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56, avenue de la Grande-Armée, 75017 Paris

Les trois fêtes de Pentecôte

Prédication prononcée le 8 juin  2014, au temple de l'Étoile à Paris,

par le Pasteur Louis Pernot pour le jour des confirmations

 

La fête de la Pentecôte est bien connue chez les chrétiens pour être la fête du don du Saint Esprit, des langues de feu et du commencement de l’Eglise. Mais cette fête n’est pas une invention chrétienne, avant d’être une fête chrétienne, c’était une fête juive et avant d’être une fête juive c’était une fête agricole païenne. Le Saint Esprit n’intervient donc pas comme ça un jour comme un autre, mais tout cela arrive précisément le jour où les disciples qui pratiquaient le judaïsme fêtaient Pentecôte, ils étaient donc dans un état d’esprit tout à fait particulier, et pour tous les premiers chrétiens, ce jour avait une signification bien précise, ils fêtaient quelque chose, attendaient quelque chose de bien précis. Pour comprendre le sens de tout ça, il faut donc refaire la généalogie de la fête et voir ainsi ce qui est sous jacent, et les décalages que l’histoire chrétienne apporte dans ce rite.

Au départ donc, c’est une fête juive : la fête de Shavouot appelée aussi en français la fête des Semaines. Elle était 7 semaines entières après la Pâque, et arrivait donc le lendemain du dernier Sabbat : 49+1 jour soit 50 jours après Pâque (d’où le nom de Pentecôte qui vient de « cinquante » en grec). Cette fête célébrait l’alliance au Sinaï et le don de la Loi dont on disait que cela était intervenu 50 jours après la sortie d’Egypte célébré par Pâque.

Du coup, on voit bien ce que les Actes veulent nous dire : comme Dieu avait parlé au Sinaï, l’Esprit souffle de nouveau et il nous a donné une nouvelle parole en Jésus Christ, et puis il y a deux changements importants.

D’abord pour l’Ancienne Alliance, il y avait une seule manifestation pour tout le peuple, un seul buisson Ardent, et une grande flamme entourant le Sinaï, ici, chaque disciple a sa propre petite flamme. On passe ainsi d’une vision collectiviste du salut à une vision individuelle. Dieu ne parle pas une fois pour toute pour tout le peuple, mais il parle à chacun, il se manifeste à chacun personnellement, individuellement.

Reste la question de savoir qui a bénéficié de ces langues de feu, certains disent qu’il n’y avait que les 12 apôtres, faisant retomber dans un certain cléricalisme : l’Eglise seule et ses responsables recevrait l’Esprit et seraient responsables de transmettre ensuite la parole au pauvre peuple. Mais le texte ne précise pas cela, le « ils » renvoie a priori à tous les disciples qui étaient là et qui priaient. Et ainsi, plus de cléricalisme, le Saint Esprit n’est plus réservé à une élite, mais il est offert à tout croyant, chacun étant Moïse sur l’Horeb avec son Buisson Ardent personnel et étant à l’écoute de la Parole de Dieu.

Et puis au Sinaï, la révélation a été faite en hébreu pour les hébreux. Là, il y a une ouverture universelle : la parole devient dans toutes les langues, pour toutes les nations, c’est l’une des promesses messianiques : la bonne nouvelle du salut n’est plus réservée à un peuple, mais s’adresse à tous les peuples d’une manière universelle.Mais donc, avant d’être une fête juive, c’était une fête agricole : la fête des moissons, célébrant le début de la moisson du blé. On en trouve encore la trace dans l’Ancien Testament :  (Deut 16 :9 + Lev. 23 :15-16), il est dit qu’on devait prélever la première gerbe de la moisson de blé pour l’offrir à Dieu, et puis il fallait faire une oblation nouvelle, avec ces premiers grains confectionner deux miches de pain levé faites avec la nouvelle récolte, et elles devaient être remises au prêtre pour être offertes sur l’autel,  prémices de ton labeur que tu as cultivé dans ton champ. Mais il faut noter que cela, chacun devait le faire individuellement, ce n’était pas à la communauté de le faire, mais de la responsabilité de chaque individu, de chaque famille.Cela est sympathique, mais comment est-on passé de l’une à l’autre ? Quel est le lien entre ces deux fêtes ? Il semble que le lien soit la providence : dans la fête des moissons, on célèbre le fait que Dieu pourvoit à tous nos besoins, il donne ce qu’il faut pour notre vie. Et le peuple spiritualisant sa foi, comprend que Dieu ne gère pas forcément tous les aléas matériels du climat, mais que ce qu’il donne, c’est une autre nourriture qui est d’ordre spirituelle, peut être encore plus essentielle que la première.  « L’homme de vivra pas de pain seulement mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Matt. 4x4). Ce pain que Dieu nous donne, c’est donc celui de sa Torah, et l’on passe de l’action de grâces pour un pain de froment à celui spirituel de sa Parole. C’est ce même pain que Jésus a célébré lors du dernier repas en incitant les disciples à se nourrir de sa personne, selon ce qu’il a dit dans le discours sur le « pain de vie » en Jean 6 : « je suis le pain vivant qui descend du Ciel, celui qui en mange ne mourra jamais » et c’est encore ce même pain que nous demandons à Dieu tous les jours dans le Notre Père : « Donne nous notre pain de demain ».

