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Que celui qui n'a jamais péché jette la première pierre !

 Que celui qui n'a jamais péché jette la première pierre!

Le récit de la « femme adultère » de Jean 8 est l'un des plus beaux de l'Evangile. Cette femme pécheresse, condamnée par les intégristes de l'époque, est relevée par Jésus, pardonnée, libérée de ses accusateurs... avec cette formule restée célèbre : « Que celui qui n'a jamais péché lui jette la première pierre ! »

Certes, la réponse de Jésus a été astucieuse, il a réussi à dénouer la situation sans avoir à faire de grands discours... On comprend le message : comme nous sommes tous pécheurs, nous n'avons pas à juger et encore moins à condamner les autres...

Mais Jésus, lui, il aurait pu juger, condamner la femme pécheresse, il aurait pu « jeter la première pierre », lui qui n'a jamais péché (dit-on). Peut-être précisément est-ce là une chose bien plus importante à touver dans ce texte : la grâce absolue de Dieu, son pardon inconditionnel.

On dit parfois que Dieu pardonne à qui se repent. C'est évidemment vrai, mais là, Jésus pardonne, or à aucun moment la femme ne demande pardon, ni ne se repent, ni ne promet quoi que ce soit.

Jésus s'approche d'elle, il se baisse, lui parle et la relève en lui disant son pardon sans aucune condition. Il lui dit bien ensuite : « Va et ne pèche plus », mais ce n'est pas une condition, c'est un envoi après l'avoir été pardonnée et relevée.

La radicalité de cet épisode est extraordinaire : Dieu nous pardonne et nous relève, il n'y a aucune condition, c'est de la grâce pure.

Cela dit, Dieu n'est pas dans une sorte d'indifférence par rapport au mal. Le risque d'une doctrine trop totale de la grâce, serait de donner l'impression que finalement, Dieu se fiche que nous soyons pécheurs ou non, que nous fassions du bien ou du mal.Or ce n'est évidemment pas le cas.

Le Christ ne se contente pas de dire à la femme adultère : « Ce n'est rien, continue comme ça, c'est très bien, on s'en fiche... » il la libère de ses accusateurs, certes, il la pardonne, certes aussi, mais il dépense aussi beaucoup d'énergie à la remettre debout. C'est tout un aspect du texte auquel on fait trop peu attention : cette démarche complexe du Christ auprès de la femme, se baissant deux fois, écrivant dans le sable, lui parlant... non, il ne fait pas que de lui pardonner, il y a tout un travail pour l'aider à sortir de sa situation qui nécessite du temps, de l'énergie, de l'attention. Il est en effet plus rapide, plus facile de condamner, il suffit de jeter la pierre, que de relever quelqu'un, et de le remettre en marche dans son existence.

La première chose que Jésus fait pour elle, donc, c'est de se baisser. La fille est couchée par terre, n'espérant plus rien, n'attendant que le rocher de sa juste condamnation et de la mort. Jésus, lui, se baisse jusqu'à elle. Non seulement il ne lui jette pas la pierre, mais il ne la regarde même pas de haut. C'est une chose extraordinaire : Dieu vient à nous, Dieu n'est pas indifférent à notre détresse, il s'abaisse jusqu'à nous parler à l'oreille, il nous prend en considération et nous aime personnellement.

Ensuite il est dit qu'il écrit dans le sable avec son doigt. Il y a là une énigme, bien des théologiens se sont demandé ce que Jésus avait bien pu écrire là, la seule fois où il est montré en train d'écrire. Mais en fait, c'est certainement une allusion à un autre événement biblique. Un autre personnage avait autrefois écrit quelque chose de son doigt par terre : Dieu au mont Sinaïe. C'était pour donner la Loi, et elle avait été écrite dans la pierre. « du doigt de Dieu ». Jésus qui écrit avec son doigt ici est donc montré comme donnant à son tour une Loi. Mais pas une loi dure et générale comme celle de Moïse, une loi intime, personnelle, souple et passagère, puisqu'elle est écrite non dans la pierre mais dans le sable. Il lui donne une vocation propre.

Le Christ ne se désintéresse donc pas de la jeune femme, mais il vient lui dire ce qu'elle peut faire, là, elle, aujourd'hui, il lui donne un plan pour avancer. Cette loi personnelle qu'elle trouve ainsi dans son dialogue avec son Sauveur n'a rien à voir avec la oi générale qui culpabilise, avec la loi au nom de laquelle on voulait la tuer. Ici, c'est une loi qui ne tue pas, mais une parole qui remet en marche, une loi qui relève.

Ensuite, il se met debout pour chasser les accusateurs, il fait disparaître les derniers sentiments de culpabilité qui empêchent trop souvent de se remettre en marche. Puis il se rebaisse pour lui parler encore et réécrire sur le sable. On voit combien il est compliqué de remettre sur le chemin de la vie. C'est un travail de résurrection (relevée) qui demande du temps... même avec l'aide de Dieu ou du Christ. Et finalement le Christ se relève, et la relève avec lui.

Certainement, la femme ne sera jamais parfaite, mais enfin, elle est en route. Elle peut se mettre en marche en acceptant son imperfection et en faisant tout ce qu'elle peut pour le Seigneur.

Et si elle a compris qui est Dieu pour elle, alors elle n'a plus rien à craindre, parce qu'elle ne sera plus jamais seule, plus jamais livrée à elle-même, et à son sentiment dévastateur de culpabilité. Dieu toujours l'accompagnera pour la soutenir et la guider :

Quand même je marcherais dans la vallée de l'ombre et de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi, ta houlette et ton bâton, voilà mon réconfort. (Ps 23)

Louis Pernot