Le Credo (ou Symbole des Apôtres)
(Propositions pour une foi contemporaine)
Le Credo, ou Symbole des Apôtres est une confession de foi très connue qui est dite aussi bien par les catholiques que les protestants. Certains pensent que c’est l’essentiel de la foi chrétienne, et qu’il faut y croire textuellement. En fait, on peut prendre du recul par rapport à ce texte, même si on lui garde de la considération à cause de son ancienneté.
Tout d’abord, le titre « symbole des Apôtres » est quelque peu usurpé. On sait aujourd’hui que cette confession de foi ne date que des alentours du IIIe siècle, et et donc il n’a jamais été la confession de foi des apôtres.
On l’appelle « symbole » non pas parce qu’il faudrait le lire symboliquement (encore que ce soit une bonne solution), mais le terme de « symbole » dans l’antiquité désignait un morceau de bois coupé en deux dont on donnait une moitié à chaque émissaire pour qu’ils puissent se retrouver et prouver leur identité. C’était donc le texte de reconnaissance des chrétiens dans l’antiquité et on demandait à ceux qui voulaient devenir chrétiens en se faisant baptiser de le réciter. Or on avait plutôt essayé donc dans ce texte de mettre des éléments permettant d’éviter les hérésies de l’époque, plus que de tenter de dire ce qui était vraiment essentiel. C’est la principale critique que l’on puisse faire à ce texte : il ne vient pas de l’Evangile, mais dit la foi des chrétiens au IIIe siècle et aujourd’hui on pourrait vouloir la dire autrement, et par ailleurs donc il ne dit pas l’essentiel : il ne parle même pas de l’amour ou explicitement de la grâce, ce qui est tout de même un grand manque. Et puis il passe directement de la naissance de Jésus à sa mort, comme si tout ce qu’il avait fait entre les deux n’avait aucune importance, alors que c’est bien là le cœur de notre foi : son enseignement, et sa vie C’est pourtant cela le cœur de la foi chrétienne.
Cela fait que certains aiment ce texte au point d’être prêt à considérer comme non-chrétien quiconque n’y croirait pas, et d’autres le détestent au point d’être prêts à se lever et à sortir du temple si le texte était dit.
Mais ce texte fait partie de notre héritage, même s’il ne dit pas forcément notre foi, et il a l’avantage d’être partagé entre les catholiques et protestants puisqu’il date d’avant la séparation, il est donc particulièrement précieux dans les situations œcuméniques, et dans certains temples les paroissiens le connaissent par cœur ce qui permet à tous de le réciter ensemble.
Voici le texte :
Je crois en Dieu, le Père,
tout puissant créateur du ciel et de la terre.
Je crois en Jésus-Christ, son fils unique, notre Seigneur, qui a été conçu du Saint-Esprit et qui est né de la vierge Marie.
Il a souffert sous Ponce Pilate ; il a été crucifié ; il est mort ; il a été enseveli ; il est descendu aux enfers.
Le troisième jour, il est ressuscité des morts ;
il est monté au ciel ;
il siège à la droite de Dieu, le Père tout puissant ;
de là il reviendra pour juger les vivants et les morts.
Je crois au Saint-Esprit.
Je crois la Sainte Église universelle, la communion des saints,
la rémission des péchés, la résurrection de la chair et la vie éternelle.
Amen.
Je crois en Dieu, le Père,
Bien sûr, et nous en avons déjà parlé.
Tout puissant créateur du ciel et de la terre.
Que Dieu soit créateur du ciel et de la terre, on peut aussi le comprendre, même si c’est parce qu’il est un dynamisme créateur interne à l’évolution. Quand le Credo parle du ciel et de la terre, il dit là quelque chose d’essentiel, c’est qu’il reste dans la terminologie biblique dans laquelle le ciel est le domaine du spirituel, et la terre, celui du matériel. L’idée, c’est donc que le monde n’est pas que fait de matière, ou de choses matérielles, mais qu’il y a aussi une dimension de l’invisible, du spirituel qui est essentielle et qui trouve sa source en Dieu.
Ensuite que Dieu soit « tout puissant », voilà une affirmation bien discutable. L’expression « tout puissant » attribuée à Dieu ne se trouve aucune fois dans les évangiles, aucune fois dans les épîtres (sauf une citation de l’Ancien Testament), et on ne la trouve vraiment que dans l’Apocalypse. Là, l’auteur reprend l’expression qu’avaient trouvé les traducteurs antiques de l’Ancien Testament, de l’hébreu en grec : « pantocrator » pour rendre en hébreu un des noms de Dieu : l’Eternel des armées (célestes), c’est à dire pour parler du Dieu qui a le pouvoir sur l’ensemble de la création, non pas celui qui a toute la puissance, mais celui qui a de la puissance sur tout. Nous avons vu à propos du problème du mal que croire dans la toute-puissance de Dieu est une option possible, mais pas sans difficulté, en particulier pour l’associer à son amour infini. Aujourd’hui, beaucoup préfèrent garder indéfectiblement la bonté de Dieu et affirmer que le mal qui arrive n’est pas sa volonté, et que donc il y a des choses sur Terre qui échappent à la puissance de Dieu.
