La parabole de la drachme perdue (et retrouvée)
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Prédication prononcée le 10 mai 2015, au temple de l'Étoile à Paris,
par le pasteur Louis Pernot
La parabole de la drachme perdue est une toute petite parabole coincée entre celle de la brebis perdue et celle du fils prodigue en Luc 15 Ces trois paraboles sur quelque chose ou quelqu’un de perdu et de retrouvé nous montrent la joie immense pour un seul pécheur qui se repent. Elles nous disent qu’il y a 10 fois, même 100 fois plus de joie en Dieu pour un pécheur qui revient à lui que pour un juste qui reste fidèle.
Certes, c’est une bonne nouvelle, nous avons là un Dieu toujours compatissant, prêt à accueillir à bras ouvert et sans reproche son enfant qui s’est éloigné. Nous voyons que Dieu se préoccupe personnellement de chacun au point même d’aller chercher celui qui est perdu.
Mais si cela est une bonne nouvelle, ces paraboles ont aussi quelque chose de choquant quand on considère le sort du, ou des justes. On peut se demander pourquoi les 99 brebis justes sont laissées comme à l’abandon, et on ne peut que comprendre la jalousie du frère aîné du fils prodigue qui récrimine disant qu’il n’est pas juste que pour lui qui est toujours resté fidèle jamais son père n’ait tué le veau gras, alors qu’il fait une fête pour son bon à rien de frère sous prétexte qu’il revient alors qui a dilapidé toute sa fortune avec des prostituées.
Mais réagir ainsi est une erreur. Qui peut s’identifier au fils aîné et dire qu’il a toujours tout fait pour Dieu sans jamais s’éloigner ? Qui peut dire qu’il a toujours été une brebis fidèle. Penser une chose pareille serait d’un orgueil fou. La vérité, c’est que chacun est pécheur, et que personne ne peut prétendre être suffisamment parfait pour mériter que Dieu le récompense. C’est justement ce que critiquait Jésus dans le pharisaïsme : les pharisiens se croyaient justes, ils se vantaient de respecter tous les commandements, et se pensaient dignes de louanges, de la part des hommes, et de Dieu, et ils jugeaient sévèrement les autres, les péagers, les pécheurs, les prostituées qui avaient transgressé, ils ne supportaient pas que Jésus les accueille, ni ne leur annonce ce salut dont ils se croyaient, eux seuls, dignes.
En fait donc, nous sommes tous plus ou moins des fils prodigues et des brebis perdues. Quant à ceux qui se pensent parfaits, Jésus ne le condamne pas, il se contente de les laisser à leur propre sort. Celui qui se croit parfait n’a pas besoin de Dieu, pas besoin de grâce, et sans ce sentiment d’avoir besoin de l’autre, on ne peut de toute façon rien recevoir de Dieu ou de qui que ce soit.
Cela se voit en particulier quand on étudie la parabole de la brebis perdue avec des enfants. Appliquant la méthode normale pour comprendre une parabole, les enfants cherchent où ils sont dedans. Certains disent : « nous sommes les 99 brebis, parce que nous sommes fidèles, chrétiens, et plutôt honnêtes ». D’autres disent : « non moi je suis la brebis perdue, parce que souvent je m’éloigne de Dieu et de ce que je devrais faire pour lui ». Et devant le constat que personne ne peut prétendre à être absolument et toujours des 99 brebis, on peut comprendre que chacun est en fait un peu des deux. Chacun est un mélange de bien et de mal, un peu brebis fidèle, un peu brebis perdue, et il y a en nous un peu des deux fils. Il ne faut pas chercher à couper l’humanité brutalement en deux séparant les justes des pécheurs, chacun de nous est corpus mixtum.
Du coup ce qu’enseignent nos trois paraboles, c’est que pour ce qui est de la partie fidèle qui est en nous, il ne faut pas y toucher, il faut la laisser comme elle est. Il n’y a pas à attendre que Dieu nous tresse de couronnes, quand nous sommes fidèles, nous ne faisons que ce que nous devons, sans mérite particulier. Il y a du bon en vous ? Alors très bien, ne touchez rien à cela, continuez, et préoccupez vous de la partie qu’il faut encore convertir. Recherchez la brebis perdue qui est en vous pour la ramener à Dieu.
