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Gédéon : "Va avec la force que tu as !"

Juges 6:1-16

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Emmaus

« Va avec la force que tu as » : cette parole divine, très encourageante pour chaque nouvelle journée, est peut-être déjà bien connue par certains. Mais cette parole que Dieu a dite à Gédéon, avant de devenir parole de vie pour nous, est arrivée dans un contexte de grands malheurs, et elle a d’abord mis en route le petit Gédéon. Alors qu’il mettait les récoltes à l’abri des ennemis, Dieu est venu lui parler, et Gédéon interroge Dieu sur tout ce qui accable le peuple d’Israël. Car Israël a rencontré beaucoup d’ennemis, et curieusement, les adversaires ici cités sont en réalité de lointains cousins du peuple de Dieu, c’est dire que les ennemis du peuple des croyants ne viennent pas forcément de l’extérieur, comme on voudrait souvent le croire.

Au poids de la tradition...

Arrivé en Terre promise et à la mort de Josué, le peuple choisit des juges pour être dirigé. Il n’était pas question à l’époque de choisir un roi, car Dieu seul était roi. Ainsi ce sont les juges qui gouvernaient en observant si le peuple suivait la volonté de Dieu et ses commandements.

Le peuple revenait de près de 400 ans d’exil et de servitude. Autrefois, Isaac, l’un des fils d’Abraham, avait engendré Jacob et Esaü. Jacob, appelé Israël après son combat nocturne contre Dieu, a eu 12 fils qui seront les chefs des 12 tribus. Exilés en Egypte suite à une famine, ils seront d’abord bien traités grâce à Joseph, l’un des 12, puis ils seront esclavagisés. C’est Moïse qui les conduira hors d’Egypte à travers la mer Rouge, et après 40 ans dans le désert, Josué les fera entrer dans le pays de Canaan. Et c’est là qu’ils devront faire face aux Madianites, des descendants de Madian qui était en fait un autre fils d’Abraham, et aux Amalécites, des descendants d’Amalec, un petit-fils d’Esaü, des peuples désormais ennemis !

Tous sont donc des descendants d’Abraham par le sang ! Mais malgré leurs ascendants communs, tous n’ont pas hérité de la même promesse, de la même alliance avec Dieu. Israël représente donc le peuple des croyants, ou peut-être plutôt la part de nous-mêmes effectivement unie à Dieu, qui vit dans sa présence et sa recherche. L’hérédité purement génétique n’est pas le sésame pour avoir une relation vivante avec Dieu : de même, on ne naît pas chrétien, mais on le devient par choix, par l’affirmation de sa volonté propre, et non par l’héritage des aïeuls. Et il faut même parfois avoir le courage de s’arracher de sa propre tradition lorsqu’il n’ y a plus de raison spirituelle de s’y raccrocher. La relation à Dieu ne peut pas être réduite à une histoire de famille ou d’héritage, mais elle est adhésion personnelle, car la tradition purement humaine peut venir appauvrir notre foi, comme Madian a appauvri Israël.

Israël, ici donc symbole de l’union avec Dieu, de la foi vivante, doit faire face à des ennemis issus de sa propre tradition, ennemis qui n’ont pas cette alliance avec Dieu dans leur cœur. Le peuple juif a toujours lu ces récits de guerres entre peuples comme une image des combats intérieurs, des querelles présentes dans chacune de nos vies, avec notre entourage, avec nous-mêmes. Les ennemis deviennent alors toutes ces réalités qui visent à appauvrir et à détruire la communauté des croyants, ou à aller contre le sentiment religieux en nous-mêmes, en affaiblissant notre foi et notre espérance !

Dans ce récit, une fois bien installés, les israélites oublient clairement Dieu, mais ils supplient Dieu quand ils sont malheureux. Et ce qu’on lit habituellement comme une punition de Dieu est en réalité une conséquence de leur égarement. Plus tard, dans l’idée du Nouveau Testament, Dieu n’est pas un Dieu vengeur punissant l’homme qui se détourne de lui. Selon l’Evangile, Dieu ne punit pas, mais le mal qui arrive est une conséquence d’erreurs, de mauvaises gestions… La manière dont l’être humain se comporte a des conséquences sur la vie, sur la sienne et celle des autres : en oubliant Dieu, en oubliant de vivre de douceur, de gentillesse, de générosité, on se place inéluctablement dans un monde hostile. Le mal peut ainsi engendrer du mal, sans que ce soit une punition de Dieu. En lisant l’Ancien Testament à partir du Nouveau Testament, nous rencontrons un Dieu qui n’est que « bon » !

