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56, avenue de la Grande-Armée, 75017 Paris

Les noces de Cana

Prédication prononcée le 6 mars 2012, au Temple de l'Étoile à Paris,

par le pasteur Louis Pernot

Les Noces de Cana ont une importance considérable dans Jean, puisqu'il s'agit du premier « miracle » de Jésus ou plutôt, littéralement du premier des « signes » qu'il nous donne pour que nous ayons la vie éternelle (Jean 20:31). Cet événement nous concerne donc d'une façon tout à fait radicale, nous qui sommes appelés à recevoir miraculeusement la vie.

Mais son premier miracle sera, non pas de ressusciter un mort ou de guérir un malade, mais de faire en sorte que ceux qui buvaient du vin pour faire la fête puissent continuer de le faire encore et mieux. Voilà qui semble bien trivial pour le fils de Dieu.

Le fait que le Christ ait été présent dans cette noce est déjà en soi un message. Cela montre que le Christ n'est pas contre le mariage, ni la fête, ni la joie. Non seulement il y participe, mais il va y avoir une part active. C'est sans doute essentiel : la présence du Christ dans une vie ou dans le monde, c'est avant tout pour que les hommes soient heureux ensembles. Et c'est bien ce que le Christ apporte quand il est présent dans une vie : la joie. Certes, les convives ne seraient pas morts de soif sans le Christ, on peut très bien vivre avec de l'eau seulement, mais il aurait manqué une dimension essentielle qui est celle de la fête.

Cela dit, que donne le Christ ? Sans doute pas vraiment aujourd'hui du vin matériel, donc à interpréter spirituellement, symboliquement, il ne faut pas prendre le texte au pied de la lettre.

Ce que l'on peut essayer de voir, c'est comment le Christ vient intervenir dans cette noce pour apporter sa part de joie et de fête.

On peut d'abord remarquer que le Christ a été invité sans arrière pensée intéressée de la part des hôtes. Or ce n'est que comme cela que le Christ peut être invité dans notre vie et qu'il peut au moment opportun y apporter l'essentiel: quand cette invitation est désintéressée. La foi, la prière, la pratique, la recherche de Dieu ne peuvent qu'être des démarches gratuites, même s'il est vrai qu'elles peuvent nous apporter beaucoup, car quand le Christ est présent dans une vie, tout est possible, et le Christ ne vient jamais de force.

Qu'est-ce donc qui va déclencher l'action du Christ ? Deux choses. La première, c'est le manque. Le vin étant dans le Bible le symbole de la joie (comme pour nous le Champagne), les convives vivaient joyeusement, mais dans des joies terrestres, et sans doute faut-il voir la limite des joies terrestres pour pouvoir vraiment bénéficier des joies spirituelles. Et il est vrai aussi que quand on goûte les joies spirituelles, (symbolisées par le vin produit par le Christ), on découvre qu'elles sont infiniment supérieures en qualité à toute joie terrestre, et en plus elles ont la grande qualité de ne pas trouver de limitation, de ne jamais manquer.

Vient ensuite l'action de Marie. Car c'est bien elle qui va déclencher l'action du Christ. Elle commence par remarquer ce manque, et elle s'adresse à Jésus. L'action de Marie est intéressante, parce que celle-ci est certainement dans l'Evangile de Jean, comme l'a toujours dit la piété romaine, l'image même du croyant. Son attitude est donc un modèle, et c'est son exemple que nous devons suivre. La mère de Jésus, ainsi, comprenant la limitation des joies terrestres s'adresse à Jésus en croyant qu'il peut faire quelque chose. Elle ne sait pas quoi, elle lui fait simplement part de ce manque. Elle reconnaît qu'elle a besoin de lui, que nous et notre maison avons besoin de lui, elle reconnaît que sans lui, la vie manque de véritable joie, que la vie est limitée, presque éteinte. Sans doute est-ce cela le sens même de la prière : dire à Dieu son manque, et attendre de lui sans forcément lui dicter ce que nous voudrions qu'il fasse, car nous sommes par définition incapables de deviner la nouveauté de vie que Dieu peut nous offrir. Marie ensuite, reste dans une confiance totale en Jésus et invite à la disponibilité : Faites ce qu'il vous dira. Elle s'en remet à lui.

