Psaume 32: "De l'amour, pour discerner!"
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Prédication prononcée le 21 août 2016, au Temple de l'Étoile à Paris,
par le pasteur Louis Pernot
Le psaume 32 est un psaume parmi d’autres, il n’est pas le plus connu ni le plus beau. Il peut donc être particulièrement intéressant de voir comment on peut en tirer de belles choses, bien qu’au premier regard, il semble dire des choses assez banales.
En fait, il n’est pas si banal que ça. D’abord il a le grand honneur d’être cité dans le Nouveau Testament, et en particulier par l’apôtre Paul qui utilise ses premiers versets pour justifier dans son épître aux Romains (4:1-12) la justification par la grâce et non par les œuvres ou l’appartenance génétique à un peuple. Ensuite il commence par deux fois « heureux », c’est un psaume de béatitude et nous aimons cela. Reste à savoir quel est ce chemin de bonheur qu’il nous propose.
• 1. De David, pour le discernement. Heureux [celui dont] la rébellion est portée, et le péché couvert,
Ce psaume commence par un titre, auquel trop peu de lecteurs prennent attention. Certaines versions l’omettent carrément et d’autres l’écrivent en italique comme s’il s’agissait d’un titre ajouté par l’éditeur. Mais non, il s’agit bien des premiers mots du psaume lui-même. Ces deux premiers mots sont souvent rendus par : « De David, poème ». David, on le connaît, et bien des psaumes sont attribués à ce grand roi, mais pour nous l’important, c’est de savoir que son nom « David » signifie « l’amour » en hébreu. Le roi David, c’est le roi Amour. Ensuite ce que l’on traduit par « poème » est le mot parfois mis tel quel dans certaines traductions, faute de savoir précisément comment le traduire : « maskil ». Ce mot vient d’un verbe hébreu signifiant « ouvrir l’intelligence », un « maskil », c’est donc quelque chose pour conduire au discernement, pour rendre intelligent, permettre de comprendre. C’est d’ailleurs comme cela que la traduction antique des Septante l’a compris en traduisant : « pour faire comprendre, de David ». Nous avons donc dans ce titre tout l’essentiel de la religion et de tout ce qui va suivre. L’essentiel, c’est l’amour et l’intelligence. Ce n’est pas d’obéir sans réfléchir, mais c’est tout juste d’aimer et de comprendre. Et d’avoir l’intelligence dans l’amour et de l’amour dans l’intelligence.
Ensuite vient ce mot si essentiel et qui fait de ce psaume une bonne nouvelle « heureux ». Nous avons là une révélation essentielle qui n’a pas échappé à l’apôtre Paul. Il n’est pas dit ici « heureux ceux qui font le bien », ou « ceux qui ont la foi » ou en évoquant quelque autre mérite, mais « heureux celui dont le péché est couvert ». C’est en cela que ce psaume a été utilisé comme l’un des fondements du salut par la grâce. Le bonheur n’est pas la récompense pour celui qui aurait parvenu à une sorte de perfection, mais c’est de se savoir libéré et pardonné. Le vrai bonheur, c’est de pouvoir s’assumer librement et de se sentir accepté et aimé.
Pour cela, il y a deux choses : la « rébellion portée », et le « péché couvert ». Que notre rébellion, ou notre transgression soit « portée » nous fait penser à ce vieux thème de la théologie chrétienne du Christ qui « porte le péché du monde ». On a voulu nous faire croire qu’il s’agissait du Christ qui, portant notre faute, en subirait la punition à notre place. Mais le psaume 32 nous fait comprendre autrement cette notion. L’important, c’est que le Christ nous annonce le pardon, il soulève le poids de notre faute, de notre culpabilité, s’il porte ce poids, ce n’est pas pour se rendre malheureux lui, mais pour nous soulager nous. Ainsi ce Christ agneau de Dieu qui porte le péché du monde n’est peut-être rien d’autre que ce Messie qui nous annonce le pardon et la grâce, il nous dit que Dieu ne nous charge pas de nos fautes, il nous libère de notre culpabilité et nous permet ainsi de pouvoir marcher légers et libres.
