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Dix vierges pour un époux ?

La parabole des vierges sages et des vierges folles, Matthieu 25:1-13

Prédication prononcée le 6 février 2022, au temple de l'Étoile à Paris,
par le pasteur  Louis Pernot

Une première difficulté, est d’expliquer pourquoi les vierges sages, apparemment montrées comme un bon exemple, refusent de prêter leur huile. Nous avions dit alors que cette huile devait représenter l’expérience spirituelle, et cette expérience ne se partage pas. On ne peut pas donner la foi à un autre, ou faire participer un autre de son propre travail spirituel. Mais cela ne correspond pas au texte. D’après lui, les vierges sages ne disent pas qu’elles ne peuvent donner de leur huile, parce que cela ne pourrait pas servir aux autres, mais elles disent : « qu’il n’y en aurait alors pas assez pour nous et pour vous ». Donc elles pourraient le faire, mais juste elles ne veulent pas ! Voilà qui s’oppose à tout l’Evangile qui demande de partager avec les plus pauvres. C’est incohérent.

Et il y a d’autres choses qui ne vont pas. En particulier, qui sont ces vierges sages ou folles qui attendent le retour de l’époux ? Habituellement, on imagine qu’il s’agit de celles qui vont s’unir à l’époux, mais l’époux serait-il alors polygame ? Il revient dans la nuit, et il va faire l’amour avec dix vierges, cinq sages et peut être cinq folles, mais peu importe les folles il a déjà les cinq sages ? Belle mentalité ! Ca ne correspond à rien.

Où est l’épouse ?

Les spécialistes de l’histoire ancienne expliquent qu’en fait ça ne se passait pas comme ça du temps de Jésus. L’époux organisait un banquet à l’occasion de son mariage et invitait, pour l’épouse, des jeunes filles d’honneur. Les vierges de notre histoire ne sont donc pas des épouses putatives, mais des jeunes filles d’honneur invitées à participer à la fête de mariage de l’époux avec l’épouse, elles ne sont pas là pour s’unir avec l’époux.

Problème : l’épouse n’est pas mentionnée dans le texte. Où est-elle cette épouse dont on ne parle pas, puisqu’il ne s’agit pas des vierges sages, ni des vierges folles ? Il y a une épouse unique quelque part, qu’il faut trouver, car il n’y a pas de noces sans un époux, que nous avons, et une épouse que nous ne voyons pas.

Lorsqu’il y a, dans un texte un personnage que l’on cherche et qui, a priori, n’apparaît pas, la réponse semble évidente, c’est que c’est le lecteur. C’est donc vous qui êtes l’épouse mystérieuse du récit. De la même manière, dans les noces de Cana il y a aussi un époux, et pas d’épouse, parce que l’épouse, c’est le lecteur qui est confronté au texte. Il s’agit, comme ici, d’un texte qui parle de celui qui le lit. Et c’est logique, toute la Bible présente la relation de l’homme à Dieu comme une union mystique entre un époux et une épouse, appelés à s’unir dans une relation de joie, de bonheur et éventuellement de fécondité. Donc dans notre récit il y a l’époux, c’est Dieu, et l’épouse c’est vous, mais alors qui sont ces vierges sages et ces vierges folles ?

Qui sont ces 10 vierges ?

Ces vierges ne sont d’abord pas des vierges, techniquement, mais des jeunes filles, et s’il y en a un grand nombre, nous l’avons vu, c’est qu’elles sont autre chose que les promises de l’époux.

Il a plusieurs possibilités. Nous pourrions d’abord penser que ce sont les « filles de Sion », c’est-à-dire les autres croyants. Alors moi, je suis dans ma relation avec le Christ, et j’espère que les autres pourront participer à cette joie, mais s’ils ne participent pas, et bien c’est tant pis pour eux. L’idée de vouloir faire participer à sa joie les autres est belle, mais l’explication ne convient pas : être invité pour tenir la chandelle devant ceux qui sont heureux de leur relation avec Dieu n’est pas un projet très enviable pour les autres.

Une autre solution est de penser que ces jeunes filles sont les différents aspects de notre existence. En nous se trouvent de nombreuses dimensions qui sont très variées. Il y a certes la dimension religieuse et mystique, mais aussi celle de notre travail, de nos loisirs, de nos vacances, le temps que nous passons avec notre famille, notre conjoint si on en a un, nos amis... Tout cela forme les différentes parts de notre vie et elles sont invitées à s’associer à la joie de notre foi, cette union mystique qui est l’événement fondamental, dont les jeunes filles sont invitées en à partager la joie. C’est l’expérience religieuse que l’on peut faire et qui est appelée à ne pas rester cloitrée dans le domaine purement spirituel, mais à rayonner dans l’ensemble de notre existence. Et donc tous nos sens, toutes les dimensions de notre être sont invités à prendre part au festin des noces de l’époux avec l’épouse.

