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L'oreiller de Jésus

La tempête apaisée (Marc 4:35-41)

Prédication prononcée le 5 décembre 2021, au temple de l'Étoile à Paris,
par le pasteur  Louis Pernot

 

Les tempêtes apaisées, et celle de Marc

Un récit de tempête apaisée. Le sens global et assez simple parce que la mer dans la Bible représente le mal, l’épreuve, la mort. Notre vie est faite d’événements, de situations sur lesquelles nous naviguons tant bien que mal, et il arrive que tout cela puisse nous sembler menaçant. Nous nous trouvons alors comme dans une tempête, nous pouvons prendre peur devant ce qui semble vouloir nous abattre, rompre notre équilibre, notre bonheur, menacer notre vie même. Que Jésus calme la tempête est un message que l’on comprend, et on ne peut que le souhaiter de tout son cœur. L’Evangile nous dit qu’en effet, si nous avons Jésus avec nous, alors rien ne pourra nous abattre. Certes, Dieu n’enlève pas les difficultés. Il ne nous fait pas marcher à pieds secs comme Moïse traversant la Mer Rouge, l’eau est toujours là, les difficultés aussi, mais il permet que toutes ces puissances négatives ne nous menacent pas, et restent sagement à leur place. Le Christ fait que les événements sont ce qu’ils sont, mais qu’ils cessent d’être terrifiants. Et si on a la foi, alors on n’a pas peur, parce qu’on sait qu’en Jésus Christ nous sommes plus que vainqueurs dans toutes ces choses.

Cela, c’est le message général de tous les récits de tempêtes apaisées. Dans le cas de cet épisode raconté en Marc 4, il y a quelques particularités, voire des bizarreries et des questions qui permettent d’aller plus en profondeur dans le récit.

Une question, c’est par exemple de savoir que se serait-il passé si les disciples n’avaient pas réveillé Jésus, auraient-ils tous péri ? Et parmi ces bizarreries, il y a Jésus qui dit dormir dans la poupe sur le coussin, quel intérêt peut bien avoir ce détail ?

En quoi les disciples ont manqué de foi ?

Et puis, il y a la critique de Jésus à l’égard des disciples, il leur dit : « pourquoi n’avez-vous point de foi ? ». Cette critique me semble injustifiée, parce que les disciples ont tout de même appelé à lui en pensant qu’il avait le pouvoir de faire quelque chose. Dans le parallèle de Matthieu ils disent : « Seigneur, sauve-nous, car nous périssons ! » (Matt. 8:25). Cela semble bien un acte de foi ! On a la même difficulté dans l’évangile de Matthieu quand Pierre marche sur l’eau, il s’enfonce et crie « Seigneur sauve moi », mais Jésus lui dit « homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? » (Matt. 14:31). Qu’est-ce donc que la foi ? Il faut penser que ce n’est pas simplement de croire que Jésus pourrait nous sauver, mais si ce n’est pas de croire en Jésus le sauveur, qu’est-ce donc ?

Mauvaise foi

Dans la version du récit de Marc, on peut penser que la foi des disciples est juste mauvaise : leur relation à Jésus n’est pas bien placée. Au lieu de l’appeler au secours, ils lui font des reproches : « Maître, cela ne te fait-il rien que nous périssions ? ». Dans l’appel même des disciples à Jésus, il y a deux choses éminemment perverses. D’abord, ils ne l’appellent pas « Seigneur », mais « maître », « professeur », « δῐδάσκᾰλος » en grec. Ils ne le considèrent que comme un maître, un enseignant, comme si un discours intellectuel pouvait nous sauver. Croire en Christ, ce n’est pas adhérer à une dogmatique. La foi qui sauve n’est pas l’adhésion à une doctrine, ou croire à un discours théologique, notre croyance ne nous sauvera jamais de rien. Ensuite ils reprochent à Dieu, à Jésus d’être inactifs, alors qu’en fait, et nous le verrons, ce sont eux qui sont en cause. Que fait Dieu ? Dieu fait tout ce qu’il faut, mais ce n’est pas en l’engeulant qu’on fait preuve de foi.