Je crois en Jésus-Christ, son fils unique
Que Jésus ait existé comme personnage historique est une chose assez unanimement admise, même par les incroyants. Coire en Jésus est plus que cela, c’est mettre sa confiance en lui, croire dans ce qu’il a annoncé et vouloir en faire le cœur de sa propre vie.
Maintenant, on ne croit pas forcément en Jésus-Christ de la même manière qu’on croit en Dieu. Sur ce point, le Credo n’affirme pas l’égalité entre Dieu et Jésus-Christ, il le pose comme fils unique de Dieu, cela on peut le croire.
Que Jésus soit fils de Dieu peut s’entendre de diverses manières, depuis la plus charnelle dans l’idée de sa conception virginale en Marie, ce qui est le plus discutable et sans doute le moins intéressant, jusqu’à une compréhension plus subtile où Jésus est fils spirituel de Dieu, c’est-à-dire qu’il en est le représentant, et que tout ce qui est le plus essentiel en lui lui vient de Dieu.
notre Seigneur
L’expression « Jésus Christ est le Seigneur » était la confession de foi minimale la plus fondamentale de l’antiquité. C’est encore elle qui est utilisée de nos jours comme seule condition pour pouvoir faire partie de notre Eglise Protestante Unie.
En France, l’expression est assez difficile, depuis la Révolution, on enseigne aux enfants qu’au Moyen-Âge les Seigneurs abusaient de leur pouvoir en maltraitant leurs sujets et qu’on a coupé la tête aux Seigneurs. Mais il faut entendre « seigneur » dans le bon sens du terme : celui que l’on veut servir et qui nous protège. Alors oui, Jésus Christ est notre Seigneur, il est notre chef, celui à qui nous voulons obéïr et qui nous protège. Mais on peut regretter que cette courte confession de foi ne nous mette que dans un rapport hiérarchique avec le Christ : or il est venu aussi pour être proche de nous et être notre frère. On pourrait préférer comme confession de foi : « Jésus Christ est mon Seigneur et mon frère » ce qui expliciterait mieux la complexité de notre relation au Christ et aussi faisant ainsi intervenir la notion de grâce, car c’est par sa volonté et sa générosité que nous pouvons être considérés comme ses frères alors qu’il est infiniment plus grand que nous.
qui a été conçu du Saint-Esprit et qui est né de la vierge Marie.
Que Jésus soit né de Marie, aucun doute. Que Marie ait été « vierge » au moment de sa naissance on peut en douter. Beaucoup de spécialistes de la Bible pensent que cette idée vient d’un problème de traduction : quand Marie est déclarée « Vierge » dans l’Evangile, le grec utilise une citation du prophète Esaïe dans l’Ancien Testament : là on trouve en effet le mot « parthenos » qui normalement signifie « vierge » : « Voici que la vierge sera enceinte ; elle enfantera un fils, et on lui donnera le nom d’Emmanuel » (Matt. 1:23). Mais l’original hébreu a simplement le mot « jeune fille », c’est dans ce sens qu’on peut le comprendre. Quant au fait que Jésus soit « conçu du Saint-Esprit, on peut l’entendre dans un sens autre que gynécologique. Jésus a une origine spirituelle évidente qui s’enracine en Dieu et dans sa puissance de vie qui est l’Esprit saint. Ou encore peut-on le comprendre dans le sens où la conception de Jésus correspond à l’accomplisement d’un plan divin et de la volonté de Dieu, la puissance du Saint Esprit suscite sa naissance, mais cela n’empêche pas que celle-ci puisse se faire selon les lois de la nature.
Il a souffert sous Ponce Pilate.
Oui, c’est bien ce que disent les évangiles.
il a été crucifié ; il est mort ; il a été enseveli ; il est descendu aux enfers.
