Skip to main content
56, avenue de la Grande-Armée, 75017 Paris

Ecouter la version audioConf MP1

La paix dans tes remparts et la tranquillité dans tes donjons (Ps. 122)

Prédication prononcée le 28 juillet 2019, au temple de l'Étoile à Paris,
par le pasteur Louis Pernot 

« La paix est dans tes remparts, et tranquillité dans tes donjons ». Voilà une belle image de ce que Dieu peut nous apporter et dont nous avons tant besoin. La vie est en effet souvent difficile, et nous avons en Dieu protection, force et sécurité. Même quand tout ce que nous avons ou aimons peut vaciller, tout peut nous être repris, lorsque notre équilibre peut être menacé, il y a une chose que personne ne peut nous retirer, un domaine dans lequel nous ne pouvons jamais être blessés ni déçus, ni trompés, c’est notre foi. Cette présence indéfectible d’amour nous venant de Dieu et qui est la seule chose stable, forte, indéracinable de notre vie.

Souvent cette image est donnée dans les Psaumes qui nous répètent que Dieu est pour nous un rempart, une forteresse (cf entre autres Ps. 18 :3). Et Luther en a fait son choral emblématique : « C’est un rempart que notre Dieu ».

Cependant, dans le Psaume 122, cette évocation de la forteresse apparaît dans un contexte paradoxal. Il s’agit en effet, comme tous les « Psaumes des montées » (de 120 à 134) de cantiques de pèlerinage. Ils étaient récités ou chantés lors des grandes fêtes juives où les fidèles devaient venir, parfois de loin pou se rendre à Jérusalem prier dans le Temple (Pâque, Pentecôte, et Souccoth). Or un pèlerinage, c’est sortir de chez soi, faire route pour se réunir avec les autres, et aller chercher Dieu au loin. C’est tout le contraire du fait de rester enfermé chez soi au fond de son donjon ou dans ses remparts par crainte de l’extérieur.

Et c’est à celui qui justement est sorti de chez lui, qui s’est risqué sur les routes, que l’on dit : « que la paix soit dans tes remparts, et tranquillité dans tes donjons... » quand justement il n’a ni donjon ni rempart, mais une simple tente pour s’abriter.

Et ce n’est pas le seul paradoxe de ce Psaume. Il est dit habituellement que ce Psaume en particulier parle de la situation du pèlerin qui est arrivé au but : « Nos pieds se tiennent debout à tes portes, Jérusalem ». On pourrait donc penser que le croyant est arrivé au but de sa quête. Mais en fait la suite du Psaume le montre continuer d’être en recherche, de demander, de désirer... Il faut donc comprendre que quel que soit le chemin qu’on ait fait, on n’est jamais arrivé, on n’a jamais toutes les promesses de Dieu en plénitude, et toujours en marche, toujours en quête et en mouvement vers Dieu et vers les autres.

Cela doit nous rappeler que la chose la plus essentielle de la vie avec Dieu, sans doute, c’est de ne pas de se croire arrivé, ni de s’enfermer dans sa foi ou ses croyances, mais de toujours sortir de chez soi pour cheminer vers Dieu avec les autres. Et si la protection offerte par Dieu est importante, le pèlerinage est encore plus important. Il faut se risquer sur des routes inconnues, cheminer, accepter de pouvoir craindre la soif la faim, les dangers... L’essentiel étant d’être en route. C’est ainsi que le cœur de l’histoire sainte est l’Exode : un peuple en marche d’une façon continuelle vers une « terre promise » que tous ceux qui ont quitté l’Egypte ne connaitront jamais. L’important, ce n’est pas d’arriver quelque part, mais de cheminer. Le christianisme a repris cet élément essentiel de la vie religieuse en disant que le croyant est un pèlerin. Et le pèlerinage essentiel pour la vie du croyant, ce n’est pas d’aller une fois dans sa vie à Rome ou à Genève, mais d’être continument en marche dans son cœur vers Dieu, sortir de chez soi pour aller à la rencontre des autres et de Dieu. Le chemin est intérieur et quotidien, celui qui s’arrête meurt spirituellement.

