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56, avenue de la Grande-Armée, 75017 Paris

L'engagement scout et l'Evangile

Prédication prononcée le 14 octobre 2012, au temple de l'Étoile à Paris,

par le pasteur Louis Pernot

L’engagement scout se fait sous la forme d’une loi et d’une promesse, ce qui est curieux pour un mouvement d’origine protestante. En effet, le protestantisme n’est pas une religion de loi, mais de grâce, et les Réformateurs ont lutté contre les « vœux perpétuels » et ne considéraient les vœux comme n’engageant une personne que dans le cadre de la responsabilité par rapport aux autres, ce qui se trouve par exemple dans le mariage ou pour des parents lors du baptême de leurs enfant.

Comment alors vouloir mettre une loi, alors que selon Paul, nous ne sommes plus sous la loi, mais sous la grâce (Rom. 10 :14) Et comment demander à quelqu’un de se lier par un serment qui pourrait entamer sa liberté individuelle et personnelle ?

On peut imaginer plusieurs réponses. La première, la plus évidente, serait de dire que la promesse est faite pour faire partie d’un groupe donné, et qu’on en est libéré quand on en sort. De même pour faire partie d’un club de foot, il faut bien dire qu’on respectera les règles du jeu, mais ces règles ne sont pas à appliquer dans la vie civile. C’est ainsi que dans le scoutisme unioniste des années 70 on a cessé de parler de « loi » pour parler de « charte », comme un code de bonne conduite à respecter pour le vivre en groupe.

Mais cette réponse est fausse. On attend des Eclaireurs qu’ils soient aussi fidèles à leur idéal dans la vie civile. Le but du scoutisme n’est pas seulement de pouvoir vivre ensemble les activités, mais d’être un mouvement d’éducation. La loi est donc plus qu’une règle du jeu ou une charte de la vie en groupe, c’est bien une règle de vie pour tout moment, et un des objectifs pédagogiques du scoutisme est précisément que cet idéal scout accompagne les enfants tout le temps, même dans leur vie civile hors des activités organisées.

Il y a lors une autre solution, c’est de dire qu’il s’agit d’une pédagogie. Certes nous sommes sous la grâce, mais les enfants ont besoin de lois pour grandir et se structurer. Certes l’individu est libre, mais petit, il doit bien apprendre à se soumettre à d’autres pour obéir. C’est le sens de la promesse qui incite à obéir à une loi qui est une pédagogie, un tuteur pour jeune pousse, et de l’obéissance qui est demandée (Un louveteaux ne s’écoute pas mais écoute les vieux loups, Un Eclaireur est discipliné) afin que l’enfant apprenne à s’oublier lui-même pour se tourner vers les autres. Dans cette optique, la loi et la promesse sont donc seulement des pédagogies, elles ne sont pas à appliquer aux adultes. Les adultes qui en resteraient là ne témoigneraient que d’un comportement nostalgique et infantile aussi ridicule que les vieux qui remettent leur short et leur foulard.

Certes, cette solution est un peu meilleure que la précédente, pourtant, on peut voir des adultes qui, sans être infantiles restent structurés, guidés, soutenus par la promesse qu’ils avaient fait adolescents, et cet idéal scout continuant à les accompagner dans leur vie et leurs engagements.

Il faut donc chercher encore plus loin en quoi la loi scoute n’est pas une offense à la prédication de l’Evangile de la grâce. L’essentiel, c’est certainement que malgré son nom, la « loi » scoute n’est pas une loi, mais un idéal. La loi, ça sert à juger, un idéal, à orienter, à diriger, ce n’est pas pareil. L’idéal, c’est une direction à suivre, c’est un projet, une visée, pas une règle, ni une morale, ni un code de jugement. En ce sens, la notion clé de l’affaire, c’est le « tout mon possible » de la promesse scoute (« de mon mieux » pour les Louveteaux). Le jeune ne promet pas de n’avoir qu’une parole, d’être discipliné ou loyal, il promet de faire TOUT SON POSSIBLE pour cela, et ça change tout. Il n’y a en effet alors plus aucun jugement puisque nul ne peut préjuger du possible de chacun. Tous n’ont pas les mêmes capacités, et la loi n’est plus un code pour juger, mais un idéal lointain vers lequel chacun va essayer de s’approcher selon ses capacités. Ce n’est pas un hasard si une parabole si souvent méditée dans le scoutisme est la Parabole des Talents. Chacun fait ce qu’il peut avec le possible qui est le sien, et il n’y pas de jugement sur le résultat absolu. Tout est relatif.