L’époux qui vient dans la nuit

Admettons, mais pourquoi cet époux vient-il dans la nuit, au moment où on ne l’attend pas ?

Dans le sens littéral, on peut penser qu’il vient dans la nuit faire la fête après avoir partagé sa joie avec sa fiancée. Il vient donc chercher les filles d’honneur après l’union, elles sont convoquées pour participer à cette joie.

Cette union mystique c’est l’expérience spirituelle, grande ou petite. Ce peut être une expérience radicale et profonde comme une conversion, ou plus simplement une découverte enthousiasmante, du religieux, du culte, de la Bible, ou encore un moment fugace, l’union éclair d’un moment béni où tout à coup on se sent en phase avec Dieu, avec soi-même, avec le monde. La question est alors de savoir comment cette expérience spirituelle momentanée, temporelle, temporaire peut rayonner au-delà et peut convoquer toutes les dimensions de son existence afin que tout en soi se réjouisse au nom du Seigneur.

Veiller et prier

Pour cela, il faut veiller. C’est la première chose. De nombreux passages de l’Evangile nous le rappellent : il faut veiller et prier.

Prier, oui, parce que la prière est le mode de communication avec Dieu. Prier, c’est convoquer Dieu, l’appeler, lui donner une place dans son emploi du temps, c’est l’incarner dans sa propre vie.

Et veiller, parce qu’on ne sait jamais le jour et l’heure. L’époux vient au moment où vous ne l’attend pas, dans la nuit, au moment où on ne pense à rien, comme là, et il y a ceux qui sont capables de l’accueillir, de le recevoir, et ceux, ou celles qui n’en sont pas capables. Accueillir le moment de l’époux, c’est être capable de reconnaître et de recevoir les moments de grâce de son existence.

Accueillir la chance

C’est vrai dans notre vie profane, la chance n’est pas plus donnée à l’un qu’à l’autre, les chanceux sont ceux qui savent attraper la chance quand elle passe. Mais la chance ne se présente jamais au moment où on l’attend et rarement comme on l’attend. La chance apparaît au moment inopportun et vient comme un voleur troubler notre tranquillité, bouleverser nos plans. Heureux celui qui est capable, à ce moment-là, de se lever d’un bond et d’accueillir la chance, Mais pour cela il faut veiller. L’attitude juste dans la vie, est d’être perpétuellement en veille, les yeux ouverts, capable d’accueillir, de recevoir, de reconnaître ce qui se profile comme étant une chance et de s’en saisir pour s’unir à cette chance et en faire la joie de toute sa vie.

Parce qu’au départ, les chances sont souvent momentanées, parcellaires, et la chance qui arrive, il ne faut pas la laisser seule dans l’expérience unique qu’on peut en faire, il faut la transformer, et convoquer tout son être, toutes les dimensions de sa vie pour s’y engouffrer, s’y engager pour en faire la chance non pas d’un instant, mais celle de toute notre vie et de toutes les dimensions de sa vie.

Elargir l’expérience spirituelle

Mais cet époux qui vient, peut-être aussi plus précisément l’expérience spirituelle La parabole expliquerait de quelle manière on peut gérer la durée de l’enthousiasme de la découverte du spirituel, de la conversion, de l’expérience même fugace de Dieu ou de la joie de la découverte pour ces textes. Comment faire en sorte que ce ne soit pas le flash d’un instant et qui retombe dans l’indifférence, mais que ce soit une grande fête qui parvienne à convoquer l’ensemble de notre existence pour quelque chose de durable et construit ?

Quand l’époux revient, il invite toutes les jeunes filles à venir avec lui. Et donc il faut se saisir de cet instant, de cet instant béni d’une relation positive avec Dieu où l’on expérimente quelque chose que l’on reconnaît comme étant positif et joyeux. Il faut s’en saisir et essayer d’en faire non pas la relation d’un instant avec un aspect de sa vie, mais vouloir en faire une salle des fêtes qui réjouisse l’ensemble de son existence. Et que cette expérience vienne illuminer, non pas juste une zone de son cerveau, mais puisse rendre joyeux et festif toute sa vie, toutes les dimensions de son existence, du matin au soir, de son travail jusque dans ses loisirs, de ses relations à ses plus proches jusque ses relations à ses ennemis.

Pour ça, il faut donc d’abord une disponibilité et reconnaître ces moments. En rendre grâces, capitaliser dessus et les enraciner pour les transformer en bonheur durable.

