, Jésus a bien apporté la paix, mais pas la paix matérielle, il donne la paix intérieure, parce que son royaume n’est pas de ce monde.

Et puis le Christ appelle l’homme, (donc nous) à la liberté. Et la liberté consiste aussi à être libre par rapport aux événements du monde. Notre paix intérieure ne peut dépendre, ni de ce que nous entendons à la radio ou aux informations, ni des caprices de la météo ou de quelque dictateur à moitié fou. Le chrétien devrait avoir, par le Christ une paix inébranlable, inconditionnelle et quelle que soit la situation matérielle dans laquelle il se trouve. Bien sûr le chrétien peut, et doit compatir, peut-être se révolter, être ému, ou en colère pour agir et ne pas tout laisser faire. Mais ce qui ne dépend pas de lui ou ce pour quoi il ne peut rien, il est inutile de s’en soucier. C’est là de la sagesse stoïcienne fondamentale :ne pas se préoccuper plus que nécessaire de ce qui ne dépend pas de nous, et ce pourquoi on ne peut rien. Jésus ne dit pas autre chose dans le grand passage sur les soucis dans l’évangile de Matthieu, à propos de ce qui ne dépend pas de nous : « ne te préoccupez pas du lendemain, demain prendra soin de lui-même. A chaque jour suffit sa peine... Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et toute chose vous seront données comme en plus » (Matt. 6:33-34).

Il convient donc de faire le tri entre deux sortes de problèmes, ceux pour lesquels nous pouvons quelque chose et ceux pour lesquels nous ne pouvons rien. Si nous n’y pouvons rien, alors il faut les laisser de côté, ce ne sont que des soucis inutiles, nous en rendre malade par notre angoisse n’arrangerait rien si ce n’est de nous faire du mal avant même que le problème survienne !

C’est ce que l’on retrouve aussi dans ce que l’on appelle la « prière de sérénité » proposée par le pasteur Reinhold Niebur autour de 1940, et qui a été adoptée par les Alcooliques Anonymes : « Dieu, donne-nous la grâce d'accepter avec sérénité les choses qui ne peuvent être changées, le courage de changer celles qui devraient l'être, et la sagesse de les distinguer l'une de l'autre ». Cette magnifique prière est inspirée du philosophe stoïcien Marc Aurèle (121-180) Stoïcien, dans les Pensées pour moi-même : « Que la force me soit donnée de supporter ce qui ne peut être changé;le courage de changer de qui peut l'être; et la sagesse de distinguer l'un de l'autre. »

Le chrétien est un être responsable. Il n’est pas invité à être indifférent à tout, à se ficher de ce qui peut arriver dans le monde. Le chrétien doit aller dans le monde, et se préoccuper du monde, se préoccuper de l’autre afin de l’aimer et de l’aider, afin de pouvoir s’engager et agir. Mais se soucier de ce qui ne dépend pas de soi est inutile, c’est de la pollution, c’est inopérant. Pour cela, il faut apprendre le détachement, la dépréoccupation, c’est essentiel. Parce que sinon, ces soucis risquent de nous détourner des autres préoccupations qui, elles, peuvent nous mettre en action dans le monde ou vers les autres.
Se préoccuper de la guerre, des maladies, des risques sanitaires, écologiques ou démographiques au-delà de ce que pouvons faire nous-mêmes, c’est se laisser ballotter par les événements. C’est se faire victime des discours de ceux qui se plaisent à nous faire peur, c’est être condamné à être un ludion de l’actualité : être bien quand les nouvelles sont bonnes et être au plus bas quand elles sont mauvaises.

Qu’il y ait du mal dans le monde, certes, il y a depuis toujours et pour longtemps des tremblements de terre, des épidémies, des guerres, des accidents de la route des problèmes de santé, des morts, des deuils... Cela on le sait, mais cela ne doit pas monopoliser notre préoccupation. Sinon nous risquerions de devenir prisonniers des événements, de l’actualité, d’être prisonniers de la guerre plus que ceux qui se retrouveraient en prison. Le danger est donc de se laisser piéger par l’actualité (pour laquelle nous ne pouvons rien), et d’être ainsi comme paralysé de peur et ne plus voir ce que nous pouvons faire nous là, ici, tout de suite, pour nos enfants, nos amis, ceux que nous rencontrons...

« Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice... » (Matt. 6:33) nous dit l’Evangile, voilà donc ce qui doit être notre préoccupation première et en toute situation. Si on passait autant de temps à chercher Dieu qu’à regarder les courbes de l’épidémie de COVID ou les informations sur les guerres dans le monde, ce serait formidable ! Nous devons toujours nous poser la question qui est de savoir de quoi nous faisons dépendre notre équilibre, notre bonheur, notre paix intérieure et même notre vie. Dieu est celui qui peut nous donner tout cela, intérieurement, et quelle que soit la situation. Quand on le remplace par autre chose, on est en danger. Ne se préoccuper que de mauvaises nouvelles ne peut que nous apporter découragement et angoisse.

Et puis ce serait une erreur, rien d’autre que Dieu n’est Dieu. Rien d’autre n’est absolument essentiel ou absolu. Se préoccuper ultimement de ce qui n’est pas ultime est proprement l’idolâtrie, et il ne faudrait pas, en particulier, donner aux événements internationaux une importance qu’ils n’ont pas. Le monde en a connu bien d’autres, et cela ne l’a pas empêché de tourner, ni à des tas de gens formidables de faire des choses exceptionnelles d’aimer, de créer, d’être heureux même. Et cela n’a même pas empêché Jésus d’être le Christ.

