Croyons-nous en la resurrection des corps ?
par Louis Pernot (avril 09)
Beaucoup ont l’idée que la foi en la résurrection des corps est essentielle au christianisme. Il est vrai qu’on la trouve dans le Symbole des Apôtres : « Je crois à la résurrection de la chair ». Il est vrai que cela est lié aussi à la foi dans la résurrection du Christ : nous ressusciterons comme le Christ, or on dit bien qu’il faut croire à la résurrection corporelle de Jésus.
Mais bien sûr, nous ne sommes pas obligés de tout prendre au pied de la lettre, cela peut être interprété spirituellement, laissant voir alors des images de choses bien plus essentielles.
En soi, la foi dans une résurrection corporelle est très discutable. La Bible, elle, annonce plutôt la « résurrection des morts » ce qui n’est pas tout à fait pareil. On peut, en effet, avoir foi dans la « vie éternelle », mais celle-ci peut être purement spirituelle, pas forcément corporelle. On peut, comme Paul (2 Cor 4), croire que, précisément, ce qui est éternel en nous, ce n’est pas le corporel, le visible, mais c’est l’invisible, l’immatériel, que « la chair et le sang n’hériteront pas du Royaume de Dieu », et donc notre vie éternelle sera justement constituée de tout ce qui en nous est immatériel, spirituel, de l’ordre non de la physique, mais de l’amour. Notre vie éternelle sera constituée de ce qui est spirituel en nous, de tout ce qui sera sauvegardé de notre vie dans la mémoire bienveillante de Dieu.
Il n’est donc pas besoin d’imaginer des corps qui se reconstituent dans les tombeaux et soulèvent les dalles. De toute façon, la résurrection des corps est absurde : sinon avec un corps de quel âge ressusciterions-nous ? A l’âge que nous aurons à l’heure de notre mort ? Alors mieux vaudrait mourir jeune que vieux et usé pour l’éternité ! Bien sûr, notre corps ressuscité n’a pas d’âge. Toute notre vie sera sauvée, du début à la fin, or le corps change, le bébé n’a pas le même corps que le vieillard, et l’âge n’est pas une réalité essentielle, notre vie est un tout et l’âge n’est qu’un curseur sur une réalité unique.
S’il y a résurrection des morts, on ne peut donc pas prendre trop en considération le corps. Dans ce sens se trouve le dialogue entre le Christ et les Sadducéens (Marc 12:18-27) : là, Jésus lui-même lutte contre une compréhension forte de la résurrection personnelle. Il dit que dans le Royaume de Dieu, on sera comme des anges dans le Ciel, et qu’alors la question de savoir de qui on aura été le mari ou la femme sur Terre sera absente... Nous ressusciterons donc en Dieu, et dans son Royaume, nous serons sous une autre forme, forme spirituelle et non terrestre. C’est aussi ce que dira Paul dans 1 Cor. 15 : semés corps biologiques, nous ressusciterons corps spirituel, et le spirituel n’a rien à voir avec le biologique, c’est tout autre chose.
Mais néanmoins, il ne faut pas évacuer trop vite la question pour tomber dans une de théorie de l’immortalité de l’âme impersonnelle. Si le christianisme a voulu parler de résurrection des corps, même si on peut en faire une interprétation symbolique, ce n’est pas pour rien.
C’est d’abord, parce que, dans le christianisme, il n’y pas de dévalorisation du corps, pas d’âme immortelle qui serait opposée à un corps mauvais et mortel. Et puis, si l’on parle de « résurrection des corps », c’est pour dire qu’on prend en considération la personne toute entière. Cela s’oppose à deux autres théories possibles : la Réincarnation où une âme impersonnelle passe de corps en corps dont chacun est sans importance, et puis la foi dans une sorte d’éternité indistincte où nous nous dissoudrions dans un « grand tout ».
Pour le christianisme, l’individu est important, et notre corps, de notre vivant a une certaine importance. Or la fonction du corps, elle est avant tout fonctionnelle : il sert à l’action et à la relation.
On pourrait dire qu’après la mort pourtant, il n’y a plus d’action possible, mais en fait si. Si l’on considère la résurrection du Christ, quel est le « corps » du Christ ressuscité ? Paul nous dit que c’est l’Eglise, les croyants, ceux qui agissent à sa suite, fidèlement à lui et à son enseignement. Notre résurrection corporelle est donc déjà dans ceux qui agissent à notre suite, qui nous succèdent, nos enfants ou ceux que nous avons instruits, influencés positivement.
Le corps permet aussi la relation, or, il y a quelque chose d’éternel dans la relation. 1Cor 13:13 nous dit que tout passera, mais que l’amour demeurera éternellement. Dans toute vie, et de toute vie sera sauvé pour l’éternité tout ce qui aura été de l’ordre de l’amour. Donc oui, d’une certaine manière, nous retrouverons ceux que nous avons aimés et ceux-là seulement, parce que c’est la relation qui sera sauvée. Pas nos petites misères corporelles.
De même, le bébé mort, sera pour l’éternité comme un petit ange dans le ciel, petite boule de tendresse et de douceur éternelle.
Si l’on peut être ainsi contre la résurrection des corps vue d’une manière simpliste, vue d’un peu plus haut, elle est l’une des plus belles affirmations du christianisme. Parce que Dieu nous aime et nous sauve comme nous sommes, il ne nous épluche pas pour garder un je-ne-sais-quoi qui serait à l’intérieur, il nous prend tels quels et nous transfigure dans un regard d’amour. Dieu nous accepte, nous reçoit, nous aime et nous sauve pour l’éternité, comme il l’a fait pour le Christ.
Louis Pernot