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56, avenue de la Grande-Armée, 75017 Paris

Dieu crée-t-il "ex nihilo" (à partir de rien) ?

Prédication prononcée le 2 mars 2014, au temple de l'Étoile à Paris,

par le pasteur Louis Pernot

L’idée de la création ex nihilo est que Dieu aurait créé le monde à partir de rien. Cette doctrine développée au moyen âge fait partie de la conception classique d’un Dieu absolu, créateur, tout puissant, et pouvant agir dans le monde en totale liberté par rapport aux lois physiques et biologiques, faisant tous les miracles qu’il veut.

A priori, on peut être un peu méfiant à l’égard de cette image de Dieu qui n’est pas très adaptée à la conception que nous avons du monde aujourd’hui, et l’on peut préférer une image d’un Dieu qui créé le monde de l’intérieur, comme un dynamisme créateur, poussant le monde dans le sens de son projet, mais en en respectant les règles de la physique.

Mais avant de rejeter trop rapidement une doctrine millénaire il faut faire un supplément d’enquête.

D’un point de vue scientifique la chose n’est pas si simple. Bien sûr, la physique classique pense qu’une création ex nihilo n’est pas possible, il faut au moins que de l’énergie existe pour que la matière advienne, mais la mécanique quantique nous parle maintenant de « l’énergie du vide » en disant qu’il y a des fluctuations dans le vide quantique faisant que dans un laps de temps très court, il est possible qu’une énergie surgisse et que celle-ci donne ainsi naissance à de la matière. La chose est donc complexe, encore que ce « vide quantique » qui fluctue et dans lequel s’applique des lois physique n’est pas tout à fait rien, parce que dans le néant, il n’y a rien, rien ne peut fluctuer, et il n’y a même pas de lois physiques...  La question est donc complexe, et laissons les physiciens à leur science, en nous concentrant sur la question théologique.

D’un point de vue biblique, nous avons certes le récit de la création de Genèse 1 qui semble créationniste ex nihilo. Mais ce n’est pas tout à fait évident, et il est possible de lire ce texte autrement. En particulier, certains exégètes pensent que le «  Au commencement Dieu créa le Ciel et la Terre  » est le titre du chapitre et que tout commence avec la suite : «  la terre était informe et vide » à partir de quoi Dieu parle pour organiser les choses. Et il est bien connu que cet « informe et vide » se dit en hébreu : « tohu et bohu », on peut donc voir dans ce texte un Dieu qui crée à partir d’un chaos primordial, un « tohu-bohu » primitif, étant celui qui met de l’ordre, qui ordonne. Cela n’est pas une élucubration, puisque c’est même l’option choisie la très sérieuse Traduction Œcuménique de la Bible mettant : « Commencement de la création du ciel et de la terre. La terre était déserte et vide... » et encore plus explicitement dans la version précédente : « Lorsque Dieu commença la création du ciel et de la terre, la terre était déserte et vide »...

Quelle importance cela a-t-il dans le fond ? En fait beaucoup, parce que c’est toute la question du statut du monde physique qui en dépend, et aussi le sens de notre place dans le monde, et encore la manière avec laquelle nous pouvons concevoir que Dieu agisse et crée encore dans le monde aujourd’hui.

 

Sur le statut du monde physique, la chose est délicate.

Si Dieu est présenté comme absolument créateur ex nihilo, alors tout ce qui est est son projet comme il l’a voulu, et se pose le problème du mal. S’il est l’auteur de toute chose, alors pourquoi y a-t-il dans ce monde matériel tant de souffrances, de mal, de désordres naturels que l’homme doive subir. Si l’on doit juger Dieu à son œuvre, alors, soit il n’est pas totalement bon, soit il n’a pas tout à fait bien fait son travail !

Mais à l’inverse, si Dieu n’est pas créateur du monde physique alors on risque de tomber dans le dualisme avec une matière mauvaise et vicieuse contre laquelle Dieu essayerait de lutter pour l’améliorer. C’est la théologie de Platon dans le « Timée » qui fait de Dieu un simple «démiurge », divinité secondaire tentant d’organiser la matière dont elle subit la loi. On aurait alors deux principes au monde, un mauvais qui est la matière source de tout mal et de toute souffrance, et un bon qui est Dieu tentant de limiter les problèmes. Et le but de la vie serait alors de se bagarrer contre le monde physique pour tenter de l’empêcher de s’exprimer, de se détacher de la matière mauvaise pour s’élever vers l’Esprit.

