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Faut-il vaiment perdre sa vie pour la gagner?

par Florence Blondon - printemps 2021

A propos du chapitre 12 de l'évangile de Jean, versets 20 à 36

La vie, la mort, ces termes semblent s’opposer. Nous savons combien la vie est fragile et la mort certaine. L’évangile de Jean qui ne cesse d’affronter les paradoxes de l’existence ose penser l’un avec l’autre. Jésus, tout au long de son ministère, nous montre l’extrême valeur qu’il donne à la vie. Il guérit, il restaure, il vient sortir son ami Lazare de son tombeau, il chante la vie : « Moi, je suis venu pour qu’ils aient la vie et l’aient en abondance » (Jn 10,10). Aussi lorsqu’il énonce : « Celui qui aime sa vie, la perd », c’est surprenant. Pourtant ce qui apparaît presque incohérent vient éclairer l’absurde. C’est en remettant le discours dans son contexte que nous commencerons cette découverte.

De l’expérience personnelle à la naissance d’une communauté
Jésus arrive tout à la fin de son ministère public, il vient d’entrer à Jérusalem de manière triomphante, il inaugure ce temps de la Passion qui occupe presque la moitié de l’évangile, comme pour nous dire ce qu’il a annoncé : « comme Moïse a élevé le serpent dans le désert, il faut que le Fils de l’homme soit élevé, afin que quiconque croit en lui, ait la vie éternelle » (Jn 3,14-15). Et son dernier discours vient éclairer ce temps qui mène à la croix. Son heure est désormais venue ! C’est l’intervention d’un nouveau groupe, « les grecs » qui amorce les paroles de Jésus. Elles ne visent plus seulement l’horizon juif, elles s’étendent au monde. Pourtant, et ce n’est pas le moindre des paradoxes, si Jésus universalise ses perspectives, en même temps il individualise son propos : « Celui qui ... ». Il s’adresse à toutes et tous mais c’est à chacune et chacun de le recevoir ou pas, de le suivre ou pas ! L’expérience de la rencontre avec la Parole est personnelle et c’est cette expérience qui va permettre de construire les communautés. Désormais, ce ne sont plus les liens de sang qui nous unissent, mais l’adhésion au projet de vie proposé par le Christ.

Quel est ce projet ?
C’est la métaphore du grain de blé qui va en donner toute la saveur et nous faire découvrir le vrai sens de la vie. Il ne s’agit pas de vivoter, de survivre mais bien de vivre. Et vivre c’est être fécond. L’Église a bien trop souvent focalisé ce discours sur un après, dans une visée eschatologique. Pourtant Jésus, s’il évoque bien évidemment sa mort et sa résurrection, nous parle également de la manière de donner sens à son existence dès maintenant. Lui qui n’a de cesse d’enseigner, il est un passeur, il transmet en premier à ses disciples. Il les missionne, désormais ce sont eux les grains de blé, c’est à eux de porter du fruit. La mort du grain, c’est aussi faire mourir en nous tous nos égoïsmes, nos pulsions mortifères qui parfois nous font croire que la préservation de notre propre existence est essentielle, alors qu’en fait, elle nous stérilise et nous coupe des autres. C’est dans l’acceptation de notre finitude que surgit toute la valeur de l’existence, pour que cette fin annoncée soit porteuse de sens, qu’elle nous incite à ne pas nous en aller sans laisser de trace. Et lorsque Jésus nous invite à « haïr » la vie, il ne parle pas de n’importe quelle vie, mais bien de celle qui ne se soucie que d’elle-même. Celle qui n’intègre pas les limites de notre humanité.

La vie est belle
Car la vie est belle ! Elle a du prix ! Même pour Jésus, l’approche de la mort est effrayante. Il aime tant la vie, mais avant de protéger la sienne, il défend celle des autres. C’est son amour pour la vie qui nous dit son courage et la portée de sa mort sur la croix, cette croix qui est un scandale. Pourtant, elle nous signifie que jamais son règne de « prince du monde » n’est celui de la domination, qu’il est le règne de l’amour, de l’amour du prochain. C’est autour du Fils de l’homme élevé que la communauté se rassemble, que la Parole jaillit, qu’elle est vivante. Il est le prince de ce monde mais il fait de chacun, chacune d’entre nous, des princes, des princesses du monde, des enfants de lumière.

Florence Blondon