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56, avenue de la Grande-Armée, 75017 Paris

 Quelle est la confession de foi minimale du Christianisme ?

Prédication prononcée le 25 mai  2014, au Temple de l'Étoile à Paris,

par le pasteur Louis Pernot pour le jour des confirmations

 

Quand quelqu’un veut entrer dans l’Eglise chrétienne, on lui demande de professer sa foi. Mais sur quelle confession de foi le candidat doit-il s’engager ?

On pense, bien sûr aux grandes confessions de foi historique : les credo, et en particulier le Symbole des Apôtres. Mais outre le fait que cette confession de foi ne remonte pas aux apôtres eux-mêmes, et date du 3 ou 4e siècle, il peut y avoir dans ces textes un peu développés des articles que l’un ou l’autre ne croirait pas. Est-il par exemple absolument indispensable de croire dans le Dieu « tout puissant » pour être chrétien, ou croire dans la conception virginale de Jésus, ou dans la résurrection de la chair... ? Il y a bien des gens qui sont d’authentiques chrétiens, membres d’Eglise, qui ne croient pas à l’un ou l’autre de ces articles, et on ne va évidemment pas les exclure. Le temps de l’inquisition est passé, Dieu merci.

Une confession de foi définissant l’Eglise ne doit donc pas être trop précise, elle doit donc être courte et synthétique, mais que doit-elle contenir ? Quelle est la confession de foi minimale, en dessous de laquelle on peut dire qu’en effet on n’est plus dans le christianisme ?

La confession de foi qui était celle des Evangiles, c’est : « Jésus est le Christ, le fils de Dieu » c’est celle dite par Pierre dont Jésus affirme que c’est la pierre sur laquelle sera bâtie l’Eglise, c’est celle que dit l’Eunuche éthiopien, lui ouvrant le droit d’être baptisé par Philippe (Actes 8:37). Cette confession de foi est sans doute la meilleure, mais bien peu sont en mesure de la comprendre aujourd’hui. Le nom de « Jésus » en français n’a plus le sens qu’il avait en hébreu, le mot « christ » ne signifie pas grand chose pour la majorité des gens, et l’expression « fils de » demanderait de longs commentaires pour être comprise. Cette confession de foi est donc trop savante pour être clairement entendue aujourd’hui, et on peut vouloir en chercher une autre.

Historiquement, la confession de foi faite par ceux qui voulaient se faire baptiser devait être: «Jésus Christ est le Seigneur ». C’est celle qui est encore demandée aujourd’hui par notre «constitution » pour pouvoir faire partie de l’Eglise Protestante Unie. (Constitution Art 1 #2 : L’Eglise locale ou paroisse accueille comme membres, avec leur accord, ceux qui reconnaissent que « Jésus-Christ est le Seigneur »). C’est aussi la profession de foi prévue par notre liturgie pour un baptême d’adulte, et ce qui est dit être « la foi de l’Eglise universelle » à la base de l’Eglise Protestante Unie elle-même.

Certes, cette formule a l’avantage d’être ancienne et concise. Cependant, elle ne remonte pas à l’Evangile, dans le Nouveau Testament, on la trouve juste en 1 Cor 12:3b. Elle a donc une valeur historique, mais on peut regretter qu’elle soit, en fait, très liée à un contexte particulier. Dans l’antiquité, on demandait aux sujets de l’empire romain de confesser que « César est le seigneur », les chrétiens se sont opposés à cela en substituant « Christ » à « César ». C’était une façon de dire qu’ils ne mettaient pas une confiance ultime dans le pouvoir politique, mais en Christ seul, et qu’ils préféraient obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. Or aujourd’hui, la situation n’est plus vraiment la même, et notre pouvoir politique, loin d’être divinisé n’obtient pas vraiment la confiance totale de nos contemporains et on ne croit pas vraiment que ce devrait être lui qui nous donnerait l’accomplissement de tout dans le monde et dans notre vie.

Et puis en France, le concept de « seigneur » est très gravement dégradé. La Révolution a laissé des traces, et on a enseigné pendant des générations aux enfants que les seigneurs au Moyen-âge méprisaient leurs sujets, qu’ils affamaient les cerfs, piétinant à cheval les plantations des paysans écrasés d’impôts, et qu’on avait bien fait de leur couper la tête à la Révolution, fêtant cette libération des seigneurs de notre fête nationale du 14 juillet. Alors, bien sûr, on peut vouloir garder une image positive du seigneur, et dire que le Christ est celui que nous voulons servir et qui nous protège. C’est bien. Mais on peut regretter que cela nous laisse dans une position hiérarchique de domination, d’obéissance et de soumission, alors que dans l’Evangile, on nous parle d’un Christ qui vient à nous pour se faire l’égal de nous, il vient comme un frère, et il y est question de grâce, de pardon, d’amour, de tendresse. Tout cela ne se trouve pas dans le concept de « seigneur », et pourtant, c’est le cœur même de l’Evangile.

