Branchés sur Jésus comme les sarments au cep
Jean 15:1-8
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Très célèbre et souvent utilisée dans les églises chrétiennes, l’image du pied de vigne nous apprend beaucoup sur la relation que les hommes peuvent avoir avec Jésus, ou avec Dieu. Car les paraboles de Jésus, ces comparaisons, explicitent généralement ce que Dieu attend de nous, la responsabilité qu’il nous confie par rapport aux autres, par rapport au monde. Elles disent quelque chose de l’essence de la vie chrétienne, et cette parabole du cep et des sarments insiste particulièrement sur la source fondamentale de l’amour qui permettra à l’homme d’être actif et fécond dans le monde.
La vigne, une image multiple mais féconde
Contrairement à d’autres paraboles du Nouveau Testament, Jésus définit clairement les rôles dans cette image du monde agricole qu’il détaille. Il reprend d’abord un concept bien connu du monde juif, à savoir la vigne. Car dans l’Ancien Testament, le peuple d’Israël était souvent comparé à la vigne, cette vigne dont Dieu s’occupe et qu’il protège, les références en sont nombreuses (par exemple au Psaume 80:9). La vigne représente ainsi l’humanité.
Dès les premiers mots de ce discours, il semble nécessaire de préciser que l’on parle bien de vigne, mais en français, parler de la vigne peut représenter le champ viticole, et donc l’ensemble des pieds de vignes, mais elle peut également signifier le cep, comme le tronc isolé qui portera les fruits au travers de ses branches. Certaines traductions mettront alors que Jésus dit « je suis la vigne », orientant peut-être la lecture vers une compréhension d’un collectif (peut-être l’Eglise ?). Or le texte grec parle bien de Jésus comme ampelos, c’est-à-dire le cep, le pied de vigne, et non ampelôn, le vignoble. Jésus s’identifie au tronc qui va nourrir les branches de sa sève, ici les sarments qui porteront les grappes. Et il se distingue de Dieu, qu’il présente comme le vigneron. Ce vigneron crée la vigne, et Jésus est ici plutôt la chose créée, plantée, du côté de la création avec les hommes, que Jésus compare aux sarments, aux branches du cep !
En disant « je suis le vrai cep », Jésus se démarque de cette notion de peuple élu de l’Ancien Testament, de cette notion d’être humain biologique imparfait. Le « vrai » cep fait référence à l’homme véritable, celui qui est voulu par Dieu. Il indique que la vraie vie n’est pas liée à la vigne biologique, mais à la vigne spirituelle, celle qui nourrit notre vie intérieure, la fait grandir spirituellement et la rend féconde. Jésus comme vrai cep est l’intermédiaire qui permet aux hommes de bénéficier de la puissance de Dieu, et surtout de porter des fruits et de les distribuer abondamment, ce à quoi l’homme est encouragé pour participer à un monde meilleur.
Les fruits de la vigne : soignés et triés pour mieux servir
Comparés à des sarments donnant des fruits, les chrétiens ont une responsabilité, celle de donner aux autres les fruits reçus par Jésus. Jésus permet de réaliser le plan de Dieu, du vigneron, en transmettant la sève spirituelle et vitale aux hommes. Le fruit de l’arbre ne sert pas directement à l’arbre, mais il profite aux autres.
Ainsi, la clé de toute la vie, le sens de la vie, réside dans le don que nous faisons aux autres. De même qu’une grappe de raisin est composée de multiples grains, de même, nous pouvons être attentifs aux autres pour leur offrir une multitude de petites choses et ainsi leur faire du bien : un petit geste, un sourire, du temps, de l’amour, de l’attention, une présence, parfois aussi des objets.
En nous comparant à des branches fécondes, Jésus ne présente pas Dieu comme un acteur tout-puissant dans le monde, mais plutôt comme celui qui veut faire de nous ses messagers et ses ouvriers en portant des fruits au monde. Dieu a besoin de nous, mais nous-mêmes avons besoin de nous nourrir à une source de vie, de joie et d’amour, pour nous remplir des fruits de l’esprit, tels qu’ils sont listés dans la lettre de l’apôtre Paul aux Galates : « le fruit de l’Esprit est : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur, maîtrise de soi » (Gal 5:22-23). L’essentiel de ce que nous pouvons donner aux autres, ce sont précisément des choses spirituelles.