Et ce qu’enseignent encore nos paraboles c’est que la joie de l’existence ne se trouve pas dans le fait d’être bon, mais dans le progrès. La joie, c’est chaque fois qu’une partie de nous mêmes qui était éloignée de Dieu s’en rapproche. Cela est vrai aussi dans toutes nos activités de loisir, le plaisir, c’est de progresser, plus que le niveau absolu dans lequel nous nous trouvons. Pour la vie, de même, la foi n’est pas un état qui serait comme un trésor, mais une démarche permanente, une quête, un dynamisme qui fait que notre vie avance. La conversion n’est pas un moment peut-être passé de notre vie, mais quelque chose à faire sans cesse, tous les jours et sans cesse.
On voit cela dans bien des passages de l’Evangile et en particulier dans la parabole des Talents : qu’importe que le serviteur ait 2 ou 5 talents, l’important, c’est qu’il réussit à doubler sa mise. Le seul coupable renvoyé dans la ténèbre, et privé de la joie, c’est celui qui a enterré son talent en s’en contentant.
Cela, c’est le message général des trois paraboles, maintenant, celle de la drachme perdue nous donne un enseignement particulier et essentiel, c’est la manière avec laquelle nous pouvons nous-mêmes rechercher cette partie perdue de notre être pour la ramener à Dieu.
L’indice qui nous met sur cette voie, c’est le fait que la parabole mette en scène une femme. Certains théologiens féministes s’en sont réjouis en disant que pour une fois Dieu est comparé à une femme, celle qui cherche sa drachme perdue qui est son pécheur égaré. Et il est vrai que c’est bien. Mais on peut penser que la raison qui fait à Jésus choisir une femme comme sujet de cette parabole est plus qu’une préoccupation de parité. Cela nous met sur une piste importante parce que dans toute la Bible, la femme est l’image de l’humanité cherchant à s’unir à son époux qui est Dieu. La femme de la parabole peut donc être vue non seulement comme Dieu qui cherche le pécheur, mais aussi comme l’humain qui cherche en lui la part éloignée de Dieu pour la ramener à lui. Et ainsi nous sommes invités à ne pas attendre passivement dans notre buisson que le berger vienne nous prendre sur ses épaules, mais à collaborer avec Dieu, à prendre part à cette recherche activement.
Et l’on voit là la méthode de la femme pour retrouver sa drachme.
La première chose qu’elle fait, c’est d’allumer une lampe.
L’idée est intéressante parce qu’elle utilise un moyen extérieur pour l’aider. C’est un message important à rappeler aux protestants qui prétendent parfois se passer de toute aide extérieure. Les protestants n’aiment pas trop les moyens matériels donnés par l’Eglise, ils se méfient des rites, des objets religieux, des gestes de piété. Ils ont raison parce que ces aides risquent toujours de prendre trop d’importance, mais nous avons néanmoins besoin d’aide, et nous ne pouvons prétendre amener totalement notre vie à Dieu par nos propres forces sans aucune aide.
Mais ce qui est plus protestant, c’est que l’aide citée ici est une « lampe ». Or la Bible nous dit bien ce qu’est la lampe : c’est la « parole de Dieu » (Cf. Ps. 119:105 : « Eternel, ta parole est une lampe à mes pieds, une lumière sur mon sentier »). Et c’est là une aide précieuse dans notre vie, la Bible n’est pas un livre à obéir ou à croire, ce n’est ni un traité de dogmes, ni un code de morale, c’est un livre dont la fréquentation pour nous aider à y voir plus clair dans notre vie, à voire les choses autrement, à discerner entre ce qui est essentiel et ce qui ne l’est pas, et trouver ce qui ne nous apparaissait pas. La Bible est bien la lampe sur notre sentier, il n’est pas dit qu’elle soit le sentier que nous devrions suivre, mais une lumière sur notre propre route pour que nous sachions avancer avec intelligence et discernement. Jésus aussi a dit « Je suis la lumière du Monde », il est aussi ce compagnon de route essentiel nous permettant de mieux nous voir nous mêmes et de faire le point, mais c’est la même chose, puisque nous savons que Jésus est l’incarnation de la Parole divine (Jean 1)
