Skip to main content
56, avenue de la Grande-Armée, 75017 Paris

  Ecouter la version audioConf MP1

Le psaume 21

Prédication prononcée le 30 juillet 2017, au Temple de l'Étoile à Paris,

par le pasteur Louis Pernot

Le Psaume 21 est un psaume parmi d’autres, il n’est pas le plus connu, ni sans doute le plus beau. Il fait partie de ces psaumes que malheureusement on lit trop souvent sans y faire grande attention. Pourtant il recèle des trésors, des merveilles pouvant nourrir notre foi. Il suffit pour cela de ne pas le lire trop vite et de prendre le temps de regarder dans les détails ce qu’il nous dit.

(Les versets cités sont en premier à partir de la traduction de la Segond révisée dite « à la colombe », et ensuite un mot à mot à partir de l’hébreu.)

 

1. Au chef de chœur. Psaume de David.
À l’excellent, cantique de David.
Une grande nouvelle se trouve déjà dans le titre même du psaume, malheureusement, pratiquement personne n’y prête attention. La traduction œcuménique liturgique a même purement et simplement retiré ce titre en pensant qu’il n’avait sans doute aucun intérêt, et la Bible à la Colombe (Segond révisée) l’a mis en italiques comme s’il n’était qu’un titre ajouté par l’éditeur. Mais il ne s’agit pas de cela, ce titre fait bien partie du texte sacré et nous dit des choses essentielles, c’est le premier verset du psaume qui en indique le sens. Pour le comprendre il faut néanmoins faire un tout petit peu d’hébreu et savoir que le mot « David » désigne le roi bien connu quand c’est un nom propre, mais ce mot signifie aussi tout simplement « l’amour ». Et celui que l’on désigne par le nom de « chef de chœur » est simplement « l’excellent ». Sans doute que les traducteurs ont pensé qu’on devait naturellement choisir le meilleur pour chef ? En tout as le titre de ce psaume peut donc se lire : « à l’excellent, chant d’amour ». Voilà ce dont il va s’agir, de chanter l’amour de Dieu pour sa création, et de comprendre de quelle nature est cette relation privilégiée dans laquelle Dieu nous invite à entrer avec lui.

 

Éternel ! Le roi se réjouit de ta force, combien ton salut le remplit d’allégresse !
Ô Éternel, dans ta force se réjouit le roi Et en ton salut, Ô combien il se réjouit beaucoup.
La suite du verset continue dans le même sens en appelant Dieu « Eternel », ce qui correspond dans le texte original au tétragramme : « YHWH » que l’on prononce en général « Yawéh ». Cela aussi a une grande importance, en effet, parmi les noms de Dieu, celui-ci est utilisé quand on veut présenter Dieu comme un dieu de grâce. En effet, ce nom renvoie à l’histoire du buisson ardent quand Dieu dit :  « J’ai vu la misère de mon peuple... » ensuite il annonce à Moïse qu’il a alors décidé de le libérer d’Egypte, ce pays de servitude. Ce qui est remarquable là, c’est que Dieu ne met aucune condition à cette œuvre de libération qu’il va entreprendre, il ne dit pas qu’il libérera le peuple s’il se montre suffisamment fidèle ou s’il se repent. Simplement il va la libérer inconditionnellement juste parce qu’il compatit avec sa souffrance. C’est là une des expressions les plus remarquables de la grâce absolue et inconditionnelle de Dieu. Or c’est à ce moment que Moïse lui demande son nom et qu’il lui est répondu : « Je suis celui qui est », c’est à dire Yaweh, ce mot venant du verbe être à tous les temps : « celui qui est, qui était et qui sera. C’est pourquoi les protestants ont choisi au XVIe siècle de traduire ce tétragramme par « l’Eternel » : celui qui est toujours. Cette idée était si bonne que les juifs l’ont reprise dans leurs propres traductions françaises. Mais voilà donc que pratiquement toutes les traductions d’aujourd’hui mettent non plus « Eternel », mais «  Seigneur ». C’est fort dommage. « Seigneur » est aussi un nom de Dieu, mais utilisé plutôt dans les circonstances où il est vu dans un rapport hiérarchique, comme un dieu qui dirige, qui tient notre vie entre ses mains, et auquel nous devons obéir.

l est donc essentiel de voir que dans notre psaume, Dieu est appelé « l’Eternel » dés le début : c’est du Dieu de grâce, d’amour et de bonté dont il est question.