Mais ce qui est plus intéressant, ce n’est pas tant de savoir pourquoi nous rendons grâces, mais ce que doit faire l’homme là dedans. Et c’est là que le recours à l’origine de la fête nous apprend beaucoup.

Ce que l’on demandait au croyant, c’était de prendre les prémices de la récolte, et la première gerbe de l’offrir à Dieu. Il fallait donc passer du statut de consommateur à celui d’acteur. Pour pouvoir continuer à profiter de la grâce, il fallait commencer par l’offrir aux autres dès qu’on en avait un peu.

C’est sans doute cela que comprennent les premiers chrétiens à la Pentecôte, ils ont reçu quelque chose, le Christ, son Esprit, son Evangile, et ils étaient là à vouloir que ça continue pour eux, et ils comprennent donc là que pour mener Pâques à sa complétude, il fallait non pas se contenter de consommer, mais offrir, donner aux autres. Et cette façon de donner ce que l’on a reçu pour soi est le seul moyen de faire en sorte qu’il y en ait plein ensuite pour tout le monde et que la bonne nouvelle confidentielle et individuelle devienne universelle.

C’est là l’enjeu de la Pentecôte : les disciples avaient déjà reçu l’Esprit Saint de la part de Jésus, déjà ils avaient pour eux la bonne nouvelle de Pâques, mais comment faire pour accomplir la chose et lui donner sa dimension universelle. Les disciples savaient le sens de cette fête qui couronnait Pâque 50 jours après, et c’est sans doute pour ça qu’ils se mettent à l’œuvre pour offrir aux autres ce qu’ils avaient reçu eux comme des prémices.

Et c’est ce que nous rappelle pour nous Pentecôte, il ne s’agit d’aucune manière d’attendre passivement que le Saint Esprit se manifeste, mais d’offrir aux autres ce que l’on a tout juste reçu même tout petitement afin que cela aille en accomplissement. Prendre ce qui est donné pour l’offrir aux autres afin de l’avoir soi même en abondance. Il faut donner pour recevoir en plénitude ce que l’on a reçu comme un échantillon. Il faut se prendre en main et devenir acteur.

C’est d’ailleurs le sens du passage de Pâque à Pentecôte : lors de la sortie d’Egypte, c’est Dieu qui prend toute initiative, c’est lui qui fait tout et qui donne, le peuple profite passivement. Au Sinaï, Dieu demande au peuple de devenir acteur, d’agir par lui-même, et c’est pourquoi il lui donne la Loi, pour l’orienter dans son action et le responsabiliser.

La tradition juive d’ailleurs insiste sur le fait qu’à la Pentecôte on doive faire des pains avec les premiers grains récoltés. C’est pour dire justement que l’on devient adulte, capable d’absorber une nourriture solide. Avant le Sinaï, le peuple était comme un bébé, tout dépendant de Dieu, recevant tout de lui d’une manière inconditionnelle, il était comme l’enfant tétant directement à la mammelle. Mais au Sinaï il passe au stade adulte, il peut prendre une nourriture solide, plus consistante. Et il faut donc faire quelque chose pour que cette présence de Dieu dans l’Esprit et la grâce devienne une nourriture solide, il faut faire ses pains.

Et ces pains, ils ont à voir avec la parole, bien évidemment, c’est elle qui nous nourrit qui nous annonce l’amour, le pardon, et qui nous met en garde, nous dirige, nous oriente et nous fait découvrir de nouveaux horizons. C’est la parole qui sera donnée au Sinaï, et c’est cette même parole que les disciples ont reçue par Jésus et qu’ils choisissent de redonner à tous ceux qui étaient là au lieu de la conserver pour eux.

Ce lien avec la parole et le fait de devenir adulte a toujours été très fort dans les traditions juives de Pentecôte, dans certains endroits, on devait faire des petits pains au miel et leur donner les formes des différentes lettres de l’alphabet. On disait qu’il fallait les donner aux enfants pour qu’ils apprennent à lire ainsi leurs premières lettres de la Torah (parce que la Bible dit que la Torah est comme du lait et du miel sans la langue...). Dans d’autres lieux, on disait qu’il fallait faire deux pains en forme de rouleaux de Torah.

Bref, c’est bien cette Parole qu’il faut redistribuer à Pentecôte, les disciples le savaient bien, on ne garde pas pour soi les prémices que le Ciel nous a offerts.

