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La conception virginale ?

par Louis Pernot (janvier 04)

 

Nous avons dans notre tradition chrétienne cette idée d'une conception virginale de Jésus, et sans se prononcer sur la possibilité ou la réalité de ce fait, il est bon de rechercher le sens que peut avoir une telle doctrine.

Ce qui est d'abord remarquable, c'est que dans Matthieu, le récit de la venue du Christ dans le monde ne commence pas par sa conception virginale, mais par sa généalogie. Elle montre que le Christ est le fruit de l'intervention de Dieu dans une histoire humaine préexistante.

Cette généalogie est faite d'individus très variés, bons et mauvais, célèbres ou totalement inconnus. Et nous voyons alors que rien de toutes ces imperfections n'est un obstacle au fait que le Christ puisse advenir, et nous voyons aussi que le Christ ne naît pas de la perfection humaine. Ses ancêtres ne sont pas que des gens bien, la qualité de Christ ne dépend pas de son hérédité, ni de sa nature humaine, mais d'autre chose. Nous n'avons donc pas à nous décourager, nous qui souhaitons voir le Christ naître en nous, en tant qu'il représente la source de la lumière, de la vie, de la joie et du salut.

Oui, l'Évangile nous montre que le Christ est à la fois le fruit de cette histoire humaine, et d'une rupture dans celle-ci : il apparaît au point de rencontre entre cette descendance humaine et Dieu. Il faut que Dieu vienne féconder notre propre histoire ou cette dimension humaine qui est la nôtre pour qu'elle donne naissance à quelque chose qui en vaille la peine. L'accomplissement de notre existence ne peut se faire que comme l'union d'une dimension humaine et d'une dimension divine, et c'est ainsi que doit être le mode de présence de Dieu dans nos vies.

Nous sommes tous appelés à naître de nouveau, à naître spirituellement. Et cette naissance doit se faire à l'image de celle du Christ qui est le premier né de toute la nouvelle création. Il faut que Dieu vienne féconder une dimension humaine imparfaite pour qu'il en naisse quelque chose de bon et d'éternel.

Cela nous indique de quelle manière Dieu doit être présent dans nos vies : Dieu doit arriver dans notre histoire personnelle comme une dimension extérieure qui nous féconde par sa présence et sa parole et qui permet de faire grandir en nous une réalité nouvelle comme l'enfant qui grandit dans le sein de Marie.

La fécondité, en effet, dans tous les domaines de la vie, nécessite deux réalités différentes et complémentaires. La fécondité vient de l'interaction entre deux pôles : ici c'est l'homme et Dieu qui peuvent, en se rencontrant, donner une réalité nouvelle.

Notre existence doit donc être fécondée par cette interaction permanente entre notre vie matérielle et la dimension spirituelle de Dieu. C'est dans cette union, cette communion, que naît quelque chose d'intéressant et qui peut transcender le quotidien mortel de notre vie.

Ainsi, une vie qui ne s'intéresserait qu'au matériel, une humanité qui n'aurait que le regard tourné vers elle-même, cherchant à résoudre elle-même ses problèmes, cherchant par elle-même une forme de pureté ou de perfectionnement serait stérile, frustrante, sans avenir et sans espérance.

Il faut à un moment donné que nous laissions Dieu venir dans nos existences, et il faut que cet accueil ne soit pas seulement extérieur ou intellectuel, mais que nous nous unissions vraiment à lui pour qu'il vienne ensemencer notre existence d'un ferment qui transformera toute notre vie.

Cette image se retrouve tout au long de la Bible où il est souvent question de l'humanité comme d'une femme qui doit coucher avec l'époux (qui est Dieu) et se laisser féconder par lui (Esaïe 54:1-5, II Cor 11:2, Cantique des Cantiques...). C'est aussi ce que nous retrouvons dans l'Évangile quand le Christ se compare à l'époux et qu'il nous invite à être comme des vierges sages qui savent attendre et se préparer pour la venue de l'époux pour la nuit de noces.

Cette idée de la fécondation par la parole ou la présence de Dieu n'est d'ailleurs pas purement chrétienne, on la retrouve de même dans la pensée grecque, et en particulier chez les stoïciens qui parlent du logos spermatikos, la parole spermatique qui doit féconder la matière.

Et cette fécondation ne nie pas la dimension matérielle de nos existences, il ne s'agit pas de sacrifier notre dimension physique pour accéder au spirituel. L'évangile de Jean commence par ce verset célèbre : au commencement était la Parole, il est vrai qu'au commencement de toute vie réussie, il doit y avoir la parole, parole de Dieu, enseignement du Christ. Mais pour que cette parole puisse inaugurer en nous un véritable commencement de vie éternelle, il faut encore qu'elle vienne au plus profond de nous-mêmes, autrement dit que nous connaissions cette parole, dans le sens courant le plus fort, et aussi dans le sens biblique, comme Marie qui témoigne de l'importance de cette union mystique, à laquelle Dieu nous convie.

Louis Pernot