Toutes s’endormirent, mais elles avaient des lampes

Et donc les jeunes filles, les filles d’honneur sont là, à attendre, et il est dit que toutes s’endormirent. Expression d’une expérience partagée universelle : certes on devrait veiller toujours, mais le Christ lui-meêm le sait bien, quand on est dans l’attente, on ne parvient pas toujours être en veille de tout. Donc oui, on s’habitue, on s’endort dans ses routines, ses habitudes, c’est comme ça. Et si c’est dit dans le texte, c’est qu’il n’y a pas à s’en culpabiliser. Nous tout le monde est comme ça, et finalement, ce n’est pas trop grave tant qu’on veille d’un œil !

Il nous est dit qu’un certain nombre de ces jeunes filles étaient sages, « sage », en grec : « φρονίμος », signifie plutôt intelligent. Elles étaient intelligentes, et avaient des lampes. Toutes avaient des lampes, mais certaines les avaient laissées s’éteindre ou n’avaient pas de quoi les entretenir.

Que sont ces lampes ? Là la réponse est assez simple et est donnée dans le Psaume 119 au verset 105 : « Eternel, ta parole est une lampe à mes pieds, une lumière sur mon sentier ». Et donc cette lampe dont disposait chacune des jeunes filles, c’était la parole, la parole de Dieu. Les unes la maintenait allumée, les autres l’ont négligée. C’est un élément important, il faut nourrir cette expérience spirituelle de la parole, et de réflexions ; il faut l’encourager par une réflexion théologique, et ne pas en rester à un moment que l’on pourrait juste garder comme un moment béni dont on conserverait le souvenir, mais il faut l’instruire de la parole.

Toutes les jeunes filles avaient des lampes, mais les unes avaient de l’huile et les autres non. L’huile, c’est le parfum de la bénédiction de Dieu. Certaines n’en avaient pas, parce qu’il y a en effet des aspects de notre existence qui sont plus ou moins disponibles à la Parole, plus ou moins disponibles à la relation à Dieu, sensibles à ce que Dieu peut apporter, il y a des parts de notre existence qui sont vraiment éloignées de ces questions-là.

Ne cherchez pas à ce que toutes les vierges soient sages !

Et du coup la réaction des vierges sages, il ne faudrait pas l’interpréter comme une méchanceté égoïste, refusant prêter de leur huile. Ce qu’elles disent, c’est qu’elles ne veulent pas partager leur huile parce qu’il n’y en aurait pas assez pour tout. Cela n’a rien à voir avec le fait de ne pouvoir partager son expérience spirituelle, il faut prendre au sérieux ce qu’elles disent : « il n’y en aurait pas assez pour nous et pour vous » et comprendre qu’à vouloir tout éclairer dans son existence, on risque finalement de tout perdre et de ne rien éclairer du tout.

C’est donc un appel à une certaine modestie, il ne faut pas vouloir, dans un premier temps, que toute sa vie soit illuminée, que toute sa vie soit changée et que cette expérience spirituelle qui nous arrive puisse entraîner à sa suite toute notre existence et tout changer. A croire cela, à vouloir cela, on ne risque qu’une seule chose, c’est que finalement rien ne soit éclairé, parce qu’on peut expérimenter que ça ne marche pas, on n’y arrive pas, et que toute notre vie n’est pas éclairée par cette expérience.

Et donc, une injonction très sage est de dire, « écoutez, contentez-vous d'éclairer déjà la meilleure part de vous-mêmes, celle qui est la plus proche de Dieu, celle qui est la plus prête, celle qui était déjà un peu éclairée par la Parole, celle-là, laissez-la entrer dans le Royaume. Ne prétendez pas vouloir être entièrement converti, et entièrement joyeux du matin au soir, mais cherchez dans votre existence, dans toutes ces filles d’honneur qui font la foule de vos actes, de vos préoccupations et de votre emploi du temps, cherchez celles qui sont les plus disponibles, les plus proches du Seigneur, et celles-là, faites-les entrer dans le Royaume. Et réjouissez-vous avec celles-là qu’il puisse y avoir déjà une partie de votre être qui soit déjà transformée par cette expérience mystique et participe à la joie de la conversion ».

Que faire des vierges folles ?

Quant aux autres, on leur dit d’aller acheter de l’huile chez le marchand. Et donc de ne pas désarmer ou se décourager. Ce n’est pas une fin de non-recevoir, mais un bon conseil, il y a donc une solution. Cette solution, comme elles le disent : il n’y a qu’à travailler, aller chez le marchand, aller chez ceux qui vendent de l’huile... Alors venez me voir, parce que moi, je vends de l’huile, c’est mon métier en tant que pasteur ! Je ne la vends pas pour m’enrichir, mais je ne peux la donner pour rien, chacun doit faire un effort, payer de sa personne pour trouver cette huile de la présence de Dieu. Et voilà, il faut aller chercher de l’huile chez ceux qui en ont, et travailler, pour rallumer sa lampe rallumer l’écriture.

