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Croire en Dieu ou croire en Jésus?

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Prédication prononcée le 7 juin  2015, au temple de l'Étoile à Paris,

par les pasteur Louis Pernot et Florence Blondon pour la réception des catéchumènes dans l'Eglise.

 

Ce texte ou la mère, les frères et sœurs de Jésus veulent le voir et où Jésus les rejette a souvent alimenté la polémique anticatholique des protestants, parce que ceux-ci y voient une preuve que Jésus a eu des frères et des sœurs, et surtout une remise en cause extrêmement violente de Marie qui est proprement rejetée. En fait, ce texte est très complexe, et il semble bien que les deux traditions, catholiques et protestantes y reçoivent des remises en cause tout à fait radicales, au point qu’il n’est pas certain que les protestants soient les mieux traités par ce texte.

Le sens général est clair : ce qui compte avant tout, ce n’est pas les liens du sang, mais la dimension spirituelle.

Sur ce point, les théologiens catholiques ont toujours été d’accord et on dit que, précisément, si Marie avait été choisie comme objet d’adoration, ce n’était pas parce qu’elle était la mère biologique de Jésus, mais pour ses qualités personnelles, de foi, de spiritualité et de générosité.

Etre chrétien en effet, ce n’est pas une question de filiation, mais un choix personnel. On ne naît pas chrétien, on le devient. Sur ce point, le Christ rompt avec le judaïsme qui fait de l’appartenance au peuple élu une question génétique, est juif celui qui a un parent juif, des ancêtres juifs, et ce aujourd’hui encore. Pour l’évangile, est chrétien, et est incorporé dans le nouveau peuple de Dieu celui qui accepte la grâce de Dieu manifestée par Jésus-Christ. C’est dans ce sens aussi que dès le début des évangiles, Jean Baptiste critique les juifs qui se targuent de leur appartenance à une lignée en leur disant : « ne vous contentez pas de dire : nous avons Abraham pour père, de ces pierres, Dieu peut faire naître des fils ». (Luc 3:8).

Cela nous le savons, mais nous ne l’appliquons pas toujours, et il faut donc le rappeler avec force. D’abord pour le sens du baptême des enfants. Contrairement à ce qui est parfois dit, on ne devient pas chrétien par son baptême, souvent administré bébé alors qu’on n’en a pas conscience. Le baptême n’est que le signe de la grâce de Dieu, on devient chrétien le jour où on décide d’y répondre par sa foi. Ensuite, il est bon de rappeler aussi que nous devons avoir le courage d’affirmer notre foi personnelle en dépassant les liens du sang. Il y a, encore aujourd’hui, trop souvent des blocages, certains aimeraient bien, dans le fond, adhérer à telle ou telle Eglise, mais ont peur des réactions de leur famille, et donc ne le font pas, pour ne pas choquer, peiner, leurs parents, leurs frères ou sœurs qui ne comprendraient pas. Certains aussi se croient obligés de rester dans la tradition familiale, ou dans la foi qui leur a été transmise alors que leur propre conviction les attire ailleurs. Il faut rappeler que la foi est un choix personnel. Et heureusement que Luther ou Calvin ont eu le courage d’affirmer leur conviction contre leur milieu ambiant. Et avant eux, heureusement que certains ont eu le courage de devenir chrétiens quand la religion de leurs pères était une sorte de paganisme celtique. Sinon, nous serions encore à nous rassembler sous des chênes pour cueillir du gui avec des serpes d’or et sacrifier des petits garçons.

Mais le Christ lui-même a rappelé ce verset fondamental déjà présent dans la Genèse : « l’homme quittera son père et sa mère ». Il faut avoir le courage de vivre enfin sa propre vie, de faire ses propres choix, d’être libre par rapport aux différents conditionnements familiaux, et s’ouvrir à la nouveauté avec audace.

Et puis il y a aussi une bonne nouvelle : c’est que la communauté des croyants forme une vraie famille, ce sont les frères et sœurs du Christ. C’est une bonne nouvelle, et aussi une exhortation, un appel, pour nous, à considérer ceux qui vivent avec nous dans l’Eglise, ceux qui partagent la même parole au culte, le même pain à la cène comme nos frères et nos sœurs. Vivons donc fraternellement, chaleureusement, le culte n’est pas un spectacle individuel où l’on vient consommer seul et dont on repartirait seul. C’est un moment fraternel de partage. Pour cela, la sortie du culte sur le trottoir fait partie réellement du culte lui-même, c’est le lieu de l’amitié. Prenons le temps de parler, d’aborder l’un ou l’autre qui semble seul et attendre, de partager, de communiquer, d’aimer...


Et même si finalement l’Eglise où nous sommes traditionnellement nous convient ce texte nous met en garde, il montre les erreurs à éviter qui peuvent être celles de ceux qui sont chrétiens de tradition et de famille.