...répond la promesse de Dieu

Dieu envoie d’abord un prophète au peuple, pas un voyant qui prédirait l’avenir, mais quelqu’un qui parle au nom de Dieu, un intermédiaire qui proclame sa parole.

Et il envoie un « ange » pour parler à Gédéon. L’ange est un « messager » (du grec « angelos »), un « porte-parole » de Dieu. Les anges ne sont pas des êtres spirituels avec des ailes, qui voleraient en parlant de façon miraculeuse. Dans l’Ancien Testament, dire qu’un ange parle à quelqu’un, c’est entendre ce que Dieu veut dire. Mais Dieu ne parle pas avec nos paroles humaines : il parle dans notre cœur, dans notre pensée, à l’intérieur de nous-mêmes, dans la prière, dans la recherche de sa présence, dans la lecture de la Bible. Le dialogue avec Dieu par la prière nous éclaire, et peut nous permettre de comprendre ce qui vient de lui. Ou alors l’ange qui intervient là est peut-être tout simplement un humain messager de Dieu, une sorte de prophète en somme.

Gédéon n’est pas un grand guerrier, il est fils d’une famille pauvre comme il le dira lui-même. Et pourtant, Dieu l’interpelle comme « vaillant héros » ! Dieu l’accompagne, et d’emblée lui signifie qu’il a un rôle important à jouer. D’ailleurs toute l’histoire d’Israël montrera que les plus grandes choses ont souvent été réalisées par les plus petits, par ceux qu’on n’attendait pas forcément ! Pour Dieu, se croire trop petit ou trop faible est une fausse excuse pour ne pas agir, pour ne pas s’engager dans le monde, dans l’Eglise…

Et Gédéon pose la question que beaucoup de gens se posent, que chacun de nous pourrait poser : pourquoi tant de malheurs ? Pourquoi tant de soucis ? Gédéon renvoie Dieu aux témoignages des anciens qui racontent les belles choses que Dieu a faites. De la même manière, on peut entendre ces prodiges de la bouche d’anciens, de parents, de croyants… et se demander où est Dieu. On peut entendre le témoignage de choses merveilleuses, de vies transformées par Dieu, de joie, de force, de confiance, de bonheur en Dieu, et se demander pourquoi ce vide en nous. A cela, cette rencontre avec Gédéon nous apprend que Dieu ne nous abandonne jamais, qu’il faut garder confiance et patience.

Et là où nous voudrions que Dieu agisse et transforme tout, de même que Gédéon voudrait que Dieu les délivre, là Dieu invite Gédéon à se mettre lui-même en route et à prendre les choses en main, là Dieu invite chacun à aller de l’avant, chacun avec sa propre force, plutôt que de se lamenter sur son sort !

« Va avec cette force que tu as » : Dieu ne fait pas tout, à nous d’agir ! Même si notre propre force n’est pas très grande, il faut simplement se mettre au travail, car Dieu le promet : « je serai avec toi ». Gédéon, pourtant présenté comme le plus pauvre et le plus petit, a été choisi par Dieu pour réaliser de grandes choses : il va être utile et servir Dieu et son peuple !

Dieu agit dans le monde à travers nous, en nous accompagnant : c’est à nous d’agir avec la force et l’énergie que nous avons, et avec l’aide de Dieu toujours promise ! Même si nos possibilités nous semblent infimes, même si nous pensons que nous ne pourrions faire que peu de choses, ce peu, il faut le faire, et avec l’aide de Dieu, il servira peut-être bien au-delà de ce que nous pourrions penser ! Parfois une petite action peut changer beaucoup de choses !

L’apôtre Paul le rappellera également : « Dieu a choisi les choses faibles du monde pour confondre les fortes » (I Cor.1:27).

Muriel Bernhardt - Louis Pernot