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La parabole des enfants dans le champ qui n'est pas à eux

par Louis Pernot (mars 07)

 

L'Evangile de Thomas comporte pour les 3/4 des paroles de Jésus que nous connaissons déjà, mais aussi certaines inédites dont quelques-unes ont de fortes chances d'être authentiques. Ainsi en est-il de cette parabole.

Ce qu'elle nous dit d'abord, c'est qu'être chrétien, c'est être comme des petits enfants installés dans un champ qui ne leur appartient pas. C'est ainsi que nous devons vivre notre relation à Dieu.

Voilà une belle image de la grâce : Dieu nous permet de profiter de son amour, de son salut, de sa présence, de son pardon, alors que nous ne pouvons prétendre à rien et que cela ne nous appartient pas.

Nous sommes même invités à nous installer dans cette grâce de Dieu qui n'est pas à nous, nous pouvons en user, Dieu nous y autorise et même nous y encourage.

Cela est bien, mais la question suivante, c'est de savoir comment y demeurer.

Ce qui va faire que les enfants peuvent rester dans le champ, c'est qu'ils se mettent tout nus.

Se mettre tout nu, c'est renoncer à l'apparence, au paraître, abandonner la préoccupation de l'extérieur et du visible pour celle de l'intérieur et de l'invisible.

Le vêtement indique aussi le métier, le rôle et le niveau social, et l'on ne peut bénéficier de la grâce de Dieu que si l'on renonce à la prétendue importance que pourrait donner ces choses humaines et matérielles.

La nudité, on la retrouve encore dans l'histoire d'Adam et Eve. Ils ont été chassés du paradis (comme les enfants risquent d'être chassés du champ...) parce qu'ayant honte de leur nudité ils avaient essayé de la cacher par des feuilles de figuier. Se mettre nu devant Dieu, c'est refuser le péché originel, ce péché d'orgueil de vouloir prendre la place de Dieu, de se mettre au centre de tout.

Dans la Bible, se mettre à nu, c'est exposer son imperfection. Certes, nous avons des défauts, le problème, c'est de savoir comment nous gérons cela.

La mauvaise solution, c'est d'essayer de se les cacher, de faire comme si ils n'étaient pas là. pour donner bonne figure. On peut, au contraire, accepter de paraître nu devant Dieu, reconnaître sa faute, son imperfection et l'assumer, attendre que ce soit lui qui nous vête... sans essayer de le cacher à soi-même ou à Dieu.

Notre parabole dit en plus que pour rester dans la grâce si nous devons nous mettre nus devant Dieu, nous devons pouvoir le faire « sans honte », c'est-àdire en ayant confiance dans son pardon, dans son regard d'amour qui ne nous juge pas et ne nous condamne pas.

La suite de la parabole est ambiguë, suivant qui sont les « ils » disant : « laissez-nous notre champ » : soit les maîtres qui veulent récupérer le champ, soit les enfants qui veulent y rester.

Dans le premier cas, Dieu vient demander des comptes comme souvent dans les paraboles. On voit alors la bonne attitude des enfants : ils se mettent tout nus : ils ne prétendent à rien, n'argumentent pas, montrent juste leur faiblesse et leur vulnérabilité. Ils disent comme le fils prodigue : Seigneur, je ne suis même pas digne d'être appelé ton fils. Alors Dieu leur donne le champ finalement.

Dans la seconde hypothèse : ce sont les enfants qui disent: « laissez-nous notre champ ». Et ils ont raison, il est bon de savoir ce que l'on veut, et demander avec persévérance. Le chrétien ne doit pas seulement se contenter de se savoir sauvé, mais toute sa vie il doit dire à Dieu : « Seigneur, sauve-moi, donne-moi ta présence, ton amour », parce que si nous ne le demandons pas, nous ne l'aurons pas toujours.

Cherchez et vous trouverez, demandez et l'on vous donnera, dit l'Evangile, là est le rôle essentiel de la prière, demander, et demander toujours... pas n'importe quoi, ou des choses matérielles, bien sûr, mais avant tout la simple présence de Dieu, comme dans le Psaume 27 : la seule chose que je demande au Seigneur : habiter la maison de l'Eternel pour la durée de mes jours. Il ne s'agit pas de s'installer de force, dans la présence de Dieu et dans sa grâce, ni de s'en sentir propriétaire, mais le lui demander avec persévérance.

Ces deux hypothèses sont belles et complémentaires, le chrétien doit être sans cesse tiraillé dans cette dialectique : renoncer à la préoccupation de se sauver lui-même, mais sans, pour autant, se désintéresser de ce salut, et sans tomber dans l'indifférence. Vivre l'humilité et la grâce : je suis pécheur et je ne mérite rien, mais aussi pardonné, je veux y être dans ce champ, y rester, alors Dieu dit : « d'accord je te donne cette grâce ».

C'est là, que nous pouvons demeurer dans ce champ de Dieu, dans son jardin de délices, ce jardin où l'on est dans la paix, sans peur. Dans ce jardin où l'on est au bénéfice de tous les fruits de Dieu, et en particulier de l'arbre qui donne la vie éternelle.

Louis Pernot