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Prier: le secret de la joie
Prédication prononcée le 13 novembre 2022, au temple de l'Étoile à Paris,
par le pasteur Louis Pernot
« Soyez toujours joyeux, priez sans cesse » (Thess. 5:16) nous dit l’apôtre Paul. Il y a plusieurs curiosités dans ces deux injonctions accolées l’une à l’autre. La première c’est le « soyez toujours joyeux ». Peut-on se contraindre à la joie ? La joie n’est-elle pas un sentiment que l’on ne peut maîtriser ? Et comment peut-on parvenir à être joyeux quand on ne ressent pas la joie ? Cette question peut trouver sa réponse dans cette autre curiosité qui est l’adjonction de ces deux ordres, « soyez toujours joyeux », « priez sans cesse ». Ces deux injonctions sont-elles totalement indépendantes, et Paul mettrait-il dans sa lettre aux Thessaloniciens une sorte de fourre-tout désordonné, un inventaire à la Prévert de ce qu’il convient de faire et dirait ainsi « soyez joyeux », « priez sans cesse » parmi d’autres choses, comme des éléments totalement indépendants, ou est-ce que l’un ne serait pas l’explication de l’autre ?
C’est sur cette piste que m’a mis mon collègue James Woody que je remercie. Il suggère que quand Paul nous dit « soyez toujours joyeux », cela nous semble impossible, on ne voit pas comment on pourrait y arriver, la réponse est dans ce qui suit : « priez sans cesse ». Prier sans cesse serait la meilleure méthode pour être toujours joyeux. Et certainement la prière est-elle une source de joie incommensurable et essentielle. Il convient d’essayer de trouver comment.
Il y a plusieurs raisons pour lesquelles la prière est source de joie. Ce qui permet d’expliciter aussi ce qu’est la prière et comment elle fonctionne.
Mise en ordre dans la parole
La première raison pour laquelle la prière peut être source de joie, est qu’elle est mise en ordre de ses propres sentiments. Pour cela il n’y a même pas besoin de croire en Dieu, il suffit de voir dans la prière comme un monologue, ou un dialogue avec une personne réelle ou imaginaire, peu importe à ce niveau, et cela permet de repasser par la parole sur tout ce que l’on a éprouvé dans le passé, et que l’on éprouve à l’instant. La prière permet de mettre des mots sur les sentiments que nous avons vis-à-vis du passé, du présent, de l’avenir, à propos de nous-mêmes et des autres. La puissance de la parole est bien connue, en particulier depuis les travaux de Sigmund Freud, la psychanalyse n’est rien d’autre qu’un travail de parole, d’apprendre à dire ce qu’il y a au fond de soi comme ressenti, et en le disant, à la fois on met en ordre, et on peut l’objectiver, c’est-à-dire, le rendre comme un objet qui sort de soi et dont on peut parler.
Mettre en ordre ses sentiments est en soi déjà une source de joie. En effet, notre vie est faite d’un fatras de choses, bonnes et mauvaises, de joies, de frustrations, de craintes, d’angoisses, d’espoirs, de culpabilités, et tout cela crée en nous un désordre, parce que rien n’est ordonné, la joie du matin peut être indépendante de la tristesse du soir et les événements nous arrivent sans lien ni raison. Mettre de la parole là-dedans, c’est dire les choses, et en les disant, on les met dans des cases, des cases que sont les mots, et quand tout ce désordre, ce divers pur de l’expérience et du sentiment est mis dans les cases des mots, il est rangé à sa place. Cela peut produire deux effets.
L’un, par défaut, est que les sentiments peuvent tout à coup perdre leur nuisibilité, et quand on nomme un adversaire, un danger, on l’objective et il cesse d’être ce danger inconnu qui rode dans la nuit, et dont on ne sait où il ira me frapper. Nommer, un ennemi, c’est réduire sa capacité de me nuire. Le nommer, c’est le mettre comme objet et non comme faisant partie de moi-même. Et ainsi, je peux mettre à distance ce que je croyais toucher mon être fondamental, et ne le voir que comme un événement extérieur à moi-même qui ne touche pas mon être. Mon être, lui, il est dans le « je », qui prie, et qui justement objective ces choses-là sans se confondre à elles.