C’est la tentation moderne, et il n’est pas étonnant que cela ait séduit les traducteurs de la TOB. Il est vrai que la nature est de moins en moins acceptée dans notre humanité de plus en plus civilisée et urbaine. Nous aimons la nature, mais de loin. Nous disons aimer la nature, mais nous ne voulons ni froid, ni vent, ni moustiques, ni animaux dérangeants. Et même l’écologie contemporaine défend la nature, mais avec une vision totalement fantasmée de celle-ci, la plus part des écologistes, par exemple, sont contre la chasse, alors que la chasse est la chose la plus naturelle qui soit : les lions courent après les gazelles, les chiens naturellement après les chevreuils pour les manger. Mais nous n’aimons pas la nature comme elle est, nous ne l’aimons que si elle se plie à notre culture. Et même la dimension animale de notre humanité est de plus en plus niée, nous voulons faire comme si nous n’étions pas des animaux naturels, le corps doit être dissimulé, et ne rien laisser paraître de naturel : pas d’odeur, pas de poils, pas de faiblesses. Et même la maladie devient une monstruosité, et nous semblons surpris que les gens meurent en pensant que c’est un drame et un scandale alors que tout cela est parfaitement naturel. L’homme voudrait prétendre à être un pur esprit, oubliant qu’il est fait de chair.

Il y a donc un danger dans cette tendance, il ne faut pas opposer la matière et l’esprit, et le message fondamental de la Bible est bien que le monde matériel n’est pas l’ennemi de Dieu, il n’est pas mauvais en soi, mais il est sa création, il doit donc être aimé et respecté comme tel avec toutes ses dimensions, de la nature, de notre corps jusque dans la sexualité.

Il faut donc avoir une théologie subtile de la valeur du monde matériel, et même si l’on dit que le monde matériel n’est peut-être pas absolument comme voulu par Dieu, il n’est pas mauvais en soi, mais va bien dans le sens de son plan créateur. Et la matière, elle n’est ni bonne ni mauvaise, elle est un matériau de construction, à nous de faire avec. Cependant le message de la Bible, c’est que si le monde matériel n’est pas mauvais en soi, il n’est pas le but de la création, il faut aller au delà. Ce peut être le sens de ce qui est dit lors de la création de l’homme que celui y est placé non pas pour en profiter, mais pour le cultivier et le garder. Le monde matériel est un lieu d’action, il nous est confié pour que nous en fassions quelque chose.Et puis la question du statut du créateur par rapport au monde n’est pas que par rapport au commencement, la question qui nous intéresse en fait, c’est de savoir comment aujourd’hui, dans le monde où nous sommes Dieu est-il une force créatrice, et comment il peut agir dans ce monde. Comment Dieu est-il aujourd’hui créateur ?

Sur ce point, on peut préférer l’idée d’un Dieu qui ne créé pas ex nihilo, mais plutôt un Dieu qui crée à partir de ce qui existe pour lui permettre d’aller vers du mieux. Dans toute la Bible d’ailleurs, Dieu est montré comme organisant, améliorant, transformant l’existant. Et c’est même le sens de cette nouvelle création qui s’opère sous nous yeux : Dieu prend la base et lui donne une nouvelle dimension. C’est le sens de l’évolution : pour créer, Dieu a transformé l’animal en singe, puis le singe en homme, et l’homme il œuvre pour qu’il aille vers le Christ.

Et Jésus lui-même agit beaucoup, mais ne fait jamais rien à partir de rien. Il donne du bon vin à Cana, mais à partir de l’eau, il nourrit 5000 hommes, mais à partir des 5 pains des disciples, et, il guérit les malades, ressuscite les morts, il ne fait pas surgir de rien des êtres en bonne santé. Il semble donc bien qu’il faille une base pour que Dieu puisse agir comme créateur. Et si nous voulons qu’il œuvre pour nous et en nous, il faut lui apporter l’eau pour qu’il la transforme en vin, et les 5 pains et les deux poissons. Dans nos vies, Dieu peut transformer le vulgaire en noble, la tristesse en joie, le deuil en danse, la mort en vie, le mal en bien. Dieu est bien pour nous une puissance de transformation, c’est comme ça qu’il continue à créer.