Ensuite, il est dit que le roi se réjouit de la force de Dieu parce que son salut le remplit de réjouissance. Cela est remarquable : on attendrait que le roi se réjouisse de la force de Dieu pour ses victoires guerrières, mais non, là c’est pour le salut qu’il lui offre. Il y a donc en Dieu une force qui donne non pas la toute-puissance sur les événements, mais tout simplement la joie, le bonheur.

Quant à ce salut que Dieu donne au roi, il ne faut pas le voir à partir des images médiévales de pouvoir échapper à l’enfer pour aller au paradis. Dieu nous sauve de la perdition, certes, mais peut-être surtout parce qu’il nous libère de la culpabilité en nous assurant de son pardon, et aujourd’hui nous dirions plutôt qu’il nous sauve de la mort en nous donnant la connaissance de la vie éternelle, il nous sauve au moins de la peur de la mort, il nous sauve même de la peur tout simplement parce qu’en lui nous pouvons mettre toute notre confiance, et il nous sauve de l’absurde en donnant un sens, un idéal, une mission dans notre vie par la vocation que nous pouvons entendre en lisant l’Evangile.

En tout cas, il est remarquable que le roi, tout roi qu’il est ne se considère pas comme lui-même tout-puissant ou auto-suffisant, mais reconnaisse qu’il a besoin de Dieu pour le sauver lui-même.

Et enfin se pose la question de savoir qui est ce roi dont il est question. Bien sûr on pourrait penser qu’il s’agit de David, auteur présumé de ce psaume, mais parlerait-il de lui à la troisième personne ? Et de toute façon cette attribution est légendaire. Les spécialistes disent que ce psaume aurait pu avoir été écrit pour le couronnement du roi Josias, mais que ce soit pour ce roi là ou un autre, cela n’au aucun intérêt du point de vue du sens théologique ou pour ce que nous pouvons en tirer pour nous mêmes. Une autre solution encore est de dire qu’il est question du Messie, le roi des rois qui tient sa force de Dieu. Mais là encore ce n’est pas très riche en sens pour nous et ne fait que mettre le texte à distance de notre propre expérience.

En fait, pour comprendre ce verset, il faut appliquer la méthode habituelle d’interprétation de la Bible qui part de l’idée que tout texte parle de soi-même ici et maintenant. Ce roi dont il est question n’est donc ni David, ni Josias, ni qui que ce soit, mais tout simplement le lecteur, le croyant qui fait de ce psaume sa propre prière. Et nous avons ainsi une autre bonne nouvelle qui n’apparaissait pas à première vue : Dieu nous considère comme des rois ! Cela est tout à fait dans le sens de l’Ecriture, en particulier dans l’Apocalypse, il est dit que Dieu a fait de nous « des rois et des prêtres » (Apoc. 5:10). C’est à encore un effet de la grâce de Dieu, nous sommes peu de chose, mais Dieu, lui, nous regarde comme des rois, chacun de nous est pour lui infiniment important, et même sacré. C’est ce que nous affirmons entre autres lors du baptême d’un enfant : même ce petit bébé qui est peu de chose, ne sait rien faire et n’a rien accompli, par grâce, il est considéré par Dieu comme étant un petit prince, une princesse, un roi ou une reine. Ce n’est pas en raison de mérites quelconques ou de quelque dignité gagnée, mais juste le regard de Dieu nous nous pose ainsi.

 

3. Tu lui as donné ce que désirait son cœur.
Tu lui as donné le désir de son cœur.
On pourrait penser que la joie du roi est que Dieu ait accompli tous ses désirs. Mais en fait ce n’est pas cela. Dieu n’est pas au service de nos désirs, c’est plutôt le contraire. Dieu n’est pas la fée clochette réalisant tous les caprices de l’homme, et le bonheur même n’est pas l’accomplissement de tous ses désirs, c’est bien autre chose.