Et puis il y a l’aspect positif qui est que l’ordre est en soi source de joie. Quand une maison a été cambriolée, mise sens dessus dessous par quelque malfrat qui se serait introduit, on a un sentiment de malaise. Quand on arrive à ranger, à mettre en ordre, on se sent mieux. Le désordre est angoissant, alors que l’ordre est apaisant. Quand on parvient à ce que tout soit à sa bonne place, bien en ordre, il y a une sorte de satisfaction. Prier, c’est faire de l’ordre ce qui génère un sentiment d’harmonie, parce que chaque chose est à sa place. Un beau jardin n’est pas une forêt vierge, dangereuse inhospitalière et menaçante avec des dangers cachés partout. Un jardin ordonné, rien qu’à le voir, on se sent bien.
Donc la prière est une façon de se retrousser les manches, de prendre cette friche qu’est notre existence, essayer de mettre en ordre, de mettre les choses à leur place, et même les choses désagréables peuvent trouver dans l’harmonie de l’ensemble une place qui est celle qui convient. Ainsi la prière ne consiste pas à vouloir modifier les événements premiers de notre vie, faire disparaître ce qui nous chagrinerait, mais elle consiste à être capable d’incorporer chaque chose dans un tout harmonieux de façon à le mettre à sa juste place. De même qu’une dissonance musicale peut être criarde et pénible, mais quand elle est bien amenée, dans une harmonie supérieure, elle devient, au contraire un élément de plus qui provoque une joie active, pas simplement une tranquillité, mais une joie active, le bonheur de ce piment mis dans le plat et qui convient juste au plat que l’on mange, et mis à sa juste place. Donc voilà la première raison pour laquelle la prière peut être source de joie, c’est parce qu’elle est mise en ordre et mise en parole.
Action de grâces et recherche de la perle
La prière va donner une autre source de joie, c’est qu’elle n’est pas seulement une sorte de travail d’inventaire ou de mise en ordre. Une dimension essentielle de la prière est l’action de grâces, c’est-à-dire le remerciement. Il s’agit de chercher le beau, le bon, le bien, qu’il y peut y avoir dans sa vie, de le débusquer pour le mettre devant soi et au centre. Plusieurs paraboles de l’Evangile vont dans le sens de ce travail qui nous est demandé, comme la femme qui cherche dans la poussière de sa maison la drachme perdue et qui se réjouit quand elle la trouve, comme le trésor enterré dans le champ et qui mérite à lui-seul de sauver le champ entier. Nous devons comme cela chercher inlassablement le beau et le bon dans notre vie, même s’il semble difficile à trouver, et quand on l’a, le mettre devant soi, s’en nourrir, s’en repaître et en faire le centre de sa vie. En cela, il n’y a rien de plus beau que l’action de grâces, c’est le fondement de toute attitude positive de reconnaître le bien, de le prendre, et de s’en nourrir en en rendant le mérite à Dieu, c’est-à-dire au-delà de nous, non pas comme quelque chose d’ordinaire ou de mérité, mais comme un cadeau nous faisant déborder d’un sentiment de joie et de reconnaissance.
Redevenir sujet de sa vie
Le troisième point, nous l’avons évoqué par la mise à distance. Dans la prière, je dis « je » et ainsi, disant « je », je me positionne en sujet par rapport à des événements, par rapport à des sentiments qui, du coup, sont expulsés hors du sujet. La prière est justement dire « je suis sujet ». Et le sujet de ma vie n’est pas ce qui m’arrive, mais c’est moi. Autrement dit, il s’agit de reprendre la main sur les événements, et d’être acteur de ce qui nous arrive, quand bien même nous aurions parfois l’impression d’être les objets d’événements qui nous malmènent et nous ballottent. Nous trouvons cela dans le miracle extraordinaire de la guérison du paralytique, quand, Jésus s’approchant d’un paralytique porté par son lit, fait en sorte, non pas qu’il n’ait plus besoin du lit, symbole de son handicap, du poids qu’il a à trainer, à trimbaler dans sa vie, mais il fait en sorte qu’en suite, ce soit le paralytique qui porte le lit au lieu du contraire. Il n’est plus « le paralytique », il est une personne sujette de sa vie qui porte, certes, quelque chose de lourd, mais il est redevenu sujet de sa vie.
Descartes a développé cela pour les philosophes d’une manière bien connue, par le cogito. Cogito ergo sum, je pense, donc je suis. Descartes a raison, mais ce qui est important, ce n’est pas tellement le fait de penser, c’est le « je ». Tout à coup, quand « je » pense, « je » est sujet, et étant sujet d’une action, il peut être sujet de son être. « Je suis » quoi ? « Je suis » tout court. Je suis « je », parce que « je » pense.