Ainsi il ne s’agit pas d’une loi, mais d’un idéal. Et le Christ lui-même a proposé dans l’Evangile un idéal, abandonnant l’idée d’une religion d’observance de lois pour une religion de l’idéal. La question est alors de savoir si l’idéal scout est bien cohérent avec celui de l’Evangile. Sur ce point, il n’y a pas de doute : l’idéal scout n’est rien d’autre que l’idéal de l’Evangile, dit plus simplement, plus concrètement. L’idéal de l’Evangile, c’est d’aimer Dieu et son prochain, celui du scoutisme, c’est de servir Dieu et son prochain. Il est vrai que l’Evangile contient de belles choses, mais souvent, on ne voit pas très bien comment les appliquer : aimer son prochain comme soi même, pardonner 70fois 7 fois... bénir et non pas maudire, tout cela nous le croyons bien vrai, mais comment le vivons nous concrètement ? Souvent cela reste une idée qui ne change pas notre vie concrète. Le scoutisme, lui, il veut faire dans le concret, il rend l’idéal évangélique à portée de main, applicable quotidiennement. Nous ne savons plus ce à quoi nous engage d’aimer notre prochain, mais d’essayer d’être « l’Ami de tout le monde et le frère de tous les autres Eclaireurs » .ce peut être un projet dix fois par jour dans sa vie. Et l’ami, c’est bien celui qui aime, et mon ami je le comprends, je l’accueille, je ne le juge pas, je lui pardonne, évidemment. Mais dire qu’il faut être « l’ami de tous » est plus concret que d’aimer tout le monde.

Et puis le scoutisme insiste sur un autre point fondamental : le service. Cela se trouve dans la loi (un Eclaireur se rend utile, ou Art 4 de nouvelle Loi)) et aussi dans la promesse « Me mettre au service des autres ». Cela se retrouve dans l’idéal de la Branche Aînée : les lettres « RS » pouvant signifier : « Routiers Scouts » ou « Rendre Service ». C’est encore le sens de la célèbre BA (Bonne Action) raillée, mais qui, dans le fond, n’était pas bête.

Le service est souvent prêché par le Christ et est certainement une dimension essentielle de l’Evangile, on le voit lors de l’épisode du lavement des pieds, Jésus dira : « le plus grand parmi vous sera votre serviteur... » « Soyez les serviteurs les uns des autres ». Et sans doute y a-t-il là quelque chose d’essentiel trop souvent oublié. On se focalise sur le commandement d’amour, mais celui-ci est trop théorique. Vouloir servir, c’est la vraie base fondamentale de toute vie. Servir les autres, c’est mettre sa vie au service des autres, au service de Dieu, au service d’une cause, d’un idéal, au service d’une foi, au service de la collectivité, du pays, de sa famille, de ses enfants, neveux etc... C’est là quelque chose de concret, une vraie ligne directrice, et le fonds absolu de l’Evangile.