D’abord le « tu as donné » est au passé. Il ne s’agit donc pas du roi qui dirait que Dieu lui donne (au présent) tout ce qu’il désire. Ce qu’il faut comprendre c’est que le roi affirme que Dieu lui a déjà donné tout ce qu’il pouvait désirer. Le vrai bonheur, c’est de savoir reconnaître la valeur de ce que l’on a déjà reçu, et ensuite de construire dessus. Au contraire, celui qui ne sait pas reconnaître la valeur de ce qu’il a et voudrait toujours avoir ce qu’il n’a pas est dans un état d’insatisfaction continuel. C’est sans doute ce que Jésus voulait dire quand il affirmait : « celui qui boit de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif » (Jean 4 :14 et 6 :35). De même Paul a dit : « j’ai appris à me contenter de l’état où je me trouve. Je sais vivre dans l’humiliation, et je sais vivre dans l’abondance. En tout et partout, j’ai appris à être rassasié et à avoir faim, à être dans l’abondance et à être dans la disette. Je puis tout par celui qui me fortifie » (Phil. 4 :11-13). Jean-Sébastien Bach lui-même a aussi illustré magnifiquement cette idée dans sa cantate BXWV 84 : Ich bin vergnügt mit meinem Glücke : le soprano chante magnifiquement qu’il est heureux du peu qu’il a et qu’il ne mérite même pas, et il lui suffit d’un peu de pain et n’a besoin de rien d’autre !

Ensuite, on pourrait entendre ce verset autrement en remarquant que le texte ne dit pas littéralement que Dieu aurait donné l’objet de son désir, ou sa réalisation, mais que ce que Dieu a donné, c’est le désir lui-même. En effet, le désir, s’il on ne l’entend plus là comme étant ces désirs matériels infinis, est un moteur essentiel dans la vie. Il ne s’agit pas de ne plus rien désirer et de rester sans aucune dynamique dans sa vie, ce serait terrible ! Au contraire, il faut avoir des objectifs, et idéaux, une volonté qui nous tire nous fait avancer. C’est ainsi que Jésus a pu dire: « heureux ceux qui ont faim et soif » (Matt. 5 :6). La joie, le bonheur, ce n’est pas un état statique, mais au contraire d’être dans une dynamique positive. Et Dieu peut mettre dans nos vies cette soif ardente de travailler pour un monde meilleur, d’être un apôtre de la fraternité, de la justice et de la paix. C’est le plus grand bonheur et Dieu peut nous sauver cette inertie déprimante qui menace chacun de ne plus vouloir rien faire ni de croire en rien au point de se laisser aller à subir le monde et sa vie au lieu d’en être un acteur.

 

Et tu n’as pas refusé ce que souhaitaient ses lèvres.
Et la demande de ses lèvres, tu n’as pas empêché cela.
Cela dit, ne pas demander de choses matérielles à Dieu ne veut pas dire qu’on ne puisse le prier du tout. Dieu n’interdit pas qu’on lui fasse part de nos désirs, nos craintes, nos espoirs. Il ne s’agit pas de réclamer, mais plutôt de partager avec lui ce qui nous touche. Parce qu’on peut tout partager avec Dieu, et nos sentiments, bons ou mauvais doivent lui-être exposés, non pas pour exiger quoi que ce soit de lui, mais parce qu’il est le Dieu qui crée, qui transforme et sanctifie. Il peut calmer nos craintes, purifier nos désirs, les spiritualiser peut-être, ou même nous délivrer de ceux qui seraient mauvais. Dieu n’empêche jamais qu’on lui parle, et qu’on lui ouvre son cœur, au contraire, c’est mettre en soi un ferment de vie qui peut nous conduire plus loin même que nos propres désirs.

 

Pause.
Pause.
A la fin de ce verset 3 ce trouve un tout petit mot, là encore trop souvent méprisé par les traducteurs, qui l’omettent ou l’écrivent en italique. Les commentateurs disent qu’il s’agirait d’une ancienne indication pour chanter le psaume. Mais là encore, on peut ne pas se contenter d’une telle explication. Le texte sacré est une parole divine jusque dans ses moindres détails. On peut au moins dire que le silence fait partie du psaume, ou de la prière en général. Il ne faut pas toujours parler ou agiter ses lèvres. Il faut aussi dans la prière un temps de pause, de silence, de tranquillité. Le lecteur de ce psaume devrait donc à la vue de ce mot poser son livre et faire silence. Mais c’est sans doute aussi plus que cela. Ce qui est dit ici, c’est la pause, le repos, la paix qu’offre Dieu. Le bonheur, c’est, même si l’on a de la volonté, le désir d’une vocation, savoir trouver la paix, le calme et la tranquillité. Dieu offre cela aussi dans une vie. Et aujourd’hui peut-être plus que jamais, nous avons besoin de cela dans nos vies trépidantes, agitées, pleines de tout. La pause, c’est vital et un des plus grands bonheurs que peut trouver le croyant dans sa démarche active.