Alors on pourrait ajouter cette dimension de proximité que la formule antique ne contient pas, en demandant aux candidats de dire : « Jésus Christ et mon seigneur et mon frère ». Certes, c’est mieux, et nous avons là les deux dimensions essentielles de la foi, celle verticale parce que Jésus est fils de Dieu, et celle horizontale parce qu’il s’est fait proche de nous. Mais faut-il tenter de récupérer les anciennes formules qui ne fonctionnent plus ? Si l’ancienne formule «Jésus Christ est le Seigneur » a perdu sa pertinence, il faut l’abandonner, la théologie n’est pas l’art d’accommoder les restes, et ce n’est pas en ajoutant une sauce sucrée à un plat rance qu’on le rend savoureux. Peut-être alors faut-il partir sur une autre piste pour aujourd’hui.

En réponse à cette observation de manque d’amour dans la formule traditionnelle, certains ont pensé à une formule du type : « Jésus est pour nous l’amour du père ». C’est déjà mieux... Mais l’amour est-il tout ? Certes Dieu nous aime, mais il n’y a pas que de l’amour en Dieu, il y a aussi de la justice, de la vérité, une source de discernement, de capacité de juger entre le bien et le mal, proposition d’un programme, il est aussi créateur, puissance de transformation, de guérison et de résurrection, et Jésus nous aime, certes, mais il est aussi chemin, vérité et vie. Cette façon actuelle de ne garder que l’amour ne rend certainement pas justice à l’Evangile dans toute sa complexité et toute sa profondeur. Il est très bien que Dieu nous aime mais c’est loin d’être tout. Ou alors il faudrait ajouter d’autres choses : Dieu est amour, oui, mais il est aussi esprit, vérité, justice, paix, pardon, vie... la confession de foi minimale risque d’être longue.

 

Le Conseil Œcuménique des Eglises, lui a une autre proposition. Cette organisation regroupe toutes les Eglises chrétiennes du monde qui le veulent bien (L’Eglise Romaine a toujours refusé d’en faire partie), elle se dit ouverte à toute église confessant sa foi dans le Dieu trinitaire. (Aujourd’hui la formule a un peu changé, mais elle reste très profondément trinitaire). L’idée est assez répandue en effet que là est la spécificité du christianisme. Aujourd’hui, d’ailleurs, la discipline de notre Eglise protestante nous impose de baptiser en utilisant une formule trinitaire : « au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit », et l’Eglise romaine ne considère un baptême comme valable que si cette formule a été prononcée. C’est d’ailleurs un peu curieux, puisque cela fait dire à de mauvaises langues que les baptêmes faits par Pierre selon les Actes des Apôtres, faits seulement « au nom du Seigneur Jésus Christ », bien que faits par le premier pape ne seraient pas reconnus comme valides aujourd’hui ! Il est vrai que cette définition est très clivante dans le sens où elle exclue de fait les autres grandes religions monothéistes : les musulmans ont toujours critiqué cette doctrine chrétienne au nom du monothéisme strict qui est le leur et accusant les chrétiens de tomber dans un tri-théisme. Les juifs n’adhèrent pas non plus, et donc on reste entre soi, excluant au passage les Témoins de Jéhovah que l’on n’aime pas parce que jugés trop sectaires.

Mais donner ainsi une importance essentielle et centrale à la Trinité serait une grave erreur. D’abord historique, puisque cette doctrine absente telle quelle des Evangiles n’apparaît que vers la fin du 2e siècle, pour être vraiment élaborée qu’au cours du 3 et 4e siècles. C’est donc une élaboration théologique de l’Eglise, un développement dogmatique tardif. Dans la logique protestante de retour au message du Christ, il n’y a pas plus de raison de s’y attacher qu’à d’autres doctrines élaborées ensuite par l’Eglise, que ce soit l’immaculée conception de la Vierge ou son assomption. Et puis, il y a aujourd’hui d’authentiques chrétiens qui ne croient pas dans la Trinité. Certains font même de ce refus le centre de leur foi comme les Unitariens : ils défendent un monothéisme strict dans lequel Jésus a un rôle fondamental mais ne pouvant être confondu avec Dieu. Et dans nos Eglises, il y a bien des fidèles, des pasteurs, des théologiens qui n’adhèrent pas à la doctrine de la Trinité. Faudrait-il les exclure de l’Eglise ? Leur faire un procès en hérésie comme quoi ils ne peuvent revendiquer le nom de chrétien ? Ce serait injuste, bien de ceux là considèrent le Christ comme leur sauveur, comme le Fils de Dieu, fondent toute leur vie sur l’Evangile comme révélation et donnent toute leur vie pour le Christ... ils n’ont peut être pas la foi des pères de l’Eglise du Concile de Nicée, mais ils ont le droit à leur place dans l’Eglise chrétienne d’une manière tout à fait authentique. Faire de l’adhésion à une doctrine ecclésiastique comme celle de la Trinité serait une grave erreur théologique, humaine, une injustice inacceptable, et il ne faudrait pas renouveler d’une autre manière le crime de Calvin d’avoir adhéré à la condamnation de Michel Servet à être brûlé précisément pour n’avoir pas adhéré à cela.