Bien sûr, on peut trouver de la protection et de la paix en se réfugiant dans sa foi, il y a de la tranquillité à l’intérieur de ses murailles, de la paix en étant bien confortablement installé dans son donjon, mais la la joie, elle, ne se trouve que si on en sort. « quelle joie quand on m’a dit : allons à la maison de l’Eternel ! » (Ps 122:1). La joie ne se trouve pas pour celui dont le seul but serait d’être tranquille ou d’avoir la paix, mais dans l’audace de sortir de sa zone de confort comme on dit maintenant. On le voit d’ailleurs dans notre société moderne qui fait tout pour assurer notre sécurité. Des lois tombent tous les jours pour interdire ceci ou cela, réguler, contrôler afin de nous éviter tout risque. Sans doute il y a moins d’accident, mais la société n’en est pas moins malade et le nombre de personnes mal dans leur peau semble augmenter.

Certes Dieu est une protection, mais ce qu’il nous donne essentiellement, ce n’est pas la peur ou le repli, au contraire, c’est la confiance et l’audace.
Alors que sont ces donjon et rempart que mentionne le Psaume ? Aussi bien le départ que l’arrivée pourrions-nous dire. C’est le point de départ, parce que je ne peux me risquer dehors que parce que j’ai confiance, parce que j’ai une base d’où j’ai pris des forces et qui me permettent de partir plein de confiance et d’assurance. Et il est à l’arrivée parce que cette force, c’est aussi ce que je découvre et que je peux expérimenter lorsque je me rapproche de Dieu et que j’ai fait tout le chemin vers lui. En tout cas dans notre Psaume, ce n’est pas au départ que le donjon est évoqué, mais à l’arrivée.
Et peut-être aussi qu’il faut avoir expérimenté les dangers de la route, sa propre faiblesse pour pouvoir comprendre ce que sont la protection et la force que Dieu peut nous donner. Il faut avoir vécu la limitation des joies terrestres pour pouvoir chercher la vraie joie qui est spirituelle, et toutes les imperfections de l’amour humain pour ressentir le besoin de se réfugier dans l’amour divin, le seul inconditionnel et qui jamais ne nous blesse.
C’est le sens d’ailleurs de l’une des trois fêtes de pèlerinage, la fête de Souccoth, ou des tentes. Dans cette fête les juifs doivent faire une cabane et y prendre au moins un repas, et la caractéristique de la construction est que le toit doit être tel qu’on voit le ciel au travers, donc en fait ne rien protéger du tout ! Cela pour rappeler la fragilité de la situation du peuple hébreu quittant l’Egypte pour se risquer dans le désert avec seulement l’Eternel comme seule protection. Pour moi aussi, ma seule protection, c’et Dieu, c’est ma foi, c’est la grâce de Dieu, c’est le Christ.

Et si le mot hébreu traduit par « rempart » vient de la « force », celui rendu par « donjon » signifie à peu près quelque chose d’élevé. Voilà ce que Dieu nous donne : non pas du tout le repli sur soi, mais la force et l’élévation. Etre au dessus des apparences, du cours matériel du monde et de la bassesse des sentiments ou comportements humains pour parvenir à avoir la force et la distance qui font que nous ne craignons rien.

Dieu est vraiment un donjon, un rempart, mais il est une forteresse avec plein de portes et d’ouvertures. C’est d’ailleurs là que le psalmiste est dit se tenir : « à la porte ». Et même dans les murailles de Jérusalem il y avait des portes, et dans la Jérusalem céleste décrite par l’Apocalypse, il y a beaucoup, beaucoup de portes : 12 en fait, 3 à chaque point cardinal. Cela est essentiel, parce que cette foi-forteresse a un danger, c’est que certes, elle est confortable et confortante, mais le risque est de s’y enfermer, et un donjon peut être une prison, prison dont on ne pourrait sortir et qui nous priverait de la liberté d’agir dans le monde et de rencontrer nos frères et nos sœurs. Or la foi, c’est aussi sortir, être libre, prendre le risque d’aller vers les autres.
Et ce Psaume qui est supposé parler du pèlerin arrivé, est tout en mouvement, en ouvertures, en préoccupation des autres, en recherches, en quêtes. La foi n’est pas un enfermement, un immobilisme, un état où il conviendrait de s’enfermer, mais un tremplin pour aller dans le monde.
Et d’après ce Psaume 122, le lieu où l’on se tient bien debout (v. 2), ce n’est pas au fond du donjon, mais la porte de Jérusalem, c’est un lieu de passage, d’accueil, dans un espace de sortie. Une porte, c’est une fragilité dans un système de muraille défensive, mais c’est aussi une chance de pouvoir sortir, et une autre chance de pouvoir laisser quelqu’un entrer pour l’accueillir.

