Peut-on choisir d'avoir la foi ?
par Marc et Louis Pernot (novembre 02)
À l'origine, l'amen, le mot de la foi, était la corde qui liait entre eux les chameaux dans une caravane.
Certaines personnes sont nées avec la foi, ou en tout cas ont vécu en relation avec Dieu depuis la plus extrême jeunesse. D'autres personnes ont reçu la foi comme « on tombe » amoureux. Mais l'on peut également choisir d'avoir la foi. Délibérément, volontairement.
Différentes façons d'entrer en relation avec Dieu s'offrent ainsi à nous. C'est la conséquence de la diversité des individus dans leur histoire et leur personnalité, cela est dû aussi à l'extraordinaire richesse de relation qu'offre Dieu à l'être humain.
Il est possible de choisir d'avoir la foi, et il est possible de décider de la développer, de la même façon que l'on peut décider de se mettre à faire de l'exercice. Cela peut sembler étonnant, car aujourd'hui, on entend souvent par « foi » une démarche irrationnelle ou affective ayant trait au sentiment de la présence de Dieu en nous. C'est effectivement une dimension de la foi, mais il serait dangereux de la limiter à cela. D'abord parce que certaines personnes pourraient se sentir exclues et désarmées face à l'absence de ce sentiment religieux pour elles, et ensuite parce que cette conception démobiliserait même celui qui a une « petite foi » (comme le dit l'Évangile) de chercher à la développer.
Or, dans la Bible, la foi n'est pas seulement le sentiment religieux. Ce sentiment est un des fruits de la foi (même s'il est, pour beaucoup d'entre nous, le plus extraordinaire des fruits qu'il nous est donné de porter). En hébreu, la foi se dit emounah (hnwma), ce qui vient du mot aman (Nma) qui signifie la certitude, la vérité, la fidélité. La foi est ainsi, dans la Bible, une démarche plus rationnelle qu'irrationnelle, qui a plus à voir avec l'intellect qu'avec l'affectif, c'est un choix ou un engagement. Le petit mot Amen que nous utilisons constamment fait référence à cette notion de foi biblique. Amen, veut dire « C'est vrai ». Dans l'Évangile, on rencontre souvent ce mot quand Jésus dit : Amen Amen, je vous le dis... (par ex. Jean 6:47) ce qui est souvent traduit à juste titre « En vérité en vérité, je vous le dis... » Cet Amen exprime la confiance que Jésus à en Dieu et il exprime la confiance que nous pouvons avoir en Christ dans ce qu'il dit pour nous conduire à notre Dieu.
Ainsi le Christ donne-t-il ce commandement: Ayez foi en Dieu, (Marc 11:22). La foi n'est donc pas seulement quelque chose qui peut ou non nous tomber dessus, la foi n'est pas qu'une grâce de Dieu qui ne dépendrait nullement de notre volonté. Il ne s'agit pas de l'attendre passivement en se lamentant parce que l'on n'a pas suffisamment la foi, mais bien de se mettre dans une démarche positive et active. La foi n'est pas un état subi, mais un choix de vie, une volonté. C'est de mettre sa confiance en Dieu, ou dans le message du Christ, de vouloir faire de l'Evangile le fondement, le coeur de notre vie, c'est dire de tout son être : « oui, je crois que le message du Christ est VRAI, je crois que ce qui est vrai dans ce monde, c'est l'amour, le pardon, le service, la gratuité et l'humilité... et que tout le reste n'est que mensonge et apparence d'importance. »
À l'origine, l'amen était, parait-il, la corde qui liait entre eux les chameaux dans une caravane. Chaque chameau est relié au précédent par cette ficelle qui lui garantit qu'il est sur la piste de l'oasis, même si le caravanier n'est pas individuellement près de lui. Cette origine du mot « foi » nous rappelle que nous sommes dans la foi quand nous nous tenons volontairement à ce lien qui nous conduit à lui, Dieu, que nous ne voyons pas encore, et que nous entendons trop rarement. Le Christ est cet Amen qui nous relie à Dieu.
Le premier à avoir la foi, dans la Bible, c'est Dieu ! Quand il est écrit que Dieu est fidèle, on pourrait tout aussi bien traduire que Dieu a la foi, c'est-à-dire qu'il choisit d'être en relation avec l'homme, de lui vouloir du bien, de s'attacher à lui, de le chercher même quand il est peu sympathique. Ce libre choix de Dieu c'est la grâce, elle rend possible notre foi. En Christ, une ficelle, un Amen, nous est tendue, qui nous donne la vie.
Quand on ne sent pas particulièrement la présence de Dieu (ce qui arrive à tout le monde), on a la foi si on est attaché à Dieu, si on l'espère, si on l'honore, si on attend quelque chose de lui. On a déjà la foi en Dieu quand on s'intéresse au Christ comme celui qui nous relie à l'essentiel pour le monde et pour nous.
Le choix de la foi a de multiples conséquences pour nous, dans le domaine des actes (le service), dans le domaine de la pensée (les croyances), mais aussi, espérons-le, dans le domaine religieux en sentant véritablement la présence réelle de Dieu auprès de nous.
Marc et Louis Pernot