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56, avenue de la Grande-Armée, 75017 Paris

La résurrection et la vie éternelle

Prédication prononcée en octobre 2006 sur les antennes de France Culture (Présence Protestante)

par le Pasteur Louis Pernot

 

(Voir les textes bibliques à la fin de la page)

En théorie, la résurrection et la vie éternelle sont des croyances fondamentales du christianisme. Mais concrètement, elles sont vécus de façon assez différente par les uns et les autres. Pour certains, la croyance en la résurrection représente le fondement de leur espérance, alors que pour d'autres il s'agirait plutôt d'une chose difficile à croire, d'un obstacle à la foi.

Dans une première approche du christianisme, on pourrait considérer que cette croyance dans la résurrection est accessoire. D'abord, il n'en est pratiquement pas question dans l'Ancien Testament, elle n'apparaît que dans la tradition orale des juifs, c'est pourquoi les Sadducéens qui s'en tenait au texte écrit de l'ancien Testament n'y croyaient pas.

Mais il est vrai que Jésus, lui, y croyait.

Cependant, devrions nous refuser le titre de chrétien à quelqu'un qui adhérerait à tout l'Evangile, en laissant de côté cette question de la vie après la mort ? Après tout, l'essentiel, n'est-il pas dans le commandement d'amour, dans la grâce, dans le service, le don de soi et l'humilité ? Et de toute façon, disent ceux qui n'y croient pas (ou pas tellement) : « qu'est-ce que cela change à ma façon de vivre, qu'il y ait une vie éternelle ou pas ? Même s'il n'y a pas de résurrection, l'essentiel n'est-il pas de faire le bien, de croire en la présence de Dieu, de croire au secours qu'il apporte à celui qui se tourne vers lui, de croire à sa bienveillance qu'aucune faute ne peut diminuer... ? ». L'essentiel de l'Evangile n'est-il pas de faire le bien gratuitement, et non pas dans le but intéressé d'obtenir une éventuelle récompense dans l'autre monde.

Mais je pense qu'une telle foi serait quand même une foi incomplète : l'annonce de la résurrection et de la vie éternelle est réellement centrale dans l'Evangile. La vie éternelle est indissociable d'une certaine conception de l'être humain, et du sens de l'existence. Mais on n'est pas obligés de la concevoir d'une façon enfantine où l'on se retrouverait « là haut », à peu près comme ici bas, comme des gens qui se serreraient la main dans un Paradis qui serait un grand salon mondain. Il y a en fait bien des manières de croire à la vie éternelle.

Au minimum, il y a ceux qui pensent que même après leur mort, ils laisseront quelque chose par les œuvres qu'ils auront faites et par ce qu'ils auront pu transmettre. Certes, cela peut sembler bien faible, mais ce n'est déjà pas rien : Cela va dans le sens de ce verset de l'Apocalypse : heureux dès à présent ceux qui meurent dans le Seigneur, oui, dit l'esprit, ils se reposent de leur peine et leurs œuvres les suivent... (Apoc 14 :13). Et puis cela suppose une conception très chrétienne de la vie, celle-ci n'étant pas faite d'abord pour consommer le monde, mais pour servir, pour agir, pour donner aux autres. Comprendre que notre vie n'a de sens que dans la mesure où elle se tourne vers les autres, vers le monde, c'est déjà se positionner dans une certaine vocation qui est la vocation première de l'homme créé à l'image de Dieu, pour être co-créateur avec lui, en s'oubliant soi-même pour se donner à sa mission. Se poser ainsi la question de savoir ce que l'on laissera derrière soi dans le monde est la première des bonnes questions que l'on peut se poser, et cela tourne irrémédiablement la vie dans le sens de l'Evangile en faisant sortir de son propre égoïsme.

Mais je crois que pour l'Evangile, la vie éternelle est plus que ce que l'on laisse derrière soi, elle est une dimension intrinsèque de notre propre existence, et même celui qui n'aurait rien pu faire ou rien laisser derrière lui parce qu'il n'en avait pas les moyens a en lui une dimension éternelle. Mais quelle est cette « vie éternelle », la réponse est complexe, en effet, le Nouveau Testament n'est pas univoque à ce sujet.