Quant à Jésus, il ne s’est jamais comparé à un rempart ni à une forteresse, mais il dit de lui-même qu’il est la porte (Jean 10:9). Jésus n’est pas une dure muraille, il est tout tendresse, ouverture et douceur. Il n’a pas cherché le confort ou la tranquillité dans sa vie, mais le combat, il s’est exposé, risqué, jusqu’à donner sa vie. Et il ne se présente même pas comme un but à atteindre pour être tranquille, il se dit être le plus fondamentalement « chemin ». En Jésus nous sommes toujours en marche.

Celui qui est dit être une pierre, c’est Simon, surnommé « Pierre », fondement de l’Eglise. Et c’est bien ce qu’elle peut-être notre Eglise, une force, un appui, mais elle peut aussi devenir la pierre qui brise et la construction qui enferme. Or l’Eglise n’est pas le Royaume de Dieu, le Royaume, il accueille, il ouvre des horizons, il libère. Or trop souvent, l’Eglise risque toujours de devenir celle qui met des murs, qui exclut, condamne, enferme la foi pour en faire sa chose, sa propriété privée. Or c’est là que l’Eglise devient perverse, comme un mur qui isole au lieu de protéger. Et c’est pourquoi dans la lignée des Réformateurs, on peut désirer que l’Eglise soit la plus légère possible, et que l’on puisse souhaiter une Eglise qui ne soit pas de pierre, de règles et de lois, mais une assemblée de frères et de sœurs qui simplement s’unissent autour de Jésus. Une Eglise qui n’enferme pas, mais qui libère, ainsi que l’enseigne Paul : « le Seigneur c’est l’esprit, et là où est l’esprit du Seigneur, là est la liberté, » (II Cor 3:17). Voilà ce que nous devons désirer pour notre foi et ce à quoi notre Eglise doit servir : non pas un enfermement ni au repli, mais à la liberté, servir non pas une lettre qui tue, mais un esprit qui fait vivre. Et à la suite de Jésus chercher à toujours avoir une attitude d’écoute et d’accueil cherchant à aimer et à servir avant toute chose et au delà des principes.
Et tout cela, se trouve à Jérusalem, Jérusalem, citée trois fois dans le Psaume qui est l’image à la fois du lieu où l’on rencontre Dieu, et celui où l’on rencontre les autres qui viennent aussi au pèlerinage avec nous. Cela d’ailleurs nous rapproche du sommaire de la loi énoncé par jésus : aimer Dieu de tout son cœur et son prochain comme soi-même. La foi est toujours un chemin, chemin vers Dieu, et chemin avec les autres. Chercher Dieu sans aller vers les autres, est une démarche vouée à l’échec, et prétendre aller vers les autres sans sans idéal, sans une idée absolue de ce que signifie l’amour est également nécessairement limité. Et comme nous le voyons dans notre Psaume, ce à quoi est invité le croyant, c’est d’aller avec les autres pour être uni à eux, et pour leur souhaiter tout ce que nous aimerions nous-mêmes avoir : la paix, la tranquillité et tout bien. Et aussi témoigner : parler, dire, être témoin d’une belle et grande chose. Cela fait partie de la foi : essayer de transmettre. Il ne s’agit pas d’être insistant ou lourd avec nos proches, mais si nous qui connaissons la valeur de notre foi nous n’en disons rien à nos enfants, nos petits-enfants, ou nos proches, qui le fera ? Il faut juste trouver le bon moment, et que les autres sachent simplement à quoi nous tenons, et ce qui fait l’âme de la quête de notre propre vie et de notre bonheur.

Et puis encore notre Psaume montre cette Jérusalem céleste comme un vecteur d’unité : « ville où tout ensemble ne fait qu’un ». C’est en vivant cette foi comme force et comme démarche que l’on peut trouver l’unité, unité des frères, l’amour fraternel, signe et conséquence de la présence dynamique de Dieu, afin, comme le dit Jésus : « que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et comme je suis en toi, afin qu’eux aussi soient un en nous, pour que le monde croie (Jean 17:21) et la préoccupation des autres, des frères et des prochains : « a cause de mes frères et de mes prochains, je dirai donc paix en toi », le souci de l’autre, pour le servir, pour l’aider est essentiel.

Etymologiquement, Jérusalem est fait de « Salem », qui est « shalom », la paix, et de « Jeru » qui vient de « iara » signifiant : « montrer », « fonder », « instruire ». C’est bien ce dont il s’agit : montrer la paix, faire voir la paix, et aussi instruire, enseigner et transmettre.

