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56, avenue de la Grande-Armée, 75017 Paris

La foi qui transporte les montagnes

Prédication prononcée le 9 mai 2010 , au temple de l'Étoile à Paris,

par le pasteur Louis Pernot

Marc 11:22ss "Jésus prit la parole, et leur dit: Ayez foi en Dieu. Je vous le dis en vérité, si quelqu'un dit à cette montagne: Ote-toi de là et jette-toi dans la mer, et s'il ne doute point en son cœur, mais croit que ce qu'il dit arrive, il le verra s'accomplir. "

Cette promesse du Christ est bien curieuse. Evidemment qu'elle est absurde au sens littéral, on n'a jamais vu personne, même avec la plus grande des fois transporter une montagne, et Jésus lui-même ne l'a pas fait. Et puis même, serait-ce bien utile ? Il faut donc bien croire que c'est une image, une allégorie.

Pour le sens commun, on utilise l'expression « avoir une foi qui déplace les montagnes » :pour parler d'une foi extraordinaire qui peut permettre d'accomplir de grandes choses. Mais de quelle « foi » parle-t-on en fait ? Dans le contexte biblique, la « foi » ne désigne pas le sentiment religieux, l'émotion, pas plus que l'autre sens que le mot « foi » peut avoir aujourd'hui comme désignant le contenu doctrinal ou la croyance dogmatique. L'émotion religieuse est quelque chose de bon mais de subsidiaire, quant aux dogmes, ils donnent un cadre à la foi mais ils ne sont pas non plus premiers. La foi pour la Bible, c'est la conviction, l'adhésion à une vérité, et c'est bien cela qui donne une force extraordinaire.

La foi ainsi est une force, et aussi un élan qui pousse à faire des choses qui sembleraient impossibles aux autres, à réaliser de grandes choses. Il faut y croire pour pouvoir faire des grandes choses qui semblent impossibles et dépasser les « c'est pas possible », et les « ça ne marchera jamais ». La foi, c'est être capable de faire une chose intelligente que tous disent impossible, parce que l'on croit qu'en Dieu et qu'avec Dieu beaucoup est possible.

La foi, c'est quelque chose qui nous sort du bien sage, du bien raisonnable pour nous propulser dans le monde de l'extraordinaire. La foi c'est l'ouverture des possibles, la rupture par rapport aux déterminations et à la répétition du même.

Il faut avoir une dose de folie pour agir et faire des projets dans ce monde. Il faut croire qu'il est possible de sortir du quotidien, que l'on peut changer, être un être neuf, avoir une vie nouvelle, réaliser des grandes choses.

C'est ainsi que Mark Twain, interrogé sur comment il avait pu avoir l'audace de faire une action remarquble contre le racisme a répondu : « Je ne savais pas que c'était impossible, c'est pourquoi je l'ai fait ».

Par ailleurs, un autre sens d'« avoir foi » c'est d' « avoir confiance ». Quand Jésus dit : « Ayez foi en Dieu » ce peut être aussi pour dire de ne pas croire qu'en soi-même, ce qui serait décourageant, parce que moi-même, je suis limité et peu puissant

Avoir confiance en Dieu, ce n'est pas croire qu'il va tout faire à notre place, mais savoir que notre action n'est pas toute puissante, que les choses peuvent évoluer sans nous

La foi en Dieu nous débarrasse de bien des soucis quant à nous-mêmes, et quand une chose se présente à accomplir, l'appel de l'action peut se présenter plus important que les réserves que l'on peut avoir soi-même en comptant sur ses propres forces.

On peut ainsi avoir le courage de se lancer dans quelque chose de grand qui nous dépasse un peu et cela est possible parce qu'on n'est pas le centre de tout, la cause ultime de tout ce qui réussit ou rate.

Mais si cette foi déplace les montagnes, encore faut-il savoir de quelles montagnes l'on parle.

On peut d'abord considérer que la montagne, c'est le lieu de la révélation de Dieu. Avec la foi, on peut transporter la montagne partout, même au fond de la mer. Même dans les pires épreuves, dans le deuil ou la mort, on peut trouver une montagne lumineuse, une parole de vie, une espérance

Il y a de cela dans la foi : vouloir voir la vie, même dans la mort, croire à la lumière même dans la nuit, croire que ce que le monde nous donne à voir n'est pas la totalité de la réalité, mais qu'il y a quelque chose d'essentiel qui est un peu caché, et que l'on peut découvrir.

Mais les montagnes peuvent aussi être négatives comme en Esaïe 40 : « que toute montagne soit abaissée » pour laisser venir le Seigneur. Les montagnes ce sont les obstacles entre Dieu et nous, entre nous et la vie, le bonheur, l'accomplissement. Il y a des montagnes d'égoïsme, d'absurdité, d'indifférence, d'attachements trompeurs...

La foi peut permettre de jeter tout cela au loin, de le jeter au fond de la mer, dans l'abîme, qu'il n'en reste rien.

La foi n'est donc pas que conviction, il y a aunsi un travail de purification à faire dans la foi. On ne peut pas tout garder, son ancienne vie, ses attachements mauvais et vouloir plaquer dessus une vie spirituelle ou nouvelle. Jésus a dit : « on ne met pas du vin nouveau dans des vieilles outres ». Il faut avoir le courage de se dépouiller de ce qui encombre et ne vaut rien. Ainsi le Christ dira-t-il : « si ton bras est pour toi une occasion de chute, coupe le et jette le loin de toi, il est préférable d'entrer manchot dans le Royaume de Dieu que de ne pas y entrer... » ce qui ne peut , bien sûr, et également qu'être compris que symboliquement.

Cela est vrai aussi dans le domaine de la religion et des rites. Dans l'Evangile de Marc, juste avant son enseignement sur la montagne que la foi peut déplacer, Jésus chasse les marchands du Temple, cela n'est pas anodin. Il purifie le Temple, il le débarrasse de tout ce qui l'encombrait et le rendait faux. La Réforme a été très attentive à ce travail de purification de la religion, mais c'est aussi un travail que nous devons toujours faire nous-mêmes, et aussi dans notre propre existence.

A l'extrême, on pourrait penser que les « montagnes » représentent les « hauts lieux », c'est-à-dire les lieux d'adoration païens, la forme de religiosité païenne et idolâtrique. Tout cela, il faut s'en débarrasser et le jeter à la mer. L'homme n'a que faire de cette pratique qui se veut belle, mais qui ne produit aucun fruit, tout comme le figuier stérile avec ses belles feuilles est fustigé par le Christ encore dans notre même texte.

L'essentiel, Jésus le dit, c'est d'avoir « foi en Dieu », de se recentrer sur le fondamental qui est de recentrer sa vie sur le Dieu de l'Evangile, avoir confiance en dieu et croire dans ce qu'il est, croire dans l'amour, le pardon, la paix et la vie, de se débarrasser des apparences de bonnes pratiques religieuses pour porter des fruits d'amour.

Et puis se débarrasser de ces montagnes, c'est aussi enlever ce qui obscurcit l'horizon, ce qui empêche de voir plus loin que le bout de son nez.

Avoir foi en Dieu, c'est ouvrir des horizons infinis, voir loin, dégager l'espace de sa vie. La débarrasser, peut-être, de cet égoïsme qui encombre tout, de ces discours sur le possible et l'impossible, enlever les déterminismes humains, les jugements a priori sur nous, sur ce que nous pouvons ou ne pouvons pas faire.

Avec Dieu tout est possible.

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Matt 11:22ss