On trouve, il est vrai des passages évoquant l'idée d'une résurrection après la mort physique pour un autre monde (après éventuellement un jugement dernier, comme on l'enseignait au Moyen-Âge), mais ces passages, sont, en fait, relativement rares. On trouve, dans le Nouveau Testament une autre conception des choses, l'Evangile de Jean, en particulier, et aussi Paul, présentent plutôt la vie éternelle comme une dimension particulière que peut trouver notre vie d'ici-bas, dimension qui transcende notre nature purement animale et ne meurt donc pas, mais demeure toujours. Cette dimension spirituelle qui constitue, je crois, notre vie éternelle apparaît par ce que Jean appelle "la nouvelle naissance" et Paul appelle ça : la « résurrection ». Elle peut grandir, et c'est elle qui demeure, même après la mort physique.

C'est ainsi que Jésus dit: Je suis la résurrection et la vie, celui qui croit en moi vivra, même s'il meurt (Jean 11:25) et: En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui écoute ma parole, et qui croit à celui qui m'a envoyé, a la vie éternelle ... il est passé de la mort à la vie (Jean 5:24). Ces paroles ne nous promettent pas la vie éternelle au futur, mais au présent : celui qui croit, il a, (maintenant) la vie éternelle. Et de la résurrection, il est question au passé : celui qui croit est (déjà) passé de la mort à la vie. Paul, de même ne dit pas "vous ressusciterez... après votre mort physique", mais bien: Vous êtes ressuscités avec Christ (Col 2:11-13, Eph 2:1-5 etc...). La résurrection pour Paul est quelque chose que nous pouvons expérimenter de notre vivant, afin que nous passions de la mort spirituelle d'une vie pécheresse, à la vie éternelle qui est de vivre avec Christ. Il ne s'agit absolument pas d'un futur merveilleux hypothétique.

Il est vrai qu'il est difficile de concevoir ce qu'est l'éternité parce que dans ce monde matériel, il n'y a rien d'éternel. Mais précisément, croire en Dieu c'est croire que la réalité ne se limite pas à ce qui est matériel et visible. Il y a des choses essentielles qui sont de l'ordre de l'invisible, qui ne peuvent ni s'acheter ni se vendre. Nous faisons l'expérience que, dans une vie humaine, la dimension animale a certes de l'importance mais qu'elle n'est pas tout, et qu'elle n'est même pas l'élément capital, il y a en chaque être une dimension de la qualité, de la profondeur de l'être qui est invisible, au delà du matériel et qui est essentielle. On peut croire que c'est justement ce qui dans notre vie est au delà du purement physique qui est l'éternel. Cette dimension qui n'est atteinte ni par l'âge, ni par la maladie, ni par la pauvreté, et je crois ni par la mort qui est notre « vie éternelle ». Et cette vie est « éternelle » non pas en ce qu'elle durerait très très longtemps, mais en tant qu'elle est au delà du temps, elle est d'une autre nature. La science nous dit que le temps et la matière sont étroitement liés, et qu'ainsi quelque chose qui n'est pas matériel est hors du temps. Paul dit d'ailleurs la même chose en 2Corinthiens 4 : nous regardons non pas aux choses visible, mais à celles qui sont invisibles, car les choses visibles sont pour un temps, et les invisibles sont éternelle.

La vie éternelle que nous propose le Christ n'est pas une vie matérielle qui serait rétablie un jour dans le futur pour durer indéfiniment. La vie éternelle est la dimension spirituelle de notre être qui se forme pendant la vie de notre corps, une dimension au delà du matériel et, au delà du temps.

La vie éternelle est ainsi quelque chose qui est déjà présent en nous, qui se construit, se greffe sur notre vie physique passagère pour être propulsée dans l'éternité. Notre vie physique est comme le lanceur d'un précieux satellite, elle a sa fonction provisoire, mais n'est pas l'essentielle, elle porte la dimension spirituelle, mais celle-ci continue sa course une foi lancée pour aller au delà. C'est bien ce que dit l'apôtre Paul, en 1 Corinthien 15 : « ce n'est pas le spirituel qui est premier, c'est le corporel, mais pourtant, c'est le spirituel qui est essentiel et qui demeure ».