 

4. Car tu viens au-devant de lui avec des bénédictions excellentes.
Car tu vas à sa rencontre (dans) des bénédictions de bien.
Viennent ensuite des affirmations nous montrant tout ce que Dieu peut nous donner à nous qu’il considère comme des rois.

D’abord Dieu vient vers nous. C’est une bonne nouvelle. Dieu n’est pas une réalité impassible et intransigeante qui attendrait que nous fassions tout le chemin vers lui pour nous prosterner. Il est comme le père du fils prodigue de la parabole et qui voyant son fils pécheur de loin court à lui pour l’embrasser. C’est ça la grâce : n’est pas digne de la présence de Dieu que celui qui aurait accompli tout le chemin de la sainteté, Dieu vient vers nous.

Ensuite, toujours comme le père de la parabole, Dieu ne vient pas pour nous accabler de reproches, ni même nous abreuver de conseils, de commandements ou de lois, il vient pour nous donner ses bénédictions. La bénédiction, se dit en hébreu « Barak »  ce qui vient du mot « Berek » qui désigne le genou. Il s’agit de la situation ou un serviteur vient s’agenouiller devant son roi pour attendre une parole de lui, et le roi le relève, lui donne une mission et ce qu’il faut pour l’accomplir. Ainsi nous pouvons « bénir Dieu », c’est à dire tout attendre de lui dont toute notre vie dépend, et Dieu peut nous bénir en nous donnant sa grâce pour aller en mission dans le monde à son service. C’est donc cela que Dieu vient nous donner : des bénédictions. Si il nous offre des dons, ce n’est pas comme une récompense, mais comme un viatique, pour nous permettre d’accomplir notre service. Et ces bénédictions sont multiples, comme l’indique le pluriel du texte.

 

b) Tu mets sur sa tête une couronne d’or pur.
Tu poses sur sa tête une couronne d’or fin.
Là aussi le sens premier est curieux. Si le roi est roi, pourquoi aurait-il besoin en plus que Dieu lui mette une couronne sur la tête ? On peut le comprendre par le fait qu’il est difficile d’accepter que Dieu fasse vraiment de nous des rois. Nous avons donc besoin de signes. Il en est ainsi des sacrements dans notre vie d’Eglise. Bien sûr, nous savons que chacun de nous est enfant de Dieu et sous la grâce, objet de son amour dès sa naissance, mais nous avons besoin de le marquer par un geste, c’est le baptême. Ce n’est pas le geste qui provoque ce qu’il représente, mais ce qui va sans dire va encore mieux en le disant.

Et puis on pourrait dire que ce qui est le plus beau en nous, ce n’est pas vraiment notre propre tête, mais ce que Dieu ajoute dessus. Nous sommes beaux, parce que nous sommes aimés et considérés par Dieu, sa grâce est comme une couronne qui embellit notre tête et fait resplendir notre personnalité.

 

5. Il te demandait la vie, tu la lui as donnée, Des jours prolongés à jamais, à perpétuité.
Les vies il t’a demandées, tu lui as donné la longueur des jours, d’éternité pour toujours.
Et nous apprenons là ce que le roi a demandé de plus essentiel : la vie. Et c’est ce que Dieu donne parce qu’il est un Dieu de vie. Le texte original est même plus intéressant que nos traductions parce qu’on y voit le mot « vie » est mis au pluriel. Dieu donne « les vies », parce qu’il n’y a pas que la vie physique, notre vie a plein de dimensions dans lesquelles Dieu nous offre de grandir : la vie spirituelle, la vie intérieure en particulier. Et ce que Dieu donne, ce ne sont pas seulement des jours nombreux, mais une vie qui aille jusque dans l’éternité, c’est-à-dire au delà de la temporalité. Une vie qui ait cette dimension transcendante qui n’est atteinte ni par le temps ni par la mort.

