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La vocation de Samuel

I Samuel 3:1-12

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Nous croyons que Dieu appelle chacun... mais comment le fait-il ? Dieu nous « parle », néanmoins il peut nous sembler souvent bien difficile d’entendre sa voix, ou de la reconnaître ! L'exemple de la vocation du petit Samuel va sans doute nous donner quelques pistes de réflexion pour accueillir cette « parole » que Dieu nous adresse : l’enfant Samuel, pourtant un futur célèbre prophète, s’est lui-même d’abord trouvé dans l’incompréhension. Et ce récit introduit ainsi une base de la foi chrétienne, l’archétype même de la juste prière : « Parle, Seigneur, ton serviteur écoute. »

Samuel n'est pas élevé par sa famille, mais il grandit au temple, auprès du prêtre Eli qui était déjà fort âgé. En effet, Anne, sa maman, avait promis de consacrer Samuel à Dieu, après avoir longuement prié pour tomber enceinte et enfanter. Samuel est donc certes élevé dans « l'évidence » de Dieu (Eli signifiant d'ailleurs « Dieu est mon Dieu »), mais il ne suit pas d'éducation religieuse particulière.

Il dort dans le temple, tout près de « l'arche de Dieu », aussi appelée « arche d’alliance », un coffre en acacia recouvert d’or où les israélites avaient mis les tables de la Loi, et cette arche représentait le lieu le plus sacré de la présence de Dieu. Ce coffre était sous une tente, la « tente de la rencontre ». Ici, il semble être placé dans un bâtiment qu’ils avaient dû récupérer à Silo, le temple en dur ne sera construit que plus tard par Salomon. Samuel était donc nuit et jour au plus proche du « divin » à cette époque !

« La parole de l’Eternel était rare en ce temps-là... » : cela correspond sans doute historiquement à un temps de « vide » où il ne se passe pas grand chose. Il y avait eu Moïse dans sa relation avec Dieu et le don des dix commandements, puis un peu un vide de « parole divine » avant les prophètes Elie et Elisée, suivis encore d'autres grands prophètes. Aujourd'hui, pour nous, dans notre propre vie, on peut également dire que la communication avec Dieu est susceptible de connaître des hauts et des bas, avec des vides, et il ne faut pas s’en culpabiliser… Il peut y avoir des moments où nous avons l'impression que Dieu nous parle, et d'autres où c'est le silence total, même en lisant des textes bibliques. Et c’est parfois dans les moments où l'on se croit au plus bas qu’apparaissent les plus belles choses…

Dieu parle à Samuel, il l’appelle : il n’y a que Samuel qui puisse l’entendre (Eli ne l’entend pas), comme une parole intérieure, au fond de son cœur ! Dieu procède toujours ainsi, nous aussi, il nous appelle chacun. C’est ce qu’on désigne par « vocation ». La vocation, ce n’est pas seulement pour les pasteurs, les pompiers ou les infirmières, mais Dieu appelle chacun à faire quelque chose pour lui. La difficulté, c’est de l’entendre et de le comprendre. Pour Samuel, comme pour nous, on voit bien que ce n’est pas évident, il ne comprend pas tout de suite. Il a fallu que Dieu l'appelle trois fois, comme s'il fallait un certain temps d'apprentissage, un certain temps pour comprendre que c'est Dieu qui appelle et qui parle. Il a fallu du temps pour que la vocation de Samuel soit reçue et comprise !

La difficulté, c'est justement de reconnaître la voix de Dieu : ici, c'est Eli qui a pour rôle de rendre Samuel attentif à l'appel de Dieu, de lui expliquer que cette voix, ce n'est pas la sienne, mais c'est bien celle de Dieu. C'est peut-être aujourd'hui le rôle de la communauté d'aider chacun à être attentif à cet appel ? Et c’est encore plus difficile parce que Dieu ne nous parle pas forcément avec nos mots courants, à « haute voix », mais il parle plutôt à notre cœur, à notre esprit, il parle surtout en mettant dans notre tête de « bonnes idées », de « bons sentiments ». Peut-être faut-il apprendre à faire silence en soi pour entendre, à s’arrêter d’agir pour réfléchir et comprendre ?

