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L'Arc-en-ciel

 

L'arc-en-ciel n'est pas seulement un joli phénomène que nous pouvons observer pendant nos vacances, c'est aussi le signe choisi par Dieu pour rappeler à Noé l'alliance qu'il fait avec lui. On connaît bien l'alliance avec Moïse, dans laquelle Dieu promet d'aider le peuple, à condition qu'il reste fidèle aux commandements. L'alliance avec Noé est différente, puisqu'elle est un engagement de Dieu seul. C'est lui qui s'engage à ne plus faire de déluge, à ne plus détruire la Terre, à ne plus lui faire de mal, et c'est dit comme ça, sans rien demander en échange. Dieu donna, avant, à Noé, quelques commandements basiques, mais ils ne sont pas une condition de sa grâce.

Ce que Dieu dit, c'est qu'il ne sera plus jamais une source de mal, quel que soit le mal que puisse faire l'homme. Il y a là pour nous une première et essentielle affirmation : Dieu n'est jamais en rien responsable du mal, Dieu n'est que source de joie, de paix, de consolation, de vie, et d'amour, jamais d'épreuves. C'est la base absolue.  

L'arc en lui-même dit cela. En effet, l'hébreu dit seulement l'"arc", mot qui, comme en français, désigne normalement l'arme, l'arc meurtrier des guerriers. Dieu dépose son arc, tourné non plus vers la Terre, mais vers le Ciel, comme quelqu'un qui se rendrait déposerait ses armes, en les rendant visibles, ou donnerait son pistolet en le tenant par le canon, dirigé vers lui. Dieu n'a plus d'arme, il renonce au pouvoir de nuire, il n'est plus qu'un Dieu d'amour, de patience et de pardon.

Ce qui devient un signe de paix... c'est un arc guerrier ! Peut-être est-ce justement cela la conscience de l'importance de la paix : comprendre qu'en fait toute arme que l'on possède ou que l'on utilise, d'une façon ou d'une autre, c'est contre soi-même qu'on l'utilise. Donc oui, l'arme désarmée et tournée vers soi, devrait être l'ultime symbole de la volonté de paix.

Mais Dieu ne dit pas que cela : l'arc lui-même en tant que symbole est un discours.

Ce qui a été dit le plus souvent, c'est que l'arc-en-ciel forme un lien entre la Terre et le Ciel, entre les hommes et Dieu, entre le matériel et le spirituel. C'est une première chose dont on doit se souvenir toujours : pour être fidèle et vivre, il faut qu'il y ait un lien entre le matériel et le spirituel. Ne jamais considérer le matériel seul, et ne jamais se réfugier dans le spirituel seul. Le matérialisme en lui-même est désespérant, tout ce qui est matériel est conduit inexorablement au vieillissement et à la mort. Il est bon donc de se souvenir que nous sommes (par grâce) toujours en lien avec le spirituel. Nous ne sommes pas condamnés à la mort, mais promis à la vie, nous avons une dimension spirituelle qui fait que nous sommes plus que notre corps, nous avons une espérance réelle qui nous pousse à être dans ce monde comme des témoins de lumière. De même nous ne devons jamais considérer le spirituel seul, comme une sorte de recette de bonheur personnel, ou comme une façon de nous échapper du monde pour échapper au mal qu'il nous fait. Le spirituel ne peut s'accomplir que dans l'action concrète, et ne trouve la plénitude de son sens qu'en s'incarnant.

L'arc-en-ciel est donc un signe dialectique. Et il l'est encore par le simple fait que pour qu'il apparaisse, il faut la concomitance de deux événements contraires, le soleil et la pluie. Et c'est vrai spirituellement aussi : Dieu est souvent comparé à une pluie qui irrigue et fait vivre, Dieu nous pousse à être, à agir, à vivre, à grandir, à avancer... mais si Dieu n'était que cela, nous péririons tous de découragement, noyés dans les obligations et dans la culpabilité. C'est vrai aussi que Dieu est souvent comparé à la lumière du soleil, il est celui qui éclaire, qui réchauffe, qui fait du bien... mais si Dieu n'était que cela, nous péririons desséchés, brûlés par sa présence, et finalement notre vie ne serait qu'un désert de stérilité, sans oeuvre, sans action, sans rien. La bonté de Dieu ne peut s'expérimenter vraiment que dans la conjonction des deux. La fécondité réelle de notre vie ne peut être que si nous avons une foi qui nous fait du bien tout en nous envoyant en mission, nous calme et nous secoue. C'est ainsi lorsque nous avons les deux aspects de la foi que naît le trésor de la beauté de l'arc-en-ciel qui est la couronne entourant le soleil et décorant le Ciel comme la Terre.

Et l'arc-en-ciel c'est la multiplicité, c'est en soi-même la diversité. Il prend la lumière blanche, la seule vraie lumière et il la sépare en une multitude de couleurs différentes, toutes séparées, dont aucune ne peut prétendre à être en elle-même la vraie représentante de la lumière divine, mais y participe, et c'est l'union de toutes qui fait le blanc. Et j'aime cette image. La réponse à l'amour de Dieu ne peut être codifiée comme dans l'alliance de Moïse par un comportement unique décrit par la loi. La foi, la grâce ne fabriquent pas des clones de bons-chrétiens-bien-comme-il-faut, qui seraient tous semblables, croyant de la même manière, ayant la même morale, la même liturgie... Les réponses à la grâce sont multiples, il n'y a pas qu'une manière d'être chrétien, de s'engager dans le monde, personne ne peut prétendre à être un modèle pour les autres. Chacun est une couleur, chaque église chrétienne a une couleur, et c'est ce qui fait leur beauté et leur complémentarité.

Et voilà le point de départ de toute juste relation à Dieu, et aussi son accomplissement selon le Christ. Tout est dialectique... et ce qui est la seule source d'unité et de salut, c'est la grâce inconditionnelle et univoque de Dieu.

Louis Pernot