 

6. Sa gloire est grande à cause de ton salut ; Tu places sur lui l’éclat et la magnificence;
Grande est sa gloire, en ton salut, splendeur et magnificence tu places sur lui.
La gloire, c’est, mot-à-mot en hébreu, le poids. Rendre gloire à Dieu, c’est vouloir lui donner du poids, de l’importance dans sa vie. Et si Dieu nous donne sa gloire, c’est qu’il met du poids dans nos vies. Sans lui notre existence risquerait de n’être que bien légère, une paille emportée par le vent ou un bouchon sur l’eau malmené par les vagues qui l’emportent de ci de là et le font disparaître. C’est Dieu qui peut donner de la consistance à notre vie, du lest et de l’importance. Et il nous donne aussi l’éclat et la magnificence qui sont normalement ses propres attributs, comme la gloire, ainsi avec tout ce qu’il nous donne et qui vient de lui, nous participons un peu à sa propre nature et devenons en partie semblable à lui.


7. Tu fais de lui, pour toujours, une bénédiction,
Car tu le poses, bénédictions pour toujours
Cette affirmation peut être comprise de deux manières différentes. La première c’est que Dieu donne sa bénédiction pour toujours. L’autre est que c’est le croyant qui est établi pour être une bénédiction, donc une source de bénédictions (le texte le met même au pluriel) pour les autres. En fait il n’y a pas à choisir, les deux sont valables. C’est parce que le croyant est béni qu’il peut être source de bénédiction. De même que, ainsi que le dit l’apôtre Jean, c’est parce que nous sommes aimés par Dieu que nous pouvons aimer. C’est aussi la logique de la parabole du Semeur : la bonne terre commence par recevoir et c’est parce qu’elle a reçu le bon grain qu’elle peut à son tour devenir une source multiplicatrice de ce bon grain pour les autres.

 

Tu le combles de joie devant ta face.
Tu le combles de joie avec ta face.
La joie encore revient, et c’est bien. Trop souvent la religion chrétienne a montré un rejet de la joie, comme si Dieu pouvait prendre plaisir à ce que le croyant souffre, se prive et se mortifie. Pour la Bible, au contraire, la relation à Dieu mène à la joie, et sous bien des formes, nous avons dans ce psaume au moins trois mots différents pour parler de la joie, du bonheur, de la félicité ou autre.

Et cette joie, elle se trouve ici avec la face de Dieu, c’est-à-dire dans le face-à-face avec Dieu quand on le prend pour vis-à-vis. Avoir Dieu comme compagnon, interlocuteur, accompagnant, c’est une source de joie immense.

 

8. Le roi se confie en l’Éternel ; et, par la bienveillance du Très-Haut, il ne chancelle pas.
Oui le roi se fie en l’Éternel, et dans la bonté du très haut, il ne chancelle pas.
Le roi met sa confiance en l’Eternel, c’est donc qu’il ne se croit pas tout puissant. Il évite ainsi ce qui pourrait être le danger de celui qui aurait pris sans nuance la bonne nouvelle que Dieu le fait roi pour prétendre à la toute-puissance, et se passer même de lui. C’est aussi le danger qui menace les protestants : à force d’entendre qu’ils sont libres, responsables, que l’Eglise, comme Dieu leur fait confiance et ne les considère pas comme des enfants, le risque donc, c’est du coup de croire qu’ils pourraient se passer de l’Eglise, se passer de toute pratique, se passer même de la prière, et finalement de Dieu. Mais si grand que nous soyons, et même si Dieu fait de nous des rois, nous devons savoir qu’il y a une réalité qui nous dépasse, et que cette royauté, nous ne la tenons que de Dieu lui-même.