Le drame de notre civilisation, peut-être, est que nous ne prenons plus, véritablement, le temps de penser. Stimulés en permanence par des propos vains, de la radio, des podcasts, des vidéos, des tik-tok, de la musique, ou je ne sais quoi. Il manque dans notre vie, ce temps, où je dis « je pense », et du coup je ne suis plus grand chose. Il est essentiel de trouver ce temps où « je » tout à coup devient sujet de ma vie, et non pas l’objet de celui qui essaye de me séduire par des vidéos tik-tok. Je suis sujet de ma vie, ce temps de la prière permet cela et donne sa place au « je ».
D’où la nécessité essentielle de prendre le temps de la prière. Quand Paul dit « priez sans cesse », il ne dit pas « priez quand vous en avez envie », ou « quand vous en ressentez la nécessité », mais, faites de ce temps de prière un devoir, un programme pour votre vie. Quel temps gardez-vous, vous, dans votre journée pour la prière et pour vous-mêmes ? La prière est justement ce temps que je mets à l’écart, que je mets à part pour moi et moi seul. Pour moi et moi. Ce temps où j’ai le droit de penser à moi, où j’ai le droit même de pleurer sur moi, peut-être, ou de me réjouir de mes joies, mais c’est un temps où je suis sujet de ma vie.
Et être sujet, et non pas objet, est une source d’une joie extrême. Parce qu’étant sujet, ma vie m’appartient, tout à coup, je suis quelqu’un. Et j’ai l’honneur d’exister.
La grâce qui permet de dire « je »
Ici intervient le message de la grâce que l’on a toujours du mal à transcrire dans des paroles contemporaines. La grâce, c’est de la part de Dieu, ce message qui dit : je t’ai accepté, tu es accepté, tu as le droit de dire « je ». Et ton « je » n’est ni condamné, ni rejeté, ni méprisé, mais il est infiniment valorisé parce que ce « je » est considéré comme sacré par Dieu lui-même. Dieu te regarde comme une personne sauvable et sauvée, comme une personne aimée et capable d’aimer. Et Dieu te donne l’autorisation de dire « je ».
On a dit parfois que le moi était haïssable. C’est la plus grande des erreurs qui soit, probablement. Certes, ce qui serait haïssable et ce qui l’est, c’est de faire de ce moi, de ce sujet, le centre de sa vie, d’en faire son propre Dieu, comme si j’étais le seul sujet du monde. Mais en fait pour pouvoir accueillir l’autre comme aussi quelqu’un qui peut dire « je », comme un autre « moi-même », il faut déjà que je me considère moi comme un sujet. Si je ne suis rien, qu’est-ce que vaut l’amour que je donne ? Si je suis incapable de me considérer moi-même. Quel cadeau fais-je à l’autre : « je t’écoute ». Donc le premier point, certes il ne faut pas s’arrêter là, mais le premier point, c’est bien de pouvoir avoir cette grâce essentielle et infinie d’être sujet de sa propre vie.
S’ouvrir aux autres
Après, il ne faut pas s’arrêter là. Rester dans l’égocentrisme n’est évidemment pas la solution ultime, ni de la joie, ni de la vie évangélique. Mais la prière n’est pas simplement prier pour soi, c’est aussi prier pour les autres. Et nous trouvons là une deuxième source de joie qui s’ajoute à la première : après m’être conforté sur le droit de l’existence de mon être, après être moi-même un sujet, je peux m’ouvrir aux autres. Certainement y a-t-il là dans ce que l’on appelle la prière d’intercession une autre source de joie, infinie et incommensurable. Même si vous n’avez pas réussi dans les deux premières étapes à mettre vos sentiments en ordre, à vous retrouver comme un sujet inaltérable et indépendant de ce qui lui arrive, vous pouvez toujours prier pour les autres et quand on s’ouvre aux autres, alors ses propres problèmes deviennent tout à fait secondaires.