Et quant au « péché couvert » il renvoie à la faute d’Adam et Eve. Leur premier réflexe a été de cacher leur faute, ils couvrent ainsi eux-mêmes l’imperfection de leur nudité avec des feuilles de figuier. Mais Dieu leur enseigne que c’est une mauvaise idée. On ne peut pas se cacher sa faute à soi-même. Ce serait un déni inefficace. Dieu seul peut cacher cette faute, et c’est ce qu’il fait à Adam et Eve en leur faisant des pagnes de cuir. Pour être vraiment libre de tout sentiment de culpabilité, il ne suffit pas de se cacher à soi même sa faute, mais il faut que ce soit les autres qui pardonnent, les autres qui nous libèrent.
Il n’est pas ainsi question de faire disparaître le péché, mais qu’il soit couvert, qu’il ne soit pas au premier plan, qu’il n’offusque plus ni soi-même ni les autres, qu’il ne soit plus une question prise en compte en quelque sorte.
• 2. Heureux l’homme à qui l’Eternel ne compte pas une faute et dans l’esprit duquel il n’y a pas de tromperie.
Vient en suite un deuxième « heureux », mais qui va plus loin qu’au verset précédent, cette fois ce n’est plus « heureux celui », mais « heureux l’homme ». C’est un bonheur plus fort qui fait accéder à l’humanité véritable. Il est bien, en effet, de se sentir pardonné, mais là on évoque le sujet de ce cet acte de pardonner : c’est « l’Eternel ». Il est donc en effet agréable de se sentir pardonné et accepté par les autres, mais il est encore plus essentiel que cela soit aussi vrai d’un point de vue absolu, qu’on se sache pardonné non seulement par quelques proches, mais aussi par rapport à l’universel, par rapport au monde. Il se s’agit pas seulement de dire concernant ses erreurs et son imperfection : « c’est bon, n’en parlons plus », mais de se sentir véritablement libéré par rapport à l’absolu. De se savoir le droit d’exister la tête haute dans ce monde, quoi qu’on soit et quoi qu’on ait fait, parce que ce pardon nous est donné de Dieu lui-même maître du monde et plus grand que tous.
Et puis cette idée que Dieu pardonne en ne prenant pas en compte les fautes, nous y sommes habitués, mais c’est en fait d’une très grande originalité par rapport aux religions primitives (ou moins primitives). En général, les religions enseignent que Dieu comptabilise les fautes et les bonnes œuvres, que le jugement dernier fait le bilan de nos vies et qu’il y a une rétribution pour l’enfer ou le paradis. Là, c’est tout le contraire, Dieu ne comptabilise pas, il choisit même de ne pas tenir compte de nos fautes, nous offrant par grâce d’être acceptés par lui.
Quant à cet homme heureux sa seule qualité essentielle, c’est de ne pas avoir de « tromperie dans son esprit ». La nuance est importante. Il n’est pas dit « heureux l’homme qui n’a pas de tromperie », tout le monde est pécheur et forcément a un peu de tromperie parfois dans sa vie. Mais l’essentiel, c’est que cette tromperie ne soit pas « dans son esprit », c’est à dire dans sa raison d’être. L’esprit, en effet, c’est le souffle de vie, c’est ce qui fait vivre. Heureux donc celui qui, même s’il lui arrive de tromper, ne vit pas pour cela, n’en fait pas le cœur de sa vie. Parce que l’important, c’est l’esprit dans lequel on veut vivre, c’est ce qui nous anime, c’est la conviction, la foi en quelque sorte : ce que l’on veut croire vrai et essentiel. Nous sommes donc encore là loin du salut par les œuvres pour trouver une belle expression de ce que les théologiens appellent le « salut par la foi », indépendamment des œuvres.
• 3. Oui, je me taisais, mes os s’usaient dans mon rugissement tout le jour.
Au verset 3 le psalmiste exprime l’essence même de ce qu’il considère comme le péché. Et il le fait en disant : « je me taisait ». Certains ont voulu y voir le refus de confesser sa faute. Certes ce n’est pas bien et nous l’avons vu, mais sans doute cela va-t-il plus loin et dit quelque chose de plus profond : le vrai péché, c’est de ne pas parler.