Il faut donc qu’il y ait un point de départ pour qu’il œuvre en nous, une accroche. Si en nous il n’y a rien, pas de question, pas d’attente, Dieu aura du mal à agir en nous ou nous apporter quoi que ce soit. La question est donc pour nous de savoir ce que nous apportons à Dieu pour qu’il le transforme. Et c’est là le rôle de la prière : présenter à Dieu tous nos sentiments, ce que nous avons réussi, nos échecs, nos craintes, nos souhaits, notre vie pour qu’il les transforme, qu’il les transfigure, qu’il y œuvre en les transmutant en une œuvre nouvelle qui est dans le sens de la vie, de la joie et de la paix, ce que nous appelons symboliquement sa volonté.Cela semble bien conforme à une conception raisonnable et moderne de Dieu, pourtant cette vision peut sembler insuffisante.

En effet, Dieu est tout de même plus qu’un réparateur, qu’un perfectionnateur, et, être créateur est plus que d’être une sorte de bricoleur du monde matériel pour en limiter les dégâts, l’art de la création n’est pas celui seulement « d’accommoder les restes ».

On peut penser que Dieu est plus important que cela, et que son œuvre est plus essentielle. Peut-être simplement parce que ce qu’apporte Dieu, ce n’est pas de perfectionner le monde matériel, mais d’offrir une dimension nouvelle et inédite qui est celle de l’esprit et du sens. Quant au monde matériel, il est définitivement bien peu de choses. Et même dans le passage symbolique des 5 pains qui nourrissent la foule, ce qu’apporte le Christ n’est pas juste une question de degré, mais de nature, parce que 5 pains pour une foule, ce n’est pas peu, ce n’est en fait rien. Il avaient « rien » à manger, et ils auront tout. C’est en ce sens qu’on peut dire que Dieu crée à partir de rien. Parce que ce qui compte, c’est le résultat de son œuvre, ce qu’il y avait au départ est totalement insignifiant.

Ainsi quand un grand maître peint une toile quelle en est l’origine, à partir de quoi fait-il son œuvre ? A partir de rien, elle surgit de son génie seulement, et dire pragmatiquement que l’origine de l’œuvre serait les quelques Euro de matière première utilisés serait ne pas rendre justice à l’œuvre créatrice.

Et même s’il y avait ainsi un tohu bohu primordial, l’origine du monde, ce n’est pas le chaos, mais Dieu lui-même. Le monde voulu et créé part Dieu doit tout à Dieu, et ce qui précéderait n’est en fait rien. Le matériau de base n’a aucune importance, ce qui compte, c’est ce que Dieu fait.

Dans nos vies il en est de même : Dieu, certes, utilise ce qu’il y s’y trouve pour, avec nous, en faire quelque chose, mais finalement, ce qui compte, c’est seulement ce que Dieu a fait. Parce que Dieu peut faire « toutes choses nouvelles » même à partir d’un passé insignifiant. Nous ne sommes ainsi pas englués dans un passé qu’il faudrait essayer de réparer, mais Dieu nous libère du passé et nous permet de nous tourner vers un avenir neuf qui est inventé, et non pas déduit d’un passé dont nous resterions esclaves. C’est le message fondamental de l’Evangile qui nous appelle à la conversion, nous annonçant le pardon, et qui nous dit que nous pouvons « naitre de nouveau » pour être des nouvelles créatures. Le point d’origine ne compte pas vraiment, le futur avec Dieu ne se déduit pas du passé, le passé n’est plus, et le futur totalement neuf. Ainsi Dieu crée pratiquement à partir de rien, non pas parce qu’il n’y a pas de passé, mais parce que le passé, pour Dieu n’est rien.

La science, elle, voit le monde en évolution. La théologie peut avoir la tentation d’emboîter le pas, comme l’ont fait les théologiens du Process, cela fait une théologie facilement admissible par nos contemporains, mais qui manque de radicalité. Ce qu’apporte Dieu dans une vie, ce n’est pas une amélioration, mais une rupture radicale, un saut dans une autre dimension. Parce que Dieu nous fait passer du matériel au spirituel, et il nous donne cette dimension de l’éternité qui est toute autre. La seule origine véritable de cette œuvre, c’est Dieu. Il n’y a qu’un commencement, qu’une origine, qu’un seul principe, qu’une seule source de vie, de bonheur, de joie, et d’éternité, c’est Dieu. Tout le reste est peu de chose, et même rien, un peu de pas grand chose qui retourne au rien, au néant.