Une autre façon de concevoir cette dimension éternelle de notre vie nous est aussi offerte par l'apôtre Paul dans ce célèbre chapître 13 de sa première lettre aux Corinthiens. Il y affirme que tout passera sur Terre, mais que trois choses demeurent : la foi l'espérance et l'amour la plus grande étant l'amour (v13). Voilà peut être aussi de quoi est constitué la dimension éternelle de notre vie : c'est l'amour que nous avons vécu, l'amour partagé, l'amour reçu. C'est cela et seulement cela qui est éternel dans nos vies. De chaque existence, Dieu moissonne l'amour qui s'y est trouvé, la gratuité, le don de soi, l'accueil. C'est cela qui est le poids, la gloire de chaque existence, et ce qui lui donne son sens. On pourrait dire autrement que nous ne sommes vraiment riches non pas de ce que nous possédons, mais de ce que nous avons donné. Ce que nous possédons, on peut nous le reprendre, et la mort nous le reprendra, mais ce que nous avons donné, personne ne peut nous le prendre, c'est une valeur, une richesse éternelle.

Ainsi, je ne sais pas si nous nous retrouverons comme ici bas dans l'autre monde, mais je crois que nous restons toujours en lien avec ceux que nous avons aimé. D'une façon un peu symbolique on pourrait donc dire que nous ne retrouverons que ceux que nous avons aimé, et seulement eux, parce que ce qui demeure, c'est le lien d'amour. Ou il serait plus juste de dire que nous ne « retrouverons » pas ceux que nous avons aimé, mais que nous « resterons » uni à eux comme nous le sommes aujourd'hui.

Cette dimension éternelle de notre être est d'une toute autre nature que notre vie physiologique. Or sans doute que beaucoup de ceux qui rejettent toute idée de vie après la mort ne le font que comme ces Sadducéens à partir d'une vision quelque peu enfantine de la vie éternelle. Jésus leur répond bien en disant que s'il y a une vie après la mort, elle n'est pas de la même nature que celle d'ici bas. C'est aussi ce que dira Paul quand il parle d'un corps céleste qui est le corps de la résurrection, qui est d'une autre nature, qui n'a rien à voir avec notre corps animal. (1 Corinthiens 15:35ss). Nous ne pouvons évidemment parler de cela qu'en termes imagés, mais il faut prendre garde à la naïveté qui peut être un obstacle à la foi de certains.

Il est vrai qu'une telle conception de la vie éternelle se rapproche d'une certaine manière de l'idée de l'immortalité de l'âme. Mais il s'agit pourtant bien d'une « résurrection » parce qu'il y a en Dieu une puissance de relevée, une force qui peut redonner la vie même à ceux qui seraient au plus bas. La vie éternelle n'est pas forcément le résultat d'un effort personnel de spiritualisation, et de perfectionnement, mais elle peut être reçue quand on s'ouvre par la foi à la puissance de vie qui est en Dieu.

Quelle est l'importance pour nous de cette croyance dans la vie éternelle et la résurrection ? Elle est considérable. Elle veut dire que l'homme n'est pas condamné à mort, mais qu'il est promis à la vie. Elle veut dire que comme des enfants, nous sommes en processus de croissance et de progrès, et que si notre corps se dégrade, même dans ses fonctions les plus précieuses, notre être invisible se renouvelle de jour en jour (2 Corinthiens 4 :16ss). Elle veut dire qu'il y a une dimension de l'essentiel dans l'être humain, essentiel qui est invisible pour les yeux et qui ne meurt jamais. Le Nouveau Testament a été écrit pour nous dire quelle est cette dimension.

Tout cela a des implications très concrètes dans nos choix de vie, dans nos préoccupations principales, et dans nos rapports aux autres. Cela nous permet de penser que ceux que nous aimons et qui sont morts ne sont pas seulement vivants dans notre cœur, mais que Dieu garde pour l'éternité tout ce qui est et qui a été en eux de la foi, de l'espérance et de l'amour. Cela veut dire que nous pouvons continuer à les aimer, et que nous resterons avec eux, même si notre corps meurt, puisque l'amour est plus fort que la mort. Cela veut dire qu'il y a une espérance possible, et qu'il est bon d'aimer et d'agir pour les autres sur cette terre puisque c'est cela et seulement cela qui est important, qui donne sens à notre vie, à celle des nôtres et au monde même. En effet, l'être humain n'est pas qu'un corps voué au néant, mais dans chaque être humain une dimension du divin, une dimension invisible éternelle.