Nous de discuterons pas ici de l’efficacité de la prière d’intercession. A-t-elle un effet sur les autres ou pas ? Laissons cela de côté pour l’instant. Peu importe que cette prière ait une efficacité directe parce que nous sommes tous en liens dans la prière, ou indirecte parce que, priant pour les autres, j’irai faire quelque chose pour eux. Mais dans tous les cas, que vous y croyez ou que vous n’y croyez pas, priez pour les autres ! Dans ce moment de solitude, de silence, de recueillement auquel je vous invite, ouvrez votre âme aux autres, à ceux qui sont autour de vous, à ceux que vous aimez, qui sont sur votre chemin. Priez pour eux, voyez ce qu’ils sont, voyez leur détresse, voyez de quoi ils ont besoin, et souhaitez de tout votre cœur que leur situation s’améliore. Priez pour eux, ayez du sentiment fort pour les autres, et quand on prie pour les autres, on s’oublie soi-même. Et quand on s’oublie soi-même, on perd tous ses soucis, tout ce qui nous retient à la tristesse. Et d’un coup on est libéré d’un poids pensant de ce qui nous détruit, ce qui nous mine, ce qui nous attriste. Tout à coup on s’envole vers l’autre parce que l’autre est un sujet infini de prière, et on découvre que l’on n’est pas seul à avoir des problèmes, et que d’autres aussi en ont plein et ont besoin de nous. C’est ce que dit Paul aussi : « pour moi, oubliant ce qui est derrière, oubliant moi-même je fonce en avant » et je me bats (Phil. 3 :13). Qu’importe la situation, qu’importe que je sois heureux ou malheureux, il y a des combats à mener, je prie pour les autres, et par cette prière, je vais m’engager pour les autres. Et il n’y a pas de plus grande joie que d’agir pour les autres.
C’est ce que dit également cette agrapha célèbre des Actes des Apôtres, « il y a plus de joie à donner qu’à recevoir » (Actes 20:35). Et donc, la prière pour les autres est encore plus source de joie que la prière pour soi. Elle est joie infinie parce qu’elle est amour, et l’amour est la seule véritable source de joie. Et en même temps, si la prière est amour, il n’y a pas à séparer les deux, comme si je devais totalement m’oublier moi-même pour donner tout à l’autre. Mais je ne puis aimer parce que je suis aimé. La vie chrétienne n’est pas une injonction morale lourde, pesante, irréalisable, qui me culpabiliserait, me demandant de penser aux autres, alors qu’étant moi-même tellement malheureux que j’en serais incapable.
Le « nous » de la communion
Certes, penser ainsi à l’autre est source de joie. Mais pas seulement comme nous l’avons dit. Il y a, indépendamment de l’action que je peux avoir comme sujet par rapport à un objet ou à un autre sujet qui est l’autre, dans la prière pour les autres, on se trouve en communion avec d’autres. La prière est lien. Lien avec Dieu d’abord, bien sûr, et aussi lien avec les autres, avec l’universel. Il n’y a pas de plus grande joie que d’être en lien avec d’autres, parce qu’alors on sait qu’on n’est pas seul. Être en lien avec d’autres, être en communauté, en communion avec des frères ou des sœurs, c’est source d’un bonheur indicible. C’est ce que dit le psaume 133 : « qu’il est bon, qu’il est agréable pour des frères d’habiter unis ensemble ». Oui c’est une source de joie que d’être avec ses frères et ses sœurs. Et dans la prière, je ne suis pas seul.
C’est ce qui manque à ce « cogito » terrible de Descartes, qui risque d’imposer une sorte de solitude du sujet. Ce cogito de Descartes, il est transcendé par un « nous » de la communauté. Je peux penser tout seul dans mon coin, mais alors je tourne en rond, et je m’auto détruits. Par contre, quand je suis en communion, en communauté avec d’autres, là se trouve une vraie joie.
Bien sûr, il y a des temps pour tout, il y a des temps pour être seul, et Jésus lui-même prenait ce temps-là, il se retirait dans la montagne pour prier, seul. Il y avait des temps où il allait vers les autres, vers ses amis, ses disciples, ses apôtres, ou vers d’autres isolés, perdus, éprouvés. Il y a un temps pour tout, d’être tourné vers soi et de l’être vers les autres. Ces deux démarchent nous sont offertes par la prière. Il y a la prière du « je » qui recentre sur moi-même, qui me permet de me re-cueillir au sens propre du terme, et la prière d’intercession qui m’ouvre sur les autres dans la communion, sur la communauté. La prière qui trouve son accomplissement dans le « Notre père », qui, justement, est entièrement au « nous, » et non pas au « je », ce n’est pas « donne-moi mon pain... pardonne moi »... je suis membre d’une communauté, je suis avec d’autres qui souffrent avec moi, qui se réjouissent avec moi, qui sont là parce que l’homme seul ne peut pas vivre.
