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Je ne suis pas venu apporter la paix, mais l'épée !

par Florence Blondon (novembre 2011)

 

Il est parfois bien difficile de s'y repérer dans les paroles de Jésus. Comment, en effet le même homme peut-il à la fois proclamer "Heureux les artisans de paix", pour ensuite dire qu'il n'est pas venu apporter la paix, mais l'épée ? Comment peut-il nous demander d'aimer jusqu'à nos ennemis et nous annoncer également qu'il est venu séparer les familles ? Comment comprendre ce court passage (Mt. 10:34 à 36) ?

Il faut bien admettre que c'est assez déconcertant. Cela nous indique que l'Ecriture n'est en rien là pour nous conforter dans nos croyances et nos convictions, au contraire elle est plutôt là comme aiguillon, et l'on peut déjà entendre cet avertissement de Jésus dans ce sens : je ne suis pas là pour vous laisser en paix avec votre conscience, mais bien pour vous bousculer, vous remettre en question, sabrer toutes vos idées reçues.

Nous sommes déroutés, pourtant, l'Ancien Testament s'ouvre sur des pages de violence peu communes. Nous attendons, avec la venue de Jésus, que tout cela change, mais il n'en est rien. L'histoire de l'Eglise avec son cortège de barbarie, nous rappelle que, malheureusement, nous sommes encore confrontés à l'horreur.

Pourtant, il faut être honnête, ce qu'annonce Jésus est plutôt réaliste.

A l'époque de la rédaction des Evangiles, se dire chrétien n'avait rien de facile. Les premiers disciples ont té amenés à rompre, souvent dans la douleur, avec les différents cercles qui structuraient leur société : la famille, la synagogue, le peuple. Ils vont affronter les persécutions. Aujourd'hui on ne saurait évacuer cette interprétation, d'autant qu'il existe encore des lieux où les chrétiens risquent leur vie. Jésus le sais, il le vit, son message ne saura pas être accepté sans une forte opposition. Il n'est pas à l'origine de la violence, il en est le révélateur.

L'invective de Jésus n'est pas un appel à la guerre sainte, mais un encouragement pour les disciples en difficulté.

Et si, aujourd'hui, en Occident, notre situation de chrétiens ne nous met plus en danger, pourtant il nous faut garder courage pour continuer à annoncer, à proclamer. Tenir bon, ne pas nous diluer dans le monde, car l'Evangile a encore du sens, et c'est le même sens de l'existence dans un monde en perte de repère.

Mais on peut également entendre ces paroles de manière positive, comme une bonne nouvelle !

Jésus dit : "Je ne suis pas venu apporter la paix, mais l'épée", et non : "je ne suis pas venu apporter la paix, mais la guerre". La différence est significative. On a trop souvent interprété ce verset en mettant en opposition paix et guerre, pour justifier des appels à la guerre sainte. Certes, l'épée est une arme et, en tant que tel, symbole de combat, mais il existe quelques combats salutaires. L'expression "trancher dans le vif" est tout à fait positive. Elle montre la rapidité et l'efficacité d'une action ou d'une parole. Et l'image du tranchant de l'épée nous renvoie à l'acte créateur qui est un acte de séparation. Cette séparation qui va permettre à la vie de surgir. En Genèse 1, la vie ne peut apparaître que la parole de Dieu a opéré la séparation. En Genèse 2, le masculin est séparé du féminin. Ensuite l'homme est invité à quitter (se séparer de) son père et sa mère pour, là aussi, que la vie puisse se perpétuer. La parole qui tranche est ici l'instrument d'une séparation vivifiante. Alors oui, cela peut être douloureux, mais c'est indispensable.

La Parole de Dieu, incarnée en Jésus Christ, est une parole incisive qui permet à la vie d'advenir et de triompher.

Avec la venue du Christ, nous avons à faire à une nouvelle création. Ce qui s'inscrit tout à fait dans l'Evangile de Matthieu qui commence ainsi : "Livre de la genèse de Jésus-Christ, fils de David, fils d'Abraham" (1:1). Ce fils de David va se révéler comme étant également fils de Dieu, et faire de nous les enfants de Dieu appelés à vivre une nouvelle forme de famille, une nouvelle humanité.

Florence Blondon