Certains insistent sur les sarments stériles jetés au feu comme une menace d’enfer qui attendrait ces mauvaises branches : cela ne correspond pas vraiment à l’image d’un Dieu de grâce tel que nous croyons le lire et le comprendre dans l’évangile de Jean ! En réalité, personne n’est tout bon ou tout mauvais, et il y a en tous des bons et des mauvais sarments : certains produisent de bons fruits, d’autres ne servent à rien, et engendrent peut-être le mal. Dieu ne regarde et ne garde que ce qui produit de l’amour et nous invite certainement à faire de même et à ne conserver et à ne développer que les bons talents, grâce aux moyens de discernement de l’Évangile.
Et Dieu aide l’homme à progresser et à améliorer le « bon » qui est en nous. Jésus dit que le vigneron « émonde » le sarment qui porte du fruit. « Émonder » est un vieux mot qui veut dire couper quelques branches en mauvaise santé ou qui risquent de ne pas produire de fruit pour laisser plus de chance aux autres qui porteront de meilleurs fruits. Ici, c’est même le verbe kathaïro qui est utilisé en grec, qui signifie normalement « purifier », pas simplement en retranchant, mais plutôt en recentrant sur l’essentiel, grâce à la parole de Jésus. La Parole de Dieu sur nos vies nous débarrasse de l’inutile pour nous recentrer sur l’amour et la joie à partager au monde, comme le produit du raisin (par exemple le vin) était symbole de joie et de fête dans la Bible (sans en abuser) !
Rester branché sur Jésus, un programme de vie
Dans la présence de Dieu, nous faisons le plein d’amour, de compréhension, de tendresse, et nous avons précisément besoin d’une source infinie de force, de grâce et d’amour, de consolation, de pardon. C’est l’essentiel : il faut savoir que nous sommes aimés.
Alors comment demeurer en Christ et comment le Christ demeure-t-il en nous ? Ces expressions ressemblent à du jargon d’Église, mais elles ont véritablement du sens pour la vie. Le cep nous apporte la sève : la foi en Dieu, la prière, la lecture de la Bible et la réflexion nous apportent le carburant nécessaire et nous permettent d’avoir beaucoup à donner au monde. C’est confronté à la Parole de Dieu que l’on peut apprendre à « mettre Christ en soi » pour rayonner de cet amour dont il est la racine vitale et nourricière pour notre existence.
Si Christ est allé au bout de son amour en donnant entièrement sa vie pour dire l’Évangile, « rester branché sur lui » peut se vivre de différentes manières. Certains en feront plutôt une expérience mystique, en ressentant au plus profond d’eux-mêmes une présence d’amour et de tendresse, comme une force qui les vivifie de l’intérieur et leur permet de devenir eux-mêmes source de grâce. D’autres témoigneront d’une foi plus « intellectuelle », en s’appropriant l’enseignement du Christ, en organisant toute l’existence selon les valeurs et l’idéal de cette Parole incarnée par Jésus qui devient « logiciel système » de vie : aimer, pardonner, donner, servir. L’idéal serait sans doute une conjonction de différentes formes, mais chacun fait comme il peut pour essayer de vivre en Christ et rayonner de son amour, en portant et partageant les fruits qui grandiront.
Et c’est en demeurant en Christ que la prière prendra tout son sens : évidemment que Dieu n’est pas une fée Clochette, il ne fera pas tout ce qu’on lui demande, toutes les sollicitations matérielles parfois bien insensées. Mais Dieu accordera ce qui est de sa nature et qui servira au monde : l’amour, la paix, la justice. Dans la prière, il s’agit de demander ces choses, comme les fruits de l’esprit, pour les redistribuer comme les fruits de notre vie, à travers le quotidien de la vie !
Il appartient à l’homme de se nourrir du message de Jésus, de l’intégrer, de l’intérioriser pour qu’il devienne fondement de ses pensées et de ses actes.
Muriel Bernhardt - Louis Pernot