Cela va aussi dans le sens de l’opposition au péché originel qui est l’égocentrisme absolu. Se décentrer pour penser aux autres, est le premier pas de l’amour. Voir l’autre, les autres, se préoccuper des autres est la base de toute la vie chrétienne. Concrètement même Paul le dira : « Que chacun, au lieu de considérer son propre intérêt considère aussi celui d’autrui. » et cela est constant dans l’idéal scout : pour les Louveteaux la loi disait : « un petit loup de ne s’écoute pas, mais il écoute les vieux loups... », les Eclaireurs, eux, promettaient de : « Faire son devoir envers Dieu et son Pays », ce qui a été traduit par « servir Dieu et son pays », ou « se mettre au service des autres ». Tout cela est essentiel, il s’agit d’apprendre à sortir de soi, à aller vers les autres, s’en préoccuper, se décentrer de soi même pour s’ouvrir aux autres et à Dieu.

Le but du scoutisme, c’est ainsi de rendre l’idéal de l’Evangile présent dans le quotidien, d’incarner cet Evangile désincarné, de le faire vivre concrètement dans la vie de la Troupe, ou de l’unité, comme un milieu privilégié où tout est plus facile, et d’inciter à continuer de vivre cet idéal dans la vie de tous les jours.

Donc nous avons là non pas tant une loi qu’un idéal incarné, un peu simplifié certes, mais en fait très juste, c’est une méthode pédagogique, bien sûr, mais finalement elle n’est pas si enfantine que ça, et même à l’âge adulte, nous avons encore beaucoup à faire pour nous en approcher.

Bien sûr, il ne s’agit pas d’une « loi » au sens religieux du terme, ou au sens de l’Ancien Testament, ou des lettres de Paul. C’est d’ailleurs un contresens qui a été en jeu dès le début du scoutisme en France. Quand il s’est s’agit de traduire les 10 articles de la loi de Baden Powell, les pasteurs se sont opposés à ce que l’on garde ce nombre 10 qui pouvait faire penser au décalogue, et c’est ainsi qu’Henri Bonnamaux a traduit la loi de BP en ajoutant deux articles pour arriver à 12. Il ne s’agit pas d’une loi religieuse au sens où elle pourrait nous juger, ce n’est pas une loi qui nous rend pécheurs, mais plutôt une exhortation dans le sens du « troisième usage de la loi » des Réformateurs : (l’usus Normativus) : ce qui va nous être proposé de faire une fois que nous nous savons pardonnés et sous la grâce.

Le scoutisme en ce sens est bon, parce que dans nos Eglises, nous insistons peut être trop sur la grâce : Dieu nous aime, il nous pardonne, il nous accompagne et nous donne toute chose... tant mieux, mais alors ? Pour en faire quoi ? Nous répondons peu à cela. Ou alors, quand les prédicateurs veulent montrer qu’il y a au delà de la grâce un enjeu dans notre vie, une forme d’exigence, c’est pour culpabiliser les fidèles, et manier une forme de menace et de jugement. Là, la question est tout simplement celle de Paul quand il aperçoit le Christ sur le chemin de Damas : « Seigneur que ferais-je ? ». La grâce ouvre des possibles, qu’en faire ? Il faut proposer des directions, des sens d’engagements, il y en a dans l’Evangile, mais nous en parlons trop peu, ou alors d’une manière inapplicable : aimer tout le monde et toujours pardonner.

Le scoutisme propose un idéal, une direction, pour se construire, certes, mais aussi pour bien vivre. Il ne faut pas se moquer d’un idéal moral, tout est dans la façon de l’utiliser, et il peut être bon même pour des adultes. Quant à l’idéal scout, il a l’avantage d’être clair et de donner des directions applicables dans la vie de tous les jours.