Ouverture un au-delà de tout
La prière donc, certes met en ordre, elle met en parole, et relativise. Elle met en relation avec les autres, et elle va même plus loin. La prière nous fait aller au-delà du terrestre pour nous déposer dans le céleste et cela peut être la source d’une grande joie. Parce que en moi, dans mon prochain, sur Terre, il peut y avoir beaucoup de noirceur, de tristesse, mais le Ciel, lui est lumineux et plein de paix. La prière est un « je », mais c’est un « je » qui s’adresse à un « tu » et qui s’ouvre à lui. Et ce « tu » est le « tu » de Dieu, c’est le « tu » de l’universel, le « tu » du plus grand que moi, le « tu » qui me dépasse infiniment. Et ainsi, quand je prie, je suis en communication avec la totalité de l’Univers et avec l’absolu. Cela fait que mes petites misères sont relativisées par rapport à des choses infiniment plus importantes, plus graves peut-être. Et ça m’évite de prendre les cailloux dans ma chaussure pour des rochers insurmontables. Chaque chose se trouve mise à sa place. La prière ne m’enferme pas en moi-même, elle me fait sortir de moi-même pour aller vers le paradis. Elle est la fenêtre du prisonnier qui ouvre sur le ciel bleu et lumineux. En cela la prière est source de joie immense.
Intimité et protection en Dieu
Il y a là quelque chose d’essentiel dans cette communication avec Dieu, quelque chose peut être de moins évident pour certains, je le sais, mais pour celui qui a le sens du sentiment religieux, il y a dans la prière, plus qu’une parole objective, mise en ordre, préoccupation de l’autre, la prière est proprement mise en communication avec Dieu. Heureux celui qui comprend ce que cela veut dire.
Dans la prière, je peux trouver ce temps d’intimité avec moi-même où je découvre quelque chose qui me dépasse infiniment, et qu’il y a au-delà de moi une dimension qui est plus grande que moi et que je ressens. Une dimension qui me surplombe, qui m’entoure et qui m’accompagne comme infiniment bienveillante. Et cela est probablement une des choses les plus merveilleuses de la prière mystique que de se mettre dans les bras de Dieu, que de ne vouloir faire qu’un avec lui, que de rechercher cette douce présence qui est la présence de Dieu. Et, ne serait-ce que pendant un instant fugace, tout à coup, je sais que je ne suis pas seul. Et quand les événements même de l’existence me peinent, me blessent, quand ceux que j’aime, ou que je crois qui m’aiment, me blessent, volontairement ou involontairement, je sais qu’il y a un amour au-delà de tout qui est l’amour avec un grand « A » et qui est l’amour de Dieu. Et cet amour, ne me blessera jamais. Et même si j’ai mal fait, même si les autres me condamnent m’accusent, me culpabilisent, l’amour de Dieu, lui me comprend toujours, parce qu’il est au plus profond de moi-même, il connaît mon âme, et il sait tout de mes tristesses, de mes échecs de mes joies, de mes espérances, de tous mes sentiments.
Et donc je peux me libérer et me donner totalement dans cet amour de Dieu qui est le seul amour qui ne me fera jamais de mal, et qui me sera toujours donné. C’est là une source de joie, une source de force, et aussi de protection.
Source de protection... parce que le croyant sait que quoi qu’il arrive, il peut trouver dans cette prière, dans cette présence de Dieu une sorte de lieu neutre où il ne sera pas agressé. Et donc, oui dans ma vie, je suis agressé, je subis des choses qui viennent attaquer mon être et tout à coup je peux me trouver dans ce refuge extraordinaire qu’est la présence de Dieu. Nombreux psaumes décrivent cela d’une façon remarquablement imagée : l’Eternel est mon rocher, ma forteresse, ma haute retraite, il est mon refuge dont je suis sûr.
