Jésus guérit...
par Louis Pernot (décembre 02)
Souvent, dans l'Évangile, le Christ est présenté comme celui qui peut nous guérir. On le voit faire des miracles de guérisons, et il envoie ses disciples pour faire de même (Matt 10:1). Or, aujourd'hui, beaucoup ne croient pas aux miracles de l'Évangile, n'attendent pas de Dieu des miracles matériels dans leur vie, et dans nos églises, nous n'offrons pas ce service à ceux qui viennent à nous. Il est donc crucial de bien penser cette question pour lever cette contradiction apparente.
Une première solution consiste à minimiser les miracles de Jésus. On peut voir les guérisons de Jésus comme les actes d'un simple guérisseur ainsi qu'on en voit encore aujourd'hui dans certains pays du monde, et même dans nos campagnes. Si ce n'était que cela, ce ne serait pas sans signification. Nous verrions alors que Jésus ne se contentait pas de prêcher aux gens, mais qu'il se préoccupait aussi de la dimension physique de ses contemporains, il avait une réelle compassion et ne se trouvait pas dans une sorte de théologie dualiste dans laquelle seul l'esprit aurait de l'importance, dans laquelle le corps ne serait renvoyé qu'à pas grand-chose, et dans laquelle encore, il faudrait justement sacrifier le corps pour élever l'âme. Rien de tout cela, le corps a une importance, si on peut venir en aide matériellement à l'un de nos prochains, il faut le faire... même si cela ne suffit évidemment pas. Jésus utilisait donc ce qu'il pouvait pour guérir les gens, avec sans doute une part de connaissance empirique, et d'autre part la dimension psychosomatique extrêmement importante dans toute maladie. Le Christ avait forcément un ascendant, un rayonnement extraordinaire qui faisait que tous ceux qui se trouvaient confrontés à lui se trouvaient transformés.
Une deuxième solution (qui ne contredit pas la première) consiste à voir les guérisons du Christ comme des paraboles, des signes d'un autre type de guérison, c'est-à-dire les lire comme étant les images d'une guérison spirituelle. C'est ce que nous faisons naturellement quand nous lisons par exemple le Psaume 103. Celui-ci nous donne une espérance : il me guérit de toute maladie. On pourrait là garder un espoir de guérison physique, mais on ne peut plus faire de même pour la suite : quand le psaume dit : il rachète notre vie à la tombe, personne alors n'attend de Dieu qu'il nous rende physiquement immortel. Il s'agit d'un autre ordre, évidemment, et par cohérence il faut donc interpréter les choses du même ordre pour la question de la guérison, et l'attendre non pas physique, mais intérieure, spirituelle...
Ce sens spirituel est d'ailleurs explicite dans l'Évangile quand il parle de « malades » en évoquant ceux qui sont en difficulté comme les adultères, les pécheurs etc... Chacune des maladies physiques peut être vue comme l'image d'une maladie intérieure: être aveugle consiste à ne pas voir clairement qui nous sommes, l'autre ou Dieu, être paralytique consiste à être bloqué dans sa vie, dans l'incapacité à aller de l'avant à se tenir debout, le lépreux est celui qui se sent pécheur et rejeté des autres, et quiconque a de la difficulté à agir dans ce monde est bien un homme à « la main sèche ».
Mais d'une façon plus générale, que voulons-nous dire quand nous affirmons que Jésus peut nous guérir ?
Tout d'abord, on peut dire que la maladie, c'est la souffrance, et il est vrai que notre foi en Dieu peut apaiser notre souffrance, peut-être pas physique, mais en tout cas morale, et ça c'est vrai. Ensuite, on peut dire qu'une maladie, c'est un dysfonctionnement, et il est vrai aussi que, l'Évangile aide à remettre de l'ordre dans notre vie, il l'organise. Notre vie morale ou spirituelle n'est pas organisée par nature ( contrairement à l'« organisme » ), il est donc essentiel de lui donner une cohérence, un centre organisateur, c'est ce que nous appelons la foi, et l'Évangile est un bon objet de foi, un bon centre...
La santé, c'est l'intégrité, et l'harmonie, cela permet d'avoir le courage d'aller vers l'extérieur, dans le monde. Jésus appelle les malades à avoir la Foi, la Foi qui sauve... Foi qui n'est pas la croyance dogmatique ou la capacité à croire dans des choses absurdes, la foi, c'est s'organiser autour du message de l'Évangile et peut-être aussi se laisser saisir par une puissance plus grande que soi qui nous secoue, nous retourne nous change et nous guérit : la Foi, c'est l'abandon à cette puissance.
Nous pouvons donc avoir confiance dans le discours de Jésus, et dans la force d'amour qu'on trouve en ce Dieu qui nous dit, comme à Paul : Ma grâce te suffit, (2 Cor 12:9), en ce Dieu qui nous délivre de la crainte de l'angoisse afin que nous puissions dire aussi: Je puis tout par celui qui me fortifie. (Phil 4:13)
Louis Pernot