L’idée est tellement originale que certaines traductions mettent à la place « j’étais sourd ». Sans doute parce que dans l’esprit populaire, et trop souvent dans les religions, on a enseigné que la vraie faute, c’était de ne pas écouter, ne pas écouter Dieu, ou l’Eglise, ou le bon catéchisme. Mais non, il y a bien « je me taisais ». Le croyant pécheur n’est pas assimilé à un mauvais élève qui n’écoute pas, mais le psaume nous dit que l’erreur la plus grave, c’est de ne pas parler, de ne pas s’exprimer. Parler, c’est entrer en relation avec l’autre, c’est le considérer comme digne d’être un interlocuteur, c’est lui faire confiance et croire qu’il peut comprendre et entendre. Et puis parler, c’est mettre de l’ordre dans ses idées, c’est objectiver ce que l’on pense, ce que l’on a expérimenté.
Et cette parole est essentielle, non seulement avec Dieu, pour le prier, lui dire tout ce que l’on ressent, lui demander pardon, lui rendre grâces, mais aussi avec les autres, et encore pour soi-même. C’est ainsi que la psychanalyse guérit ou fait du bien, en donnant la parole au sujet qui, devenant un sujet de parole, devient sujet de sa vie au lieu de la subir. Si on se tait, comme dit la psaume, les os s’usent, on perd de la substance, on se consume de l’intérieur, contrairement au juste qui « se renouvelle de jour en jour » (2 Cor 4).
Quant au cri que lance le pécheur, c’est un « rugissement ». Ce n’est pas un « gémissement » comme disent certaines traductions, le mot utilisé là est celui qui l’est pour parler du cri du lion. Dans tous les cas, il s’agit d’un cri inarticulé, et si on ne parle pas, on finit par rugir des mots sans significations, lancer des paroles qui déchirent qui blessent ou qui tuent comme le ferait un lion. Le lion est un animal très négatif et destructeur dans la Bible, faute de parole, on finit par rugir de la haine. Ainsi faut-il parler, verbaliser, communiquer, sinon on risque de transformer son mal-être en agressivité vis à vis des autres et de soi-même.
• 4. Oui, jour et nuit, pesait sur moi ta main, ma moelle était changée dans les sécheresses de l’été. Pause
Le verset 4 est en général lu comme négatif, ainsi la Bible à la Colombe (Segond révisée) traduit-elle : « nuit et jour ta main pesait sur moi, ma vigueur n’était plus que sécheresse, comme celle de l’été. ». Il se peut en effet que ce soit comme la suite du verset 3 l’expression du mal être de l’homme, et cette fois pas seulement de sa faute, mais par une sorte de punition de Dieu. L’idée n’est pas forcément mauvaise, il est bon que les psaumes expriment aussi tous les sentiments difficiles que l’homme peut éprouver. Mais il est délicat théologiquement d’affirmer que Dieu ajouterait à la souffrance de l’homme en pesant sur lui, en l’écrasant en quelque sorte, ou en le chargeant d’un poids supplémentaire. Ce serait même contradictoire avec les bonnes nouvelles que nous avions au début de ce Dieu qui soulage, qui soulève le poids de la faute pour alléger l’homme.
On peut donc penser au contraire que ce verset doit être lu positivement, dans le sens de la béatitude qui est le ton de tout le psaume. Et cette main de Dieu sur le pécheur n’est pas forcément pour l’écraser, mais plutôt comme pour se poser paternellement sur son épaule afin qu’il sache qu’il n’est pas seul. Et le mot utilisé là pour parler du « poids » que Dieu met sur l’homme est le même mot que la « gloire ». La gloire, c’est le poids mais le poids positif, c’est ce qui est important, considérable, c’est le propre de Dieu, et il nous fait ainsi participer de sa gloire, ce n’est pas pour nous charger, mais pour nous donner de son importance et de sa grandeur. Ainsi Dieu ne laisse-t-il pas le pécheur tout seul face à son insoutenable légèreté, il l’accompagne, et il lui donne du poids afin qu’il ne s’envole pas comme un brin de paille emporté par la tempête de ses épreuves. Dieu donne du leste au pécheur, il pose doucement la main sur lui pour le maintenir et le stabiliser. Et cela, c’est « jour et nuit ». Donc pas seulement le jour, comme si Dieu ne pouvait nous donner de l’importance que par nos actions, mais aussi la nuit, dans le moment où nous prions, ou même simplement ne faisons rien. Ce poids donné par Dieu n’est donc pas une récompense, mais un a priori qui ne dépend que de sa seule volonté, indépendamment de tout ce que nous pouvons faire ou réaliser. Dieu choisit de nous offrir par grâce une part de sa gloire et il nous fait participer à son éternité.
