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Le retour du Christ et la venue du Royaume

Prédication du pasteur Louis Pernot au temple de l'Etoile à Paris le 9 décembre 2001

De nombreux chrétiens attendent, aujourd'hui encore, le retour du Christ sur la Terre, ce que les théologiens appellent la "parousie". En particulier, les églises, ou les sectes, dites millénaristes pensent que Jésus va revenir, qu'il va rétablir la justice sur la Terre, qu'il va régner 1000 ans avec les justes, puis auront lieu la fin du monde et le jugement dernier. Mais ce n'est pas réservé aux sectes, de nombreux charismatiques catholiques, ou évangéliques protestants professent une pensée apparentée, apposent sur leurs voitures des autocollants proclamant "Jésus reviens...", ou chantent des cantiques modernes dont la dernière strophe, presque immanquablement, fait allusion à ce retour tant attendu.

A l'opposé, le reste des chrétiens n'attend guère ce retour, considère que Jésus est venu une fois pour toutes, et que c'est maintenant à l'homme, avec l'aide de Dieu de faire le mieux possible dans ce monde qui lui est confié.

Le problème, c'est que ce retour est annoncé par l'Ecriture, et en particulier dans le texte de l'Ascension :t: Ce Jésus, qui a été enlevé au ciel du milieu de vous, viendra de la même manière que vous l'avez vu allant au ciel. (Act 1:11), et il semble que Jésus lui-même ait annoncé une fin du monde imminente, avec en particulier ce grand discours dit de l'"Apocalypse synoptique" que l'on trouve en Matthieu 24 où interrogé sur la fin des temps il déclare : cette génération ne passera point que tout cela arrive... (Matt 24:34).

Et là : difficulté pour les millénaristes : certes Jésus l'a annoncée, cette fin du monde, et ce retour du Fils de l'Homme, mais apparemment, il y a un certain retard, puisque 2000 ans après, de nombreuses générations ont passé et l'on attend encore. Pour résoudre cette difficulté, les tenants du retour matériel du Christ disent qu'il faut entendre le mot "génération" au sens large de "civilisation"... pourquoi pas.

Mais, théologiquement, on peut avoir une objection majeure à cette théologie du retour du Christ : le message essentiel de l'Evangile est que "le Christ est venu", ce qui veut dire "le Messie est venu", et non pas "Christ va venir". Le message de Noël est que nous sommes dans les temps messianiques, et justement qu'il n'y a plus à attendre. Si nous sommes dans les temps messianiques, c'est que tout est accompli. C'est justement ce qui distingue les juifs des chrétiens, les juifs attendent, et les chrétiens n'attendent plus. La position millénariste fait retomber le chrétien dans le judaùsme en ce sens qu'il ne vit plus de la venue du Messie, mais de l'attente de la venue du Messie. On peut soupçonner chez les millénaristes une dépréciation de la valeur, et de l'importance de la venue du Christ, puisqu'ils attendent encore autre chose. Cela peut être vu comme un manque de foi en Jésus qui est venu parmi nous et qui EST le Messie, le Christ.

Par ailleurs, ce type de théologie peut sembler alors dangereux en ce sens qu'il risque de démobiliser l'homme. Si Jésus va revenir rétablir toute justice, alors je n'ai, moi, rien à faire ici-bas que d'espérer et d'attendre ce retour. Et puis, de deux choses l'une, ou bien ce retour, je le verrai moi, alors effectivement je n'ai plus à m'engager dans le monde (c'était l'attitude des premiers chrétiens des Actes des Apùtres qui avaient tout vendu et cessé toute activité terrestre pour se consacrer à la prière), ou bien je ne la connaîtrai pas personnellement, alors à quoi me sert l'annonce d'un événement qui ne me concerne pas directement ?

De toute façon, puisque cela fait 2000 ans que le retour du Christ, pas plus que la fin du monde ne sont intervenus, cela voudrait dire que cela fait 2000 ans que les chrétiens lisent des textes apocalyptiques qui ne les concernent pas. Cela en soi est choquant, surtout si l'on pense que le message du Christ, comme tout texte biblique, concerne tout chrétien, à tout moment dans son "ici et maintenant".