Cela, c’est pour contrer ceux qui disaient, comme le font encore aujourd’hui les musulmans que Jésus n’était pas vraiment mort sur la croix, qu’il y ait pu avoir par exemple substitution d’une autre personne. Cela permettrait d’expliquer rationnellement certaines apparitions de Jésus après la croix. Et surtout, il semblait impossible pour certains que Jésus, le saint des saints puisse mourir comme un simple humain. Mais justement, la théologie chrétienne a toujours insistuté sur l’humanité du Christ, et sur le fait que tout en étant fils de Dieu, il est mort physiquement comme tout le monde. Ainsi, la bonne nouvelle de l’Evangile n’est pas de faire croire que grâce à Dieu on pourrait éviter de mourir physiquement, ou éviter toute sorte d’épreuve matérielle, mais c’est de dire que malgré la mort physique, il y a une vie éternelle en Dieu, et que ce monde matériel n’est pas tout, mais que nous avons au Ciel « une demeure éternelle qui n’a pas été faite de main d’homme. (II Cor. 5 :1).
La mention des enfers n’a rien à voir avec l’enfer et le paradis que certains montrent comme des punitions ou des récompenses après la mort. Ici, le mot est au pluriel, et « les enfers » signifient simplement « le séjour des morts ». C’est donc pour dire que Jésus est bel et bien mort pour de bon.
Il est vrai que la tradition médiévale a ensuite ajouté que Jésus pendant les trois jours avant sa résurrection (ce qu’on appelle le triduum pascal) était allé voir le séjour des morts, et en particulier tous ceux qui n’avaient pu le connaître de leur vivant, pour les inviter à le suivre, afin de sauver ceux qui croiraient en lui. C’était en effet l’idée du jugement dernier qui préoccupait alors tout le monde, de savoir qui serait sauvé et qui serait perdu, et pour être sauvé, il fallait croire en Jésus Christ. Mais les patriarches de l’Ancien Testament par exemple n’en avaient évidemment pas eu la possibilité de leur vivant... Tout cela sont des légendes intéressantes culturellement pour regarder les tympans des cathédrales gothiques, mais sans grande signification pour nous aujourd’hui.
Le troisième jour, il est ressuscité des morts ;
Bien sûr, c’est même le fondement de la foi chrétienne. Maintenant, il y a bien des manières de comprendre cela, soit comme relevée corporelle, soit comme une résurrection spirituelle, Jésus se rendant présent dans l’esprit des disciples par leur foi. Il y a le choix. Quant à la mention du troisième jour, ceux qui auraient du mal à comprendre pourquoi Jésus a du attendre trois jours pour se montrer en vie peuvent penser que Jésus a traversé la mort immédiatement par sa dimension spirituelle qui était au delà du visible, mais que les disciples ont mis trois jours à s’en rendre compte !
il est monté au ciel ; il siège à la droite de Dieu, le Père tout puissant ;
Qu’il soit monté au ciel est l’allusion à l’Ascension racontrée dans les Actes des Apôtres. Là aussi, on peut l’entendre spirituellement : Jésus n’est plus présent en chair et en os aujourd’hui parmi nous, mais spirituellement. Il n’est plus une réalité bassement terrestre, mais une vie élevée en Dieu dans le domaine du spirituel.
Ensuite Dieu n’a évidemment ni droite ni gauche, ce ne sont que des notions purement spatiales et terrestres, mais c’est pour dire qu’il est de tous les vivants auprès de Dieu celui qui est le plus important. Certes.
de là il reviendra pour juger les vivants et les morts.
Alors là non, du moins si on attend cela comme un moment de l’histoire où Jésus reviendrait concrètement pour un grand jugement dernier. Mais que Jésus doive ne pas rester dans le Ciel, mais revenir dans le cœur de chacun pour lui donner la vie, certainement. Le retour du Christ n’est donc pas un événement futur à attendre ou à craindre, mais est l’expérience spirituele que tout chrétien doit faire de trouver la présence du Christ dans sa propre vie. Et quand Christ est dans une vie, il devient le critère de jugement de ce qui vaut quelque chose et de ce qui ne vaut rien. Non pas pour envoyer en enfer ou au paradis, mais il indique le sens de ce qui a une dimension éternelle. Tout ce qui est dans le sens du Christ, de l’Evangile est ce qui demeure éternellement, tout ce qui est purement terrestre est appelé à disparaître comme l’herbe des champs. Ce « jugement », n’est donc pas à craindre, mais est le critérium sans cesse placé devant nous pour nous indiquer le chemin de la vie et éviter ce qui mène au néant.
Je crois au Saint-Esprit.
Alors là oui ! Le saint Esprit, c’est la pusisance de vie de Dieu. « Esprit » se dit en hébreu comme en grec par le même mot que le « souffle », le « vent ». C’est le souffle de la vie, le vent qui met en mouvement. Dieu ainsi n’est pas une sorte de divinité immobile et redoutable dans son ciel, mais une source de vie, une puissance qui nous met en marche et nous remplit de toute force, intelligence, patience, douceur et enthousiasme pour avancer dans notre existance.