Et ainsi, pour le croyant, sa « moelle est changée » certains parlent de la « vigueur », peu importe, c’est l’essentiel de l’être dont il est question là, et ce cœur est « changé ». Là encore rien de négatif, au contraire, c’est dans le même sens qu’on trouve ce verbe en Nombres 13 :2 « Dieu changea la malédiction en bénédiction. ». Ainsi, le pécheur se trouve transformé de l’intérieur, renouvelé, régénéré, ressuscité même pourrions nous dire.
Et quant à la « sécheresse de l’été », il n’y a rien de négatif là dedans non plus. La « sécheresse » que nous avons là apparaît la première fois dans la Bible dans le récit du Déluge : Gen 8 : « les eaux avaient séché sur la Terre ». C’est donc une bonne sécheresse dont il est question, celle qui s’oppose au Déluge, à la destruction par la pluie. (D’autant que nous avons une référence plus explicite encore au Déluge juste après avec les grandes eaux).
Et quant à l’ « été » enfin, il est désigné là par un mot particulier qui désigne la période de la fructification. Il ne s’agit donc pas d’une herbe qui se trouverait brûlée par un soleil implacable, mais d’une plante qui réchappe à l’inondation pour donner du fruit.
Tout concorde pour inciter à lire ce verset non pas comme quelque chose de désagréable, mais comme une expression merveilleuse de toute la grâce de Dieu qui vient en aide, qui soutient, qui accompagne, qui sauve et qui permet de trouver de la fécondité dans sa vie. Et tout cela une fois encore uniquement de son fait, c’est une parfaite illustration du salut par la grâce qui nous est donné.
Reste le dernier mot de ce verset : « Pause ». Les commentaires habituels sous estiment ce petit mot en disant qu’il doit s’agir d’une indication hymnologique... Pas du tout, c’est de la haute théologie, c’est même le mot de la bonne nouvelle du salut : Dieu nous offre une pause. Il nous donne la paix. Par toutes les grâces exprimées plus haut, chacun peut enfin avoir le repos qui est offert. Le mot vient d’ailleurs d’un verbe qui signifie « mettre en balance », « mettre ne perspective », voire « mépriser », Peut-être est-ce ainsi que l’on peut avoir du repos, quand on sait mettre les choses à leur juste valeur et ne pas tout mélanger parce que notre péché, nos épreuves sont bien petites devant la grandeur de Dieu, de son amour et de son pardon.
• 5. Mon péché, je te fais connaître, et ma faute je n’ai couvert, j’ai dit : je confesse mes rebellions à l’Eternel, et toi, tu as porté la faute de mon péché. Pause.
Ce verset rappelle l’essentiel après toutes ces circonvolutions : le croyant verbalise, il parle, il ne couvre pas lui-même sa faute, il reconnaît son imperfection, et quand à Dieu, il soulève le poids. Il ne fait pas disparaître le péché, mais il libère de la charge de culpabilité qu’il peut nous donner. Et surtout, il nous donne la pause, la paix dans notre vie.
• 6. En plus de cela, tout fidèle prie vers toi au temps de trouver, même pour le débordement de grandes eaux, elles ne l’atteignent pas.
Et finalement, par delà la question du péché ou de la culpabilité, le psaume nous enseigne qu’il est bon de prier pour tout le monde et dans toute circonstance. Il est précisé: « au temps de trouver ». Cette expression est un peu mystérieuse. Quel est ce temps pour trouver, ou ce temps trouvé ? Ce peut être le temps qu’on trouve pour prier, il faut bien essayer de le faire ; ce peut être le temps où l’on peut trouver Dieu ; ou alors dans l’autre sens le temps où Dieu peut nous trouver, temps de la rencontre en quelque sorte. Ou bien le temps de la prière est le temps par excellence qui permet de trouver bien des choses, de faire des découvertes merveilleuses, des trouvailles. La traduction grecque antique des Septante utilise là un mot grec qui a eu une grande postérité dans les écrits théologiques du XXe siècle : « kairos ». Le « kairos », c’est le temps, mais pas le temps qui passe qui est « chronos ». C’est le temps opportun, le temps des moissons, ou celui de la récolte ou de la vendange, c’est le temps positif, le bon moment, le temps où l’on peut enfin à quelque chose de positif. Le temps de la prière peut être ainsi ce bon temps créateur et positif, le temps où précisément on trouve quelque chose, ou quelqu’un, le temps où l’on se trouve soi même, le temps d’une nouvelle création.
