Le poisson qu'est le Christ
Prédication prononcée le 1er avril 2012, au temple de l'Étoile à Paris,
par le pasteur Louis Pernot
Le poisson d'avril est une facétie païenne, et pourtant, elle a bien une origine chrétienne. C'est assez inhabituel, puisqu'ordinairement, les fêtes religieuses ont presque toujours une origine païenne, ici c'est le contraire. Le 1er avril était à l'origine le début de l'année, et ce jour était pendant le carême où les chrétiens ne mangeant pas de viande mangeaient du poisson. Or le poisson a fort à voir avec la Passion, c'est ainsi en particulier que si les chrétiens mangeaient autrefois du poisson le vendredi, c'était en mémoire du vendredi saint, jour de la mort du Christ.
Et si l'on mangeait du poisson le vendredi saint, c'était parce que le poisson était une image du Christ, et cela dès le début du Christianisme. Ainsi Tertullien au IIe siècle (De Bapt I) puis Ambroise (Sac. III 3 :18) ont écrit que Jésus Christ était « le grand poisson ». Et l'un des premiers symboles chrétiens, bien avant la croix qui n'est apparue qu'au IIIe siècle était le poisson.
Poisson-croix
Il y a bien des raisons pour cela.
La plus connue est que le mot « poisson » en grec : IChTUS est un acrostiche de « Iesous Christos, Theou, Uios Soter » c'est-à-dire : « Jésus Christ, Fils du Dieu Sauveur ».
ICHTUS
Or c'est là une confession de foi formidable qui dit tout l'essentiel sur Jésus : il est le Christ, c'est-à-dire le Messie, celui qui accomplit pour nous les promesses de Dieu, celui qui nous donne en plénitude ce que Dieu veut nous donner. Il est fils de Dieu, donc il en est le représentant, il tire son être de Dieu lui-même, il est enfanté par lui en plénitude. Tous nous sommes invités à être enfantés par Dieu, à être ses enfants, mais lui l'a été pleinement. Et il est sauveur parce qu'il nous sauve, de la mort, de la peur de la mort, ou de la peur tout simplement, du non sens et de l'absurde, de la culpabilité et de la finitude ou de l'aliénation.
Cela est bien connu mais ce n'est pas tout, et il y a bien d'autres raisons cachées pour ce choix du poisson. Le poisson est un animal extrêmement intéressant, et qui nous apprend beaucoup sur ce que Dieu peut nous apporter dans notre vie. Avant même le Christ, dans la tradition juive, le poisson avait une place particulière, il est dit même que le roi Salomon avait prêché sur le poisson, on ne sait pas ce qu'il a dit, mais sans doute avait-il de grandes choses à dire. La tradition rabbinique nous en a livré beaucoup.
Un premier élément remarquable concernant le poisson, est que, dans la loi juive, il n'a pas besoin d'abatage rituel pour être Casher, c'est donc une nourriture que le juif peut partager avec tout le monde, même les païens. Or c'est là une des dimensions essentielles du message du Christ de s'adresser à tout le monde, d'annoncer un salut qui n'est pas réservé aux juifs seuls, mais qui peut être partagé par tous, même les païens.
Pour nous aujourd'hui, cela est intégré depuis longtemps, mais nous devons sans doute continuer dans ce sens et dire que la bonne nouvelle de l'Evangile n'est pas réservée à ceux qui sont de « bons » chrétiens, ou bons pratiquants, ou à ceux qui croient bien comme il faut à tout le dogme. La bonne nouvelle, c'est que l'amour et la grâce de Dieu n'ont rien à faire des frontières ecclésiastiques, dogmatiques, morales que nous voulons mettre. Tous sont invités, sans restriction à entrer dans l'amour de Dieu et à partager la bonne nouvelle de sa grâce.
Ensuite, et c'est sans doute un point central de la question : le poisson vit dans l'eau. Or l'eau de la mer, dans la Bible, c'est un milieu hostile, c'est là où l'on ne peut pas vivre normalement, c'est l'eau du Déluge, de la tempête, c'est l'épreuve, et la mort. Le poisson, lui, est merveilleux, parce qu'il parvient à vivre précisément dans ce milieu de mort. On comprend tout de suite le lien avec le Christ : lui qui a traversé la mort, et dont on annonce la résurrection pour dire que la mort ne l'a pas emporté vers le néant, mais il y a survécu, d'une certaine manière.
Le fait est que Dieu ne nous promet pas d'éviter l'épreuve, ou de ne jamais mourir, mais de pouvoir y survivre. Comme dit le Psaume 23 : même dans vallée d'ombremort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi. Et c'est ainsi même que, comme le poisson, ce qui devait nous tuer, peut devenir ce qui nous fait vivre.
Le chrétien ne se complait pas dans les épreuves, mais il est comme amphibie, il peut vivre dans l'air, et peut vivre aussi dans l'eau, ainsi que le dit Paul : « J'ai appris à être content de l'état où je me trouve. Je sais vivre dans l'humiliation, et je sais vivre dans l'abondance. En tout et partout j'ai appris à être rassasié et à avoir faim, à être dans l'abondance et à être dans la disette. Je puis tout par celui qui me fortifie. » (Phil. 4 :11ss).
