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Le meurtre d’Ananias et Saphira par l’apôtre Pierre

par Louis Pernot - juin 2016

 

 

Le meurtre d’Ananias et Saphira par l’apôtre Pierre

 

Il y a une curieuse histoire dans le livre des Actes des Apôtres (4:32-5:11) où Pierre condamne à mort un couple qui, prétendant tout donner à l’église naissante, en avait gardé secrètement la moitié. évidemment c’est bien curieux et loin du message d’amour et de pardon de l’évangile, c’est donc un texte discordant qu’il faut savoir interpréter.

 

Pierre a raison

La plupart des commentaires disent qu’il ne faut bien sûr pas lire ce texte au pied de la lettre, mais que c’est comme une sorte de fable participant du genre littéraire de la « punition de Dieu ».

Donc, il faut déjà admettre que cette autorité de l’écriture dont se parent les protestants ne peut aller jusqu’à lire littéralement les textes bibliques pour les appliquer aujourd’hui. Evidemment que nous n’avons pas à foudroyer ceux qui ne donnent pas tout à l’Église ou qui lui mentent.

Ensuite, on peut comprendre que souvent dans la Bible, quand on montre Dieu punissant quelqu’un, ce n’est pas tant que Dieu punisse, puisqu’il n’est qu’un Dieu d’amour, et de pardon, mais pour dire que le mal que nous faisons peut avoir des conséquences. On avait en effet dans la vieille théologie biblique tendance à attribuer à Dieu tout ce qui arrivait. Ainsi le discours des prophètes était de mettre en garde contre le mal tout simplement parce que le mal fait mal et fait du mal.

Là ce qui est en question, ce n’est pas tellement qu’ils n’aient pas tout donné, mais qu’ils aient prétendu le faire. C’est le mensonge qui est montré du doigt. Or il est vrai que le mensonge est mortifère. Par rapport aux autres parce qu’il fausse les relations, il empêche la confiance et tue tout rapport constructif dans le groupe ou la communauté. Par rapport à soi-même aussi car se mentir à soi, c’est refuser de se voir en face, et ne pas être en mesure de vivre sa propre vie. Et c’est mortifère aussi par rapport à Dieu : on ne peut vivre en paix avec Dieu que si on est franc avec lui. C’est pourquoi le chrétien est invité à confesser son péché : se mettre dans une relation de vérité avec Dieu comme avec les autres, c’est rendre possible l’amour tout simplement. Nous avons besoin d’une parole claire, franche, droite et vraie. Ceux qui prétendent être autre chose que ce qu’ils sont un poison pour eux-mêmes et pour la communauté. Seule la parole vraie est source de vie, on ne peut construire que sur la vérité.

Donc oui, ce mensonge d’Ananias et Saphira est un acte mortifère, il ne tue peut-être pas physiquement, mais il empêche la vie de circuler entre eux et les autres.

 

Pierre a tort

Cependant, il n’est pas certain qu’on doive jusqu’au bout défendre ce texte et l’attitude intransigeante de Pierre. Non, vraiment, il est inadmissible que ce couple ait été ainsi condamné à être foudroyé ! Ce n’est pas l’évangile évidemment. Jésus en tout cas n’a jamais agi de la sorte, ni jugé si sévèrement quiconque. Mais il n’est pas dit que tous les épisodes de l’histoire biblique soient des exemples à suivre. Les apôtres ont pu se tromper, tout comme David a eu tort d’assassiner Urie pour prendre sa femme. La Bible n’est pas une légende pieuse.

Peut-être d’ailleurs que ce texte n’est qu’une mise en garde contre certaines dérives de la communauté primitive. Cette église naissante est montrée, juste avant notre épisode, comme parfaite, merveilleuse, fraternelle, où tout le monde mettait tout en commun. Mais justement nous voyons les limites du système. Il y a un danger dans l’utopie communautaire, dans un idéalisme absolu qui bien sûr  nit par tuer ou exclure ceux qui ne sont pas parfaits. Il est dangereux de donner trop d’importance à la communauté par rapport à l’individu.

L’erreur de Pierre, ça a été même de prendre trop au sérieux son projet. Il confond l’église et le Saint Esprit, et même il a un peu tendance à se prendre pour Dieu lui-même. Il dit en effet qu’Ananias a menti à Dieu, qu’il a trompé le Saint Esprit. Mais non, il a juste menti à Pierre et à l’église, ce n’est pas pareil. Mais quand quelqu’un se prend pour l’autorité divine elle-même, il y a de grands dangers.

Pierre a un haut idéal, mais pour cela il sacrifie Ananias et Saphira. Or, « Ananias » signifie : « la grâce de Dieu» et « Saphira » : « la beauté du saphir ». Voilà ce qu’il tue par son intégrisme : la grâce et la beauté de Dieu.

Donc nous devons construire l’Église, mais surtout pas comme Pierre, il faut admettre que l’Église est faite de pécheurs et qu’elle ne peut donner la vie que si elle intègre la grâce et la beauté. Dieu est un Dieu de grâce, de pardon, de bonté, de tendresse, de beauté, de merveille, de transparence, de douceur et même de faiblesse. Ainsi l’église peut- elle transmettre la vie.

 

Louis Pernot