La création de Dieu, le domaine du spirituel, c’est une réalité nouvelle qui change de nature, qui sort du matériel qui est passager pour aller dans autre domaine qui est celui de l’éternité. Sans Dieu, rien n’est rien et tout retourne au rien, le spirituel, lui vient de ce rien et peut accéder à l’éternité. C’est le cadeau de Dieu que nous puissions accéder à cette dimension transcendante qui nous est offerte par grâce.

D’une certaine donc, je peux dire que Dieu me créé ex nihilo, puisque sans lui je ne serais rien. Sans lui, ma vie n’aurait aucun sens, ne serait qu’un amas de cellules tentant de survivre. Sans dimension spirituelle, je ne serais rien de plus qu’un rat d’égout, un mammifère évolué voué à la mort et à l’absurde. Sans lui, je ne sais même pas si j’aurais la force de vouloir continuer à vivre. Et sans Dieu, c’est-à-dire, au minimum, sans un discours qui donne du sens, sans la dimension de l’esprit, de l’amour, le monde même n’aurait aucun sens, et ne serait rien. A quoi servirait-il de vivre, de se battre, de survivre, de souffrir, de faire des enfants, de prêcher, de créer ? A rien, rien, tout tomberait dans l’absurde et le non sens.

Dieu donne la dimension éternelle qu’est le spirituel, seule chose qui demeure, et il donne un sens, un projet, il donne une mission, qui dépasse ma petite importance ou non importance personnelle.

Le monde n’a pas de sens sans la puissance divine, le monde n’est pas un autre Dieu en face de Dieu, mais une création, et une création pour l’homme, et pas seulement pour qu’il y habite, mais pour qu’il y prenne part, qu’il soit partenaire, qu’il y participe, le monde n’est qu’un support pour que naisse ce qui est d’un autre ordre, comme la toile par rapport au tableau du maître.

La vie humaine dans ses profondeurs est inexplicable sans Dieu, parce que l’homme n’est pas qu’un mammifère avec quelques grammes de cerveau en plus qu’un singe, il a une dimension spirituelle qui échappe à tout cela et dont la science ne peut rien dire. Les sciences décrivent... mais ne donnent aucun sens.

La parole divine dit : il y a du sens, vous êtes sur Terre pour faire quelque chose, chacun a une importance en tant que tel, c’est Dieu qui donne sens au monde, et à chacun.

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Genèse 1:1-5

Au commencement Dieu créa le ciel et la terre. La terre était informe et vide ; il y avait des ténèbres à la surface de l'abîme, mais l'Esprit de Dieu planait au-dessus des eaux. Dieu dit : Que la lumière soit ! Et la lumière fut.  Dieu vit que la lumière était bonne, et Dieu sépara la lumière d'avec les ténèbres.  Dieu appela la lumière jour et il appela les ténèbres nuit. Il y eut un soir et il y eut un matin : ce fut un jour.

Apocalypse 21:1-7

Je vis un nouveau ciel et une nouvelle terre ; car le premier ciel et la première terre avaient disparu, et la mer n'était plus.

Et je vis descendre du ciel, d'auprès de Dieu, la ville sainte, la nouvelle Jérusalem, prête comme une épouse qui s'est parée pour son époux.  J'entendis du trône une forte voix qui disait : Voici le tabernacle de Dieu avec les hommes ! Il habitera avec eux, ils seront son peuple, et Dieu lui-même sera avec eux. Il essuiera toute larme de leurs yeux, la mort ne sera plus, et il n'y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières choses ont disparu.

Celui qui était assis sur le trône dit: Voici, je fais toutes choses nouvelles. Et il dit : Écris, car ces paroles sont certaines et vraies. Il me dit : C'est fait ! Je suis l'Alpha et l'Oméga, le commencement et la fin. A celui qui a soif, je donnerai de la source de l'eau de la vie, gratuitement. Tel sera l'héritage du vainqueur ; je serai son Dieu, et il sera mon fils.

Gen. 1:1-5, Apoc. 21:1-7