Encore que finalement, cette attitude purement humaine des disciples qui s’adressent au Christ en lui faisant des reproches, en fin de compte, va susciter son action et va donc les sauver. Et ainsi, même l’absence de foi, la foi mauvaise peut être source de notre salut. Jésus va donc les sauver néanmoins et leur reprocher après leur manque de foi. Le manque de foi des disciples n’est donc probablement pas dans l’appel maladroit qu’ils font à Jésus, fut-il maladroit. Appeler Dieu au secours est toujours une bonne idée, et il ne faut pas avoir peur de le faire même maladroitement. Jésus a dit : « je ne mettrai pas dehors quiconque vient à moi » (Jean 6:37), il n’a pas dit : quiconque vient à moi avec une foi admirable, juste ou comme il faut... Même quand on vient vers Jésus tout tordu, mal-foutu, et avec une foi débile comme disait Calvin, c’est-à-dire faible et mal positionnée, quand on vient vers Jésus, il sort de son trou, il menace les vents et la mer et un grand calme se fait.

D’ailleurs dans les parallèles de notre récit en Matthieu et en Luc, les disciples s’adressent très bien à Jésus en lui disant, « Seigneur, sauve-nous car nous périssons » (Matt. 8:25), et ils écopent du même reproche ! Il s’agit donc d’autre chose, et de plus grave.

La foi est courage d’être

Il faut donc chercher ailleurs le manque de foi des disciples, et s’il n’est pas au moment de l’appel, c’est qu’il est dans ce qui précède. Le problème de Pierre marchant sur l’eau, c’est qu’il a pris peur, et c’est ce que Jésus reproche aux disciples : « pourquoi êtes-vous peureux, n’avez-vous pas de foi ? ». Voici une première piste : la foi s’oppose à la peur.

La peur n’est pas bonne. Il ne s’agit pas d’une juste conscience du danger, il ne s’agit pas non plus de la crainte révérente que l’on peut avoir vis à vis de l’Éternel, mais de la peur, c’est-à-dire de la couardise. Jésus dit sans cesse « n’ayez pas peur ». Or on l’entend souvent dans le sens : « n’ayez pas peur parce que je suis là et vous soutiendrai », mais on pourrait l’entendre autrement en disant, ce n’ayez pas peur est « ne soyez pas couards, dans votre vie, ne soyez pas peureux, n’ayez pas peur de tout et de n’importe quoi, mais soyez audacieux et confiants. Ayez du courage ».

Le courage, c’est celui de Pierre qui sort de sa barque et n’a peur de rien, c’est celui d’Abraham qui part sans savoir où il allait, celui de Noé qui construit l’Arche, et on pourrait continuer à citer cette longue liste d’exemple de fois donnée par l’épître aux Hébreux au chapitre 11. Le chrétien n’a peur de rien, il avance confiant dans le combat parce qu’il sait que rien ne peut l’abattre. Certainement, y a-t-il là un éloge du courage, une condamnation de la couardise, parce que le chrétien doit avoir un certain courage. Au départ, courage de la conversion, tout acte de conversion, même personnelle est un acte de courage. Et ensuite, courage de l’action, courage de vivre, courage d’aller vers l’autre. Le courage de vouloir chanter, le courage d’accepter de sortir de soi, le courage de se battre dans le monde, le courage d’affirmer ses propres positions, Le courage d’être , titre du magnifique livre du théologien Paul Tillich qui a développé cette idée remarquablement.

Jésus dort et la foi meurt

Mais la peur n’explique pas tout. En particulier, il n’en est pas question dans la version de Luc (Luc 8:22-25), pourtant là aussi Jésus reproche aux disciples leur manque de foi. L’erreur la plus fondamentale, on la retrouve dans les trois récits, c’est que Jésus dort !