Et ainsi, les chrétiens pensent souvent la Pentecôte comme une fête où l’on reçoit. C’est un contresens. Pâques est la fête où l’on reçoit, Pentecôte, c’est la fête où l’on donne ! A Pâques, nous annonçons la grâce pour tous, Jésus est venu pour tous les hommes, il nous a offert son amour, il est mort pour nous tous, gratuitement, sans condition, et il nous donne son Esprit. A Pentecôte, on rappelle que la première chose à faire quand on a commencé de recevoir, c’est de donner. Et donc eux se posent certainement la question : qu’avons nous reçu pour que nous l’offrions ? A Pentecôte, il faut se mettre dans la posture de donner quand on a commencé à recevoir.

Cela est très ancré dans la tradition juive, on le voit par exemple dans une pratique qui a existé à Pentecôte, où des enfants juifs devaient asperger les passants avec de l’eau. C’est parce que la Torah est souvent aussi comparée à de l’eau, comme Jésus qui dira « je suis la source d’eau vive, celui qui en boit vivra éternellement », ça c’est la bonne nouvelle. Et à Pentecôte, ce que l’on dit, c’est qu’il faut redistribuer cette eaux vers les autres, en faire profiter ceux qui sont là pour la conserver soi-même.

Et ce qui était vrai pour les disciples à ce moment l’est encore pour chacun de nous aujourd’hui. Bien sûr, le sujet essentiel est la Parole, cette parole que le Christ nous a donnée et qui est la nourriture de notre vie, parole d’amour, de grâce, de pardon de paix et de vie, et ce que donne l’Esprit, ce n’est pas qu’une parole que nous trouverions à partir de l’Ecriture, mais aussi une parole qui nous est donnée dans notre coeur. Les juifs eux-mêmes ne limitaient pas le don de la Parole à la Torah puisqu’il y avait la loi orale donnée au même moment à Moïse. Et pour nous Chrétiens, c’est le « témoignage intérieur du Saint Esprit » qui fait que Dieu nous parle hors de tout fondamentalisme.

Et au delà de la parole, la question que nous devons nous poser c’est : quelles sont les grâces que j’ai reçues, quels sont les bienfaits que Dieu m’a envoyé, et si petit que ce soit quand je découvre une richesse dans ma vie, la première chose à faire, c’est de la redonner à d’autres. Et c’est ainsi seulement que cet embryon de grâce que j’ai perçu pourra se confirmer pour moi et pour les autres.

Le système de la Pentecôte, c’est qu’on donne ce qu’on a reçu pour l’avoir en abondance, et l’Esprit, ce n’est pas une bonne grosse présence confortable pour nous inciter à paresser, ce n’est pas un trésor à garder pour soi, mais un viatique pous nous envoyer en mission, pour aller dans le monde, pour parler et pour donner. Car ce n’est pas un esprit de timidité que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d’amour et de sagesse. (2 Tim 1 :7)

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Actes 2: 1-15

Lorsque le jour de la Pentecôte arriva, ils étaient tous ensemble dans le même lieu. Tout à coup, il vint du ciel un bruit comme celui d'un souffle violent qui remplit toute la maison où ils étaient assis. Des langues qui semblaient de feu et qui se séparaient les unes des autres leur apparurent ; elles se posèrent sur chacun d'eux. Ils furent tous remplis d'Esprit Saint et se mirent à parler en d'autres langues, selon que l'Esprit leur donnait de s'exprimer.

Or il y avait en séjour à Jérusalem des Juifs pieux venus de toutes les nations qui sont sous le ciel. Au bruit qui se produisit, la multitude accourut et fut bouleversée, parce que chacun les entendait parler dans sa propre langue. Ils étaient hors d'eux-mêmes et dans l'admiration, et disaient : Voici, ces gens qui parlent ne sont-ils pas tous Galiléens ? Comment les entendons-nous chacun dans notre propre langue maternelle ? Parthes, Mèdes, Élamites, ceux qui habitent la Mésopotamie, la Judée, la Cappadoce, le Pont, l'Asie, la Phrygie, la Pamphylie, l'Égypte, le territoire de la Libye voisine de Cyrène, et ceux qui sont venus de Rome, Juifs et prosélytes, Crétois et Arabes, nous les entendons parler dans nos langues des merveilles de Dieu ! Tous étaient hors d'eux-mêmes et perplexes et se disaient les uns aux autres : Que veut dire ceci ? Mais d'autres se moquaient et disaient : Ils sont pleins de vin doux.

Alors Pierre, debout avec les onze, éleva la voix et s'exprima en ces termes : Vous Juifs, et vous tous qui séjournez à Jérusalem, sachez ceci et prêtez l'oreille à mes paroles !

Actes 2:1-15