Ensuite, il est dit que la femme « balaye la maison ». Autrement dit, nous sommes invités à mettre de l’ordre dans notre vie. Certes, cela peut sembler un peu trivial, mais c’est néanmoins important. La rigueur morale n’est pas un but, mais en mettre un peu dans sa vie peut aider à mettre les choses en ordre. Certes, ce qui compte, c’est de vivre avec Dieu, mais en attendant, il y a des choses que nous pouvons choisir de faire ou de ne pas faire. Et puis ce ménage, c’est de prendre ce qui ne vaut rien pour le jeter, de faire un certain tri. Là aussi il y a un travail de discernement, de purification, il faut essayer de chercher ce qui est mauvais, voire non essentiel, et dans la mesure du possible l’enlever pour faire de la place, mettre en ordre, se débarrasser de ce qui dans notre vie non seulement n’est pas essentiel, mais parfois l’encombre ou la pollue. On peut comparer cette démarche avec celle de voyageurs en ballon qui voyant que leur aéronef va s’écraser par terre, cherchent tout ce qui n’est pas indispensable pour le jeter par dessus bord et lâcher du lest. Certes, nous sommes sous la grâce, mais cela ne dispense pas de faire ce que nous pouvons nous mêmes. Et certes encore, ce travail de discipline, de discernement et de détachement du superflu ou du délétère n’est pas un but en soir, mais il peut aider à trouver ce dont on a besoin...
Et enfin, il est dit que la femme « cherche soigneusement ». Là encore, la démarche personnelle est importante, il s’agit de chercher, de questionner, de réfléchir. L’Evangile insiste sur l’importance de la recherche, « Cherchez et vous trouverez... » dit-il, et c’est vrai, quiconque cherche trouve, on ne cherche pas toujours ce qu’on trouve, mais pour trouver quelque chose, il faut chercher. L’Evangile dans ce sens suit la tradition juive qui donne une importance capitale à la recherche personnelle et à la réflexion au point que le livre sacré des juifs : le Midrash vient du verbe « DaRaSh » qui signifie « rechercher ». La religion, ce n’est ainsi pas se soumettre à un dogme, un magistère, ou à une morale, c’est être dans une quête, une recherche qui permet d’avancer. Dieu aussi, est présenté dans le livre du prophète Esaïe comme un « Dieu caché », un « Dieu qui se cache » (Esaïe 45), certes, il est bien dit qu’il se laisse trouver, mais seulement par ceux qui le cherchent !
D’ailleurs ce que la femme cherche, c’est la drachme « unique », la drachme « UN ». Or ce mot d’ « unique » fait immanquablement penser à Dieu qui est l’unique, selon la confession de foi juive : « Ecoute Israël, l’Eternel est votre Dieu, l’Eternel est UN » . C’est donc bien Dieu qu’elle cherche, elle n’était pas sans richesse, elle aurait pu se contenter des 9 ou 10 drachmes qu’elle avait, mais quelle que soit la richesse que l’on possède, l’essentiel, c’est l’UN, c’est ce qui va permettre de donner un sens à notre vie, c’est ce qui peut l’unifier, l’harmoniser, la centrer sur un cœur qui lui donne tout son sens. C’est bien cela Dieu dans une vie, et c’est ce que peut donner une foi juste.
Or si l’ « un » peut être interprété ainsi, on peut prolonger la métaphore et penser que les 10 drachmes qu’elle possédait à l’origine renvoient aux 10 commandements. Il est vrai que si on est dans une logique d’observance, si le devoir essentiel de notre vie est de respecter des commandements, la transgression d’un seul suffit à nous condamner. Il en est de même avec la loi civile, le code civil comporte des milliers d’articles de loi, et pour se retrouver en prison, il suffit d’en transgresser un seul, même si on a respecté tous les autres. Quand on est dans une logique d’observance, il suffit d’un seul péché pour être coupable. Si l’on prêche une religion où il faudrait être parfait, comme le faisaient les pharisiens, alors il faut effectivement être parfait. Jésus ne condamne pas une telle chose, les 99 brebis qui se considèrent comme justes ne sont pas condamnées, pas plus que le fils aîné qui prétend être resté fidèle à son père, mais ceux-là sont privés de la joie. Ils ne sont que dans le devoir. Et on peut les laisser à leur sort puisqu’ils ne prétendent pas recourir à la grâce, mais juste éviter qu’ils deviennent jugeurs à l’égard des autres. Et ils sont aussi d’ailleurs aussi sans doute dans l’erreur, comme leur montre Jésus lors du dialogue autour de la femme adultère : « que celui qui n’a jamais péché jette en premier la pierre ».