L'Histoire de Jonas permet d'aller un peu plus loin : Jonas est perdu dans la mer, et c'est un poisson (pas une baleine qui serait un mammifère) qui vient et le sauve. Survivre dans l'épreuve n'est donc pas qu'un effort de volonté de notre part, quelque chose que nous pourrions faire grâce à notre grande foi, ce peut être aussi grâce à l'aide de Dieu, Dieu qui, comme ce grand poisson, nous prends dans ses bras, dans sa tendresse, nous entoure nous protège et nous sauve.
Mais l'eau est un symbole compliqué dans la Bible, ce peut être en effet symbole de mort, mais parfois aussi de vie et de bénédiction, en particulier quand elle est en petite quantité, comme l'eau de la source qui donne vie au voyageur assoiffé, ou celle de la douce pluie qui fait fleurir le désert. Cette eau là, c'est celle que l'on utilise dans le baptême par affusion que l'on offre aux enfants. Le poisson est alors un animal béni qui vit en permanence dans, et de cette bénédiction de Dieu, il en fait son milieu naturel, sa nourriture et sa source de vie. C'est une belle image, parce que le chrétien, s'il a été baptisé a reçu un jour le signe de cette grâce. Mais la grâce n'est pas limitée au moment du baptême. Heureux celui qui sait justement rester toute sa vie dans l'eau de son baptême pour en vivre, en faire son milieu naturel et la source permanente de ce qu'il est.
Ensuite il y a d'autres choses que l'on dit sur le poisson, comme le fait qu'il grandisse toute sa vie, ce qui fait qu'on a même pensé qu'il pouvait être éternel. Or en tant qu'être humain, physiquement à partir d'un certain âge, notre croissance s'arrête et notre corps ne fait plus que se dégrader jusqu'à la mort. Mais ce n'est pas une fatalité, car intérieurement, spirituellement, on peut toujours être en croissance, on peut apprendre, grandir, progresser, dans la sagesse, le détachement, l'amour, la tolérance.... et c'est ainsi que Paul dira : 2Cor 4 :16 : « même si mon être extérieur se dégrade, mon être intérieur se renouvelle de jour en jour ».
On a dit aussi que le poisson était particulièrement fécond : c'est vrai, il produit une grande quantité d'œufs, comme la vie du Christ ou celle du chrétien est une vie qui transmet de la vie, qui donne infiniment aux autres, et c'est bien
Mais plus important, et c'est un point noté depuis longtemps dans la tradition rabbinique : le poisson n'a pas de paupières ce qui fait qu'il garde constamment les yeux ouverts. Il y a même des poissons qui ont quatre yeux (Anableps anableps). Il est ainsi l'image du voyant, de celui qui a toujours la lumière. Or le Christ a guéri quantité d'aveugles, il a dit : « je suis la lumière du monde, celui qui me suit ne sera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie » (Jean 8:12). Trop de gens se comportent comme des aveugles, passant à côté de l'essentiel, ne sachant pas regarder les autres, ne sachant où ils vont. Et la foi, c'est le regard, c'est sortir de soi, de son nombril, pour se projeter vers l'autre, pour le regarder, l'accueillir, le comprendre. La foi, c'est une visée, c'est ne pas rester où l'on est, mais regarder au loin pour savoir où l'on veut aller. Le croyant doit être comme cela : quelqu'un qui garde toujours les yeux ouverts, un clairvoyant sachant voir l'essentiel qui est pourtant invisible pour les yeux physiques, c'est celui qui veille, et toujours scrute, observe, regarde, réfléchit...
Et puis il y a un sens plus caché, sans doute moins connu, peut-être était-ce un des secrets de Salomon : il vient de ce que le poisson en hébreu se dit « DaG », or dans l'autre sens, « GaD », signifie « le bonheur » (c'est devenu un prénom juif). Donc le poisson a à voir avec le bonheur.
Et il est vrai que ce que nous donne le Christ, c'est le bonheur, pas les plaisirs terrestres ou matériels passagers, mais un bonheur profond qui est au delà du fait qu'on rie ou qu'on pleure. Il dira ainsi : heureux ceux qui pleurent... ceux qui ont faim... (Matt 5), parce que même ceux là peuvent être heureux. Et nous retrouvons là le premier sens évoqué, même dans la mer, même dans l'épreuve, avec l'aide de Dieu, on peut être heureux d'une certaine manière, parce que le bonheur, ce n'est pas de profiter en bronzant au soleil, le bonheur, c'est une dynamique, une marche, le bonheur, c'est une harmonie, un état profond de sécurité et d'amour. Et tout cela, nous pouvons le toucher du doigt dans la foi. Ainsi, quelles que soient les conditions, nous pouvons être heureux... comme des poissons dans l'eau.
Mais ce bonheur n'est pas donné tout fait. Le poisson, c'est le bonheur, mais dans le désordre, tous les éléments sont donnés, mais il faut les remettre dans le bon sens. Dieu nous offre le bonheur, mais comme en kit, comme un puzzle, il faut se donner la peine d'en prendre les pièces et de les mettre intelligemment dans le bon sens.