Voilà leur erreur : avoir laissé dormir le Christ. Certes Jésus est avec eux, mais un Jésus qui sommeille, un Jésus qui dort ne sauve pas. Si en fait, il sauvera, mais seulement quand il sera réveillé. Tant qu’il dort il ne sert à rien. Ils l’ont laissé dormir, parce qu’ils ont cru que leur science, leur compétence pourrait suffire, ils se sont crus plus forts que tout, plus forts que les éléments. De ce côté-là on ne peut pas dire qu’ils aient manqué de foi, mais ils avaient simplement une foi mal placée, ils avaient une sorte de confiance aveugle et idiote, une confiance excessive en eux-mêmes. Cela doit tempérer ce que nous avons dit sur le courage, il ne faudrait pas le comprendre comme une incitation à vivre d’une manière inconsidérée, au mépris de tout danger, et en se croyant à l’abris de tout. Il n’est pas question, bien sûr, de dire : « faites n’importe quoi et vous arriverez à tout », il y a des situations qui peuvent se révéler extrêmement délicates voire dangereuses, et dans lesquelles nous risquons même de nous perdre.

L’erreur a été de laisser le Christ dormir. Jésus était présent, mais leur foi était endormie. La situation va ainsi dégénérer, parce que quand la foi est endormie, les éléments matériels morbides de notre existence risquent de se rappeler à nous d’une manière radicale et de nous menacer. Ils réveillent le Christ, ils réveillent leur foi, ils ressuscitent le Christ dans leur existence (le verge « διεγείρω» est traduit ailleurs par « ressusciter »). Et alors, Jésus pourra agir dans leur vie. Certes ils auront droit aussi à une remontrance, ce qui n’est pour eux pas nécessairement confortable, mais c’est aussi vital. Parce que l’Evangile est une bonne nouvelle, mais il est aussi quelque chose qui nous remet en cause, sans nous culpabiliser, mais qui nous questionne.

Jésus à la poupe

Et puis Marc nous donne deux autres éléments sur la manière avec laquelle leur foi était endormie : Jésus était « dans la poupe et sur un coussin ». La poupe, c’est l’arrière du bateau, normalement à cet endroit se trouve le marin qui tient une sorte de long gouvernail. Ça aurait pu être une bonne place pour Jésus d’être au gouvernail, mais si le Christ y dort au lieu d’y être présent et actif, on risque effectivement d’aller n’importe où et de se tromper de direction. En fait, Jésus aurait pu, ou aurait dû plutôt être à l’avant, Jésus devant, comme figure de proue qui ouvre la voie devant nous, voilà qui aurait été bien. Mais non, il était derrière.

On a retrouvé il y a peu une grande barque de pêcheur à Tibériade, et on a vu qu’il y avait en effet sous la poupe un espace clos où quelqu’un pouvait se loger. Donc Jésus ne dérangeait pas non plus celui qui tenait le gouvernail, il nous fait confiance d’ailleurs et nous laisse faire, toujours. Mais là, il était donc enfermé dans le fond et il dormait à l’arrière. Et quand Jésus est derrière notre vie et pas devant, nous sommes en danger. C’est l’image de cette foi dans un Christ qui a pu avoir autrefois, dans le passé, peut-être, une importance, et nous l’avons laissé dormir, et il devient quelque chose du passé. Quelque chose qui nous suit gentiment, mais sans vie.

Alors ne vous en faites pas, il y a toujours moyen de réveiller Jésus. Peut-être en effet savons-nous bien le faire quand, comme les disciples, nous sommes dans les situations délicates, difficiles, menaçantes, angoissantes, on est tous un peu comme ça. Evidemment, c’est mieux quand Jésus reste vivant éveillé, vif, présent à nos côtés en toute chose. Mais en tout cas, même si on l’a laissé dormir, tant qu’il est dans notre barque, on peut toujours l’appeler et lui sera toujours là pour nous sauver.

Tant qu’il est dans votre barque... C’est ce que nous disons à nos catéchumènes au moment de leur confirmations : nous savons bien que leur foi ne sera peut-être pas toujours un modèle de vie, d’action et d’engagement, mais nous leur suggérons de toujours garder le contact avec le Christ, avec l’Eglise, avec la communauté, avec les pasteurs, il faut garder le contact, que Jésus soit dans votre vie, même s’il est endormi, car alors il pourra se réveiller dès que vous l’appellerez il sera là.