Et cette relation à Dieu dans la prière protège même du « débordement de grandes eaux ». Il y a là évidemment une allusion au Déluge. Et donc encore une théologie de la grâce. Dans l’ancienne logique, Dieu, par le Déluge, a puni les hommes mauvais. Là, plus de jugement, Dieu sauve du Déluge même le pécheur tant qu’il s’est mis dans le juste temps de la relation et de la parole.
• 7. Toi [tu es] une cache pour moi, de l’angoisse tu me gardes, de cris de délivrance tu m’environnes. Pause.
Et ainsi Dieu est pour le croyant cette « cache » lieu de protection contre le mal qui peut lui être imposé. Et en particulier, il le protège de l’ « angoisse ». L’ « angoisse » est un mot qui a à faire avec l’idée d’un lieu resserré, en français comme en hébreu. L’angoisse, c’est le sentiment d’être enfermé, serré, écrasé. Et Dieu libère de ce sentiment en ouvrant des horizons, en ouvrant des portes. Dieu nous libère des déterminismes, de l’oppression que peut nous imposer un destin semblant inexorable où tout serait perdu d’avance. Il est la fenêtre de la cellule du prisonnier qui ouvre vers le ciel bleu et même plus il est la porte qui s’ouvre pour libérer.
Et par là même il met dans la bouche du croyant des cris qui ne sont plus des rugissements de violence ou de haine, mais des cris de joie, des cris de victoire. Et le tout sans agitation, mais dans la pause, le repos offert encore une fois par Dieu.
• 8. Je te fais discerner, je t’élève dans ce chemin où tu vas, je te conseille, mon œil [est] sur toi.
Ensuite Dieu instruit, il « fait discerner » (avec le même verbe qui avait donné le mot « maskil » du premier verset). C’est là une chose importante, Dieu n’est pas qu’une sorte de garantie contre le mal, un abri dans l’épreuve, ou celui qui libère ou pardonne, il a aussi une action positive et active à notre égard, il nous aide à avancer et à aller dans un chemin vertueux. Dans le cas particulier, il n’impose pas une vérité à laquelle il faudrait se soumettre, mais il permet de discerner par nous-mêmes, il donne l’intelligence. Et il nous « élève » sur le chemin qui est le nôtre et non pas qu’il nous imposerait. Il nous élève dans tous les sens du terme, comme on élève un enfant il nous aide à grandir et à nous autonomiser, ou comme on élève un bâtiment en le dressant debout hors de la terre, en le construisant. Et puis donc aussi en donnant une certaine indépendance. C’est le rôle d’un bon pédagogue que de ne pas maintenir dans la dépendance du maître, et c’est ce qu’évoque le mot hébreu qui est aussi utilisé pour parler d’une flèche que l’on envoie au loin. Et enfin il « conseille », plus qu’il ne commande ou n’impose. Là encore ce Dieu se montre merveilleusement respectueux et plein de considération pour sa créature, tout en lui donnant tout ce dont elle peut avoir besoin pour avancer librement et positivement.
Et cette attention est évoquée encore par cette belle expression : « Mon œil est sur toi » exprimant le regard bienveillant de Dieu sur sa créature. Son pardon n’est pas de l’indifférence et sa liberté donnée ne veut pas dire qu’il laisserait tomber l’homme, au contraire, il reste plein d’attention
Et là encore c’est tout à l’initiative de Dieu, l’homme n’a pas d’autre mérite que d’avoir parlé, ou d’avoir pris le temps opportun pour entrer en relation avec son Dieu.
• 9. Ne soyez pas comme le cheval, comme le mulet, qui ne comprennent pas. Dans un mors et une bride, [est] sa parure, pour entraver, pour qu’il ne s’approche pas de toi.
Suivent quelques exhortations essentielles que l’on peut entendre précisément parce qu’il n’y a pas de menace ni d’enjeu de salut ou autre. C’est l’exhortation que Calvin comprenait dans le 3e usage de la loi : libérés et pardonnés, comment se mettre au service de Dieu par reconnaissance ?