Et c’est ce qui arrive quand on prie. Samuel comprend qu'il est appelé à quelque chose, mais n'a pas encore une grande connaissance de Dieu. C'est Eli qui va lui expliquer comment s'adresser à Dieu, comment prier ! Eli dit que le meilleur moyen de répondre à Dieu est de se déclarer son serviteur, et de lui demander de nous parler. Eli explique à Samuel que la prière, c’est d’abord apprendre à écouter Dieu en se présentant à son service : « Parle, Eternel, car ton serviteur écoute ».

Beaucoup de gens pensent que prier, c’est demander une multitude de choses à Dieu, un peu comme l’énumération d’une liste de courses, ou encore une lettre au père Noël. En réalité, prier, c’est surtout écouter ce que Dieu a à nous dire. C'est dans une relation personnelle à Dieu que l'on peut trouver son chemin, sa vocation, sa manière de le servir. Car la vraie relation à Dieu, ce n'est pas un système d'échanges ou de chantage : plus on prie, plus Dieu agirait ! Au contraire, la vraie relation à Dieu, c'est que nous, nous le servions, et pour bien le servir, il faut l'écouter, afin de découvrir sa volonté et de comprendre comment agir : ce que nous attendons de Dieu, c’est à nous de le faire, c’est à nous de le servir !
Ce n’est pas facile, et il faut apprendre, Samuel n’y arrive pas tout de suite non plus, même s'il habite au temple !

Dieu appelle Samuel par son prénom. Certes, Dieu nous appelle d'une façon globale, il appelle toute l'humanité: « vivez-en paix entre vous, soyez serviteurs, soyez fidèles, aimez-vous les uns les autres... ». Mais Dieu a aussi une relation personnelle avec chacun et nous connaît par notre nom : « Ne crains rien, je t’ai libéré, je t’ai appelé par ton nom, tu es à moi... », Esaïe 43:1, souvent lu au moment des baptêmes. Dieu a des projets pour chacun, personne ne peut dire à notre place ce que Dieu attend de nous, c’est à nous de le découvrir.

Avant, dans la religion plus ancienne, l’idée était que Dieu avait déjà dit par Moïse tout ce qu’il fallait faire pour lui. Il suffisait donc d’obéir aux 10 commandements donnés à Moïse, ou selon la tradition rabbinique, aux 613 commandements contenus dans la Torah. On croyait aussi, par exemple, qu’il suffisait d’offrir des sacrifices à Dieu pour obtenir de lui quelque chose, comme un système de troc !

Mais ici, Eli inaugure pour Samuel un nouveau mode de relation à Dieu. Il ne s’agit pas juste d’obéir à des commandements tout faits, ni même d’obéir à un maître ou un supérieur. Eli ne dit pas à Samuel ce qu’il doit faire dans sa vie. Mais il l’invite à une relation directe avec Dieu, sans intermédiaire, et à trouver lui-même, dans sa relation à Dieu, ce qu’il convient de faire.

C’est d'ailleurs tout à fait le mode de vie religieuse que préconise la Réforme protestante depuis le début. Dans certaines régions, les protestants avaient même l’habitude, en se levant le matin, de penser en premier à Dieu et leur première parole était pour Dieu : « voici ton serviteur » ou « voici ta servante ».

Dieu a besoin de serviteurs : c'est à nous d'agir dans le monde ! Car nous avons dans le monde un rôle d'action, de responsabilité ! Comme Samuel, il s'agit pour nous de savoir que nous sommes serviteurs de Dieu, que nous pouvons faire des choses pour lui, même si nous sommes petits comme l'était Samuel !

Bien plus tard, Jésus ne dira pas autre chose et nous incitera toujours à être les serviteurs les uns des autres.

Écouter est la base de toute la vie du chrétien : savoir écouter, écouter les autres, écouter nos corps, écouter la nature, écouter le silence, écouter Dieu. Être prêt à l’action en sachant d’abord écouter ce que Dieu veut nous dire !

« Parle, Seigneur, ton serviteur écoute »

Louis Pernot - Muriel Bernhardt