Alors que pouvons nous proposer ?

Il faut revenir à la base. La première chose importante, c’est bien sûr de dire que l’on croit en Dieu. Le Christianisme n’est pas qu’une simple idéologie, une philosophie ou une petite morale humaine, il y a une dimension spirituelle, de la transcendance. Dire déjà « je crois en Dieu » est certainement la base indispensable, et qui laisse beaucoup de portes ouvertes, chacun pouvant préciser ce qu’est « Dieu » pour lui, certains y verront une personne, d’autres une puissance créatrice, un esprit baignant le monde, ou même un idéal... peu importe, mais il y a du dieu, quelque chose qui nous dépasse et qui va au delà de l’homme.

Ensuite, il faut, bien sûr dire qua la spécificité du Christianisme réside dans le fait de donner une place particulière au Christ et à sa prédication comme révélation. Là encore, il ne faut pas entrer dans les querelles christologiques qui ont déchiré l’Eglise dans les premiers siècles de notre ère, mais juste dire que dans notre foi, Jésus Christ est central. Dans ce cadre, sans doute que la formule la plus ramassée que l’on puisse faire est : « je crois en Dieu par Jésus-Christ », tout est dit en fait : le chrétien croit en Dieu, et dans le Dieu qui nous a été révélé par Jésus Christ dont nous avons le témoignage dans l’Evangile : un Dieu d’amour de grâce, de pardon, une puissance de vie, de création, de discernement, et puis donc foi dans le Christ qui est le chemin, qui nous montre le père et nous mène à lui.

Voilà sans doute la confession de foi minimale de l’Eglise, et ensuite, tout reste à faire pour se constituer sa propre foi d’une manière intelligente, mais aussi souple, en cherchant, ne questionnant et en pouvant évoluer soi même, et en acceptant que nos frères et sœurs dans le Christ n’aient pas forcément la même manière de croire en Dieu et en Jésus Christ, c’est à cette condition que notre foi ne sera pas une carcan sectaire, évitant les exclusions et les intégrismes, et étant une foi vivante, dynamique et ouverte.

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Actes 8:26-40

Un ange du Seigneur adressa la parole à Philippe : Lève-toi et va du côté du midi, sur le chemin qui descend de Jérusalem à Gaza, celui qui est désert. Il se leva et partit. Et voici, un Éthiopien, un eunuque, haut fonctionnaire de Candace reine d'Éthiopie, et le surintendant de tous ses trésors, était venu à Jérusalem pour adorer, et il s'en retournait, assis sur son char, en lisant le prophète Ésaïe. L'Esprit dit à Philippe : Avance, et rejoins ce char. Philippe accourut et entendit l'Éthiopien qui lisait le prophète Ésaïe. Il lui dit : Comprends-tu ce que tu lis ? Il répondit : Comment le pourrais-je, si quelqu'un ne me guide ? Et il invita Philippe à monter s'asseoir avec lui. Le passage de l'Écriture qu'il lisait était celui-ci : Il a été mené comme une brebis à l'abattoir ; Et, comme un agneau muet devant celui qui le tond, Il n'ouvre pas la bouche. Dans son humiliation, son droit a été supprimé, Et sa génération, qui la racontera ? Car sa vie est supprimée de la terre. L'eunuque prit la parole et dit à Philippe : Je te prie, de qui le prophète dit-il cela ? De lui-même, ou de quelque autre? Alors Philippe ouvrit la bouche et, commençant par ce texte, lui annonça la bonne nouvelle de Jésus. Comme ils continuaient leur chemin, ils arrivèrent à un point d'eau. Et l'eunuque dit : Voici de l'eau ; qu'est-ce qui m'empêche d'être baptisé ?  Philippe dit : Si tu crois de tout ton cœur, cela est possible. L'eunuque répondit : Je crois que Jésus-Christ est le Fils de Dieu. Il ordonna d'arrêter le char ; tous deux descendirent dans l'eau, Philippe ainsi que l'eunuque, et il le baptisa. Quand ils furent remontés hors de l'eau, l'Esprit du Seigneur enleva Philippe, et l'eunuque ne le vit plus, alors que, joyeux, il poursuivait son chemin. Quant à Philippe, il se trouva dans Azot, puis il évangélisa toutes les villes par lesquelles il passait jusqu'à son arrivée à Césarée..

Act. 8:26-40