La réponse de Jésus est néanmoins curieuse. Il lui dit : Femme, qu'y a-t-il entre toi et moi ! Sur ce point, les commentateurs ne sont pas unanimes. Certains voient là un rejet de la part du Christ. Si c'est le cas, l'enseignement n'est pas mauvais pour autant, cela montrerait que même s'il y avait quelque chose de maladroit dans la demande de Marie qui agace Jésus, néanmoins, il fera quand même le nécessaire, et Marie le sait bien. Nous ne devons alors pas craindre nos demandes maladroites à Dieu : même si notre prière n'est pas ce qu'elle devrait être, Dieu répond. L'essentiel, c'est de voir qu'il nous manque quelque chose et de compter sur lui. Mais d'autres pensent que la réponse du Christ n'est pas désagréable, au contraire, le sens en serait plutôt : « qu'y aurait-il entre toi et moi comme obstacle qui justifierait que je ne t'exauce pas ? » Et il est vrai que Marie prend cette réponse comme un feu vert de la part du Christ, et elle dit à ses serviteurs de se tenir prêts.

Dans tous les cas, Jésus, comme souvent, répond par une question. C'est peut-être en effet la première chose que nous apporte la foi, elle nous aide à nous poser des questions. Se poser des questions, c'est une chance pour se mettre en mouvement, et vivre. C'est une chance pour avoir soif d'une joie plus vraie.

Et précisément la question que Jésus pose là est essentielle: En tant qu'humain, c'est-à-dire en tant que vivant dans un corps, dans cette vie biologique qui est en train de s'épuiser, qu'avons-nous de commun avec le Christ ?

Qu'y a-t-il de commun entre le Christ et moi? C'est une question essentielle que l'on peut se poser pour savoir que faire, où aller, et recevoir cette certitude que nous sommes l'enfant bien-aimé de Dieu.

Et d'autre part, Jésus appelle ici Marie « femme », ce qui semble une curieuse manière d'appeler sa propre mère. Mais c'est justement qu'ici, comme au pied de la Croix, Marie en tant qu'image du croyant ne doit tant être vue comme la maman de Jésus, que comme une femme pouvant s'ouvrir à une vie de fécondité en s'unissant au Christ. C'est bien comme cela que nous devons nous considérer nous-mêmes, à la suite de Marie. Ce n'est donc pas un hasard si nous sommes là au cours d'une noce. Dans toute la Bible, la noce est l'image de l'union de Dieu avec le croyant et de la joie que cela procure. Et d'ailleurs, Marie fait jouer à Jésus le rôle de l'époux. En effet, en Israël à cette époque, c'était à l'époux de fournir le vin de la noce (à la fin de l'histoire, les invités s'adresse bien d'ailleurs à l'époux pour lui demander d'où vient ce vin extraordinaire). Demander à Jésus de fournir le vin, c'est lui donner le rôle de l'époux, et Marie, qui nous représente, n'est plus vue dans le rôle de celle qui a enfanté le petit Jésus par son corps, mais comme chacun de nous elle est bien dans le rôle de la «femme», ou de la fiancée appelée à s'unir avec le Christ pour donner naissance à une réalité nouvelle.