Ceux qui, au contraire, n'attendent pas le retour du Christ, et qui pensent que la fin du monde n'est pas pour tout de suite, aujourd'hui s'en sortent parfois d'une façon brutale en disant tout simplement que sur ce point, Jésus et à sa suite les disciples se sont trompés, il ont crus à une fin du monde imminente, à tort.

On peut considérer que cette thèse, pour radicale qu'elle est, pose problème. Si Jésus s'est trompé sur un point aussi essentiel que celui-là, est-ce que cela ne remet pas en cause pratiquement l'ensemble de sa prédication, de sa conception du monde, du rùle de l'homme, et de son propre rùle dans le monde ?

Certes, il est à peu près évident que les premiers chrétiens ont, eux, partagé cette opinion, ils ont cru à un retour imminent du Christ. Mais on peut penser que cette erreur, qui a entraîné la calamiteuse première communauté chrétienne des Actes des Apùtres, qui s'est trouvée très rapidement, par la non-venue de cette fin du monde, dans une situation matérielle catastrophique, au point que Paul devait faire la mendicité dans tout le bassin méditerranéen pour essayer de les faire vivre, n'était que le fait des disciples, et non du Christ lui-même. Ce peut donc être les disciples qui ont interprété comme cela des propos de leur Seigneur qui étaient d'un autre ordre.

En particulier, on peut penser que le Christ parlait dans un sens spirituel de sa venue. De même qu'il se disait "Roi des Juifs", mais dans le sens d'une royauté spirituelle, affirmant : mon royaume n'est pas de ce monde (Joh 18:36). Ainsi, le Fils de l'homme doit bien revenir... mais pas comme étant de ce monde, comme une réalité spirituelle. Christ doit revenir dans nos coeurs, pour habiter en nous, afin qu'il soit en nous. Il ne s'agit pas d'un événement matériel, historiquement datable à un moment précis, à un lieu précis pour tout le monde, mais chacun doit expérimenter dans sa propre vie cette réalité du retour du Christ pour lui et en lui. Christ est venu dans le monde il y a 2000 ans, encore faut-il qu'il revienne aujourd'hui encore, pour être présent dans la vie de chacun.

Il semble même que ce soit précisément ce qu'explique le Christ dans ce passage de l'apocalypse de Matthieu en 24:23-28 Si quelqu'un vous dit alors: Le Christ est ici, ou: Il est là, ne le croyez pas! Si donc on vous dit: Voici, il est dans le désert, n'y allez pas; voici, il est dans les chambres, ne le croyez pas. car le venue du Fils de l'homme sera comme l'éclair part de l'orient et se montre jusqu'en occident. Là où sont les corps, là s'assembleront les aigles.

Le Christ doit revenir dans nos vies non comme un événement matériel, mais comme une grande lumière qui traverse tout, de l'Est à l'Ouest... mais ce n'est évidemment pas une lumière qui se compte en kilowatts, c'est cette même lumière du psaume 27 affirmant : l'Eternel est ma lumière et mon salut, ou de l'Evangile de Jean quand Jésus dit lui-même: Je suis la lumière du monde (Jean 8:12). Ce Christ qui doit venir dans nos vies vient comme la puissance de l'Aigle qui est l'image dans la Bible de l'élévation spirituelle, de la foi qui s'élève du matériel de la Terre, pour aller vers le spirituel du Ciel. Et le lieu de cet événement extraordinaire, c'est chaque corps mortel, chacun de nous est le lieu même du retour du Christ.

De la même manière, quand nous prions le Notre Père en disant : Que ton règne vienne, nous ne nous mettons pas dans une situation passive en disant à Dieu : "Je t'en prie, fais vite pour accélérer la venue de la fin de ce monde pourri!", mais au contraire nous exprimons le souhait que nos propres vies puissent devenir de plus en plus le lieu même de l'écoute, du service et de l'obéissance à Dieu, ce que l'on exprime par le Règne de Dieu.