Ce qui est curieux c’est néanmoins le lien entre le fait de ne pas trébucher, et la bonté de Dieu. On se trouve là dans un autre couple paradoxal, comme nous avions au verset 2 avec le roi qui avait de la joie à partir de la force. En fait on aurait pu attendre plus logiquement une inversion croisée de ces deux couples : j’ai de la joie dans la bonté de Dieu et la force de Dieu fait que je ne trébuche pas. Mais justement, Dieu n’est pas montré comme une sorte de super puissance qui me tiendrait physiquement pour que je ne trébuche pas. Si je ne trébuche pas, ce n’est pas par l’action directe de Dieu, mais parce que je me sais aimé par lui. Le fait d’être aimé, de se savoir aimé est la nourriture la plus essentielle de notre vie pour pouvoir avancer, marcher droit, ne pas trébucher et même échapper à la mort.

 

9. Ta main trouvera tous tes ennemis, Ta droite trouvera ceux qui te haïssent.
Ta main trouve tous tes ennemis, ta droite trouve ceux qui te haïssent.
A partir du verset 9 se trouve toute une série d’affirmations assez problématiques puisqu’il est question d’une certaine violence que Dieu pourrait faire subir à nos ennemis. Cela au point que la traduction œcuménique liturgique a mis ces versets entre crochet pour signifier qu’ils sont contraires à l’Evangile et qu’on peut les sauter, ou au moins ne pas en tenir compte. Mais c’est en rester à une lecture littérale du texte qui n’a pas grand intérêt. Evidemment que Dieu ne va pas brûler au feu nos ennemis terrestres si nous en avions, mais par « ennemis », il faut entendre tous nos ennemis intérieurs, et par « adversaire », entendre « l’adversité ». Et certainement qu’il y a beaucoup de choses qui menacent notre équilibre, notre bonheur, notre paix, notre sainteté même. Des événements, des pensées, et tentations ou épreuves. Et bien sûr que concernant ces ennemis spirituels ou moraux, on peut demander à Dieu de les détruire à jamais, de les brûler afin qu’il n’en reste rien et que nous en soyons libérés.

La première chose donc que peut apporter Dieu dans une vie, c’est de savoir discerner le bien du mal. Dieu, et l’Evangile, dans une vie donnent un point de repère, et savoir reconnaître ce qui est bien et ce qui est mal, ce qui est bon ou ce qui est dangereux pour nous est déjà un point de départ essentiel pour pouvoir ensuite avancer sur un chemin de vie et de joie.

 

10. Tu les rendras tels qu’une fournaise ardente, Le jour où tu te montreras. L’Éternel les engloutira dans sa colère,
Tu les poses comme un four de feu au temps de ta face, L’Éternel, dans sa colère les engloutit et un feu les mangera.
Ce que fait Dieu par rapport au mal, c’est de le passer par le feu. Là aussi, il ne faut pas y voir une mauvaise nouvelle, tout au contraire. Ce feu n’est pas une punition, mais plutôt une manière de dire que ce qui ne vaut rien, ou ce qui est néfaste, Dieu s’en débarrasse et nous en débarrasse en l’envoyant au feu, comme on dirait qu’il l’envoie à la décharge. Ensuite, le feu permet de purifier, il brûle ce qui ne vaut rien pour garder ce qui a de la valeur. Comme dans un haut-fourneau, le minerai est mis, et en sort le métal précieux, le reste n’étant que des scories auxquelles on ne prête pas attention. Et puis on peut aussi entendre la fournaise ou le four dont il est question ici comme étant en relation avec l’athanor médiéval : four alchimique permettant de transformer une matière vulgaire en or. C’est aussi quelque chose que permet le feu, même dans nos cuisines domestiques, on y met des pâtes immangeables et en sort un mets succulent. Le feu peut ainsi transformer le mal en bien. Et Dieu ne fait pas seulement que de détruire ou d’oublier le mal, il sait aussi le transformer pour qu’il puisse devenir source de bien et de richesse spirituelle.

Et le feu est enfin source de lumière puisque toutes les lampes étaient avec une flamme à l’époque. Ce sont là bien des merveilles que Dieu peut apporter dans une vie. Et en plus, il fait du croyant lui-même quelqu’un capable d’être à son tour un four et une flamme de feu. Le croyant peut ainsi être transformé lui-même, libéré du mal, et devenir à son tour une source de transformation du monde.

