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La résilience de Joseph dans la généalogie de Jésus

Matthieu 1:1-25

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Joseph

L’un des vitraux de la cathédrale de Chartres représente l’arbre de Jessé, (nommé Isaï dans la tradition protestante), le père de David, le plus important des rois d’Israël. Cet arbre renvoie ainsi aux ascendants de Jésus, depuis Isaï, dont une prophétie annonçait précisément la place de ce dernier dans l’accomplissement de la promesse de Dieu : « Un rameau sortira du tronc d’Isaï, et le rejeton de ses racines fructifiera. L’Esprit de l’Éternel reposera sur lui : Esprit de sagesse et d’intelligence, Esprit de conseil et de vaillance, Esprit de connaissance et de crainte de l’Éternel » (Esaïe 11:1-2). Et l’arbre généalogique était né ! Un arbre généalogique plein de promesses pour nous...

Une nouvelle création à travers la généalogie de Jésus

Le peuple juif attendait un « Messie » glorieux, qui transformerait tout, apportant la paix dans le monde par une action spectaculaire, en menant une sorte de révolution politique. Il espérait l’avènement du Mashiah (en hébreu), du Christos (en grec), ce qui signifie l’Oint, celui qui reçoit l’onction d’huile, l’huile étant dans la Bible une image de la présence de Dieu. Dans l’Ancien Testament, les rois, les prêtres et les prophètes étaient oints pour être revêtus de l’autorité de Dieu.

L’Ancien Testament occupe près des 3/4 de la Bible et relate l’histoire du peuple de Dieu avant la naissance de Jésus, dit le Christ, le Messie. Et le Nouveau Testament débute par les quatre évangiles qui racontent la vie de Jésus-Christ, suivis par différents écrits relatant ce qui s’est passé après sa mort. Des quatre évangiles, seuls Matthieu et Luc parlent de la naissance de Jésus par des récits sans doute un peu légendaires, mais pourtant remplis de sens.

Le peuple juif a toujours cherché Dieu et l’évangéliste Matthieu inscrit la naissance de Jésus dans cette longue quête décrite dans l’Ancien Testament. Il débute son récit par Biblos geneseos, souvent traduit à tort simplement par « généalogie », ce qui en réduit un peu le sens, car nous avons en fait l’expression livre de la genèse (ici de la genèse de Jésus-Christ), formule qui ne se trouve que deux autres fois dans la Bible, la première au tout début du livre de la Genèse, pour parler de la création matérielle de l’univers (Gen 2:4), et la seconde pour raconter la création de l’humain, de l’histoire des hommes (Gen 5:1). Cette généalogie formulée par Matthieu sous-entend ici une seconde création, celle d’une humanité nouvelle qui se fait en Jésus-Christ ! Présenté comme descendant de David, Jésus semble être le candidat pour être ce Sauveur du monde que les juifs attendaient.

Matthieu ne ménage pas ses efforts pour introduire une grande symbolique dans cette fastidieuse liste des ancêtres de Jésus, très rarement lue dans son intégralité. Par exemple, il présente cette énumération sous la forme de 3 groupes de 14 ancêtres, un multiple de 7 donc, le 7 renvoyant aux 7 jours de la création de l’univers, comme pour signifier que Jésus accomplissait une nouvelle création. D’autant que Jésus porte le même nom en hébreu que Josué, celui qui a conduit le peuple dans la terre promise après 42 ans (3x14!) dans le désert d’après la version grecque de l’Ancien Testament (la Septante), comme si Jésus nous guidait désormais dans la terre promise.

Une généalogie qui nous ressemble bien !

Cette généalogie met l’accent sur des ruptures : d’abord au moment de l’avènement du roi David, ce grand roi par excellence, qui a consolidé un peuple nomade en une grande nation établie ; ensuite au moment de l’exil en -597, avec la destruction du Temple, la défaite d’Israël et la déportation des élites à Babylone. Malgré cela, Matthieu souligne que Dieu avance et réalise quand même son projet : une nouvelle rupture s’opère avec la naissance de Jésus-Christ, qui est l’héritier de toute cette lignée de l’Ancien Testament.

