La mort de Dieu
(En hommage à Gabriel Vahanian décédé le 30 août 2012 à Strasbourg)
Prédication prononcée le 16 septembre 2012, au temple de l'Étoile à Paris,
par le pasteur Louis Pernot
La théologie de la « mort de Dieu » est quelque chose d’important, et souvent de mal compris, quand on en parle, c’est en référence à un mouvement théologique initialisé par un théologien protestant Gabriel Vahanian. qui a enseigné aux Etats Unis (Syracuse). Il publie en 1957 un livre intitulé « la mort de Dieu » qui a fait grand bruit. Et c’est cet événement qui marque la naissance des « théologies de la mort de Dieu ».
Pour le commun des mortels, cela semble choquant, provoquant, certains imaginent une théologie athée, voulant se passer de Dieu, promouvant le triomphe de l’athéisme. Mais ce n’est pas du tout ça. L’idée de départ était d’abord un constat : dans nos sociétés, qu’on le veuille ou non, Dieu est mort, ou en tout moribond. Nous sommes dans une société sécularisée, Dieu, l’Evangile ne sont plus des références, on vit dans un monde athée, et les références religieuses ne sont plus que sur les tympans des cathédrales, dans les œuvres d’art vieilles de plusieurs siècles, ou dans le discours des intégristes pour qui, eux, Dieu n’est pas mort, ils y font constamment référence, mais d’une manière qui ne donnent pas tellement envie. C’est donc un constat : dans notre société, Dieu est de moins en moins présent, nous sommes dans un monde désenchanté de tout idéal religieux, et qui se complaît dans ce désenchantement.
La question alors, c’est de se demander que faire, comment réagir ?
Certains veulent nier la chose. Ils disent alors : « Non, Dieu n’est pas mort, pas du tout », et refusent de voir la réalité en face du déficit de la foi et du discours religieux raisonnable dans notre monde, mais cela tient un peu du « tout va très bien madame la marquise ! » C’est ainsi qu’on trouve dans une prédication de Martin-Luther King (Chicago le 27 août 1967) une curieuse allusion à ce courant de la « mort de Dieu » pour le critiquer : « Mais la folie de cet homme, elle sévit encore aujourd’hui. En fait, les choses en sont venues à un point tel que certains aujourd’hui parlent même de la mort de Dieu ! Moi, ce qui me préoccupe, c’est qu’on ne m’en a même pas informé ! J’aurais aimé au moins assister aux funérailles de Dieu ! Alors, je voudrais bien leur poser une question, à ces gens-là : quel officier de police a constaté le décès ? Combien de temps a-t-il été malade ? A-t-il succombé à un infarctus, ou est-il mort d’un cancer ? Ces questions, personne ne leur a donné de réponse. Je continue donc à croire et je sais que Dieu est vivant. ». Martin-Luther King est là injuste, il manie la dérision avec talent, mais aussi naïveté. Ignorer le problème n’est pas le résoudre, Il faut voir les choses en face analyser la maladie et essayer de trouver un remède.
Il semble en effet qu’il nous faille de toute façon repenser notre façon de concevoir Dieu, la religion, la foi. La théologie traditionnelle nous a mené dans une impasse.
L’idée de Vahanian, ce n’est donc pas de dire que Dieu est mort ou qu’il n’y a pas de Dieu, mais que aujourd’hui, la place de Dieu dans notre société et dans la vie de beaucoup de nos contemporains est réduite, et que ce qui est en cause, c’est l’idée de Dieu que les Eglises ont transmise, c’est notre conception classique de Dieu qui est désuète et inadaptée. Le Dieu de la théologie scholastique est mort, le Dieu du catéchisme de nos grands parents ne fonctionne plus dans nos sociétés. Face aux grands problèmes du monde, le Dieu de la théologie traditionnelle reste fondamentalement inadapté, et les églises se vident à continuer de tenir un discours qui ne rencontre plus ceux qui pourraient y venir.
Un exemple classique est posé par la question : « comment peut-on encore croire en Dieu après Auswitch »: l’image traditionnelle du Dieu infiniment bon et tout puissant devient inacceptable. On se contentait de dire que le mal existe parce qu’il laisse la liberté à l’homme, mais où serait un Dieu qui par principe et sans réagir amonceler des cadavres qu’on roule au bulldozer ? C’est impossible.
Certains alors justement disent « on ne peut plus croire en Dieu après Auswitch, Dieu est mort ! » Mais ce que dit Vahanian c’est que non Dieu n’est pas mort, c’est la conception classique de Dieu qui est remise en cause. Dieu, lui est vivant, il faut juste repenser ce qu’il est vraiment.
Et d’ailleurs, Martin-Luther King l’avait sans doute un peu compris quand il ajoute juste après le passage cité : « Certes, il y a certaines conceptions de Dieu qui doivent mourir. Mais pas Dieu ».
Donc en fait, il ne faut pas confondre Dieu et la religion. Beaucoup de gens se disent athées parce qu’ils rejettent une certaine idée de Dieu, parce qu’on leur a présenté une certaine conception de Dieu à laquelle ils ne peuvent adhérer. Mais justement, on peut en sortir, on peut rénover son idée de Dieu, penser Dieu autrement. Il faut donc élaborer une théologie contemporaine, repenser Dieu avec audace, liberté.
