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Archives-Reflexions

« Et voici que l’Éternel passa » (1 Rois 19)

Où est Dieu ? Pour Élie, la réponse à la question semble évidente, tout du moins au début de son ministère. D’ailleurs son nom n’indique-t-il pas qu’il en a connaissance, puisqu’il signifie « mon Dieu » ? Et Élie, le prophète, va faire sa mission, c’est-à-dire être le porte-parole de « son Dieu ». Il va dénoncer le pouvoir royal qui est tout à fait corrompu, surtout depuis que le roi a épousé une certaine Jézabel, délaissant l’Éternel pour se mettre à adorer les idoles de son épouse.

Élie se rend à la cour du roi Achab et annonce que pour le punir de ses fautes, Dieu ne fera plus pleuvoir ! Oui, mais voilà, Dieu n’a rien dit et Élie parle de son propre chef. La sécheresse arrive tout de même. Il semble que Dieu ait écouté le prophète. Et, le Dieu d’Élie est maître de la pluie et du beau temps, à l’instar de tous ces dieux qui peuplent l’Orient ancien. Mais Dieu est aussi celui qui veille sur son serviteur, le nourrit, l’envoie chez une femme à Sarepta. Elle lui offre le gîte et le couvert en pleine période de famine. Lorsque l’enfant de cette femme sera mourant, Élie fera l’expérience de la compassion de l’Éternel, son Dieu. Il le prie, le supplie de sauver l’enfant. Et le souffle de l’enfant reviendra en lui, il sera vivant ! 
 
Tout va basculer lors d’un épisode d’une violence inouïe (1 Rois 18, 21 à 40). Cela fait alors trois longues années qu’il ne pleut plus. L’Éternel envoie Élie auprès du roi pour annoncer le retour de la pluie. Mais ce dernier ne se contente pas de l’annonce, il lance un défi aux 450 prophètes des Baal et Achéra, dieux et déesses de la reine, adorés désormais par le roi d’Israël.
 
Élie veut montrer la supériorité de « son Dieu ». Et, il réussit, il prouve que « son Dieu » est capable d’envoyer un feu. Ce feu va dévorer le taureau, alors que des tonnes d’eau ont été déversées sur l’autel du sacrifice. Quant aux 450 prophètes, ils ont totalement échoué, leurs dieux n’ont pas répondu, ils n’ont pas réussi à allumer la moindre petite flamme. Élie a réussi à les ridiculiser. Il va les égorger. L’Éternel sort grand vainqueur de ce combat ! Et même la pluie revient. Tout semble avoir réussi pour Élie. Oui, mais voilà, au lieu de sauter de joie, de parader, il tombe dans une profonde dépression. Pourquoi ?
 
Et si Élie se méprenait sur son rôle et sur « son Dieu »? Alors qu’il s’était révélé à Sarepta, comme un Dieu attaché à l’humanité d’une personne plutôt qu’à son appartenance. Elie se méprend sur un Dieu qu’il croit non pas différent des faux dieux, mais supérieur. Le Dieu d’Élie, n’est autre qu’un super-Baal ! Devant la démonstration de force et de la puissance de son Dieu, le peuple semble retrouver la parole et la foi, Mais quelle est cette foi qui les motive ? La source de la conversion a été la démonstration de la puissance de l’Éternel sur Baal, en fait : la peur ! On a juste changé le nom des dieux. À ce stade, Élie vient de démontrer la supériorité de « son Dieu ». Ses concurrents sont éliminés, la pluie est revenue mais tout cela ne suffit pas. Jézabel, loin d’être abattue, cherche à mettre à mort Élie qui doit s’enfuir. Ainsi à la violence de ce combat qui se termine par l’extermination des 450 prophètes, répond la violence décuplée de Jézabel. Et Élie découvre que la violence ne peut rendre heureux, elle n’est jamais finie. Il est contraint à l’exil. Il n’a pas encore compris que « son Dieu » n’est pas un dieu parmi les autres, mais le Dieu tout-Autre.

Cependant, ne jugeons pas trop vite notre prophète, car cette question nous rejoint : quel est donc le Dieu d’Élie ? Quel est mon Dieu ? Il faut du temps pour faire la rencontre de Dieu, pour Élie, comme pour nous. Et c’est dans le désert, alors qu’il est dans le manque, qu’il découvre un autre visage de « son Dieu ». Élie n’a plus rien à offrir, il aspire à mourir. C’est alors qu’il fait l’expérience de la grâce, de l’amour de Dieu sans contrepartie.

Dieu ne s’adresse pas à lui dans l’orage, pas dans le feu, mais dans un « son doux et subtil » (1 Rois 19, 12), une voix qui lui murmure : « que fais-tu ici ? » Comme pour lui dire, nous dire, qu’il est à nos côtés jusque dans nos faiblesses, nos pauvretés, qu’il nous relève et nous envoie dans le monde afin d’être, nous aussi, porte-parole de la bonne nouvelle d’un Dieu qui nous aime sans aucune condition. Saurons-nous nous aussi entendre la douce voix de ce Dieu qui nous veut du bien ? 
 
Florence Blondon