Donc Jésus dort à la poupe, image de ce Christ relégué dans un passé dans lequel on l’enferme, et on pourrait aller plus loin parce que le Christ est aussi l’incarnation de la parole, et l’enfermer dans le passé, c’est aussi l’attitude des fondamentalistes qui prennent le texte, la parole du Christ et qui l’enferment dans le passé c’est-à-dire dans ce qu’elle était, sans lui donner la possibilité de parler de nous et de sortir de sa boîte. La parole du Christ est comme Jésus qui doit sortir de son fond de cale, sortir du passé dans lequel on l’enferme et c’est tout le travail de l’exégèse historico-critique qui consiste à replacer les paroles du Christ dans leur contexte historique, c’est ce que tente de faire la prédication qui vise précisément à actualiser la parole du Christ à ne pas la laisser enfermée à l’arrière sous ceux qui dirigent les rames, mais à la mettre vivante avec nous, dialoguant avec nous, et en étant en débat et en discussion, parce que dans ce débat, il y a de la vie possible. Parce que, en effet, ce qui va sauver les disciples de la tempête, c’est bien le dialogue, même s’il est mauvais. Les disciples parlent à Jésus, Jésus leur répond, Jésus se réveille et il agit.

L’oreiller du Christ

Autre menace difficile à interpréter, c’est la mention du coussin. Marc est le seul à dire que Jésus reposait sur un coussin. Les commentateurs sont assez discrets sur ce détail en disant que c’est juste pour dire qu’il était bien installé, et pensent que c’est simplement pour insister sur l’image de cette foi endormie.

On imagine, par ailleurs, le Christ endormi sur un coussin doré. C’est trop souvent vrai aujourd’hui, Christ dort sur les velours de nos liturgies, sur nos autels, sur les fastes de notre Eglise, sur les lieux où nous prétendons mettre Jésus à l’honneur, sur un coussin bordé de cordons dorés mais en fait, sur ces coussins, Jésus il dort. Jésus n’est pas vivant sur ce coussin. Or Jésus n’est jamais actif ainsi dans le confort, il l’est quand il est debout, au combat, dans l’action, dans le dialogue.

En fait, il ne s’agit pas vraiment d’un coussin. En grec, il y a « proskephalaïon » (προσκεφάλαιον) mot qui signifie littéralement « pour la tête ». Donc ce n’est pas vraiment un coussin, mais c’est un oreiller. Les oreillers de l’époque n’étaient pas du tout des coussins confortables, bien garnis de plumes d’oie, mais pouvaient être même des éléments en bois, avec une forme permettant de surélever la tête de façon à ce qu’elle soit à la hauteur des épaules quand on est couché sur le côté. Donc ce pouvait être même une pierre. Comme la pierre de Jacob sur laquelle il avait dormi lors de son célèbre songe de l’échelle, pierre qu’il avait ensuite prise pour faire un autel pour adorer Dieu. C’est donc quelque chose pour reposer sa tête. C’est par là qu’il faut chercher ! Et on pense alors à ce que Jésus avait dit : « les oiseaux du ciel ont des nids et les renards ont des terriers, mais le fils de l’homme n’a pas un endroit où reposer sa tête » (Matt. 8:20). Donc normalement, Jésus ne devrait pas avoir d’oreiller. La foi des disciples était une foi endormie qui s’oppose à la foi qui devrait être en un Jésus qui ne se repose jamais, et de ce Jésus qui n’appartient à personne. « Les renards ont des terriers... » mais le fils de l’homme n’a pas un endroit défini parce qu’il est partout. Notre foi endormie est d’autant plus menacée lorsque nous prétendons fixer le Christ dans un lieu, ou nous le garder pour nous. Le texte le dit bien, il y avait d’autre barques autour, mais les disciples s’étaient réservés le Christ pour eux tout seuls, et prétendaient en être comme propriétaires, même si cela ne leur servait pas à grand-chose. « Les renards ont des terriers... » et Jésus habite chez moi, sur mon oreiller, dans mon Eglise, dans mon temple, dans ma lecture de la Bible, j’ai mon Jésus et je l’enferme au fond de la poupe, sa tête bloquée. Mais normalement la tête de Jésus n’a pas un endroit pour se reposer, parce que personne ne peut s’en prétendre propriétaire, et sa tête peut parler partout et à tous azimuts.