Le psychanalyste Boris Cyrulnic a dit que pour avoir la foi, il fallait avoir eu deux choses : l’une c’est d’avoir été aimé, et l’autre c’est d’avoir souffert. Celui qui n’a jamais expérimenté l’amour ne peut pas comprendre ce que veut dire ce sentiment de sécurité et d’être aimé qu’il n’a peut-être jamais senti. Il faut l’avoir au moins expérimenté en partie, même en petit, mais savoir ce que cela veut dire pour pouvoir le généraliser en ressentant ce sentiment d’être aimé inconditionnellement. Et celui qui n’a pas souffert, n’a pas besoin de refuge, pas besoin de haute retraite ni de forteresse ou de rocher. Celui qui croit que sa vie est forte, qui croit dans sa chance, sa santé, sa réussite et sa jeunesse, qu’irait-il faire de chercher dans ce secours qui est offert et qui demande un petit travail pour le découvrir et pour le mettre en soi. D’où ce commandement de Paul de prier, c’est une démarche qu’il faut avoir. C’est pourquoi les grands mystiques sont forcément des gens qui ont souffert et qui ont compris que la présence de Dieu est véritablement leur salut. Ceux qui mettent leur foi en Dieu sont des gens qui ont expérimenté cela : le monde m’agresse, mon intimité peut être violée, mais mon intimité profonde, en moi-même, elle trouve une protection inviolable de la part de Dieu. Et quand bien même celui qui devrait m’aimer m’agresse, je peux me réfugier en Dieu, et là je suis bien, je suis en paix, je suis tranquille, et je peux trouver une planche de salut. Comme le nageur qui perd pied, et je trouve tout à coup la pierre sur laquelle je peux poser le pied pour me reposer, et dire « Seigneur, en toi je suis bien ». Cette prière, du coup est une merveille, source de joie incroyable, et absolument fondamentale.
Puiser à une source créatrice
Et cette prière n’est pas simplement une protection extérieure, elle est en plus une source positive, une ressource, parce que je crois dans un Dieu créateur. Je crois que le monde n’est pas laissé à lui-même. Je crois que le monde baigne dans un esprit créateur, un esprit intelligent, créatif, dynamique, positif, et que ce monde entier baigne dans cette puissance créatrice de Dieu, et que la prière consiste aussi à aller se brancher sur cette puissance de Dieu.
Ceux qui ont la chance de pouvoir expérimenter la vraie prière savent ce que je veux dire : ce sentiment, lorsque l’on prie, de se brancher directement sur une source vive, une fontaine d’eau qui désaltère mon âme. Une source d’électricité qui fait jaillir la lumière en moi. Une source qui me recharge de l’intérieur, et qui me redonne la force dont j’ai besoin. L’image que j’ai, de ce sentiment, c’est autrefois, on avait des téléphones sans fil qu’on pose sur sa base et quand on le pose sur sa base, un bruit agréable se fait, tout à coup comme si le téléphone était content et se recharge. C’est le sentiment que j’ai, quand je prie, tout à coup, comme le téléphone reposé sur sa base et qui est bien là où il est. Il est bien, il est à sa place, et il est en communication avec une source extérieure de joie, de force, de bonheur, de consolation, de pardon et de paix. D’où cette prière qui est aussi le moyen d’être toujours joyeux, parce que, en effet, priant tout le temps, je peux toujours et dans toute situation trouver la joie dont j’ai besoin.
Paul a donc bien raison de lier la joie et la prière. Quelles joies que donne la prière ! Ordre, réflexion, confortation, acceptation du « je », libération, ouverture aux autres, communion, partage, relativisation de tout ce qui m’agresse, protection, confiance, et amour et source de vie.
La prière est même l’accomplissement du commandement d’amour : aimer Dieu, son prochain à partir de soi-même : tout y est. C’est la racine de l’amour évangélique. La source de toute vie et de toute joie.
Priez. Priez sans cesse, balbutiez, apprenez, mais priez ! Et vous serez toujours joyeux !
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1 Thessaloniciens 5:13-22
Soyez en paix entre vous.
14Nous vous y exhortons, frères : avertissez ceux qui vivent dans le désordre, consolez ceux qui sont abattus, supportez les faibles, usez de patience envers tous.
15Prenez garde que personne ne rende le mal pour le mal ; mais recherchez toujours le bien, soit entre vous, soit envers tous.
16Soyez toujours joyeux.
17Priez sans cesse. 18En toute circonstance, rendez grâces ; car telle est à votre égard la volonté de Dieu en Christ-Jésus.
19N’éteignez pas l’Esprit ; 20ne méprisez pas les prophéties ; 21mais examinez toutes choses, retenez ce qui est bon ; 22abstenez-vous du mal sous toutes ses formes