A un moment donné, il faut évoluer, réformer, s’adapter, accepter de se dépouiller d’une partie du passé pour pouvoir aller dans l’avenir. Nos églises ne doivent pas être des salons d’antiquité, ni des musées poussiéreux, les églises ne sont pas des conservatoires, mais des laboratoires.
C’est la même question pour la philosophie de Nietzsche responsable en premier de cette expression « mort de Dieu ». On a voulu dire qu’il était athée, mais en fait il ne critique pas la foi entant que telle, mais une certaine image de la religion que lui avait légué son père pasteur piétiste. Il avait été élevé dans une conception de la religion incroyablement castratrice, culpabilisatrice, moralisatrice, empêchant l’homme de vivre, de s’épanouir et d’être libre et heureux. On comprend qu’il se soit opposé à ça, et il a eu bien raison. Mais une foi saine et moderne n’est pas remis en cause par la pensée de Nietzsche.
C’est donc ça en premier lieu la « mort de Dieu » : un constat à partir duquel on doit réagir. Mais certains théologiens de la mort de Dieu sont allés plus loin en disant que la « mort de Dieu » n’éta it pas seulement quelque chose que nous subissions, mais quelque chose à désirer. Certains en effet iront jusqu’à une forme d’athéïsme, mais pas tous, loin s’en faut, et certainement pas Gabriel Vahanian.
D’abord Vahanian lui-même va développer son idée à partir d’une critique de la religiosité américaine dans laquelle Dieu devient trop souvent comme un Gadget, et la foi une sorte de religiosité sans transcendance, d’appartenance, de petite morale. Cela peut être transposé chez nous aussi, où trop souvent Dieu perd sa transcendance pour être enfermé dans des idées ou comportements humains, dans des discours dogmatiques, des comportements de pratique, ou dans des exigences morales.
Certains en ont pris acte en disant : « très bien, ne parlons donc plus de Dieu puisque Dieu est mort, laissons le mort et recentrons nous sur le Christ. L’idée n’est pas mauvaise. Dieu n’est que source de malentendus et de projections perverses. Le Christ et son Evangile doivent être le cœur de notre foi.
Mais Vahanian, lui, va plus loin et dans une direction plus subtile : il dira que justement le problème, c’est le manque de transcendance de nos religions et de nos pratiques. Nous rabaissons tout à notre niveau, nos églises s’enferment dans la dogmatique, ou l’intégrisme, ou la pratique religieuse, ou le discours social, humaniste. Où est la transcendance, l’extraordinaire, le souffle de l’Esprit, l’enthousiasme ? Il dit donc qu’il faut faire mourir Dieu dans le sens de se débarrasser de tous ces discours sur Dieu pour retrouver Dieu lui-même au delà de tout ce qu’on a voulu construire sur lui en son nom, et retrouver simplement l’expérience spirituelle hors toute barrière. Dieu débarrassé de tout ce qu’on veut lui accrocher, dogmatiquement, moralement et autre peut devenir juste le sujet de la rencontre.
C’est donc très bien pour Vahanian parfois de « tuer Dieu », de détruire l’image que l’on s’était faite de Dieu, ou que l’on avait reçue, ça le protège en fait, et cela nous permet de cesser de l’assimiler à des formes ou des discours humains, en tombant dans une sorte d’idolâtrie. Dieu est au Ciel, nous devons l’y laisser et ne pas tenter de le redescendre sur Terre pour l’enfermer dans des cages. Les juifs ont toujours bien compris cela, eux qui disaient qu’on ne pouvait pas voir Dieu, et qu’il était impossible de connaître vraiment son nom
Il faut donc rendre à Dieu ce qui est à Dieu et au monde ce qui est au monde. Et même retirer Dieu de là où on a tendance à le mettre, un peu partout, dans le monde pour le laisser dans le Ciel. Ne cherchant plus Dieu dans le monde, on le retrouve dans le Ciel. Pour cela, Gabriel Vahanian va dire qu’il faut développer la technique, la connaissance scientifique, la morale technique et concrète, pousser les réflexions sur la morale, la technique, l’écologie etc... à froid, sans y mêler Dieu à tout bout de champ pour laisser Dieu dans le Ciel. Il faut re-séculariser le séculier, (pour éviter l’idolâtrie) et rendre à Dieu ce qui est à Dieu.
Tuer donc cet image idolâtre de Dieu pour retrouver le vrai Dieu spirituel est une bonne chose, mais ce n’est pas tout, d’autant que tout le monde n’a pas la sensibilité mystique, tous n’expérimente pas la rencontre. Mais la mort de Dieu, c’est encore autre chose. Vahanian nous dit que la Bible nous montre un Dieu toujours surprenant, toujours ailleurs, un Dieu dérangeant et imprévisible. Or dans la théologie, les catéchismes, les églises mettent Dieu dans des cases, elles l’enferment dans des discours, des comportement et des pratiques. Et il faut se libérer de ça, ou plutôt libérer Dieu de ça, il faut casser la cage de Dieu, et redécouvrir dans la Bible ce Dieu décoiffant.