 

11. Tu feras périr leur postérité de la terre, Et leur descendance d’entre les êtres humains.
 Et leur fruit de la terre tu perds, et leur semence (à partir) des fils d’Adam.
Quant à ce que Dieu fait au mal, c’est de faire en sorte qu’il n’ait pas de conséquences néfastes. Le mal lui-même n’est pas détruit, mais avec l’aide de Dieu, il peut ne pas être source lui-même de destruction ou de mort. C’est en cela que Dieu peut nous aider à surmonter le mal. Il ne peut pas faire que ce qui est arrivé n’arrive, mais il peut nous aider à le gérer pour que nous en soyons délivré. Et de même pour ce qui est du mal qui est dans notre existence, nous ne pouvons pas toujours l’éliminer totalement, mais nous devons prendre garde qu’avec l’aide de Dieu il n’ait pas de conséquences. De cette manière, d’une certaine façon, le mal cesse d’être du mal car le mal en soi n’existe pas, n’est mal que ce qui fait du mal ou ce qui mène à la destruction et à la mort. C’est une autre manière donc qui nous est montrée là que Dieu peut avoir pour transformer le mal en bien.

 

12. Ils ont projeté du mal contre toi, Ils ont imaginé de mauvais desseins, mais ils seront impuissants,
Car, ils ont étendu vers toi du mal, compter sur de mauvais desseins ils ne peuvent pas.
Ainsi ce mal qui nous est tendu comme une main malfaisante tendue ou un objet à saisir, nous pouvons en être libéré, le tout, c’est de ne pas s’emparer du mal qui passe, de ne pas le faire sien, mais de le laisser passer sans s’attacher à lui.

 

13. Car tu leur feras tourner le dos, Et avec ton arc tu tireras sur eux.
Car tu les poses sur les épaules, tu affermis des cordes sur leur face.
Ce verset est très obscur et si difficile à traduire qu’on trouve toute sorte de choses dans les diverses traductions, avec des histoires d’arc ou de flèches. Mais si on ne va pas chercher trop loin, il y est juste question d’épaule et de cordes. Ce qu’on peut donc comprendre est que dans la suite de ce qui précède, Dieu n’empêche pas le mal, mais il le réduit à l’impuissance. Le mal est épaules contre terre, lié avec des cordes, il est là, mais que pourrait-il faire de plus ? C’est dans ce sens que nous demandons dans le Notre Père : « délivre nous du mal », et non pas « fais disparaître ou préserve nous du mal ».

 

14. Lève-toi, Éternel, avec ta force ! Nous voulons chanter et psalmodier (en l’honneur) de ta puissance.
Élève (toi) ô Éternel ta force. Nous chantons, nous psalmodions ta force.
Et le psaume se termine avec un dernier appel à Dieu qu’il se lève. Cela on peut le comprendre non pas dans l’absolu, car Dieu est déjà élevé au dessus de tout, mais qu’il s’élève encore dans nos esprits et dans nos cœurs, et surtout en tant qu’Eternel, le Dieu de grâce. C’est encore ce que nous demandons dans le Notre Père par « que ton nom soit sanctifié ». « Sanctifié » signifie « mis à part », « particulier », « exceptionnel ». Bien sûr Dieu est infiniment saint, mais il nous faut avec son aide qu’il devienne toujours plus saint pour nous dans nos esprits.

Et pour cela peut-être que la meilleure méthode est de le chanter, et de louer sa force. La louange en effet est une part essentielle de la prière, c’est de rendre grâces à Dieu, de le reconnaître pour ce qu’il est et de voir toutes les merveilles qu’il nous a données. C’est pourquoi encore il est bon que notre prière du Notre Père se termine par cette doxologie malheureusement parfois omise par certains chrétiens : « car c’est à toi qu’appartiennent le règne, la puissance et la gloire ». Prier, ce n’est pas toujours demander, mais c’est aussi et surtout louer Dieu, et c’est parce que Dieu est Dieu que nous pouvons le prier, et c’est parce que nous le louons qu’il peut avoir une accroche suffisante dans nos esprits pour y agir et y faire tous ses bienfaits créateurs.