Et puis enfin, et de la même manière se trouve un autre point essentiel qui n’est ni dans la loi, ni dans la promesse, mais dans la devise : « sois prêt ». Là encore, nous avons une vision concrète d’une idée force de l’Evangile incompréhensible : le célèbre commandement « veillez et priez » du Christ. Souvent le Christ incite à « veiller », mais qui sait ce que cela signifie ? Qui pense appliquer concrètement cela dans sa vie ? Qui peut dire que ce commandement lui a changé sa vie ? Le « sois prêt » du scoutisme en est l’application pratique pour tous, scouts ou non. Cela signifie plusieurs choses fondamentales : d’abord d’apprendre la disponibilité, l’ouverture, être prêt, c’est être en mesure d’accueillir toute chose, même l’improbable ou l’imprévisible. Il faut travailler à faire grandir sa disponibilité par rapport à autrui : l’ouverture, l’accueil de l’autre, de l’étrangeté, du nouveau, et de Dieu lui-même. Il est vrai que le bien dans nos vies passe toujours au moment où nous ne l’attendons pas, il n’y a pas des gens qui ont de la chance et d’autres qui n’en n’ont pas, mais certains qui savent saisir les chances quand elles se présentent, ils sont toujours prêts.

Et puis la devise en anglais était plus juste : « be prepared », « sois préparé » donne une dimension active : se préparer, agir pour être prêt, il y a donc un travail, un entraînement, une démarche à avoir, un chemin à faire, et qui reste toujours à faire. Mais en fait à quoi faut-il être prêt ? A tout, il faut apprendre à s’ouvrir à l’autre, il faut se préparer à vivre, et se préparer à mourir, se préparer à posséder, mais aussi à ne plus posséder. L’Ecclésiaste dit qu’il y a un temps pour tout, et bien précisément, il faut se préparer à tout. Dans la parabole des vierges sages et es vierges folles on voit bien qu’elle non seulement veiller, mais aussi être prêtes, avoir apprêté leur huile. Ce n’est donc pas une attente, une veille passive, mais une démarche pour pouvoir tout accueillir.

Ainsi peut-on penser que toute la pédagogie scoute, si on ne prétend pas trop la transformer pour la « moderniser » à mauvais escient, n’est qu’une façon de permettre aux enfants d’apprendre à vivre autant qu’ils le peuvent l’Evangile concrètement. C’est pourquoi peut être l’action religieuse, dans l’esprit de Baden Powell n’était pas une grande question. Il ne s’agit pas de bourrer le crâne des enfants par des sermons pieux, mais là de les aider à vivre concrètement et l’Evangile. C’est pourquoi aussi il est essentiel qu’avant de faire la moindre annonce de l’Evangile, les responsables veillent à ce que cet idéal soit vécu, sinon, les enfants n’apprendraient que l’hypocrisie. Mais quand les enfants vivent dans une unité où les chefs veillent à ce que cet idéal scout soit le centre de toute activité et de tous les modes relationnels entre les uns et les autres, alors ils ont la chance unique de toucher du doigt ce que c’est que l’Evangile, et que celui-ci n’est pas une utopie absurde, mais un vrai chemin de fraternité et de paix.

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Promesse Eclaireur (Baden Powell)

Je promets de faire tout mon possible pour:

- Faire mon devoir envers Dieu et envers le Roi (Pays)
- aider les autres en tout temps,
- Obéïr à la loi scoute.


Loi de l'Eclaireur (Baden Powell)

1. On peut compter sur l'honneur d'un éclaireur.
2. Un éclaireur est loyal.
3. Le devoir d'un éclaireur est d'être utile aux autres et de les aider.
4. Un éclaireur est l'ami de tous et le frère de tous les éclaireurs.
5. Un éclaireur est courtois.
6. Un éclaireur est un ami des animaux.
7. Un éclaireur obéit aux ordres.
8. Un éclaireur sourit et siffle en toute circonstance.
9. Un éclaireur est économe.
10. Un éclaireur est propre dans ses pensées, dans ses paroles et dans ses actes.

 

Promesse Louveteaux (Baden Powell)

Je promets de faire de mon mieux pour:

- Faire mon devoir envers Dieu et le roi (pays),
- obéir à la loi de la meute
- et rendre un service à quelqu'un chaque jour.

 

Loi de la meute (Baden Powell)

1. Un louveteaux écoute les vieux loups.
2. Un louveteaux ne s'écoute pas.