Skip to main content
56, avenue de la Grande-Armée, 75017 Paris

Seigneur dirige ET sanctifie ?...

par Louis Pernot (septembre 2012)

 

 Mission impossible.

 

« Seigneur dirige et sanctifie ! », c’est ce cantique que nous chantons dans toutes les belles cir- constances au temple. Le titre est beau, mais c’est un paradoxe: soit le Seigneur dirige et il faut obéir et c’est à moi d’agir, soit il sanctifie, alors ma sainteté dépend de lui et je n’ai qu’à recevoir. Cela nous donne deux visions très différentes de Dieu, et il est difficile de choisir entre les deux.

 

La foi, ce sont des valeurs

Si le Seigneur dirige, alors croire en Dieu, c’est obéir, c’est croire dans des valeurs, c’est avoir un idéal, une direction, un projet, et être chrétien c’est adhérer au message de l’évangile. Dans l’évangile, le Christ nous propose un chemin, une certaine conception de ce qu’est l’homme, de ce qu’il peut faire et vivre, il y a un projet pour l’humanité, pour nous, et être chrétien, c’est dire oui à ce projet, c’est vouloir obéir à ce que le Christ nous demande, se laisser diriger par lui. Et ce que nous demande le Seigneur, ce n’est pas mystérieux, c’est d’aimer, de pardonner, de servir, de partager, de donner.

Dans cette optique, être chrétien n’est pas fonda- mentalement faire des prières, être un champion de l’émotion religieuse, ou pratiquer, mais c’est avoir une certaine manière de vivre, c’est structurer sa vie par les valeurs de l’évangile et de les prendre comme lignes directrices de son existence. Et si on est protestant, on voudra vivre en plus les valeurs protestantes d’honnêteté, de rigueur, de travail. C’est donc une sorte de choix.

Avec le Christ, avec l’évangile, j’ai un chemin qui m’est proposé. être chrétien, c’est accepter ce che- min, même s’il est difficile, c’est vouloir de tout son cœur y avancer, et je crois que c’est un chemin de vie, de paix et de salut.

C’est simple, c’est vrai, c’est beau, et c’est certaine- ment l’essentiel...

 

Dieu, c’est le pardon

Mais peut être est-ce un peu trop simple ?

En effet, dans l’évangile, je trouve aussi un Dieu qui est tout autre chose: non pas un Dieu qui di- rige, mais un Dieu qui sanctifie. Or nous ne pou- vons nous sanctifier nous-mêmes parce que tout homme est pécheur et restera toujours imparfait. Notre première vision d’un christianisme un peu moraliste et volontariste n’est-elle pas, en fait, vouée à l’échec et à la déception ? C’est bien beau d’avoir des valeurs et des règles de morale, mais Paul le dit bien : « je suis à même de vouloir le bien, mais pas de l’accomplir, parce que le bien que je veux je ne le fais pas, et le mal que je ne veux pas, voilà ce que je fais » (Rom. 7:15ss). Je sais qu’il faut aimer, pardonner, et tout donner, mais je n’y parviens jamais totalement. Ce chemin est trop dif- ficile, impossible. Je sais ce qu’est le bien, mais j’ai tant de mal à le vivre, je n’ai pas besoin d’une reli- gion qui me le rappellerait sans arrêt, alourdissant le poids de mes remords et de ma culpabilité.

Jésus ne s’est pas intéressé aux champions des bonnes œuvres, ou aux gens bien moraux, au contraire, il a passé son temps avec les pécheurs, les prostituées, les coupables, les exclus, les pauvres, les découragés.

Le Dieu auquel je crois, il est comme le père du fils prodigue. Le fils a fait n’importe quoi, sans va- leurs, sans morale, mais le père va au delà, parce qu’il l’aime et dès qu’il le voit, il lui saute au cou, l’embrasse et l’accueille. Dieu n’est pas un exa- minateur, il n’est pas un juge, la vie n’est pas un examen à réussir, ou un mât de cocagne avec la récompense en haut. Le Dieu de l’évangile, c’est un Dieu tendre, un Dieu d’amour.

Ce dont j’ai besoin, c’est d’un Dieu qui m’aime, me reçoive, me pardonne, c’est un Dieu de tendresse, de douceur, un Dieu qui me dit : « ne crains rien : tu es pécheur, mais tu es pardonné. Par ton péché tu devrais être condamné, mais moi je te donne la vie. Tu es misérable et tu crois n’être rien, mais moi je te regarde comme un prince. Tu doutes, mais moi je crois en toi, tu te trouves moche, mais moi je te trouve beau, et je t’aime ».

Me sanctifier moi-même ? J’en suis incapable. Voi- ci ce qui me sauve, voici la bonne nouvelle : mon Dieu me sanctifie et m’offre tout par grâce. Dieu, c’est un océan d’amour, de tendresse, de bonté, de pardon, de sanctification et de vie qui m’est offert.

Alors ?

Dieu, ce Seigneur, il dirige, ou il sanctifie ? Sans doute doit-il faire les deux. Le Dieu de l’évangile n’est pas un Dieu simple, il est tension entre ces deux pôles, et c’est de cette tension que naît la vie.

 

 

Louis Pernot