La première erreur, c’est de faire comme les frères et sœurs de Jésus et penser avoir priorité, vouloir passer devant, et vivre comme si l’Eglise était leur propriété privée. Mais non justement, les nouveaux convertis, ceux qui sont en train de découvrir l’Evangile ne sont pas moins « frères et sœurs » de Jésus que ceux qui sont dans l’Eglise depuis leur naissance, et peut être plus même parce qu’ils sont peut-être plus attentifs et réceptifs à un message que les autres pensent connaître. Et si certains se glorifient d’être d’une famille protestante depuis la Réforme, d’avoir des ancêtres déportés aux galères, et bien tant mieux pour eux, mais ce qui compte, ce n’est pas la foi de ses ancêtres, c’est sa foi à soi, son engagement, sa vie, sa prière personnelles.

La deuxième erreur, c’est de ne plus vouloir changer, de demander en quelque sorte à Dieu à venir à soi au lieu de faire soi-même le chemin. C’est la tentation des chrétiens traditionnels, ils risquent de penser qu’ils en savent assez, qu’ils n’ont plus besoin d’apprendre, de lire ou d’écouter, mais que Dieu leur est dû en quelque sorte.

Ensuite, beaucoup de personnes qui sont bien implantées dans les paroisses voudraient qu’il y ait des nouveaux, mais concrètement, s’il y a trop de nouveaux ou de nouveauté ça les dérange. Il faut prendre garde à ce travers, et ne pas tomber dans le piège de ceux qui, se disant paroissiens, ne viennent pratiquement jamais au temple et sont les premiers à faire des histoires dès qu’il y a quoi que ce soit comme évolution qui les contrarie.

Et encore, le danger de faire comme les frères et sœurs de Jésus qui veulent considérer qu’il leur appartient, mais en fin de compte ne se mettent pas à son écoute. Il ne faut pas penser que les exhortations de l’évangile ne sont que pour les autres, que les études bibliques, les prédications ne concernent que les autres, mais accepter de se remettre en cause soi-même de se laisser faire bouger par la parole, sinon en fait on s’exclue soi-même de la famille du Christ.


Alors la réponse de Jésus à tout cela, c’est : « qui sont ma mère, mes frères et mes sœurs... ceux qui font la volonté de mon père. » On le comprend bien et cela va dans le sens de ce que Jésus a déjà dit : « Quiconque me dit : Seigneur, Seigneur ! n’entrera pas forcément dans le royaume des cieux, mais celui-là seul qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux. » (Matt. 7:21). Donc effectivement, ce n’est pas le tout de se prétendre chrétien. Cela semble une pierre dans le jardin des protestants qui affirment avec vigueur que ce qui compte, c’est ce qu’on a dans le cœur, c’est sa façon de vivre avec les autres, plus que le fait d’être bardé de tous les sacrements de l’Eglise, ou de pratiquer régulièrement, ou de faire tel ou tel acte religieux. L’Evangile, c’est une réalité à vivre.

Mais si on y réfléchit, ce que nous venons de dire est une pure défense du salut par les œuvres et tout le contraire de ce que la pensée réformée affirme, que le salut se fait non par les œuvres, mais par la grâce et la foi ! Alors sur quoi serons nous jugés ? Là c’est sur le fait de FAIRE la volonté du Père. Cela semble faire un point pour la théologie romaine des mérites.

Mais encore, il y a un renversement, parce que Jésus dit cela en montrant la foule de la main. Or que fait la foule à ce moment ? Rien ! Elle est assise, elle ne fait aucune bonne œuvre, elle n’accomplit pas de rites, ne vient en aide à personne, juste, elle est assise et elle écoute.
Peut-être est-ce alors cela « faire la volonté du père » : non pas agir vraiment, mais écouter le Christ. On ne sait pas d’ailleurs, le niveau de foi, d’engagement de ceux qui sont là et qui écoutent, peu importe, ils sont là et ils écoutent. C’est là une très belle justification de la conception multitudiniste de l’Eglise, non pas comme ensemble de ceux qui ont la foi en Christ (modèle des Eglises confessantes), mais comme ceux qui juste se mettent à l’écoute, quelle que soit leur foi ou leur non foi. En tout cas, on retombe dans un modèle plutôt protestant.

Mais en même temps, cela peut justifier les ordres monastiques. Et ça c’est contre les Réformateurs qui se sont opposés aux ordres cloîtrés en disant qu’on ne pouvait se contenter de prier sans rien faire dans le monde. Là, ceux qui sont montrés en exemple par Jésus, ils écoutent seulement et ne font rien d’autre.

