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56, avenue de la Grande-Armée, 75017 Paris

Psaume 133: le psaume de l'amour !

Prédication prononcée le 21 août 2011, au temple de l'Étoile à Paris,

par le pasteur Louis Pernot

Le Psaume 133 est à peu près incompréhensible en première lecture. Il s'agit pourtant d'un des psaumes les plus beaux, et un des plus évangéliques. Il annonce, comme Paul dans ce célèbre "hymne à l'amour" de 1Cor 13 que la religion et le dévouement sont utiles, mais que sans l'amour fraternel, ils ne sont rien. Ce psaume montre que cet amour fraternel est à la fois ce qui est "bon", c'est le bien par excellence, et aussi, que "c'est là que l'Eternel donne la bénédiction et la Vie éternelle", ce qui n'est pas rien.

D'ailleurs le premier verset, auquel personne en général ne prête attention, dit presque tout : ce qui est traduit d'habitude par: psaume des degrés, de David, pourrait se traduire : Psaume pour s'élever, à l'amour. (Le mot David signifie en effet Amour en hébreu)

Mais pour le reste, ce psaume peut sembler à un lecteur moderne un peu énigmatique avec son drôle de catalogue d'images hétéroclites. Quelle rapport entre l'huile versée sur la tête, la barbe d'Aaron, les franges du manteau, la rosée de telle montagne qui coule jusque sur une autre. Qu'est-ce que cela veut dire ?

 

L'huile de la bénédiction

Première image : l'union fraternelle est comme l'huile qui est versée sur notre tête.

Cela nous fait penser à l'onction d'huile que recevaient les rois et les prophètes. Cette onction était d'abord le signe de la présence de Dieu résidant sur celui qui la recevait. Cette onction était aussi le signe d'une mission qui leur était confiée par Dieu dans le monde. C'est normal que cette présence de Dieu dans son amour, et le service des autres soient ainsi associés. La juste relation à Dieu c'est de beaucoup recevoir de lui, et de beaucoup donner aux autres.

Celui qui recevait cette huile était appelé en hébreu le "Messie", ce qui s'est traduit en grec par "Christ". "Christ" n'est donc pas le nom de famille de Jésus (!), ni un titre réservé, mais désignait quiconque était reconnu comme ayant une autorité particulière venant du fait qu'il avait la présence de Dieu sur lui, pour régner, ou pour prophétiser. Ce symbole de l'huile pour représenter la présence de Dieu n'a pas été pris au hasard, il suffit de penser à tous les usages de l'huile dans une civilisation méditerranéenne :

• L'huile était un des éléments de base de la nourriture, et même plus car ils faisaient des galettes avec de l'huile d'olive et de la farine (on se souvient par exemple de la belle histoire d'Élie et de la veuve de Sarepta).

• L'huile servait également pour alimenter les lampes, elle est donc source de lumière (cette image de l'huile comme combustible se retrouve au sens symbolique dans une parabole de Jésus).

• L'huile était aussi employée pour soigner les blessures, et calmer la douleur, comme un onguent.

L'huile est ainsi une bonne image de ce que Dieu nous donne par sa présence en nous.

• Comme notre corps a besoin d'être nourri, notre vie spirituelle est alimentée par l'Esprit que Dieu nous communique, c'est ainsi que notre vie spirituelle pourra se développer. "L'homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu" (Matt 4:4), et l'on sait que c'est le Christ qui est notre "pain de vie".

• La Parole de Dieu nous éclaire, elle donne un sens à notre vie, elle dissipe notre angoisse comme une lampe nous aide dans la nuit, et là encore, pour nous c'est le Christ qui est "la lumière du monde".

• Et enfin, la présence de Dieu est comme un baume dans notre cœur nous donnant consolation et douceur.

Ce Psaume 133 va alors très loin, nous disant que tout cela se trouve aussi dans la relation fraternelle avec l'autre. L'union fraternelle est source de lumière, de nourriture et de vie dans nos existences. Quand nous vivons ainsi c'est comme si Dieu lui-même venait renouveler notre vie. C'est dans l'amour vécu des autres que nous recevons les dons de Dieu, sa bénédiction, sa vie, son Esprit, sa Parole. En s'ouvrant sur les autres, nous nous ouvrons aussi à Dieu.

De même, le Christ résumera toute la loi dans toutes les circonstances par "tu aimeras ton prochain comme toi-même", commandement dit "semblable" à : "tu aimeras Dieu de tout ton cœur...".

