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La conception virginale de Jésus

Matthieu Chapitre 1

Prédication du 25 décembre 2004 au temple de l'Etoile à Paris par pasteur Louis Pernot.

Le jour de Noël, nous célébrons la naissance de Jésus-Christ, et beaucoup de gens pensent, à ce sujet que la chose la plus importante est qu'il soit né d'une vierge. Quand je dis « beaucoup », je ne dis pas « tous ». En effet, pour certains chrétiens, il s'agit là d'une pieuse légende merveilleuse sans grand fondement historique. Quant-à ce qu'en pensaient les évangélistes, tout ce que l'on peut dire est que sur quatre, deux seulement ont considéré que cela avait une importance. En effet, ni Marc, ni Jean ne disent un mot sur la naissance de Jésus.

Toujours est-il que nous avons dans notre tradition chrétienne cette notion d'une conception virginale de Jésus, et sans se prononcer sur la possibilité ou la réalité de ce fait, il est bon de recherche le sens que peut avoir une telle doctrine. Il s'agit en effet de la naissance du Christ, mais en soi, la façon avec laquelle un individu est né il y a deux milles ans n'a aucun intérêt, fut il le Christ. La façon avec laquelle se passe cette naissance nous intéresse parce qu'il faut que le Christ puisse naître en nous, dans nos cœurs et ces récits de Noël sont précieux pour nous en ce qu'ils montrent comment dans notre histoire humaine peut naître une réalité nouvelle, qui, comme le Christ puisse-être porteuse de salut, d'éternité, de joie et d'union à Dieu.

Regardons alors de plus près comment Matthieu nous présente l'irruption du Christ dans le monde. La première chose remarquable est qu'il ne commence pas par cette conception virginale, mais par la généalogie du Christ. Cette longue généalogie que tout le monde passe en lisant cet évangile est en fait très importante. Elle montre que le Christ est issu d'une histoire humaine qui est première, et la réalité nouvelle du Christ n'apparaît pas à partir de rien, mais elle est le fruit de l'intervention de Dieu dans une histoire humaine préexistante.

Et si l'on regarde de près les individus qui constituent cette généalogie, nous voyons qu'il y a de tout. Il y en a des bons et des mauvais. Il y en a comme Abraham, connus pour leur foi et leur fidélité, mais il y en a aussi comme les rois d'après Salomon qui n'ont pas cessé de renier Dieu et de livrer des cultes aux idoles. On y trouve des juifs qui abandonnent la foi de leurs ancêtres, et des païens qui, comme Ruth deviennent juifs, on y trouve des gens qui se sont bien comportés, et une prostituée Tamar ou un beau-père qui a couché avec sa belle-fille comme Juda etc...

Cette généalogie est donc faite de tout ce qui constitue une histoire humaine, avec ses réussites, ses espérances, ses échecs, ses erreurs et ses fautes, ses conversions et ses éloignements de Dieu, et c'est dans cette pâte humaine que naît le Christ.

Cela montre d'abord que rien de toutes ces imperfections n'est un obstacle au fait que le Christ puisse venir, et ensuite que le Christ ne naît pas de la perfection humaine. Ses ancêtres ne sont pas que des gens biens, la qualité de Christ ne dépend pas de son hérédité, ni de sa nature humaine, mais d'autre chose. Nous n'avons donc pas à craindre. Cette généalogie assez trouble, il faut bien le dire, doit nous donner confiance : notre propre histoire est faite comme elle d'un mélange du meilleur et du pire, sachons que cela n'est pas un obstacle à l'amour de Dieu et à sa venue dans nos existences pour nous donner la vie, le bonheur et le salut. Et puis nous ne devons pas croire que ce serait par notre propre perfection que nous pourrions posséder le Christ, être sauvé ou avoir la foi, l'histoire humaine ne suffit pas à donner le salut.

Or l'Evangile nous montre que le Christ est à la fois le fruit de cette histoire humaine, et d'une rupture dans celle-ci : le Christ apparaît au point de rencontre entre cette descendance humaine et Dieu. Là est un sens important de cette doctrine de la conception virginale de Jésus. L'histoire humaine ne peut que se répéter : il n'y a aucune raison pour que du purement humain naisse tout à coup une dimension nouvelle qui soit transcendante et éternelle. Il faut que Dieu vienne féconder cette histoire humaine ou cette dimension humaine qui est la nôtre pour qu'elle donne naissance à quelque chose qui en vaille la peine.

Peut-être alors que l'idée de conception du Saint-Esprit de Jésus après cette insistance sur sa généalogie, veut nous faire comprendre que l'accomplissement de notre existence ne peut se faire que comme l'union d'une dimension humaine et d'une dimension divine, et que c'est ainsi que doit être le mode de présence de Dieu dans nos existences.

Nous sommes tous appelés à naître de nouveau, naître spirituellement. Et cette naissance doit se faire à l'image de celle du Christ qui est le premier né de toute la création. Cette vie nouvelle qui est la vie éternelle ne peut alors naître dans nos existences qu'à l'exemple de la naissance du Christ : il faut que Dieu vienne féconder une dimension humaine imparfaite pour qu'il en naisse quelque chose de bon et d'éternel.

Cela nous indique donc de quelle manière Dieu doit être présent dans nos vies : Dieu doit arriver dans notre histoire personnelle comme une dimension extérieure qui nous féconde et qui permet de faire grandir en nous une réalité nouvelle comme l'enfant qui grandit dans le sein de Marie.