Et de même encore, l'Apocalypse ne parle pas non plus d'un événement catastrophique qui doit arriver, mais de la "fin" du Monde, ce qui doit être entendu dans le sens de "finalité" : c'est ce qu'il advient du monde matériel quand Christ se révèle. Ce qui arrive dans une vie lorsque le Christ se rend présent spirituellement. Cela entraîne un certain nombre de bouleversements qui sont loin d'être des catastrophes, mais au contraire des bonnes nouvelles. Il est vrai qu'alors certaines choses disparaissent ou se défont, ce sont les attachements pervers, les anciennes attitudes, les aliénations, tout notre rapport idolâtre au monde terrestre.

Il est vrai aussi que la présence du Christ dans une vie va nécessairement de pair avec un "jugement dernier"! mais pas "dernier" au sens où il est le plus tardif en date, mais dans le sens où il est le plus essentiel, le plus fondamental. C'est cette présence du Christ qui nous permet d'attribuer à chaque chose dans notre vie sa vraie place, de savoir ce qui a une vraie valeur, et ce qui ne vaut rien. Cela n'est pas à craindre, mais à espérer, parce qu'il y a bien là une véritable "révélation" (ce qui est le vrai sens de "apocalypsis" en grec).

Comparaître devant le trùne de Dieu, c'est non pas ce que nous redoutons, mais ce que nous désirons le plus. C'est ce que nous faisons tous les jours dans la prière. La prière, c'est se mettre dans la présence de Dieu, c'est faire venir le Christ en nous, pour qu'il se révèle à nous et qu'il fasse mourir ce qui en nous n'est pas à lui.

Christ revient sans cesse. Selon sa propre promesse, chaque fois que deux ou trois sont réunis en son nom, il est au milieu d'eux, et il ne s'agit évidemment pas d'un retour matériel, mais d'une présence spirituelle.

Il est vrai, et nous l'avons dit, qu'il semble bien que certains des premiers chrétiens aient cru, eux, à une parousie historique, mais il est vrai aussi qu'obsédés par cette idée, il arrive que nous la trouvions même où elle n'est pas.

C'est ainsi que nous lisons dans nos traductions habituelles (Second) en II Thess. 2:7 ce que Paul dit à ceux qui sont affligés : pour vous donner, à vous qui êtes affligés, du repos avec nous, lorsque le Seigneur Jésus apparaîtra du ciel avec les anges de sa puissance, au milieu d'une flamme de feu alors que ce n'est pas du tout ce qui est écrit ! Le texte dit littéralement : à avoir le repos avec nous dans la révélation du Christ depuis le Ciel avec les messagers puissants dans une flamme de feu. ce qui est déjà très différent, et si l'on sait en plus que l'ange qui signifie "messager" représente dans la Bible, la Parole même de Dieu, et que le Ciel est une métaphore de Dieu lui-même, comme le feu est signe de sa présence. Dans un langage plus moderne pourrait traduire : a avoir la paix avec nous dans l'enseignement du Christ qui vient de Dieu, avec tous ceux qui l'annoncent dans la présence de Dieu.

Il n'y a là aucune "parousie" spectaculaire, mais juste l'idée que le Christ est présent dans sa parole, dans son Evangile, et que cette parole gouverne le monde (ou "juge" dans le langage biblique, puisqu'il y a un seul mot en hébreu pour dire "gouverner" et "juger").

Oui, Christ revient sans cesse, et sans cesse se tient à notre porte et frappe afin que nous le reconnaissions et que nous lui ouvrions notre porte (Apoc 3:20). L'annonce de l'Apocalypse n'est qu'une bonne nouvelle, les choses anciennes sont passées, Dieu fait toute chose nouvelle.

Le retour du Christ n'est pas à attendre, mais à préparer en nous. Le jugement dernier n'est pas à craindre, mais à désirer afin qu'il s'opère en nous le plus souvent possible. L'apocalypse, le jugement dernier, le retour du Christ, c'est aujourd'hui et maintenant pour chacun de nous... si nous le voulons bien.

Ne le remettons pas à demain.

Amen

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