Dans tous les cas, cela montre que l’action n’est pas tout, et que la contemplation a aussi une part essentielle, voire première. Or souvent les protestants ont tendance à l’oublier, pour dire que finalement, ce qui compte, ce sont les valeurs, la façon de vivre, d’être honnête, travailleur etc. Mais si certains protestants peuvent donner cette impression, il ne faut pas juger trop vite. Le fait est qu’une certaine tradition protestante a toujours vu la vie spirituelle, la prière, la relation à Dieu comme des choses infiniment intimes dont on ne parle pas, même à ses plus proches et qu’on ne partage pas. De l’extérieur, on peut donc penser que certains protestants n’ont pas de vie spirituelle, alors que c’est tout le contraire. Cet excès de pudeur et de discrétion est un danger, en particulier pour la transmission. Trop d’enfants n’imaginent même pas quelle a pu être la vie intime spirituelle de leur père ou de leur mère.

Mais si on enlève la vie spirituelle, on coupe une vie de sa racine et elle se dessèche. On ne peut pas se contenter d’une religion du faire, remplacer la vie spirituelle par de simples « valeurs » à appliquer, ou alors la vie risque de se vider de sa substance, perdre le carburant, l’ossature, le cœur même qui donne sens à tout. Il faut donc une force de ressourcement pour revitaliser sa propre vie.

C’est cela aussi que l’on trouve dans la célèbre histoire de Marthe et Marie. Marthe fait plein de bonnes actions, mais Jésus lui dit qu’elle ne fait que « s’agiter » à faire plein de choses, et que Marie « a choisi la bonne part » : elle aussi, elle ne fait rien à ce moment, elle écoute, elle puise à la source, et ensuite, elle pourra se lancer dans une action juste et riche de toute sa recherche. Il faut pouvoir faire le plein d’amour, de remplir de grâce pour pouvoir ensuite rejaillir d’amour et de grâce dans le monde. Il ne faut pas oublier ces temps de ressourcement absolument essentiels.

Les chrétiens sans écoute, ils deviennent comme les frères de Jésus dans l’histoire : arrogants, exigeants, ils parlent, ils demandent, ils ne comprennent pas qu’on ne leur donne pas tout, il prétendent avoir des droits... Les bons, ils s’asseyent et ils écoutent.

Cela est vrai aussi pour la prière, la bonne prière, c’est écouter, la mauvaise c’est réclamer, vouloir obtenir de Dieu des passe-droits, d’avoir plus de chance que les autres, ou que les malheurs qui frappent les autres nous épargnent.

Quant à Marie de Nazareth, dans tout cela, les auteurs catholiques disent qu’elle n’est pas rejetée, il est vrai que Jésus ne dit pas que ses frères et sœurs de sang, ou sa mère ne peuvent venir eux aussi s’assoir et écouter. Or précisément, si on s’intéresse au rôle de Marie, dans l’Evangile, on voit qu’il est vrai qu’elle ne fait rien. Mais il est dit à plusieurs reprises qu’elle est là et qu’elle écoute : « Marie gardait toutes ces choses dans son cœur ». Et c’est bien là l’essentiel, mettre dans son cœur le ferment de vie, de paix, d’amour et d’espérance de la prédication et de l’amour du Christ pour qu’il y grandisse et fasse en nous de grandes œuvres. Et ceux qui disent cela ont raison, ce n’est pas non plus parce qu’on a des ancêtres réformateurs ou aux galères qu’on est forcément un mauvais protestant ou un mauvais chrétien... Mais la foi doit se renouveler de génération en génération en se remettant à l’écoute de la Parole.

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Marc 3:31-35

Survinrent sa mère et ses frères, qui, se tenant dehors, l’envoyèrent appeler. La foule était assise autour de lui et on lui dit : Voici, que ta mère, tes frères et tes sœurs sont dehors et te cherchent. Et il répondit : Qui est ma mère et qui sont mes frères ? Puis promenant les regards sur ceux qui étaient assis tout autour de lui, il dit : Voici ma mère et mes frères. Quiconque fait la volonté de Dieu, celui-là est mon frère, ma sœur et ma mère.

Luc 3:7-9

Il disait donc à ceux qui venaient en foule pour être baptisés par lui : Race de vipères, qui vous a appris à fuir la colère à venir ? 8Produisez donc des fruits dignes de la repentance, et ne vous mettez pas à dire en vous-mêmes : Nous avons Abraham pour père. Car je vous déclare que de ces pierres Dieu peut susciter des enfants à Abraham.

Matthieu 7:21-23

Quiconque me dit : Seigneur, Seigneur ! n’entrera pas forcément dans le royaume des cieux, mais celui-là seul qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux. Beaucoup me diront en ce jour-là : Seigneur, Seigneur ! N’est-ce pas en ton nom que nous avons prophétisé, en ton nom que nous avons chassé des démons, en ton nom que nous avons fait beaucoup de miracles ? Alors je leur déclarerai : Je ne vous ai jamais connus retirez-vous de moi, vous qui commettez l’iniquité.