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Archives-Reflexions

L'exemple de prière du Notre Père"

 

Dans le Notre Père, l'on voit en général sept demandes, trois qui concernent Dieu, et quatre qui concernent les hommes. Et il commence par quelque chose qui n'est pas une demande : "Notre Père qui es aux Cieux."

Ce prologue ne doit pas être méprisé, il nous montre qu'avant même de prier, il faut savoir qui est Dieu, ce que l'on attend de lui et comment l'on se positionne par rapport à lui et par rapport aux autres. Et pour moi, dans ces trois mots essentiels : " notre ", " père " et " cieux ", il y a l'explicitation fondamentale de l'état d'esprit dans lequel on doit être avant même de prier. Il y a la notion de Dieu comme " Père ", c'est-à-dire d'un Dieu créateur, d'un Dieu qui nous aime et d'un Dieu qui nous éduque et nous dirige. Il y a ce " notre " essentiel qui nous rappelle que prier Dieu, est se sentir solidaire avec les autres, et d'être toujours dans le contexte d'une relation d'amour avec nos frères et avec nos prochains. Il n'y a pas de prière possible en dehors au moins de cela. Même si je demande à Dieu de la force et du courage, c'est pour que je puisse me tourner vers les autres et agir positivement. Je ne peux pas prier si moi-même je me coupe mentalement des autres, même quand je prie au " je ".

Et puis le " qui es aux cieux ", est essentiel, parce que le " ciel ", pour la Bible, c'est le domaine du spirituel par opposition au matériel qui est le " terrestre ". Et il est bon de se rappeler avant toute prière que Dieu, il est au Ciel, c'est-à-dire que son domaine, c'est le spirituel, il n'est pas sur la Terre dans les choses matérielles, et par conséquent tout ce que je demande à Dieu doit être du domaine du céleste, et non pas du terrestre.

Ensuite il y a ces trois demandes concernant Dieu, qui risquent d'être comprises comme visant à rendre l'homme passif : " Vas-y Seigneur, sanctifie ton nom, et puis accomplis un peu ta volonté, ce serait bien et il y a encore fort à faire, fais enfin venir ton règne que toutes nos difficultés soient effacées ". Ce n'est pas à nous d'expliquer à Dieu ce qu'il a à faire, mais ces demandes, prétendument pour Dieu sont plutôt des façons de nous impliquer dans tout ce qui concerne notre relation à lui-même : " Que ton nom soit sanctifié " signifie que nous sachions sanctifier ton nom. C'est à nous de le faire : " Rappelle-moi de toujours te donner une place de choix dans mon existence pour que tu y joues un rôle essentiel, unique et fondamental, pour que je sache te considérer comme ce qu'il y a de plus Saint dans mon existence ". Et en disant : " Que ton règne vienne ", nous ne lui demandons pas de hâter la fin du monde, mais lui disons plutôt " Oui Seigneur, que nous sachions te reconnaître toujours plus comme roi, afin de te servir et de compter sur toi pour que nous te laissions régner sur nos coeurs ". Et de même le " Que ta volonté soit faite ", n'est pas une sorte de détachement dans le sens de " fais ce que tu veux, je m'en fiche, je le supporterai ", mais plutôt : " que je sache moi accomplir ce qui est ta volonté afin que la Terre puisse être semblable au Ciel, afin que sur la Terre aussi l'on puisse trouver tous ces dons célestes qui sont l'amour, la paix,la justice, la joie, le service et le pardon, le partage et la vie, que tout cela puisse effectivement se trouver sur la Terre... et moi- même j'oeuvrerai dans ce sens ".

Et ensuite il y a ces quatre demandes plus humaines. Ce sont des demandes pour dire à Dieu : " Tu vois, pour faire tout ce que tu attends de moi, j'ai besoin de toi, j'ai besoin que tu me donnes ce pain quotidien, ce pain spirituel de ta présence, de ta force, ce pain qui nourrit mon âme pour la vie éternelle, ce pain vivant descendu du ciel comme le dit Jésus dans l'Evangile de Jean (Ch. 6). Oui, j'ai besoin de tout cela, sinon, je n'y arriverai pas ". De même, nous lui demandons aussi que nous nous sentions pardonnés, sinon, nous nous sentirions prisonniers de sentiments de culpabilité, du passé, du sentiment de nos échecs : " Allez, libère-moi Seigneur... et puis que je sache aussi pardonner aux autres... ", ah oui, parce que je ne prie jamais simplement pour moi tout seul. " Pardonne-moi Seigneur, et que moi aussi je pardonne à ceux qui m'ont offensé ". Et enfin, " Ne nous soumets pas à la tentation ", traduction épouvantable pour dire : " Ne me laisse pas être enfermé dans l'épreuve, libère-moi, libère-nous du mal, pour que nous puissions effectivement marcher sur ta route ".

La place de ces quatre demandes dans le Notre Père est curieuse: ce sont des demandes d'aide, de préalables indispensables à toute action possible, nous lui demandons de nous libérer, de nous donner la force, le pardon, toutes ces choses fondamentales sans lesquelles nous risquerions d'être cloués au sol. Nous en avons besoin pour accomplir la volonté de Dieu, pour pouvoir sanctifier son nom dans notre vie, et le reconnaître comme roi, travaillant à l'avancement de son royaume. Mais, le Notre Père est dans ce sens, parce que pour recevoir quelque chose, il faut en éprouver le besoin, on ne demande pas pour soi, mais pour une mission. Ces trois premières demandes sont plus une prière de Dieu vers l'homme que le contraire, d'abord Dieu nous invite à agir, et ensuite, nous disons : " Seigneur, comment y arriverais-je ? " Alors je demande à Dieu son aide pour le servir.

Et puis il y a cette doxologie : " Car c'est à toi qu'appartiennent... " Cette finale est très discutable, puisqu'elle est absente des plus anciens manuscrits de la Bible. Et pourtant, elle est indispensable, parce que sous cette forme ou sous une autre, c'est une action de grâce. C'est encore une dimension fondamentale de toute prière : dire à Dieu " je t'aime ", lui dire : " merci ". Sous une forme ou sous une autre. J'aimerais mieux dire : " Car c'est à toi qu'appartiennent l'amour, la joie et la paix... " mais peu importe.

Et le lien entre tout cela est le : " Sur la Terre comme au Ciel " : la prière est fondamentalement le lien essentiel qui existe dans notre vie entre le céleste et le terrestre, entre Dieu et nous. Prier, ce n'est pas demander à Dieu d'agir à notre place, ou pour nous, mais s'unir à Dieu, se laisser transformer par Dieu, pour pouvoir agir avec lui et pour lui.

Louis Pernot