 Retour à la liste des prédications

Psaume 21 (Traduction Segond révisée "Colombe")

1Au chef de chœur. Psaume de David.
2Éternel ! le roi se réjouit de ta force.
Combien ton salut le remplit d’allégresse !
3Tu lui as donné ce que désirait son cœur,
Et tu n’as pas refusé ce que souhaitaient ses lèvres.
Pause.
4Car tu viens au-devant de lui avec des bénédictions excellentes,
Tu mets sur sa tête une couronne d’or pur.
5Il te demandait la vie, tu la lui as donnée,
Des jours prolongés à jamais, à perpétuité.
6Sa gloire est grande à cause de ton salut ;
Tu places sur lui l’éclat et la magnificence.
7Tu fais de lui, pour toujours, une bénédiction,
Tu le combles de joie devant ta face.
8Le roi se confie en l’Éternel ;
Et, par la bienveillance du Très-Haut, il ne chancelle pas.
9Ta main trouvera tous tes ennemis,
Ta droite trouvera ceux qui te haïssent.
10Tu les rendras tels qu’une fournaise ardente,
Le jour où tu te montreras ;
L’Éternel les engloutira dans sa colère,
Et le feu les dévorera.
11Tu feras périr leur postérité de la terre,
Et leur descendance d’entre les êtres humains.
12Ils ont projeté du mal contre toi,
Ils ont imaginé de mauvais desseins, mais ils seront impuissants,
13Car tu leur feras tourner le dos,
Et avec ton arc tu tireras sur eux.
14Lève-toi, Éternel, avec ta force !
Nous voulons chanter et psalmodier (en l’honneur) de ta puissance.

 

Psaume 21 (Traduction œcuménique texte liturgique)

2Seigneur, le roi se réjouit de ta Force ;
Quelle allégresse lui donne ta Victoire !
3Tu as répondu au désir de son cœur,
Tu n'as pas rejeté le souhait de ses lèvres.

4Tu lui destines bénédictions et bienfaits,
Tu mets sur sa tête une couronne d'or.
5La vie qu'il t'a demandée, tu la lui donnes,
de longs jours, des années sans fin.

6Par ta victoire grandit son éclat :
Tu le revêts de splendeur et de gloire.
7Tu mets en lui ta bénédiction pour toujours :
Ta présence l'emplit de joie !

8Oui, le roi s'appuie sur le Seigneur :
la grâce du Très-Haut le rend inébranlable.
[9Ta main trouvera tes ennemis,
Ta droite trouvera tes adversaires.

10Tu parais, tu en fais un brasier :
la colère du Seigneur les consume, un feu les dévore.
11Tu aboliras leur lignée sur la terre
et leur descendance parmi les hommes.

12S'ils trament le mal contre toi, s'ils préparent un complot,
ils iront à l'échec.
13Oui, tu les renverses et les terrasses ;
Ton arc les vise en plein cœur.]

14Dresse-toi, Seigneur, dans ta force :
nous fêterons, nous chanterons ta vaillance.

 

Psaume 21 (translittération de l'hébreu par Louis Pernot)

1. À l’excellent, cantique de David.
2. Ô Éternel, dans ta force se réjouit le roi,
et dans ton salut comme il exulte beaucoup !
3. Tu lui as donné le désir de son cœur,
et la demande de ses lèvres tu n’as pas empêché.
Pause4. Car tu vas-à-sa-rencontre [dans] des bénédictions de bien,
Tu poses sur sa tête une couronne d’or-fin.
5. Les vies il t’a demandées,
tu lui a donné la longueur des jours, d’éternité pour toujours.
6. Grande est sa gloire, en ton salut,
splendeur et magnificence tu places sur lui.
7. Car tu le poses, bénédictions pour toujours,
tu le combles de joie avec ta face.
8. Car le roi se fie en l’Éternel,
et dans la bonté du très haut, il ne chancelle pas.
9. Ta main trouve tous tes ennemis,
ta droite trouve ceux qui te haïssent.
10. Tu les poses comme un four de feu au temps de ta face,
L’Éternel, dans sa colère les engloutit et un feu les mangera.
11. Et leur fruit de la terre tu perds,
et leur semence [à partir] des fils d’Adam.
12. Car, ils ont étendu vers toi du mal,
compter sur de mauvais desseins ils ne peuvent pas.
13. Car tu les poses sur les épaules,
tu affermis des cordes sur leur face.
14. Élève [toi] ô Éternel dans ta force.
Nous chantons, nous psalmodions ta force.

Ps. 121