La piété catholique à cet égard ne s'est pas trompée en faisant de Marie l'image-même du croyant qui adhère au plan de Dieu et dont l'existence n'est pas stérile, mais féconde en donnant naissance à une dimension nouvelle, divine et éternelle. Il faut que nous nous laissions féconder par la présence de Dieu et par sa parole.

La fécondité, en effet, dans tous les domaines de la vie nécessite deux réalités différentes et complémentaires. Pour la reproduction charnelle, il faut un homme et une femme. S'il manque un des deux sexe, on est dans une situation stérile. La fécondité vient de l'interaction entre deux pôles : L'homme et Dieu. C'est dans cette interaction que naît une réalité nouvelle. Le terme de pôles peut d'ailleurs nous fournir une autre image: en électricité, pour que la lumière soit, il faut aussi qu'il y ait deux pôles, un plus et un moins. Si les deux ne sont pas mis en relation, même avec une différence de potentiel de plusieurs milliers de volts, rien ne se passe, et la ténèbre demeure.

Notre existence doit donc être fécondée par cette interaction permanente entre notre vie matérielle et la dimension spirituelle de Dieu. C'est dans cette union, cette communion, que naît quelque chose d'intéressant, l'image biblique de la vierge-Marie peut même nous entraîner à une image plus forte, c'est dans une copulation mystique entre notre vie physique et Dieu que peut se trouver la fécondation de notre existence.

Ainsi, une vie qui ne s'intéresserait qu'au matériel, une humanité qui n'aurait que le regard tourné vers elle même, cherchant à résoudre elle même ses problèmes, cherchant par elle-même une forme de pureté ou de perfectionnement ne serait qu'à l'image d'une homosexualité narcissique qui n'est peut-être pas condamnable en soi, mais qui est certainement stérile et donc frustrante, sans avenir et sans espérance.

Il faut à un moment donné que nous laissions Dieu venir dans nos existences, et il faut que cet accueil ne soit pas seulement extérieur, mais que nous nous laissions vraiment pénétrer par lui pour qu'il vienne ensemencer notre existence d'un ferment qui, en se développant en nous, transformera toute notre vie.

Cette image peut sembler un peu crue, mais on la retrouve pourtant tout au long de la Bible où il est souvent question de l'humanité comme d'une femme qui doit coucher avec l'époux qui est Dieu et se laisser féconder par lui (Esaïe 54:1-5, II Cor 11:2,...). C'est le sens de l'ensemble du Cantique des Cantiques qui est extrêmement explicite à cet égard, et qui ne redoute pas de donner des images elles aussi souvent assez crues. C'est aussi ce que nous retrouvons dans l'Evangile quand le Christ se compare à l'époux et qu'il nous invite à être comme des vierges sages qui savent attendre se préparer pour la venue de l'époux pour la nuit de noces.

Nous pourrions prolonger ces images sans aucune difficulté puisque sans cesse la Parole de Dieu est comparée à une semence, et puisque que sans cesse il nous est rappelé qu'il faut qu'elle pénètre au plus profond de nous-mêmes. Cette même parole ne dit-on pas d'elle, dans l'épître aux Hébreux (4:12) qu'elle est vivante et efficace, plus acérée qu'aucune épée à double tranchant qui pénètre jusqu'à la division de l'âme et de l'esprit... et l'épée, dans toutes les civilisations, c'est un symbole qu'il n'est pas nécessaire d'expliquer.

Cette idée de la fécondation par la parole ou la présence de Dieu n'est d'ailleurs pas purement chrétienne, on la retrouve de même dans la pensée grecque, et en particulier chez les stoïciens qui parlent du logov spermatikov, la parole spermatique qui doit féconder la matière.

Voilà donc la très belle image de cette génération du Christ ou de cette dimension christique de nos existences qui naît de la fécondation par Dieu d'une vie concrète. Et cette fécondation ne nie pas la dimension matérielle de nos existences, il ne s'agit pas de sacrifier notre dimension physique pour accéder au spirituel, mais comme cette autre image biblique, d'accepter de se laisser greffer un greffon fertile. La greffe ne modifie pas la nature profonde de l'arbre, mais il lui permet de devenir fécond et bon pour le monde qui l'entoure. Le greffon fertilise l'arbre, il ne le tue pas, il lui permet au contraire de n'être pas coupé comme inutile ou encombrant.

L'évangile de Jean commence par ce verser célèbre: au commencement était la Parole, il est vrai qu'au commencement de toute vie réussie en Dieu, il doit y avoir la parole, parole de Dieu, enseignement du Christ. Mais pour que cette parole puisse inaugurer en nous un véritable commencement de vie éternelle, il faut encore qu'elle vienne au plus profond de nous-mêmes, autrement dit que nous connaissions cette parole, dans le sens courant le plus fort, et aussi dans le sens biblique, comme il est dit que Abraham connut sa femme Sarah. Sarah qui est cette femme, grand précurseur de Marie qui témoigne de l'importance de cette union mystique, à laquelle Dieu nous convie.

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Matthieu 1:18-21

18Voici comment arriva la naissance de Jésus-Christ. Marie, sa mère, était fiancée à Joseph ; avant leur union elle se trouva enceinte (par l’action) du Saint-Esprit. 19Joseph, son époux, qui était un homme de bien et qui ne voulait pas la diffamer, se proposa de rompre secrètement avec elle. 20Comme il y pensait, voici qu’un ange du Seigneur lui apparut en songe et dit : Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre avec toi Marie, ta femme, car l’enfant qu’elle a conçu vient du Saint-Esprit, 21elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés.

Matt. 1:18-21