 

La tête et la barbe

Cette huile de bénédiction, cette "bonne huile" ruisselle, nous dit le Psaume, de la tête jusqu'à la barbe. En hébreu le mot tête signifie également le commencement, ou la jeunesse. Et le mot barbe signifie également la vieillesse. Nous pouvons donc dire que c'est toute la vie qui est illuminée par l'amour fraternel et par la bénédiction de Dieu. C'est la vie de chacun de nous, de notre naissance jusqu'à notre mort que Dieu nourrit, éclaire et soigne dans l'union de ceux qui savent vivre comme des frères. On peut le vivre et en bénéficier à tout âge, de la plus tendre enfance à la vieillesse la plus avancée, c'est là que se trouve le secret universel du bien, du bonheur, de la bénédiction et de l'Eternité.

 

La barbe d'Aaron

Mais en regardant de plus près le texte, on se rend compte qu'il y a en fait deux barbes, et la seconde c'est la barbe d'Aaron. Aaron était le frère de Moïse, le grand prêtre d'Israël, il est le symbole même de la relation avec Dieu... et le mot "barbe" désigne aussi en hébreu la puissance. Ce qui est en jeu, c'est donc la force de notre relation à Dieu. Et la puissance de notre relation à Dieu est irriguée, nourrie, illuminée, renforcée par ce baume précieux de l'amour fraternel.

L'amour est ce qui renouvelle, illumine toute notre vie, et jusque dans notre vie spirituelle ou religieuse. Sans amour, notre vie religieuse serait privée de lumière de nourriture et de vie.

 

Les tsitsit

Ensuite, l'huile nous est dite descendre jusqu'au "bord du vêtement" d'Aaron. Cela n'est pas un grand mystère, mais une référence aux franges rituelles que les juifs faisaient sur le bord de leurs vêtements, appelées tsitsith, Le livre des Nombres (15:37) nous dit qu'elles sont là pour rappeler au croyant les commandements de Dieu auxquels il doit obéir. Ce qui est en jeu maintenant, c'est donc l'obéissance à la volonté de Dieu, la fidélité à Dieu. On voit en passant que cette obéissance à une règle n'est pas une chose première pour le psalmiste, mais passe après la relation personnelle à Dieu, après la foi du cœur, et que de toute façon, l'obéissance aux commandements finalement se résume à ce seul commandement : aimer son prochain, c'est le message de l'Evangile. Vivre uni avec son frère, c'est ce qui donne la plénitude à toute notre vie, à notre relation à Dieu, et à notre obéissance à sa Parole.

 

La rosée qui descend de l'Hermon.

Après l'huile, c'est de la rosée qui découle de l'amour fraternel. Dans ces pays semi-désertiques, la rosée est une véritable source de vie. L'eau est ainsi de même que l'huile une image de la présence de Dieu, c'est pourquoi nous mettons un peu d'eau sur la tête des enfants au moment de leur baptême, pour dire que l'amour et la présence de Dieu sont avec eux comme source de vie.

Le Mont Sion, c'était le lieu du temple de Jérusalem, lieu symbolisant la relation à Dieu, la foi même. Or, il est vrai que notre foi risque toujours de se dessécher. Il lui faut une source d'eau vive pour rester comme un jardin verdoyant et fécond, et non pas devenir un désert aride et stérile.

Nous voyons là que cette source de vie et de fraîcheur, elle vient finalement encore du fait de savoir vivre unis en frères. C'est cela qui peut venir irriguer notre propre relation à Dieu, notre foi.

Ce qui est original ici, c'est que cette rosée nous vient de l'Hermon, c'est-à-dire d'une montagne qui est à la frontière extrême d'Israël, à la frontière avec des voisins peu fraternels, dont le tristement célèbre Og, roi de Basan. Or, c'est de là, nous dit le Psaume, que peut venir la vraie bénédiction. Notre foi ne peut vivre que du fait que nous soyons en relation avec l'extérieur, que nous acceptions de dialoguer avec les autres, avec ceux qui ne sont pas nos frères ou nos semblables. Si nous nous replions sur nous-mêmes, nous mourons. Il faut s'ouvrir, vivre uni avec son frère, certes, mais aussi accueillir son ennemi.

Là se joue la plénitude de la relation à Dieu : c'est dans l'amour fraternel et dans l'ouverture à nos moins proches, que nous pouvons nous "élever" à Dieu (comme le dit le titre du Psaume), et c'est là aussi que la bénédiction de Dieu "descend" sur nous et même que la vie "descend" vers nous depuis l'Hermon, depuis l'extérieur (qui est donc même plus élevé, plus important que notre propre foi). Et c'est là, oui, que se trouve la Bénédiction, et la Vie Eternelle

Amen

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 Psaume 133

1. Cantique des montées, à David

Voici, comme il est bon, comme il est agréable pour des frères d'habiter unis ensemble

2. C'est comme l'huile, la bonne, sur la tête, descendant sur la barbe, barbe d'Aaron, descendant sur le bord de ses vêtements

3. C'est comme la rosée de l'Hermon, descendant sur les montagnes de Sion,

Oui, c'est là que l'Eternel donne la bénédiction, la vie pour l'Eternité

Ps. 133