L’autre référence éventuelle de cet oreiller se trouve dans l’Ancien Testament. Le mot « προσκεφάλαιον », y apparaît deux fois, dans le livre du prophète Ezéchiel (13:18-20), où le mot est traduit, en général par « coussinet » et ce sont des coussinets d’idolâtrie, des coussinets sur lesquels les idolâtres déposaient une image de leur idole. Autre image de la mauvaise foi, c’est la foi idolâtre, lorsque nous prenons notre Jésus comme une idole, comme un talisman et que nous l’adorons de manière idolâtre, c’est-à-dire en l’enfermant dans notre représentation. « Tu ne te feras pas de représentation de Dieu pour l’adorer » dit l’une des 10 paroles, ce qui peut s’entendre dans le sens : « tu n’enfermeras jamais Jésus dans une dogmatique, dans une théologie, à l’arrière au fond de la poupe, remplaçant le gouvernail, tu ne te feras pas une représentation de Jésus telle que tu considères qu’elle soit ce qu’il faut adorer ». Ceux qui me critiquent sur ma christologie parce que prétendument je ne crois pas suffisamment dans la divinité du Christ, dans la résurrection, dans je ne sais quoi, ceux-là sont des idolâtres. Ils veulent enfermer le Christ dans leur propre représentation, et en faire une sorte de divinité, comme s’il y avait là quelque chose de sacré à adorer. C’est de l’idolâtrie, et alors Jésus s’endort comme un rien.

Les disciples vont réveiller Jésus. Nous l’avons dit, c’est une bonne nouvelle, ce Christ endormi peut toujours se réveiller. Certes, ce réveil va d’ailleurs n’être pas évident : ils le réveillent, et ensuite le texte remet une deuxième fois « il se réveille ». Il se réveille deux fois dans le texte ! Jésus peut toujours être réveillé pour qu’il devienne actif, mais ça peut demander un petit travail de remettre sa foi en route, comme redémarrer une vieille voiture qui n’a pas tourné depuis longtemps, ce n’est pas évident. Il faut un peu de patience.

Moi et toi, sauve donc !

Et puis après, Jésus va calmer la tempête. D’accord, mais que serait-il advenu si Jésus ne l’avait pas fait, si les disciples l’avaient laissé dormir ? On peut penser qu’il ne serait rien arrivé de fâcheux, Jésus le dit lui-même : il fallait avoir confiance, ne pas avoir peur, donc Jésus peut être dormait parce qu’il avait juste confiance, il dormait en sachant que cette tempête ne les tuerait point. Mais dans ce cas, quand les disciples réveillent Jésus, celui-ci calme quand même concrètement la tempête, et grâce à lui qu’un grand calme se fait. Il ne se contente pas de dire aux disciples, « pas de panique, cette prétendue tempête n’est qu’un petit vent frais qui ne vous fera aucun mal, gardez la foi, gardez la confiance et tout ira bien ». Il calme vraiment la tempête, et pas les disciples, le texte est clair : il calme la tempête et gronde les disciples. C’est donc que la tempête était une vraie menace. Et si Jésus n’avait pas été réveillé, on peut bien croire qu’il aurait péri avec les disciples. Il y a donc un enjeu considérable, à ce que nous réveillions ce Christ qui dort en nous : ce n’est pas seulement notre petite existence qui est en cause, c’est plus que ça. En nous réside l’enjeu même de la présence vivante et active du Christ dans ce monde. Paul, dit : « vous êtes le temple de Dieu » (I Cor. 3:16), et si le temple est détruit, Dieu disparaît. S’il n’y a plus de chrétiens, si les protestants perdent leur foi, où sera Jésus dans le monde, quelles tempêtes pourra-t-il calmer ? Donc oui, quand notre foi meurt, nous laissons mourir le Christ avec nous. Heureusement, le Christ n’est pas présent dans une seule barque, il est présent dans la barque de chacun, et si nous sommes seuls en cause, cette disparition ne serait pas universelle, mais néanmoins, nous avons une responsabilité de faire vivre et de maintenir en vie le Christ dans notre monde et pour qu’il soit présent, afin de pouvoir sauver les autres et calmer les tempêtes.