Je crois la Sainte Église universelle,
L’Eglise, c’est l’assemblée de tous les croyants, ou l’assemblée de tous ceux qui veulent bien se mettre au bénéfice de l’amour de Dieu. Bien sûr, cette communauté des croyants est universelle, elle ne dépend pas d’un pays ou d’une culture. Certains chrétiens disent à cet endroit : « je crois à la saint Eglise catholique », mais cela veut dire la même chose, puisque le mot « catholique », est en fait un mot grec (Katholikon) qui veut dire « universel ». Il ne s’agit donc pas d’exclure ceux qui ne seraient pas inféodés au pape. Ceux-là sont des « catholiques romains » et ce n’est que par abus de langage qu’on les appelle simplement « catholiques ».
la communion des saints
Les saints ne sont pas les personnes parfaites, mais, dans la Bible, « saint », veut dire : « à part », le saint, c’est donc celui qui est différent des autres du monde par son engagement de chrétien. Et donc on peut croire que tous les croyants du monde sont en communion les uns avec les autres par la foi en Jésus Christ qui les rassemble. Et que même par rapport à ceux qui nous ont précédés et qui sont mort, il y a quelque chose qui nous réunit, de génération en génération, ce Christ qui est la base de notre vie et en qui nous avons cru.
la rémission des péchés
Voilà certainement l’article le plus proche de la grâce de tout le Symbole des apôtres : il y a un pardon qui est offert. On n’est donc pas dans une logique pure du jugement sur les œuvres, ou de la comptabilité des mérites, mais dans une logique de pardon et de grâce. Il est dommage que le Credo là n’en dise pas plus sur cette dimension essentielle de la vie chrétienne. En particulier quelles sont les conditions de cette rémission. Chacun, selon sa théologie répondra à cela à sa manière. Mais on peut croire à une compréhension très forte de la rémission : Dieu nous pardonne non pas tant si nous sommes ne mesure de lui demander pardon, ou en fonction de notre foi, mais Dieu nous pardonne par la seule cause de son amour pour nous. Reste, sans doute qu’il faut encore accepter ce pardon pour qu’il produise ses fruits en nous.
La résurrection de la chair et la vie éternelle
Croire à la vie éternelle est bien un point essentiel de la foi chrétienne. Cette vie éternelle n’est pas forcément une autre vie dans l’au-delà semblable à la nôtre sur Terre, mais pour très longtemps. L’autre monde, n’est sans doute pas comme un grand salon où on retrouverait tous les morts passés avec des anges nous servant du thé. Si certains croient à une vie après la mort très individuelle, d’autres pensent plutôt qu’après la mort tous les vivants sont unis en Dieu d’une manière très différente de notre vie sur Terre, et en tout cas impossible à imaginer vraiment pour nous. Quoi qu’il en soit la foi chrétienne en effet invite à croire que l’essentiel est invisible pour les yeux. Que tout n’est pas matériel, mais qu’il y a de l’invisible, du spirituel. Et que nous ne nous réduisons pas à notre corps, l’homme n’étant pas un simple mammifère avec quelques grammes de cerveau de plus qu’un singe, mais qu’il est une personne unique et irremplaçable. Or dit Paul, si le visible est pour un temps, l’invisible est éternel (II Cor. 4 :18). Ainsi on peut croire qu’il y a une part de notre être qui est au delà du fait d’être jeune ou vieux, malade ou en bonne santé, et même au delà des fonctions vitales mammifères qui sont touchées par la mort physique.
La résurrection peut évoquer le passage par la mort physique où ce qu’il y a d’immortel en nous et qu’on peut appeler notre âme spirituelle demeure pour rester éternellement. Qu’il y ait une résurrection de la chair animale, certainement pas. Le visible est pour un temps, et notre chair animale est simplement vouée à la corruption et à disparaître. Mais le mot « chair » dans la Bible ne désigne pas la viande comme ne français, mais toute la personne. Ainsi le Psaume 145 dit : « Que toute chair bénisse ton saint nom » (v. 21), cela veut dire « tout le monde ». La résurrection de la chair, c’est donc la relevée de la personne qui est sauvée, parce que aimée par Dieu comme une singularité et sauvegardée dans son amour.
Et dans le Nouveau Testament, la résurrection ne concerne pas toujours les morts physiques, mais plutôt ceux qui tout en étant bien vivants accèdent à une vie spirituelle nouvelle en découvrant l’Evangile : ainsi Paul dit-il « vous êtes ressuscités avec Christ » (Col 3 :1). Certes il y a en Dieu une force de vie nouvelle, de relevée nous donnant une vie plus forte que tout et même que la mort.
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