Comme un homme que sa mère console, ainsi moi je vous consolerai
par Florence Blondon (novembre 2010)
Esaïe 66 : 13
Nous avons tous en tête ces images de Dieu en vieillard, barbu, bienveillant et sympathique, ou parfois intraitable et justicier. Mais qu'elles soient faites pour nous effrayer, ou pour nous apaiser, ces représentations sont-elles justifiées ? Il faut bien l'admettre, il est difficile de parler de Dieu autrement qu'en projetant des images de l'humain, en le parant de sentiments : la colère, la compassion... Il a des sens : il entend, il voit, il sent. Parfois, il se montre, il parle. La langue même de la Bible hébraïque, loin de toute tentation de conceptualiser, nous parle de son corps. Ainsi le nez est lieu de la patience. Pourtant je ne crois pas pour autant que Dieu ait un corps, qu'il se présente sous forme humaine. E>t les premieres chrétiens, puis es réformateurs, en obéissant au commandement qui interdit de se faire de représentations ont probablement fait preuve d'une certaine sagesse en maintenant cet interdit.
Pourtant, il nous faut bien dire Dieu, mais pour nous Dieu est Parole et c'est probablement en déployant toute la richesse symbolique du langage que l'on peut s'approcher d'une vérité qui de toutes façons nous échappe. Est-il possible de parler de Dieu autrement qu'en l'humanisant ? En lui donnant un corps, ou plutôt une chair.
Est-ce grave ? Est-ce une déviation ? Ou, au contraire,n'est-ce pas le coeur même de la foi chrétienne, la religion de l'incarnation. C'est dans notre chair qu'il est venu nous retrouver, faire l'expérience de l'humanité de la finitude. Cela signifie que Dieu n'est pas lointain, il est le tout Autre mais il est aussi mon prochain. Un père, une mère, un frère... Il me parle, il m'écoute, il me scrute... Finalement l'incarnation, c'est aussi une manière de se donner à voir.
Alors en effet il semble bien que projeter nos images ne soit pas si enfantin qu'il y parait, et cet effort pour dire Dieu, pour le connaître, a des conséquences également pour notre anthropologie, cela nous parle également de nous, pour reprendre Calvin, en ouverture de son Institution Chrétienne : "la connaissance de Dieu et de nous sont choses conjointes".
Pour essayer d'expliciter, je m'appuierai sur une certaine remise en cause de l'image "virile" de Dieu. Et si dans les Ecritures il semble bien que le plus souvent on évoque une image de Dieu plutôt masculine, et la tradition a insisté sur cet aspect, et sur l'aspect de la paternité, pourtant, d'emblée, le récit de la Genèse nous dit : "Dieu créa l'humain à son image, mâle et femelle, il les créa." La théologie féministe a eu le mérite de poiner un trop grand paternalisme, mais il ne faudrait pas tomber dans l'excès inverse. Et si l'on s'interroge sur le sexe des anges, il n'est pas spécialement pertinent de s'interroger sur le sexe de Dieu. C'est donc avec une certaine distance que pourtant nous pouvons entendre que Dieu prend aussi des attributs féminins, et ce, dans les deux Testaments.
Le texte qui précède la parabole du fils prodigue m'a toujours interpellée : l'histoire de cette femme qui perd et retrouve son drachme, et qui fait la fête avec ses amies (Luc 15 : 8-10) Dieu est là comparé à une femme qui cherche la pièce égarée. Et ce juste avant la parabole du fils prodigue, comme contrpoint à l'image paternelle. Le peintre Rembrandt a bien rendu cette part féminine dans la représentation du père, avec une de ses mains féminine posée sur l'épaule du fils retrouvé.
Mzis s'ilest un texte qui chante par sa poésie, c'est celui qui clôt le Livre d'Esaïe. Dieu accouche de son peuple, puis il est semblable à une mère qui prend soin de son tout petit. Ainsi Dieu se pare des prérogatives des femmes.
Cela nous invite à revisiter aussi ce qui est de l'ordre du masculin et du féinin chez l'humain : prendre soin, câliner, nourrir, ne sont pas que des prérogatives féminines.
Ces images ont donc un double bénéfice :
- d'une part elles donnent un éclairage critique sur nos façons d'être, homme ou femme, et nous rappellent que la tendresse peut être également une caractéristique masculine, et à l'inverse l'autorité peut être exercée par des femmes.
- d'autre part, elles pointent de manière critique les images dominantes de Dieu dans les religiens et même dans la Bible. Dieu, ce n'est pas que la colère, la toute puissance, la force. Il peut être le soin, la proximité, la douceur.
Mais, il faut bien se résoudre, on ne saura jamais si Dieu est homme ou femme. Il est au delà. Mais le texte d'Esaïe va plus loin, il reoturne nos schémas : "Comme un homme que sa mère console, ainsi moi je vous consolerai". "A son image, à sa ressemblance", nous disait le texte de la Genèse, mais ici ce n'est pas nous qui sommes le pâle reflet de Dieu, mais Dieu qui prend une image humaine et qui nous dit : "c'est moi qui vous ressemble". Ce n'est plus nous qui faisons le chemin vers lui, mais lui vers nous pour nous rejoindre, dans nos sentiments. Et il prend la forme qui njous parle le plus.
C'est ce que nous nous apprêtons à fêter : Dieu a pris cette forme qui nous parle le plus, en Christ, la Parole s'est faite chair, en Christ Dieu est devenu mon prochain.
Florence Blondon