La porte close, une bonne nouvelle ?

C’est vrai qu’il nous est dit que quand les vierges dites folles reviennent, la porte était close. Une fois encore, ce n’est pas du tout pour exclure qui que ce soit, ce serait incohérent avec l’Evangile où le Christ affirme de différentes manières : « je ne mettrai pas dehors quiconque vient à moi » (Jean 6:37). C’est plutôt pour nous déculpabiliser et nous rassurer sur notre difficulté dans le parcours de la foi. En effet tout le monde fait un jour l’expérience de cette porte close : on cherche Dieu et on se croit seul, on veut prier et on a l’impression de parler à un mur. Ne vous inquiétez pas, c’est prévu ! Il peut y avoir une partie de votre existence qui a du mal à entrer dans le Royaume, et à prendre part à la joie du festin. Sachez-le et ne vous en culpabilisez pas ! C’est donc plutôt un message de grâce, de compréhension qui nous est donné là. Alors ne prétendez pas à la perfection, ne croyez pas que vous y arriverez parfaitement, ne vous découragez pas, et pour la foi, contentez-vous déjà même de peu. Comme le conseille Paul : « soyez assez humble pour n’avoir pas de prétention excessive » (Rom 12:3). Il ne faut pas croire que vous allez faire entrer toutes vos filles d’honneur dans le Royaume de Dieu du premier coup, il y en a certaines qui n’y entrent pas, et si ça vous arrive, dites-vous que c’est déjà bien arrivé à d’autres et ce depuis toujours.

Mais n’ayez peur, le fils de l’homme revient, il reviendra. C’est le message fondamental de l’espérance chrétienne : le fils de l’homme reviendra, et pas seulement à la fin du monde, il revient sans cesse. Donc il n’est pas parti pour toujours, comme s’il était venu une seule fois à prendre ou à laisser. Même si l’on a raté un rendez-vous, rien n’est perdu, l’époux se représentera de nouveau, une autre nuit... mais certainement encore au moment où vous ne vous y attendrez pas.

Et là il faut reprendre le processus, veiller et prier, toujours. Et chaque fois que le fils de l’homme s’approche, chaque fois que la grâce vient de nouveau frotter mon existence, toucher mon existence, chaque fois que la chance se présente, il faut que je sois prêt, et disponible. Que je sache accueillir cette chance comme une joie fondamentale et pouvoir faire entrer un peu plus de ma vie dans cette chance unique de ma joie et de ma relation avec Dieu. Que là je sache progressivement faire entrer, l’une après l’autre une vierge de plus, jusqu’à ce que toute la noce soit complète et que la fête soit absolue.

Louis Pernot

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Matthieu 25:1-13

1Alors le royaume des cieux sera semblable à dix vierges qui prirent leurs lampes pour aller à la rencontre de l’époux. 2Cinq d’entre elles étaient folles, et cinq sages. 3Les folles en prenant leurs lampes, ne prirent pas d’huile avec elles ; 4mais les sages prirent, avec leurs lampes, de l’huile dans des vases. 5Comme l’époux tardait, toutes s’assoupirent et s’endormirent. 6Au milieu de la nuit, il y eut un cri : Voici l’époux, sortez à sa rencontre ! 7Alors toutes ces vierges se levèrent et préparèrent leurs lampes. 8Les folles dirent aux sages : Donnez-nous de votre huile, car nos lampes s’éteignent. 9Les sages répondirent : Non, il n’y en aurait pas assez pour nous et pour vous ; allez plutôt chez ceux qui en vendent et achetez-en pour vous. 10Pendant qu’elles allaient en acheter, l’époux arriva ; celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui au (festin) de noces, et la porte fut fermée. 11Plus tard, les autres vierges arrivèrent aussi et dirent : Seigneur, Seigneur, ouvre-nous. 12Mais il répondit : En vérité, je vous le dis, je ne vous connais pas.
13Veillez donc, puisque vous ne savez ni le jour, ni l’heure.

Romains 12:3-6

3Par la grâce qui m’a été donnée, je dis à chacun d’entre vous de ne pas avoir de prétentions excessives et déraisonnables, mais d’être assez raisonnables pour avoir de la modération, chacun selon la mesure de foi que Dieu lui a départie. 4En effet, comme nous avons plusieurs membres dans un seul corps, et que tous les membres n’ont pas la même fonction, 5ainsi, nous qui sommes plusieurs, nous formons un seul corps en Christ et nous sommes tous membres les uns des autres. 6Mais nous avons des dons différents, selon la grâce qui nous a été accordée.

Matt. 25:1-13