C'est pourquoi nous ne perdons pas courage. dit Paul, car même si notre être extérieur se détruit, notre être intérieur se renouvelle de jour en jour. Et ainsi, nous regardons non pas aux choses visibles, mais à celles qui sont invisibles; car les choses visibles sont temporaires, et les invisibles sont éternelles. Et nous savons que si cette tente où nous habitons sur la terre est détruite, nous avons dans le ciel un édifice qui est l'ouvrage de Dieu, une demeure éternelle qui n'a pas été faite par la main de l'homme (II Cor 4-5)

Amen.

La foi dans la résurrection et la vie éternelle sont pour beaucoup un point absolument central de la foi chrétienne. Pourtant, cela ne va pas de soi, et je ne pense pas que l'on doive se forcer à tout croire sans se poser de question.

D'ailleurs, déjà du temps de Jésus, le débat était vif. On le voit ainsi répondre aux Sadducéens qui, eux, ne croyaient pas à la résurrection des morts, et qui, partant d'une conception simpliste et enfantine de celle-ci essayent de lui montrer qu'elle est absurde : Ce passage se trouve dans l'Evangile de Marc au chapitre 12, verset 18 à 27:

"Les Sadducéens, qui disent qu'il n'y a pas de résurrection, viennent auprès de Jésus, et lui font cette question: Maître, voici ce que Moïse nous a commandé:

Si le frère de quelqu'un meurt, et laisse une femme, sans avoir d'enfants, son frère épousera sa veuve, et suscitera une descendance à son frère.

Or, il y avait sept frères. Le premier s'est marié, et est mort sans laisser de descendance. Le second a pris la veuve pour femme, et est mort sans laisser de descendance. Il en a été de même du troisième, et aucun des sept n'a laissé de descendance. Après eux tous, la femme est morte aussi.

A la résurrection, duquel d'entre eux sera-t-elle la femme? Car les sept l'ont eue pour femme.

Jésus leur répondit: Vous êtes dans l'erreur, et vous ne comprenez ni les Écritures, ni la puissance de Dieu. Car, à la résurrection des morts, les hommes ne prendront pas de femmes, ni les femmes de maris, mais ils seront comme les anges dans les cieux. Pour ce qui est de la résurrection des morts, n'avez-vous pas lu, dans le livre de Moïse, ce que Dieu lui dit, à propos du buisson: Je suis le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac, et le Dieu de Jacob? Dieu n'est pas Dieu des morts, mais des vivants. Vous êtes grandement dans l'erreur."

Et au sein même du christianisme, se posait évidemment la question de savoir que pouvait bien être cette résurrection des morts qu'on promettait. L'apôtre Paul, en particulier va consacrer tout un chapitre de sa première lettre aux chrétiens de Corinthe à cette question. Voici ce qu'il dit au chapitre 15 à partir du verset 35

Quelqu'un dira: Comment les morts ressuscitent-ils, et avec quel corps reviennent-ils?

Insensé! ce que tu sèmes ne reprend pas vie, s'il ne meurt.

Et ce que tu sèmes, ce n'est pas le corps qui naîtra; c'est un simple grain, de blé peut-être, ou de quelque autre semence; puis Dieu lui donne un corps comme il lui plaît, et à chaque semence il donne un corps qui lui est propre.

Toute chair n'est pas la même chair; mais autre est la chair des hommes, autre celle des quadrupèdes, autre celle des oiseaux, autre celle des poissons.

Il y a aussi des corps célestes et des corps terrestres; mais autre est l'éclat des corps célestes, autre celui des corps terrestres. Autre est l'éclat du soleil, autre l'éclat de la lune, et autre l'éclat des étoiles; même une étoile diffère en éclat d'une autre étoile.

Ainsi en est-il de la résurrection des morts. Le corps est semé corruptible; il ressuscite incorruptible; il est semé méprisable, il ressuscite glorieux; il est semé infirme, il ressuscite plein de force; il est semé corps animal, il ressuscite corps spirituel. S'il y a un corps animal, il y a aussi un corps spirituel...

Mais ce qui est spirituel n'est pas le premier, c'est ce qui est animal; ce qui est spirituel vient ensuite.

Le premier homme, tiré de la terre, est terrestre; le second homme est du ciel.

Tel est le terrestre, tels sont aussi les terrestres; et tel est le céleste, tels sont aussi les célestes.

Et de même que nous avons porté l'image du terrestre, nous porterons aussi l'image du céleste.

Ce que je dis, frères, c'est que la chair et le sang ne peuvent hériter le royaume de Dieu, et que la corruption n'hérite pas l'incorruptibilité.