Le procédé qu'utilise ensuite Jésus pour offrir ce vin merveilleux de la joie éternelle est bien complexe. Il s'adresse aux serviteurs, il leur demande de remplir d'eau six jarres qui servaient à des rites de purification, pour en servir ensuite le contenu. Cela semble bien compliqué, et tant qu'à faire un miracle, pourquoi cette mise en scène ? C'est sans doute parce que la démarche même est importante et c'est cette même démarche que nous devons reproduire dans nos vies pour bénéficier encore, symboliquement, du même miracle. Ce qu'il demande de faire au serviteur nous montre qu'il faut qu'il y ait une démarche de notre part, que nous collaborions à l'œuvre de Dieu en nous, en ne faisant pas qu'attendre de la recevoir passivement. Cette démarche qui nous est demandée peut être comprise à partir du fait que ces jarres étaient des jarres de purification. La religion des juifs de l'époque était pleine de commandements visant à purifier sa vie, à reconnaître son péché, son imperfection, et à affirmer le pardon de Dieu. Sans doute que le Christ nous invite à passer premièrement par cette démarche de confession de notre péché et de réception de l'annonce de la grâce. C'est d'ailleurs le point de départ de l'Evangile dans les trois autres Evangiles par la prédication de Jean Baptiste qui plongeait les gens dans l'eau en leur annonçant le pardon de leurs péchés et en les incitants à se convertir, à changer de vie. Là le Christ s'adresse à nous comme à des « serviteurs », il y a une dimension d'obéissance dans la foi. Si nous voulons bénéficier de la vie Eternelle et de la joie extraordinaire de Dieu, il nous faut non seulement s'unir à Dieu, mais peut-être aussi premièrement lui obéir. Ce n'est pas parce que l'Évangile nous annonce l'amour et la grâce de Dieu que tout comportement est bon, et qu'en faisant n'importe quoi, ou rien du tout, on est dans la vie éternelle. D'ailleurs le message essentiel du Christ reste un commandement : « aime Dieu... et aime ton prochain comme toi-même ».

Jésus propose ici aux serviteurs que nous sommes de remplir nous-mêmes les six jarres de purification d'eau, et de puiser dedans. Nous sommes donc invités à faire ce que nous pouvons dans notre démarche spirituelle humaine. Souvent elle est un peu simpliste et dérisoire, faite de rites, mais il ne faut pas la déprécier, le miracle, c'est que quand nous y puisons pour boire, ou pour donner à boire, cette eau est transformée en vin, en joie supérieure et en vie éternelle. C'est effectivement un miracle qui nous dépasse.

Voici donc la vie qui nous est proposée : pouvoir avoir une relation de vie, de joie, de fécondité et de fête avec le Christ, et cette relation au Christ, c'est quelque chose de complexe qui se construit, avec une invitation gratuite dont on ne peut savoir à l'avance où et comment elle apportera quelque chose d'essentiel, ensuite une intelligence de comprendre que lui peut donner à notre vie ce qui nous manquera, et enfin qu'il donnera pleinement le meilleur, mais qu'il nous demandera de nous une part : avoir une certaine démarche de quête spirituelle, pour ne pas dire de pratique que lui pourra remplir du vin de la joie éternelle et de la vie.

Alors, nous sommes si plein d'Esprit et de vie que nous pouvons en distribuer avec abondance autour de nous, comme le maître du repas de noce. Et cette heure est maintenant venue.

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 Jean 2:1-11

Trois jours après, il y eut des noces à Cana en Galilée. La mère de Jésus était là. Jésus fut aussi invité aux noces, ainsi que ses disciples.

Comme le vin venait à manquer, la mère de Jésus lui dit : Ils n'ont pas de vin. Jésus lui dit : Femme, qu'y-a-t-il entre toi et moi ? Mon heure n'est pas encore venue. Sa mère dit aux serviteurs : Faites tout ce qu'il vous dira.

Il y avait là six jarres de pierre, destinées aux purifications des Juifs et contenant chacune deux ou trois mesures. Jésus leur dit : Remplissez d'eau ces jarres. Et ils les remplirent jusqu'en haut. Puisez maintenant, leur dit-il, et portez-en à l'organisateur du repas. Et ils lui en portèrent.

L'organisateur du repas goûta l'eau changée en vin ; il ne savait pas d'où venait ce vin, tandis que les serviteurs qui avaient puisé l'eau le savaient ; il appela l'époux et lui dit : Tout homme sert d'abord le bon vin, puis le moins bon après qu'on s'est enivré ; toi, tu as gardé le bon vin jusqu'à présent.

Tel fut à Cana en Galilée, le commencement des miracles que fit Jésus. Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui.

Jean 20:30-31

Jésus a fait encore, en présence de ses disciples, beaucoup d'autres miracles qui ne sont pas écrits dans ce livre.

Mais ceci est écrit afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu'en croyant, vous ayez la vie en son nom.

Jean 2:1-11, Jean 20:30-31