Dans tous les cas, Jésus sans cesse invite à quitter cette quête angoissante de perfection par l’obéissance scrupuleuse d’une multitude de commandements pour s’attacher à la seule chose précieuse qui est la foi dans un Dieu de grâce, de pardon et d’amour. C’est ce qu’il enseigne au Jeune-homme riche qui, lui aussi, reste dans l’obéissance des commandements, il lui dit : « il te manque UNE chose », et il l’incite à quitter la quête des choses bonnes à faire pour celle de l’unique qui est bon : Dieu. C’est aussi ce que Jésus dira à Marthe s’occupant de faire des bonnes œuvres : « Marthe, Marthe, tu t’agites pour beaucoup de choses, UNE seule est nécessaire ».
La femme aux 10 drachmes fait donc l’expérience de la faute, et elle va chercher très justement l’Unique, et c’est ça qui pourra la conduire à la grande joie de la fin. C'est cela qui va la conduire à allumer la lampe, à chercher, et à balayer et finalement à trouver Dieu. La joie, c’est de se savoir pécheur et de découvrir que nous sommes accompagnés par un Dieu d’amour et de grâce. Un Dieu unique qui nous pardonne, et ainsi, on ne vit plus dans le scrupule, mais dans la joie. Et cette joie n’est pas la joie égoïste de se croire meilleur que les autres, au contraire, c’est une joie qui se partage, qui met en relation, qui ouvre à l’autre, parce qu’on n’est plus dans le jugement, mais dans l’accueil, et c’est ainsi que la femme invite ses voisines, et ses amies, nous dit le texte, pour partager sa joie avec d’autres, découvrant une autre joie supplémentaire qui est celle du partage et de la communauté.
Elle comprend aussi que sa vie n’est plus comme une forteresse à garder, un chef-d’œuvre sans cesse menacé par le péché et le jugement, mais une joie et une fête, une liberté à vivre et à partager.
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Luc 15:1-10
Tous les péagers et les pécheurs s’approchaient de Jésus pour l’entendre. Les Pharisiens et les scribes murmuraient et disaient : Celui-ci accueille des pécheurs et mange avec eux.
Mais il leur dit cette parabole : Quel homme d’entre vous, s’il a cent brebis et qu’il en perde une, ne laisse les 99 autres dans le désert pour aller après celle qui est perdue, jusqu’à ce qu’il la trouve ? Lorsqu’il l’a trouvée, il la met avec joie sur ses épaules, et, de retour à la maison, il appelle chez lui ses amis et ses voisins et leur dit : Réjouissez-vous avec moi, car j’ai trouvé ma brebis qui était perdue.
De même, je vous le dis, il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent, que pour 99 justes qui n’ont pas besoin de repentance.
Ou quelle femme, si elle a dix drachmes et qu’elle perde une drachme, n’allume une lampe, ne balaie la maison et ne cherche avec soin, jusqu’à ce qu’elle la trouve ? Lorsqu’elle l’a trouvée, elle appelle chez elle ses amies et ses voisines et dit : Réjouissez-vous avec moi, car j’ai trouvé la drachme que j’avais perdue. De même, je vous le dis, il y a de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se repent.
Esaïe 45:15-20
Certes tu es un Dieu qui te caches,
Dieu d’Israël, sauveur !
Ils sont tous honteux et confus,
Ils s’en vont tous avec confusion,
Les ciseleurs d’idoles.
Quant à Israël, c’est par l’Éternel qu’il obtient le salut, Un salut éternel. Vous ne serez ni honteux ni confus Jusque dans l’éternité.
[...]
Je suis l’Éternel,
Et il n’y en a point d’autre. Ce n’est pas en cachette que j’ai parlé, Dans un lieu ténébreux de la terre.
Je n’ai pas dit à la descendance de Jacob : Cherchez-moi vainement !
Moi, l’Éternel, je dis ce qui est juste, Je proclame ce qui est droit.
Assemblez-vous et venez, Approchez ensemble, Rescapés des nations !