La foi consiste à se tourner vers Dieu, vers l’essentiel, l’ultime, le transcendant, l’éternel. Dans la foi, on peut avoir un autre regard et chercher l’essentiel. Or la guerre et les virus ne sont pas essentiels. Certains journalistes à sensation évidemment aiment ces événements négatifs et angoissants : enfin ils sont l’objet d’attention, ils ont de l’audience, alors évidemment ils en rajoutent, et plus ils nous angoissent, plus ils vendent ! C’est un piège !

Ce que nous enseigne l’Evangile, c’est : « ne craignez pas ceux qui peuvent tuer les corps et qui après ne peuvent rien faire, craignez ceux qui faire périr votre âme... » (Matt. 10:28). Tout ce qui touche à notre vie physique, à notre confort n’est pas grand-chose, et même notre vie physique dans tous les cas n’est qu’un souffle. De toute façon nous mourrons, que ce soit de vieillesse, d’Alzheimer, de COVID ou de bombe atomique, cela ne change pas grand-chose. La seule vraie question qui doit nous préoccuper est : que ferons nous avant !
Il ne faut pas se pas se laisser absorber par les problèmes avant même qu’ils soient vraiment là au risque de multiplier son malheur. Pour l’instant il fait beau, juste là, nous ne sommes pas sous une guerre atomique, ne nous rendons pas malheureux par anticipation, on verra bien. Et pour là aujourd’hui, j’ai mes enfants, mes proches ou mes amis et je les aime. Réjouissons-nous ensemble !

La peur n’est jamais bonne conseillère. Le Christ, lui, nous libère de la peur Il est dit et redit que « n’ayez pas peur ! » se trouve 365 fois dans la Bible, une fois pour chaque journée de l’année. Ce n’est sans doute pas exact numériquement mais juste dans le fond. Christ a montré qu’il était plus fort que tout, que la guerre, que la haine, la violence, la souffrance et même que la mort. « N’ayez pas peur car j’ai vaincu le monde ! » (Jean 1:33) a-t-il dit. Et Paul dans le même sens nous dit : « je suis persuadé que ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les dominations, ni le présent, ni l’avenir, 39ni les puissances, ni les êtres d’en-haut, ni ceux d’en-bas, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu en Christ-Jésus notre Seigneur... » (Rom. 8:38).

Nous sommes évidemment parfois soumis à une situation mortifère, dangereuse ou explosive, tout peut dans notre vie être remis en cause... tout ... sauf notre relation à Dieu. Il est le seul trésor que nul ne peut nous ravir. Et ainsi, plutôt que de stocker du sucre ou papier toilette, en cas de menace il vaut mieux investir dans sa relation à Dieu, c’est là le vrai bien de nécessité vitale !

Le chrétien doit être comme le philosophe platonicien et sans cesse travailler à ne pas garder le regard sur les choses d’ici-bas, mais sur les réalités éternelles. Il ne faut pas tomber dans le piège du sophiste, qui, comme le journaliste populiste, ne se préoccupe et montre que les choses d’en bas.

Chacun de nous, bien sûr, recherchons la paix. La paix politique, oui évidemment nous la souhaitons, mais cela ne dépend pas de nous, et nous ne sommes libres que si notre paix ne dépend pas de ce que font les autres ou des événements aléatoires du monde. Ce qui nous pouvons avoir, c’est la paix de Dieu, « la paix qui surpasse toute intelligence » (Phil 4:7), la paix de Dieu qui demeure que nous soyons en paix politique ou non.

Il ne faut donc pas se tromper de paix dans sa quête de paix. La paix matérielle, politique n’est que l’ombre, l’image matérielle de la paix véritable et éternelle. Chercher ultimement la paix matérielle parce que la Bible promet la paix, serait comme celui qui accumulerait des billets de banque parce qu’il est dit que l’Evangile est un trésor. La paix est un trésor, il faut chercher la paix comme ce trésor que nul ne peut nous ravir. Cette paix qui n’est pas dépendante des caprices d’un fou.

« Ne vous préoccupez pas ... car votre vie vaut bien plus que la nourriture, le corps ou le vêtement », « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu. » et le Christ nous dira à nous aussi, quelle que soit notre situation et celle du monde : « je vous donne ma paix, je vous laisse la paix » (Jean 14:27).

Louis Pernot

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Matthieu 6:25-35

25C’est pourquoi je vous dis : Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous serez vêtus. La vie n’est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement ? 26Regardez les oiseaux du ciel : Ils ne sèment ni ne moissonnent, ils n’amassent rien dans des greniers, et votre Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux ? 27Qui de vous, par ses inquiétudes, peut ajouter une seule coudée à la durée de sa vie ? 28Et pourquoi vous inquiéter au sujet du vêtement ? Observez comment croissent les lis des champs : Ils ne travaillent, ni ne filent ; 29cependant je vous dis que Salomon même, dans toute sa gloire, n’a pas été vêtu comme l’un d’eux. 30Si Dieu revêt ainsi l’herbe des champs qui existe aujourd’hui et demain sera jetée au four, ne vous (vêtira-t-il) pas à plus forte raison, gens de peu de foi ? 31Ne vous inquiétez donc pas, en disant : Que mangerons-nous ? Ou : Que boirons-nous ? Ou : De quoi serons-nous vêtus ? 32Car cela, ce sont les païens qui le recherchent. Or votre Père céleste sait que vous en avez besoin. 33Cherchez premièrement son royaume et sa justice, et tout cela vous sera donné par-dessus. 34Ne vous inquiétez donc pas du lendemain car le lendemain s’inquiétera de lui-même. A chaque jour suffit sa peine.

Matt. 6:2-35