Quoi qu'il en soit, l'Evangile est plein de passages avec des poissons, des pêches miraculeuses, de pêcheurs. Et nous sous estimons certainement cela. On parle ainsi de la « multiplications des pains » en oubliant qu'il y avait aussi des poissons. On parle de la Cène avec le pain, mais on oublie que le Christ ressuscité, la première chose qu'il fait dans Jean, c'est de partager avec ses disciples une grillade de poissons (Jean 21:11). Et pour cela, nous devons, comme les disciples, être des pêcheurs.
C'est ça le sens de notre vie : aller chercher dans ce monde difficile et ténébreux toutes ces parcelles de vies qui s'y trouvent comme des poissons, et les manger, en vivre, et avec l'aide du Christ, on peut en trouver beaucoup, même là où on ne l'imaginait pas. Et puis aussi, nous pouvons trouver ce grand poisson qui est le Christ, c'est une nourriture extraordinaire, il faut le prendre, le manger, le mettre en soi, source infinie de bienfait. Et savoir aussi que nous pouvons nous laisser manger par lui, pour que nous soyons à l'intérieur de lui, que nous vivions en lui sauvés, comme Jonas, afin que nous puissions dire à l'image de Jésus : Ne crois-tu pas que je suis dans le Père, et que le Père est en moi? (Jean 14 :10)
Voir à ce sujet le dossier: illustrations paléochrétiennes sur ce même site:
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Jonas 1
La parole de l'Éternel fut adressée à Jonas, fils d'Amittaï, en ces mots : Lève-toi, va à Ninive, la grande ville, et crie contre elle ! Car sa méchanceté est montée jusqu'à moi.
Alors Jonas se leva pour s'enfuir à Tarsis, loin de la face de l'Éternel. Il descendit à Jaffa et trouva un navire qui allait à Tarsis ; il paya le prix du transport et s'embarqua avec les gens pour aller à Tarsis, loin de la face de l'Éternel. Mais l'Éternel fit souffler un grand vent sur la mer, et il s'éleva sur la mer une grande tempête. Le navire menaçait de se briser. Les marins eurent peur, ils implorèrent chacun leur dieu et lancèrent dans la mer les objets qui étaient sur le navire pour s'en alléger. Jonas descendit au fond du bateau, se coucha et s'endormit profondément. Le chef d'équipage s'approcha de lui et lui dit : Pourquoi dors-tu ? Lève-toi, invoque ton Dieu ! Peut-être que ce Dieu se modérera à notre égard, et nous ne périrons pas. Ils se dirent l'un à l'autre : Venez, et tirons au sort, pour connaître celui qui nous attire ce malheur. Ils tirèrent au sort, et le sort tomba sur Jonas. 8Alors ils lui dirent: Explique-nous qui nous attire ce malheur. Quelles sont tes affaires, et d'où viens-tu ? Quel est ton pays, et de quel peuple es-tu ? Il leur répondit : Je suis hébreu et je crains l'Éternel, le Dieu des cieux qui a fait la mer et la terre ferme. Ces hommes furent saisis d'une grande crainte et lui dirent : Qu'as-tu fait là ! Car ces hommes savaient qu'il fuyait loin de la face de l'Éternel, parce qu'il le leur avait expliqué. Ils lui dirent : Que te ferons-nous, pour que la mer se calme envers nous ? Car la mer était de plus en plus démontée. Il leur répondit : Prenez-moi, jetez-moi dans la mer et la mer se calmera envers vous ; car je sais que c'est moi qui attire sur vous cette grande tempête...
ils prirent Jonas et le jetèrent dans la mer, et la fureur de la mer s'arrêta. Ces hommes furent saisis d'une grande crainte de l'Éternel. Ils offrirent un sacrifice à l'Éternel et firent des vœux.
L'Éternel fit intervenir un grand poisson pour engloutir Jonas, et Jonas demeura dans les entrailles du poisson trois jours et trois nuits. Jonas, dans les entrailles du poisson, pria l'Éternel, son Dieu. ..
L'Éternel parla au poisson qui vomit Jonas sur la terre ferme
I Rois 5:9-14
Dieu donna à Salomon de la sagesse, une très grande intelligence, et des connaissances étendues comme le sable qui est au bord de la mer. La sagesse de Salomon surpassait la sagesse de tous les fils de l'Orient et toute la sagesse des Égyptiens. Il était plus sage qu'aucun homme, plus qu'Étân, l'Ézrahite, plus qu'Hémân, Kalkol et Darda, les fils de Mahol ; et sa renommée était (répandue) parmi toutes les nations environnantes.
Il a prononcé trois mille proverbes, et ses chants sont (au nombre de) mille cinq. Il a parlé sur les arbres, depuis le cèdre du Liban jusqu'à l'hysope qui sort du mur ; il a aussi parlé sur les bêtes, sur les oiseaux, sur les reptiles et sur les poissons.
On venait de tous les peuples pour entendre la sagesse de Salomon, de la part de tous les rois de la terre qui avaient entendu (parler de) sa sagesse.