Par là cette Jérusalem du cœur peut être la ville de l’union, elle permet non seulement de se rapprocher des autres, mais aussi de se rassembler soi-même, de trouver pour soi un centre qui nous harmonise et donne sens à notre vie. C’est démarche de recueillement qui s’oppose à la dispersion. Or notre vie soumise au monde moderne a la menace sans cesse de l’éclatement : éclatement des désirs, des sollicitations, des peurs, des contradictions permanentes qui menacent notre équilibre. Il faut qu’il y ait pour nous un centre vital qui nous rassemble, et c’est vers cela que nous avançons sans cesse dans notre pèlerinage spirituel vers Jérusalem.

Et cette Jérusalem nous donne ainsi trois choses essentielles : en elle nous pouvons nous tenir bien fermement debout, or ce qui est ferme, c’est la foi. (« La foi est la ferme assurance » selon l’épître aux Hébreux 11:1). Sur elle, nous pouvons compter pour avoir la paix, c’est l’espérance, et enfin, c’est là où nous sommes unis ensemble, tous comme un, c’est l’amour. Ainsi avons nous la foi, l’espérance et l’amour, c’est-à-dire que nous retrouvons là les trois vertus théologales de I Corinthiens 13:13, vertus qui se trouvent en Jérusalem, le lieu de rencontre avec Dieu vers lequel il faut aller en sortant de chez soi vers cet idéal de l’Evangile. Et c’est dans ce voyage à la fois périlleux et merveilleux que se trouvent notre force, notre donjon, notre forteresse, ce dont nous sommes sûrs !

Retour à la liste des prédications

Psaume 122 (Traduction œcuménique liturgique)

Cantique pour monter, de David
Quelle joie quand on m'a dit :
"Nous irons à la maison de l'Éternel ! "


Maintenant notre marche prend fin
devant tes portes, Jérusalem !
Jérusalem, te voici dans tes murs
ville où tout ensemble ne fait qu'un !


C'est là que montent les tribus, les tribus de l'Éternel
là qu'Israël doit rendre grâce au nom de l'Éternel
C'est là le siège du droit
le siège de la maison de David.


Appelez le bonheur sur Jérusalem :
"Paix à ceux qui t'aime !
Que la paix règne dans tes murs
et le bonheur dans tes palais ! "


A cause de mes frères et de mes proches
je dirai : "Paix sur toi ! "
A cause de la maison de l'Éternel notre Dieu
je désire ton bien !

Psaume 122 (Traduction littérale Louis Pernot)

1. Cantique des montées de David (Amour).
1a. Je me suis réjouis en ceux qui disent : nous allons à la maison de l'Eternel
2. Ceux qui tiennent debout, ce sont nos pieds, dans tes portes, ô Jérusalem
3. Jérusalem, construite comme une ville toute réunie en un.
4. C'est là que montent les tribus, les tribus de l'Etern. témoignage d’Israël, pour louer le nom de l'Eternel
5. Oui, là siègent les trônes de la justice, les trônes de la maison de David
6. Demandez la paix, ô Jérusalem, ils sont tranquilles ceux qui t'aiment
7. La paix est dans tes remparts, la tranquillité dans tes donjons
8. A cause de mes frères et de mes prochains, je dirai donc : paix en toi.
9. A cause de la maison de l’Eternel notre Dieu, je cherche le bien pour toi.

Jean 17:20-26

20Ce n’est pas pour eux seulement que je prie, mais encore pour ceux qui croiront en moi par leur parole, 21afin que tous soient un ; comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi, qu’eux aussi soient [un] en nous, afin que le monde croie que tu m’as envoyé. 22Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, afin qu’ils soient un comme nous sommes un 23– moi en eux, et toi en moi –, afin qu’ils soient parfaitement un, et que le monde connaisse que tu m’as envoyé et que tu les as aimés, comme tu m’as aimé. 24Père, je veux que là où je suis, ceux que tu m’as donnés soient aussi avec moi, afin qu’ils contemplent ma gloire, celle que tu m’as donnée, parce que tu m’as aimé avant la fondation du monde. 25Père juste, le monde ne t’a pas connu ; mais moi, je t’ai connu, et ceux-ci ont connu que tu m’as envoyé. 26Je leur ai fait connaître ton nom, et je le leur ferai connaître, afin que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux, et que moi, je sois en eux.

Ps.122