L’invitation comporte le verbe être : « ne soyez pas ». C’est assez rare dans l’hébreu qui en fait ordinairement l’économie. Ce que nous sommes invités à éviter, c’est donc non pas seulement de mal nous comporter, mais de ne pas nous identifier « au cheval ou au mulet ». Le « cheval, » c’est l’animal de guerre, le roi montait sur un âne pour toute activité pacifique et ne montait sur un cheval que pour combattre ou lutter. Et le « mulet », c’est l’animal mélanger, celui qui n’est pas pur, pas franc, pas clair. L’important, c’est donc ne pas être dans le rapport de forces avec les prochains, ni dans la confusion ou l’amalgame. Nous sommes initiés à agir avec intelligence, avoir l’intelligence des événements, des personnes et des relations.
Et ainsi nous sommes invités à vivre notre religion comme une liberté investie avec intelligence. Tout au contraire d’une religion qui prétendrait imposer des choses à ses fidèles. « Le mors et la bride », ce sont des moyens de coercition qui sont imposés au cheval, et plus particulièrement par sa bouche. Ainsi bien des religions veulent imposer à leurs fidèles des façons de parler, des discours, des dogmes ou des catéchismes à répéter. Mais cela n’est pas dans la relation libre et intelligente que Dieu veut pour nous. Au contraire nous dit le psalmiste, ces moyens d’imposer des choses aux fidèles, des pratiques, des morales ou autres ne font qu’éloigner de Dieu. Et celui qui prétendrait se parer de sa pratique religieuse en pensant que c’est l’obéissance servile qui compte ne ferait que de s’éloigner lui-même de l’essentiel qui est Dieu lui-même.
• 10. Nombreuses douleurs pour le méchant et celui qui se confie en l’Eternel, la grâce l’environne.
Cela étant dit, le verset 10 pose un problème parce qu’après toutes ces paroles de confiance et de grâce, il semble est totalement rétributif : comme s’il disait que les douleurs étaient réservées au méchant, alors que le juste bénéficierait de la grâce de Dieu qui l’environne. Cela est tout à fait incohérent avec l’ensemble du psaume. Depuis des millénaires, les juifs ont compris autrement ce verset en mettant ailleurs la virgule. On a ainsi: « beaucoup de douleur pour le méchant et aussi pour le bon »... « Mais la grâce l’environne ». On voit alors que le malheur n’est pas réservé au méchant comme une punition. Le juste aussi peut être frappé de malheurs sans nombre. La religion n’est pas une sorte de superstition qui garantirait de l’épreuve. Et les juifs le savent bien, eux qui ont été exilés en Egypte bien qu’étant les chéris et élus de leur Dieu. D’ailleurs la première occurrence du mot « douleurs » ici présent est en Exode 3:7 : « L’Éternel dit: J’ai vu la souffrance de mon peuple qui est en Égypte, et j’ai entendu les cris que lui font pousser ses oppresseurs, car je connais ses douleurs. ». Ainsi il est bon de le savoir, le malheur, par définition est absurde et aveugle, et en tout cas les méchants ne sont pas forcément punis sur cette terre. Mais il y a une bonne nouvelle de la part de Dieu : « la grâce l’environne ». De qui est-il question ? Ce peut être du juste, et certainement en tout cas est-ce vrai pour lui. Mais ce peut être aussi pour tout le monde, parce que la grâce est universelle. (Mais sans doute le juste en est-il plus proche, en tout cas dans la phrase). Et ainsi quoi qu’il arrive l’homme n’est pas seul, mais toujours entouré de la grâce de Dieu.
• 11. Réjouissez-vous en l’Eternel, et exultez, ô justes, et poussez des cris de joie, ô tous les droits de cœur.
Et ainsi nous arrivons à la joie, le bonheur et la réjouissance. Accomplissement des promesses des deux « heureux » du début. Mais cela est en particulier promis aux « droits de cœur ». On peut penser que c’est là l’une des formulations possibles de l’expression que l’on a dans les Béatitudes (Matt. 5) avec « ceux qui ont le cœur pur » dits aussi « heureux » par le Christ. Or le cœur pour la Bible, ce n’est pas l’organe de l’affectivité, de l’amour, non plus que du courage, mais cela désigne le fondement de l’être, le centre de toute décision et des choix que l’on peut faire. C’est le cœur de notre être comme on parle du « cœur d’un dispositif » ou du « cœur d’un problème ». Ainsi, ceux qui ont le « cœur droit », ce sont ceux qui sont centrés positivement sur ce qui va dans le sens du Dieu créateur, c’est-à-dire dans le sens de la vie et de l’amour. Cela rejoint encore l’idée du salut par la foi, parce que être aligné ainsi sur Dieu et sa volonté, c’est vouloir mettre sa confiance en Dieu et le reconnaître pour la vérité, ce qui est la définition de la foi.
