Dieu, c'est quoi finalement..?
par Alain Houziaux (juillet 06)
Dieu c'est quoi finalement?
Dieu, c'est quoi ? Le problème, pour répondre à cette question, c'est que le mot «..Dieu..» a des sens très différents.
Nous disons volontiers qu'«il y a quelque chose au- dessus de nous», une sorte de «..puissance..» mystérieuse qui se manifesterait dans des phénomènes plus ou moins surnaturels et énigmatiques. Et «..Dieu..», ce serait «..ça..». On retrouve cette manière de ressentir Dieu dans la spiritualité «..New Age .. ».
Par ailleurs, beaucoup d'entre nous confessent une foi s'exprimant dans un credo très précis et aussi passablement énigmatique et déconcertant..: Dieu a un fils qui naît d'une vierge...
Ainsi, nous avons deux manières très différentes d'appréhender «..Dieu..». Mais en fait, notre conception spontanée de Dieu reste la première et elle est assez proche de celle de l'animisme des religions archaïques. Il me semble en effet que nous n'avons jamais vraiment pleinement accepté l'idée d'un Dieu «..personnel..». D'ailleurs, le fait d'attribuer à «..Dieu..» une existence personnelle, un projet, une volonté et éventuellement un amour pour les hommes est advenu, très tardivement, il y a seulement vingt-cinq ou vingt- huit siècles. Et, il faut le reconnaître, cette idée est assez surprenante.
Comment est-elle apparue ? A l'époque de l'animisme, les dieux étaient des puissances que l'on craignait car ils pouvaient dispenser apparemment au hasard ou la bénédiction et ses bienfaits ou la malédiction et ses méfaits. Il fallait donc tenter d'être en bons termes avec eux. Et c'est ainsi qu'est apparue l'idée d'une alliance avec les dieux que l'on retrouve dans le Judaïsme. Les peuples accomplissaient des sacrifices et suivaient les lois pour inciter les dieux, de leur côté, à assurer la fertilité des champs et la victoire des armées. Ainsi Dieu est devenu une «..personne..» que l'on pouvait prier. Le Dieu personnel était né.
Il y a sans doute une autre raison à l'apparition du Dieu personnel. La foi en un Dieu personnel serait une conséquence de l'apparition du prophétisme. Dans la religion animiste, il n'y avait pas de prophètes, il n'y avait que des prêtres chargés d'offrir des sacrifices aux dieux-puissances. Mais le prophète, lui, parle au nom d'un Dieu qui a des exigences et dont les exigences peuvent évoluer. Il parle au nom d'un Dieu «..personnel..».
Le Dieu de la Bible est un Dieu personnel, certains diront anthropomorphique, c'est-à-dire «..à l'image de l'homme..». Il a des projets et des préférences. Le Dieu de l'Ancien Testament a fait le choix d'être aux côtés du petit peuple d'Israël. Le Dieu que nous prêche Jésus dans les Evangiles a une prédilection particulière pour les petits, les pauvres et les pécheurs. Ainsi le Dieu de la Bible est plus éthique que véritablement métaphysique et universel.
Le Dieu des villes et le Dieu des champs
En fait, même les chrétiens les plus convaincus continuent souvent à avoir deux conceptions concurrentes de Dieu. Et pourtant cette dichotomie ne semble pas les gêner. En effet, nous retenons de la Bible les énoncés qui «..collent..» le mieux avec notre conception spontanée de Dieu. C'est pourquoi les Psaumes sont particulièrement chers à notre coeur.De la Bible, nous retenons surtout qu'il y a Quelque chose ou Quelqu'un au-dessus de nous qui prend pitié de la misère de notre vie et des lâchetés de notre coeur.
En fait, nous hésitons entre le «.. Dieu des villes.. » et le «.. Dieu des champs.. ». «.. Dieu.. » reste pour nous d'abord le «.. Dieu des champs». Il a toujours quelque chose à voir avec la beauté du ciel et des étoiles qui nous donnent à rêver, avec le mystère des origines de l'univers, avec les phénomènes plus ou moins miraculeux.
Mais nous sommes, pour la plupart, devenus des citadins: nous avons perdu le sens des «..affinités électives..» avec le monde naturel et surnaturel. A côté du Dieu des champs est apparu le Dieu des villes. Du fait de l'esclavage, des guerres, du travail et de la solitude, nous en sommes venus à l'angoisse de l'absurde et à la question du sens. Et c'est pourquoi la question du salut, qui était d'abord celle de la guérison et de la nourriture, est devenue pour les citadins celle de la justification de l'existence. Dieu est devenu le visage de la grâce, du pardon, de l'amour, de la justification et du sens de la vie.
La toute-puissance de l'absence de Dieu
En fait, il me paraît plus aisé de considérer Dieu comme une «.. puissance.. » que comme une «.. existence.. ».
On a l'habitude de présenter Dieu comme Celui qui vient vers nous, nous rencontre et nous bénit. Mais on peut aussi dire qu'il est Celui qui nous échappe lorsque nous tendons nos mains vers lui.
Nous réclamons Dieu comme un asthmatique réclame de l'oxygène. C'est justement parce qu'il manque d'oxygène qu'il considère que l'oxygène a pour lui une vertu toute-puissante. C'est justement parce que nous étouffons sans Dieu que nous le réclamons comme le Tout Puissant. Si nous ne manquions pas de Dieu, nous ne l'appellerions pas le Tout Puissant.
On peut comparer la relation des hommes avec Dieu avec le combat de Jacob avec l'Ange (Genèse 32,2332). Cet Ange reste pour Jacob un inconnu. Il ne révèle pas son nom. Peut-être même peut-on dire qu'il n'existe pas, ou plutôt qu'il n'existe qu'en tant que «..Puissance..». De la même manière que Jacob se bat avec un Ange dont il ne connaît pas le nom et qui n'est qu'une forme de ténèbres qui disparaît dès qu'il fait jour, nous nous débattons avec «..l'ombre toute puissante de Dieu..» dans une sorte de corps à corps à la fois amoureux et conflictuel.
Alain Houziaux
Pour poursuivre.. : Dieu, c'est quoi finalement.. ? avec Claude Geffré, André Gounelle, Abd-Al-Haqq Guiderdoni, Alain Houziaux, Ed. de l'Atelier, 2005.