La foi qui transporte les montagnes
par Louis Pernot (juin 10)
La foi qui transporte les montagnes
Cette expression vient de la Bible : Marc 11 :22ss : « Ayez foi en Dieu. Je vous le dis en vérité, si quelqu’un dit à cette montagne: Ôte-toi de là et jette-toi dans la mer, et s’il ne doute point en son cœur, mais croit que ce qu’il dit arrive, il le verra s’accomplir. »
Le sens littéral est évidemment absurde, ni personne, ni Jésus n’a jamais déplacé de montagne, même avec la plus grande des fois.
Pour le sens commun cela signifie : avoir une foi extraordinaire qui peut permettre d’accomplir de grandes choses. D’accord, mais de quelle foi parle-t-on ?
Dans la Bible, la « foi » ne désigne pas le sentiment religieux, l’émotion, pas plus que la doctrine.
L’émotion religieuse est quelque chose de bon mais de subsidiaire, quant aux dogmes, ils donnent un cadre à la foi mais ils ne sont pas non plus premiers. Quant on parle là de foi, il faut entendre la « conviction », une certitude intérieure qui donne une force extraordinaire.
La foi ainsi est une force, et aussi un élan qui pousse à faire des choses qui sembleraient impossibles aux autres, à réaliser de grandes choses. Il faut y croire pour pouvoir faire des grandes choses qui semblent impossibles et dépasser les « c’est pas possible », et les « ça ne marchera jamais ». La foi, c’est être capable de faire une chose intelligente que tous disent impossible, parce que l’on croit qu’en Dieu et qu’avec Dieu beaucoup est possible.
La foi, c’est quelque chose qui nous sort du bien sage, du bien raisonnable pour nous propulser dans le monde de l’extraordinaire. La foi c’est l’ouverture des possibles, la rupture par rapport aux déterminations et à la répétition du même.
Il faut avoir une dose de folie pour agir et faire des projets dans ce monde. Il faut croire qu’il est possible de sortir du quotidien, que l’on peut changer, être un être neuf, avoir une vie nouvelle, réaliser des grandes choses.
Par ailleurs, un autre sens d’« avoir foi » c’est d’ « avoir confiance ».
« Ayez foi en Dieu » peut aussi dire de ne pas croire qu’en soi-même, ce qui serait décourageant, parce que moi-même, je suis limité et peu puissant.
Avoir confiance en Dieu, ce n’est pas croire qu’il va tout faire à notre place, mais savoir que notre action n’est pas toute puissante, que les choses peuvent évoluer sans nous.
La foi en Dieu nous débarrasse de bien des soucis quant à nous-mêmes, et quand une chose se présente à accomplir, l’appel de l’action peut se présenter plus important que les réserves que l’on peut avoir soi-même en comptant sur ses propres forces.
On peut ainsi avoir le courage de se lancer dans quelque chose de grand qui nous dépasse un peu et cela est possible parce qu’on n’est pas le centre de tout, la cause ultime de tout ce qui réussit ou rate.
Mais si cette foi déplace les montagnes, encore faut-il savoir de quelles montagnes l’on parle.
On peut d’abord considérer que la montagne, c’est le lieu de la révélation de Dieu. Avec la foi, on peut transporter la montagne partout, même au fond de la mer. Même dans les pires épreuves, dans le deuil ou la mort, on peut trouver une montagne lumineuse, une parole de vie, une espérance.
Il y a de cela dans la foi : vouloir voir la vie, même dans la mort, croire à la lumière même dans la nuit, croire que ce que le monde nous donne à voir n’est pas la totalité de la réalité, mais qu’il y a quelque chose d’essentiel qui est un peu caché, et que l’on peut découvrir.
Mais les montagnes peuvent aussi être négatives comme en Esaïe 40 : que toute montagne soit abaissée pour laisser venir le Seigneur. Les montagnes ce sont les obstacles entre Dieu et nous, entre nous et la vie, le bonheur, l’accomplissement. Il y a des montagnes d’égoïsme, d’absurdité, d’indifférence, d’attachements trompeurs...
La foi peut permettre de jeter tout cela au loin, de le jeter au fond de la mer, dans l’abîme, qu’il n’en reste rien.
La foi n’est donc pas que conviction, il y a aussi un travail de purification à faire dans la foi, on ne peut pas tout garder, son ancienne vie, ses attachements mauvais et vouloir plaquer dessus une vie nouvelle : « on ne met pas du vin nouveau dans de vieilles outres ». Il faut avoir le courage de se dépouiller de ce qui encombre, de ce qui ne vaut rien.
Et puis se débarrasser de ces montagnes, c’est aussi enlever ce qui obscurcit l’horizon, ce qui empêche de voir plus loin que le bout de son nez.
Avoir foi en Dieu, c’est ouvrir des horizons infinis, voir loin, dégager l’espace de sa vie. La débarrasser, peut-être, de cet égoïsme qui encombre tout, de ces discours sur le possible et l’impossible, enlever les déterminismes humains, les jugements a priori sur nous, sur ce que nous pouvons ou ne pouvons pas faire.
Avec Dieu tout est possible.
Louis Pernot