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56, avenue de la Grande-Armée, 75017 Paris

Les noces de Cana, le Christ se dévoile

Jean 2:1-11

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EmmausContrairement à la naissance biologique de Jésus à Bethléem, avec les anges, les bergers, les mages, l’évangile de Jean raconte un enfantement bien différent, et pourtant capital : Marie, la femme et la mère, va littéralement pousser Jésus à débuter son ministère et à poser son premier geste public, son premier « signe ». Elle va révéler son fils comme étant le Christ, le Sauveur. Car cette transformation bien connue d’eau en vin, tout à fait réelle pour certains, complétement improbable pour d’autres, est avant tout un signe pour nous apprendre autre chose, de même que l’arc-en-ciel était, par exemple, un signe indiquant l’alliance de Dieu avec Noé dans la Genèse. Ce geste de transformation d’eau en vin a du sens, et va donner sens à la vie !

Une joie profonde avec le Christ

La fête se déroule en Galilée, dans le nord du pays, dans la région où Jésus a grandi. La première bonne nouvelle, c’est d’abord que Jésus a honoré l’invitation qu’il a reçue pour le mariage : il n’est donc pas contre la joie et la fête, mais il participe à la noce, il participe aux joies terrestres. Être chrétien ne signifie pas s’enfermer dans l’austérité ! Et plus encore, quand on invite Jésus dans notre vie, quelles que soient les circonstances, il vient, peut-être dans la discrétion dans un premier temps, et il pourra devenir une source infinie de joie.

A Cana, nous découvrons qu’avec le Christ, l’impossible devient possible, car il réalise ici quelque chose d’extraordinaire : là où la joie risque de s’interrompre, il apporte une joie plus grande, symbolisée ici par la qualité et la quantité de vin, il met une joie infinie dans le cœur des participants à la noce ! Sans l’intervention du Christ, il y a certes des joies toutes terrestres, mais celles-ci semblent limitées, et quand le vin vient à manquer, la fête semble bien compromise et devoir cesser !

Ce signe du vin renouvelé ne vient pas nous dire qu’il faut s’enivrer de vin pour passer du bon temps, qu’il faudrait boire beaucoup pour être heureux. Cela est d’ailleurs fortement déconseillé ! Il s’agit d’un signe, du grec « semeion », pour nous révéler que la présence du Christ dans le monde, c’est avant tout pour que les hommes soient heureux ensemble ! Christ apporte de la joie quand il est présent dans une vie, une joie plus importante, plus profonde, que la joie naturelle sans lui.

Dans la Bible, le vin est symbole de joie et de fête, un peu comme les pétillants de nos jours (avec ou sans alcool). Mais dans la tradition rabbinique, le vin représente également la Torah, l’ancienne révélation, avec l’application de nombreuses lois et commandements. Ces lois sont ici représentées par les 6 jarres, des vases destinés à la purification, faisant référence à cette Loi juive obligeant les juifs à se laver souvent, à accomplir des rites de purifications appelés ablutions. Ces jarres étaient très grandes, contenant environ 100 litres d’eau (une « mesure » représentant un volume de 40 litres). Jean précise qu’il y a 6 jarres, et on peut penser aussi au récit de la création en 6 jours, le 7e jour étant celui de la sanctification de la création, de la bénédiction de Dieu, l’heure de la vie et de la joie, comme si Jésus venait ici apporter une nouvelle révélation, une nouvelle création, en remplaçant les eaux de purification de l’ancienne Loi par un vin nouveau, un esprit nouveau ! L’eau qui sortira des 6 jarres après l’intervention de Jésus sera « nouvelle », le « vin » bien meilleur qu’avant !

Bousculé par sa mère

Mais c’est grâce à Marie, sa mère, que Jésus va se lancer, qu’il va agir. Pourtant, Jésus semble d’abord vouloir refuser cette initiative, « son heure n’étant pas encore venue » dit-il. Mais Marie ne s’embarrasse pas de ce temps favorable, appelé souvent « kairos » par les théologiens. Au contraire, Marie n’hésite pas à bousculer Jésus, car elle a confiance en lui, elle sait qu’il peut intervenir pour maintenir la joie de la fête. Pour Marie, les choses sont simples : le temps opportun, c’est tout de suite, c’est le temps du besoin de l’autre, c’est le temps du service à l’autre. Marie a su le manque dans lequel les hôtes étaient subitement plongés et elle intercède auprès de Jésus, elle sait qu’il peut combler bien des manques, qu’il peut éloigner bien des craintes et des doutes.