Même si cette généalogie n’est pas tout à fait exacte, faite de ruptures, de vides, elle montre que Jésus naît dans l’histoire humaine. Jésus n’est pas uniquement l’héritier de gens pieux et de champions de la foi, et à côté de croyants célèbres et fidèles comme Abraham, Isaac, Jacob, David, Salomon, on trouve toutes sortes de personnages bien moins exemplaires. Certains avaient renié Dieu pour livrer un culte aux idoles, certains se sont très mal comportés, meurtres, prostitution, inceste, adultère : cette généalogie est faite de tout ce qui constitue la pâte humaine, un peu comme notre propre histoire est faite d’un mélange du meilleur et du pire. Plusieurs femmes sont citées : pas les plus remarquables, mais celles qui ont transgressé les usages, les morales et la loi pour que la vie triomphe et pour que cet arbre généalogique existe !

Matthieu cite des noms totalement inconnus qui ont pourtant une grande signification en hébreu, en renvoyant toujours à Dieu qui garde et protège, et ainsi ce chemin divers, Dieu le conserve pour en faire une nouvelle création. Même si la route est cabossée comme le sont parfois les vies humaines, elle peut mener à Jésus-Christ et aux promesses annoncées, celles du Royaume de Dieu, non pas comme une réalité politique ou matérielle, mais comme une réalité intérieure et spirituelle dès ici-bas par la paix intérieure, avec un rapport nouveau à la religion, comme l’enseignera Jésus.

La résilience de Joseph dans la naissance de Jésus

La longue liste des noms se termine par Joseph, l’époux de Marie. Il est seulement le père adoptif de Jésus. Cette histoire du salut du monde ne passe donc pas par une filiation purement génétique, mais par une adoption, par l’adhésion au plan de Dieu. Jésus adopté invite chacun à se laisser adopter et à adhérer au message de l’Évangile, message d’amour et de paix.

Il est dit que Marie s’est trouvée enceinte par l’action du Saint Esprit. Certains croient que Marie était vierge et s’est trouvée enceinte par une action « divine » (doctrine de la « naissance virginale »), d’autres n’y croient pas et pensent qu’il y a forcément eu un homme dans l’histoire. Le protestantisme permet les deux solutions et offre une liberté de croire à l’une ou l’autre. Il se passe quelque chose d’extraordinaire par le fait de cette grossesse et il semble établi que Joseph n’est pas le père biologique.

Alors il aurait pu dénoncer Marie au tribunal juif, et Marie aurait été condamnée à mort. Joseph a immédiatement décidé de ne pas la diffamer publiquement, mais plutôt de la répudier en secret, sauvant la vie de Marie mais la condamnant à la pauvreté et à la mendicité comme fille-mère. Dans l’évangile, Joseph est dit être approché par un ange (un « messager ») dans un rêve, lui disant de sauver Marie et l’enfant. Dieu a parlé dans le cœur de Joseph, comme il peut parler à chacun à travers la prière, à travers la parole biblique, les paroles de Jésus dans les évangiles. On ne parle plus vraiment d’anges aujourd’hui… mais Dieu s’adresse à nous par des messagers parfois étonnants.

Joseph accepte cette mission et accueille Jésus, don du Saint Esprit comme chaque enfant est enfant de Dieu. Même si Joseph n’est pas le vrai père, cet enfant se trouve sur sa route et il va s’occuper de lui. En cela, Joseph est l’exemple même de bonté, de pardon et d’humanité ! Dans l’Ancien Testament, il était annoncé que l’enfant s’appellerait Immanou-El, Dieu avec nous (Esaïe 7:14). Il s’appellera Iéshuah, Dieu sauve, ce qui signifie bien que Dieu est avec nous par sa présence, son amour et son pardon, le sens est bien le même ! Jésus devient ainsi ce Christ rempli de l’autorité de Dieu dont il fait la volonté.

En se laissant féconder par le Saint Esprit, Marie est devenue l’image même du croyant. Comme elle, il s’agit d’accueillir Dieu pour que la vie devienne féconde afin de donner naissance à quelque chose qui est de l’ordre du Christ : amour, joie, don de soi, paix, fraternité. Par son obéissance, Joseph a permis au plan de Dieu de se réaliser et d’envoyer Jésus dans le monde.

Derniers de cette longue liste d’ancêtres de Jésus, Marie et Joseph, et bien d’autres avant eux, nous montrent combien l’extraordinaire peut surgir à partir d’existences ordinaires, et combien l’arbre de Jessé peut encore accueillir de nouvelles branches, à la suite de Jésus !

Muriel Bernhardt - Louis Pernot