Et voici ainsi la conclusion du psaume 32 : réjouissez- vous dans l’Eternel cœurs qui choisissez dans le sens de la vie. Il y a dans la vie une vraie possibilité de bonheur, de liberté de joie, mais il ne faut pas la chercher en nous, ou dans les événements, la source, elle est dans ce Dieu d’amour et de vie qui jamais ne s’éloigne de nous, mais aussi jamais ne s’impose à nous. Il est là source fraîche, disponible, éternelle et infinie, offerte à vous voyageur sur Terre, puisez avec joie aux eaux du salut et de la joie.
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Psaume 32
1. De David, pour le discernement.
Heureux [celui dont] la rébellion est portée, et le péché couvert,
2. Heureux l’homme à qui l’Eternel ne compte pas une faute
et dans l’esprit duquel il n’y a pas de tromperie.
3. Oui, je me taisais, mes os s’usaient dans mon rugissement tout le jour.
4. Oui, jour et nuit, pesait sur moi ta main,
ma moelle était changée dans les sécheresses de l’été
Pause5. Mon péché, je te fais connaître, et ma faute je n’ai couvert
j’ai dit : je confesse mes rebellions à l’Eternel,
et toi, tu as porté la faute de mon péché.
Pause.6 En plus de cela, tout fidèle prie vers toi au temps de trouver,
Même pour le débordement de grandes eaux, elles ne l’atteignent pas.
7. Toi [tu es] une cache pour moi,
de l’angoisse tu me gardes,
de cris de délivrance tu m’environnes.
Pause.8. Je te fais discerner, je t’élève dans ce chemin où tu vas,
je te conseille, mon œil [est] sur toi.
9. Ne soyez pas comme le cheval, comme le mulet,
qui ne comprennent pas.
Dans un mors et une bride, [est] sa parure, pour entraver, pour qu’il ne s’approche pas de toi.
10. Nombreuses douleurs pour le méchant et celui qui se confie en l’Eternel,
la grâce l’environne.
11. Réjouissez-vous en l’Eternel, et exultez, ô justes,
et poussez des cris de joie, ô tous les droits de cœur.
(Traduction littérale Louis Pernot)
1De David. Poème.
Heureux celui dont la transgression est enlevée,
Dont le péché est pardonné !
2Heureux l’homme à qui l’Éternel ne tient plus compte de sa faute,
Et dans l’esprit duquel il n’y a point de fraude !
3Tant que je me suis tu, mes os se consumaient,
Je gémissais toute la journée ;
4Car nuit et jour ta main pesait sur moi,
Ma vigueur n’était plus que sécheresse, comme celle de l’été.
Pause.
5Je t’ai fait connaître mon péché,
Je n’ai pas couvert ma faute ;
J’ai dit : Je confesserai mes transgressions à l’Éternel !
Et toi, tu as enlevé la faute de mon péché.
Pause.
6Qu’ainsi tout fidèle te prie au temps convenable !
Si de grandes eaux débordent,
Elles ne l’atteindront nullement.
7Tu es un abri pour moi,
tu me gardes de la détresse,
Tu m’entoures de cris de délivrance.
Pause.
8Je t’instruirai et te montrerai la voie que tu dois suivre ;
Je te conseillerai,
j’aurai le regard sur toi.
9Ne soyez pas comme un cheval ou un mulet sans intelligence ;
On les bride avec un frein et un mors, dont on les pare,
Afin qu’ils ne s’approchent pas de toi.
10(Il y a) beaucoup de douleurs pour le méchant,
Mais celui qui se confie en l’Éternel est entouré de sa bienveillance.
11Justes, réjouissez-vous en l’Éternel et soyez dans l’allégresse !
Poussez des cris de joie, vous tous qui êtes droits de cœur !
(Segond révisée "à la Colombe")