Il faut dire aussi que le christianisme a en fait bien réussi en transmettant à notre société ses valeurs. On peut s’en réjouir, mais cela fait que bien souvent, les valeurs de notre religion se confondent avec celles du siècle qui les a intégrées. Il ne faut pas se contenter de cela, ou alors croire que les Eglises n’ont plus rien à dire. Et justement, dans la Bible, Dieu est toujours le « tout autre ». D’une certaine manière, c’est la réussite du christianisme qui cause la mort de Dieu, il faut donc redécouvrir un Dieu neuf, relire la Bible avec des yeux neufs, sans y plaquer ce que des siècles de théologie ont voulu nous imposer. Il faut de l’audace, de la nouveauté, du courage.
Et ce n’est pas tout, certains théologiens de la « mort de Dieu » diront, comme Vahanian que l’ancienne image de Dieu véhiculée par la théologie traditionnelle n’est pas seulement inadaptée à aujourd’hui, elle est en plus fondamentalement perverse, et il faut s’en défaire, il faut tuer ce vieux Dieu de nos catéchismes. Il faut abandonner ce Dieu tout-puissant qui demande à ce que nous ne soyons rien pour qu’il soit tout, ce Dieu qui juge, qui fait vivre ou mourir, qui condamne ou qui sauve, ce Dieu là est écrasant, culpabilisant, infantilisant, cruel et pervers. Il faut donc tuer ce Dieu là pour retrouver un Dieu d’amour, de tendresse, et surtout un Dieu qui ne soit plus cette image du « Père tout puissant » qui fait tant de dégats, mais un Dieu proche qui coopère avec nous...
Certains sont allés jusqu’à dire que l’homme n’avait plus besoin de Dieu, comme si l’homme devenait un être majeur. Sans doute est-ce utopique ! Certes on peut le comprendre positivement : comme Bonhoeffer qui avait préconisé un « Christianisme non religieux » en disant que l’homme peut se dépouiller des formes les plus humaines de la religiosité, des images de Dieu imposées par la religion pour entrer dans une relation libre et immédiate à Dieu. Même cela est utopique, mais il est vrai que se libérer de l’image de ce vieux Dieu mortifère, est une vraie libération, L’homme a enfin le droit d’exister, d’être quelqu’un, de vivre, d’être heureux, de profiter de la vie.
Alors il est vrai que certains théologiens de la « mort de Dieu », iront jusqu’à l’athéisme, mais ce serait comme un médecin qui tue la malade pour exterminer la maladie. Et ce que propose Gabriel Vahanian, c’est en fait une attitude réformatrice, c’est trouver une image de Dieu enthousiasmante, moderne, cohérente avec notre société, dans des mots d’aujourd’hui, une image de Dieu qui réponde à nos questions, un Dieu qui nous fait vivre qui nous libère et nous donne la joie, un Dieu qui ne nous retire pas de ce monde, mais qui nous aide à vivre heureux, libres, joyeux, positifs et créateurs dans ce monde. Un Dieu qui nous laisser vivre, nous accompagne, nous fait grandir et nous permet d’être à notre tour créateurs.
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Psaume 14
Dans son cœur le fou déclare " Pas de Dieu ! " Tout est corrompu, abominable pas un homme de bien !
Des cieux, l'Éternel se penche vers les fils d'Adam pour voir s'il en est un de sensé un qui cherche Dieu
Tous, ils sont dévoyés tous ensemble pervertis pas un homme de bien pas même un seul !
N'ont-ils pas compris ces gens qui font le mal?
Quand ils mangent leur pain, ils mangent mon peuple
Jamais ils n'invoquent l'Éternel
Et voilà qu'ils se sont mis à trembler car Dieu accompagne les justes
Vous riez des projets du malheureux mais l'Éternel est son refuge
Qui fera venir de Sion la délivrance d'Israël ?
Quand l'Éternel ramènera les déportés de son peuple quelle fête en Jacob, en Israël quelle joie !
I Corinthiens 1:17-25
Car Christ ne m'a pas envoyé pour baptiser, mais pour annoncer l'Évangile, et cela sans la sagesse du langage, afin que la croix du Christ ne soit pas rendue vaine. Car la parole de la croix est folie pour ceux qui périssent ; mais pour nous qui sommes sauvés, elle est puissance de Dieu. Aussi est-il écrit : Je détruirai la sagesse des sages, Et j'anéantirai l'intelligence des intelligents.
Où est le sage ? où est le scribe ? où est le contestataire de ce siècle ? Dieu n'a-t-il pas frappé de folie la sagesse du monde ? Car puisque le monde, avec sa sagesse, n'a pas connu Dieu dans la sagesse de Dieu, il a plu à Dieu de sauver les croyants par la folie de la prédication.
Les Juifs demandent des miracles, et les Grecs cherchent la sagesse : nous, nous prêchons Christ crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les païens, mais pour ceux qui sont appelés, tant Juifs que Grecs, Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu.
Car la folie de Dieu est plus sage que les hommes, et la faiblesse de Dieu est plus forte que les hommes