Jésus ne se débarrasse pas des jarres qui symbolisaient les rites anciens, mais il ordonne de les remplir d’eau en sa présence, d’eau qu’il transformera en vin. Il ne s’agit pas des molécules, bien sûr, mais il transformera la vie de celui qui puisera dans ces jarres. D’une certaine manière, il revisite nos propres pratiques qui peuvent parfois nous sembler fades, nos cultes ennuyeux, la Bible qui peut nous sembler compliquée, hermétique, fastidieuse, la prière peut être stérile. En gardant ces jarres anciennes, Jésus propose de sanctifier ce qui s’y trouve, et des ressources qui pouvaient nous sembler complétement désuètes et vides de sens (comme l’eau qui manque de goût) deviennent alors source d’une joie existentielle et infinie par la présence et le regard de Jésus. Nos propres jarres peuvent être déjà remplies de l’eau de la grâce de Dieu, dans laquelle nous pourrons puiser en interaction avec le Christ, en conversation avec lui : Jésus nous apprend à puiser dans les lieux de nos vies où se trouvent des ressources spirituelles vivifiantes, le tout, c’est de l’inviter au départ, comme un familier, et il se révélera au moment du besoin.

Jésus pose les bases d'une bonne relation

Jésus peut sembler dur avec sa mère qu’il appelle « femme » : il fera de même lorsque Marie sera au pied de la croix pleurant son fils. Cette femme, Jésus lui pose une question, une des nombreuses questions de la foi d’ailleurs : « quoi entre toi et moi ? ». Cette femme devient un symbole pour nous : elle représente nos propres demandes parfois bien maladroites, et pourtant pleines de confiance, à l’image de la confiance que Marie avait en son fils. Par sa question, Jésus nous interroge aussi et nous rend attentifs à la nécessité de soigner le lien entre soi et les autres, et entre soi et Dieu, le Tout-Autre, afin de ne pas nous enfermer dans le non-sens et dans un matérialisme égoïste et stérile.

Toute la Bible est traversée par l’image de la noce qui représente l’union de Dieu avec le croyant, union qui procure une joie profonde. En fournissant le vin, Jésus prend le rôle de l’époux dont c’était le devoir de fournir le vin à cette époque en Israël. De même que Marie enfante ici le Christ, notre propre union au Christ doit donner naissance à une réalité nouvelle, à une joie infinie et durable !

Car Marie a confiance ! Malgré la réponse de Jésus, elle ne lâche rien, et elle encourage les serviteurs à suivre les recommandations de Jésus. Comme ce signe, la foi donne sens à ce que l’on fait et elle empêche notre vie d’être un papillonnement qui ne mène nulle part. En cela, Christ nous sauve ! Notre propre confiance peut s’inspirer de la confiance de Marie, mais nous devenons également ces serviteurs invités à puiser dans l’eau de cette source spirituelle vivifiante. Nous sommes ces serviteurs au bénéfice du vin nouveau, invités à en faire profiter les autres, invités à voir ce que les autres n’ont pas, ce dont ils manquent et que nous pourrions leur apporter. Marie bouscule Jésus : de la même façon, nous sommes bousculés, car aucun de nous n’est trop petit ou trop humble pour le service à l’autre.

Ainsi, ce signe devient un résumé de tout l’Évangile en rappelant l’amour au prochain. Au début de son ministère, peu avant ce premier signe public, Jésus a reçu le baptême d’eau que Jean-Baptiste administrait pour la repentance et la purification. A la fin de sa vie, Jésus a proposé le vin comme signe de sa vie, de son sang, lors du dernier repas. S’abreuver de la vie de Jésus, de sa parole pour en vivre et y trouver sa joie, afin que la grâce reçue s’enrichisse de la plénitude de la présence de Dieu : ainsi l’eau se transforme en vin, un vin symbolique de joies spirituelles, infiniment supérieures en qualité à toute joie terrestre ! La vie terrestre n’en sera pas rallongée, mais elle en sera certainement plus profonde !

Muriel Bernhardt - Louis Pernot