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Archives-Reflexions

Peut-on apprendre à être heureux ?

 

Un premier point : si nous voulons avoir une chance de trouver le bonheur, il ne faut surtout pas prétendre savoir comment on peut y parvenir. Sinon, nous allons nous dire : si je veux être heureux, il faut que je fasse ceci, il faut que ma femme soit comme cela, il faut que j'aie un métier comme ceci, il faut que j'aie une maison comme cela. Et ce n'est pas cela qui nous rendra heureux. Au contraire, c'est ce qui nous rendra malheureux et frustré.

· Alors, le bonheur, qu'est-ce que c'est ? A mon avis, le bonheur, c'est une attitude devant la vie. C'est avancer, debout, sans crainte, face au vent, comme si de rien n'était, face à ce qui nous arrive de misères et de tracas. Le bonheur, c'est d'abord une force intérieure, c'est une force de confiance chevillée au corps.

Prenons Jésus-Christ par exemple. Il aurait pu avancer dans la vie "à reculons", terrifié par l'étau des méfiances, des jalousies, des méchancetés qui se refermaient peu à peu sur lui, et terrifié aussi par la mort certaine, annoncée et prévue qui l'attendait. Mais non, Jésus a marché dans la vie en homme libre, prêchant sa parole, marchant dans la plénitude d'annoncer le Royaume, semant à tout vent, marchant en tête de ses disciples, marchant sur les eaux, multipliant les pains, offrant tout de lui avec une libéralité généreuse. Il a avancé dans la vie en "jetant son pain à la face des eaux" (Eccl 11, 1). Oui, je le crois, Jésus a été heureux parce qu'il a su marcher, donner, semer et même gaspiller sa vie pour les autres et pour ce qu'il croyait. C'est peut-être cela le secret du bonheur : générosité, audace, libéralité, confiance, absence de calcul.

Le bonheur, c'est une forme d'innocence, de dé-préoccupation de soi, d'insouciance même. C'est une "tendre indifférence" vis-à-vis de soi-même, comme le dit Camus. Au fond, c'est ce que disait Jésus dans le Sermon sur la montagne. "Regardez les oiseaux du ciel, ils ne sèment ni ne moissonnent, ils n'amassent pas de récolte dans les greniers, mais votre Père qui est dans les cieux les nourrit. Ne vous inquiétez donc pas en disant : qu'allons-nous manger, qu'allons-nous boire, de quoi serons-nous vêtus ? A chaque jour suffit sa peine." (Mat 6)

Dans le livre de Job, il y a ce magnifique verset : "Tu seras heureux sous ta tente de nomade" (Job 5,24). La tente, symbole d'une existence précaire, gratuite, celle d'un homme étranger et voyageur sur cette terre et qui trouve le bonheur et la plénitude à se coucher le soir, dans la chaleur d'une nuit d'été, sous une tente de nomade, sans savoir ni d'où il vient, ni où il va. Et par-dessus la tente, il y a le ciel, symbole de la lumière, de la grâce gratuite et éternelle, et de l'infini du firmament.

· J'ajoute ceci. Le bonheur, c'est aussi vivre dans l'honneur. Mais l'honneur, ce n'est pas être reconnu par les grands de ce monde. Non, l'honneur, c'est l'honneur d'une vie simple où l'on n'a rien à dissimuler.

Le bonheur, c'est pouvoir être, simplement, ce que l'on est, sans avoir besoin de tricher. Tricher, passer son temps à faire semblant, cela fatigue et cela empêche d'être heureux. "Nul ne peut servir deux maîtres" (Mat 6, 24). Servir deux maîtres, à la fois son portefeuille et son idéal, à la fois sa femme et sa maîtresse, cela complique la vie et ça finit par rendre malheureux.

· Et j'ajoute encore ceci. Le bonheur, c'est être prêt à saisir la chance quand elle vient. La chance, dit un proverbe latin, est chevelue devant et chauve derrière. On peut l'attraper quand elle survient, tout d'un coup, à l'improviste, les cheveux en avant. Mais on ne peut la rattraper, après coup, car elle est chauve par derrière. Le bonheur, il faut l'attraper au bond dès qu'il pointe le bout de son nez.

En effet, il faut retrouver l'étymologie du mot bonheur. Le bonheur, c'est le bon heur. Heur signifie hasard. Le bonheur, c'est le bon hasard, la bonne chance, la bonne "occase" qu'il faut saisir au bond. Le bonheur est dans le pré, cours-y vite, cours-y vite, sinon il va filer.

Je prends l'exemple du père du fils prodigue. Voilà le fils prodigue qui revient à la maison. Que va faire le père ? Va-t-il lui faire la morale ? Ou bien va-t-il saisir par les cheveux la chance, la grâce, le "bon heur" du retour du fils. Le bonheur est là à la porte, et il frappe, et il fait signe. Et le père attrape ce bonheur par les cheveux. Il attrape la divine "occase". Et il dit : faisons la fête, soyons heureux et tuons le veau gras.

On peut être heureux en étant pécheur.

On peut être heureux lorsque l'on se sait pécheur. Je dirais même plus, on ne peut être heureux que si l'on se sait pécheur, et pécheur pardonné. Etre heureux, c'est se savoir pardonné. Définitivement, irrévocablement, une fois pour toutes.

Quoi que nous ayons fait dans notre vie passée, rien n'a séparé aucune de nos journées d'hier de la bonté, de la miséricorde et du pardon de Dieu. Quoi que nous fassions demain, rien ne séparera aucune de nos journées de demain de la bonté, de la miséricorde et du pardon de Dieu.

On peut être heureux sans pour autant s'aimer soi-même.

Confie à Dieu ta route, Dieu sait ce qu'il te faut, jamais le moindre doute ne le prend en défaut. (Pasteur Charles Dombre).

Alain Houziaux