Mort et résurrection du Christ

Et enfin, Jésus est réveillé, il dormait auparavant, et il est réveillé. Deux verbes qui vont beaucoup plus loin que ce que nous imaginions. En effet, le sommeil peut être une image de la mort, (comme c’est dit dans l’évangile de Jean à propos de Lazare où il parle « du sommeil de la mort » (Jean 11:13)), ensuite, Jésus se réveille : « diegeirein », c’est le mot de la résurrection, verbe traduit ailleurs par « ressusciter ». Donc dans notre texte, Jésus est mort et ressuscite, excusez du peu !

Nous pouvons ainsi comprendre que la mort du Christ et sa résurrection sont des événements non pas tant historiques ou cosmiques, mais que nous pouvons tous expérimenter dans notre existence. La mort du Christ, c’est lorsque notre foi s’assoupit, lorsque, comme les disciples au moment de l’arrestation nous nous enfuyons, ou que nous le renions comme Pierre au tribunal. Quand nous laissons Jésus s’endormir en nous, il est lui-même cloué sur une croix, même s’il est posé sur un coussin, parce qu’à ce moment-là effectivement Jésus est comme mort. Mais il peut ressusciter, quand nous le réveillons en nous, quand il se lève, il ressuscite, et du coup même il calme la tempête qui nous menaçait. Jésus ressuscite, il enlève toute puissance de nuisibilité à la mort, et nous naviguons sur la mer en confiance. Il se sauve lui-même de la mort et il nous sauve. C’est le cri de la liturgie juive pour le jour de la fête des Rameaux « jour du grand hosanna » : « ani vahou hoshiannah » : « moi et lui, sauve donc ! » Sauve-toi toi-même et en te sauvant, tu nous sauves. Jésus a donc vaincu la mort, il s’est sauvé, et en calmant la tempête, il se sauve et il nous sauve.

Mais là nous avons une information de plus, c’est qu’il nous appartient d’être les déclencheurs, les moteurs de la résurrection du Christ. Jésus ressuscitera si nous le réveillons par nos chants, par nos prières, par nos paroles, par nos appels, fussent-ils maladroits, fussent-ils même faux d’un point de vue doctrinal, peu importe, dès que vous parlez à Jésus il vous répond, ils se réveille et il vous répond. N’ayez pas peur, frères et sœurs, votre sauveur est présent dans votre vie, même s’il dort, même s’il est enfermé dans un coin sombre, parlez lui, et il se sauvera lui-même et il vous sauvera.

Louis Pernot

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Marc 4:35-41

35Ce même jour sur le soir, Jésus leur dit : Passons sur l’autre rive. 36Après avoir renvoyé la foule, ils l’emmenèrent dans la barque où il se trouvait, et il y avait aussi d’autres barques avec lui. 37Il s’éleva une forte bourrasque, et les vagues se jetaient dans la barque au point qu’elle se remplissait déjà. 38Et lui, il dormait à la poupe sur le coussin. Ils le réveillèrent et lui dirent : Maître, tu ne te soucies pas de ce que nous périssons ? 39Il se réveilla, menaça le vent et dit à la mer : Silence, tais-toi. Le vent cessa et un grand calme se fit. 40Puis il leur dit : Pourquoi avez-vous tellement peur ? Comment n’avez-vous pas de foi ? 41Ils furent saisis d’une grande crainte et se dirent les uns aux autres : Quel est donc celui-ci, car même le vent et la mer lui obéissent ?

 

Marc 4:35-41